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Usage de Bernanos

Je n'ai pas été élevé par Bernanos. Pour la bonne raison que je me suis élevé par Léon Bloy, auquel Bernanos n'ajoute pas. La culture est comme les rayons des bibliothèques, où les idéologies les plus contradictoires peuvent voisiner dans la poussière. Qui ne sait que la culture est faite pour habituer et mener progressivement au cimetière, comme un lent corbillard, est métèque en France.

Le type français est beaucoup trop pragmatique pour accorder de l'importance à la culture ou l'art abstrait, où se complaisent les plus pusillanimes dévotes toute leur vie, quand elles n'y mettent pas un terme brusque avant. - Eh, l'argent ne suffit-il pas en matière d'art abstrait, Sganarelle ? L'argent conditionne la musique, et non l'inverse.

A rebours de la culture, la spiritualité pousse à se chercher un maître d'armes. Le type cultivé, lui, tourne délibérément le dos au champ de bataille. Très largement, la barbarie de l'Occident moderne tient à ce qu'il est incapable de regarder ses propres crimes en face, contrairement à ce larron que la soldatesque romaine avait crucifié à côté de Jésus. L'Occident moderne évoque la figure de Ponce Pilate. Le crime, d'accord, pourvu qu'on ait l'hygiène.

Préférant la maîtrise d'arme de Shakespeare, j'ai dû négliger Bernanos, et même Bloy. Tous les stylistes qui passent à sa portée, Shakespeare leur tranche la gorge sans pitié. Nitche n'est pas né et mort dans l'Empire, qu'il crache déjà le poison de Claudius, destiné à Hamlet, par les narines. Shakespeare n'a de pitié que pour le simple lecteur. Les étourdis prennent les révolutionnaires français pour des iconoclastes ou des briseurs d'idoles - des talibans. Tout le travail avait déjà été fait par Shakespeare auparavant, pour le compte du cavalier à la tunique ensanglantée, monté sur un cheval blanc, symbolique pour les chrétiens du triomphe de l'Esprit dans l'histoire, sur la grâce et la providence des nations païennes. La seule façon de renverser les idoles, est de le faire spirituellement.

Shakespeare ne se retourne jamais sur la civilisation, rêverie qui trahit la faiblesse de Bernanos ou Bloy, leur relâchement spirituel. Il ne s'agit pas de juger le besoin de sommeil ou de repos de tel ou tel guerrier. L'apôtre Pierre lui-même s'est trompé plusieurs fois d'épée et de combat. Il s'agit de ne pas se retourner sur la chimère sentimentale de la civilisation, presque aussi niaise que le futurisme démocratique, car ce relâchement est par où Satan et ses hordes regagnent du terrain.

Il s'agit de suivre Shakespeare dans sa percée fantastique des lignes des robots humains, leurs prothèses mécaniques. S'il y a bien un trait d'esprit français de la part de Bernanos, c'est de stigmatiser la détermination biologique imbécile de la technocratie et des technocrates, suppôts qui ont tous la formule sanguine tatouée quelque part sur le corps.


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