La supercherie du démocrate-chrétien Jacques Ellul est dans l'assimilation de l'Eglise à l'Occident. Le luthéranisme d'Ellul l'a aidé à rejeter la théorie catholique romaine de "l'Eglise-institution humaine", c'est-à-dire plus largement l'invention de l'anthropologie chrétienne au sein d'une religion révélée, ce qui constitue le plus grand et le plus catastrophique mensonge de tous les temps.
De la même façon, la débauche des papes romains inspira à Dante Alighieri une idée de l'Eglise comme "la philosophie", idée récusée par Shakespeare dans ses sonnets. Shakespeare est conscient que la philosophie naturelle de Platon dérive d'un culte égyptien rendu au système solaire, à quoi correspond le nombre de la bête 666.
Science et charité coïncident parfaitement dans le christianisme : en cela il est l'opposé des religions sociales, comme l'épicurisme, fondées sur un mépris plus ou moins affiché de la science (on voit bien que la bourgeoisie libérale a principalement le souci de ses intérêts et du commerce, non pas celui de la science).
La philosophie est une voie vers la vérité et la sainteté, pour Dante : d'où le nom de Béatrice et l'âge qu'il lui donne, coïncidant avec le moment où Dante a rejeté l'institution catholique romaine. Mais Francis Bacon, alias Shakespeare, a récusé la philosophie médiévale, et proposé de la remplacer par une science qui progresse contre l'idolâtrie, c'est-à-dire contre l'anthropologie, puisqu'elle celle-ci procède de la justification de l'homme par l'homme. Le millénarisme démocratique totalitaire n'a aucun fondement scientifique, mais c'est un opium réconfortant que les anthropologues injectent dans les veines du peuple afin de le tenir en haleine.
L'évangile indique en effet que les obstacles au progrès de l'homme vers la vérité sont identiques aux obstacles à la charité, c'est-à-dire principalement les nécessités sociales et politiques, toujours fondées sur le droit naturel et l'iniquité.
Après avoir dénoncé la subversion du christianisme par l'Eglise catholique romaine, J. Ellul accomplit la pirouette impossible de blanchir l'Occident, alors même que la détermination juridique de celui-ci est essentiellement catholique romaine. Et il décrète le message évangélique "féministe".
On voit tout le profit que la démocratie-chrétienne peut tirer de cette pirouette d'Ellul, qui consiste à asperger d'eau bénite le mobile politique le plus païen. De plus Ellul rend l'islam responsable de la trahison de l'Eglise romaine, et cette théorie est aussi faite pour plaire dans une Europe de marchands vieillis et apeurés, craignant pour leurs monopoles et leurs arcanes juridiques.
Cependant le caractère féminin de l'Occident est indiscutable. Aussi féminin que l'Orient est viril. Tous les philosophes et artistes modernes misogynes, ou presque (Baudelaire, Delacroix, Nitche), sont en même temps attirés par l'Orient. Les Allemands, souvent fiers d'être "hyperboréens", sont un peuple efféminé où les femmes dominent le plus souvent sur les hommes. L'Occident paraît correspondre à la notion de "nuit des temps", qui décrit aussi bien l'origine que la fin des temps.
Shakespeare, dans son art apocalyptique, insiste d'ailleurs sur cette notion de pâleur nocturne de l'Occident, dont l'historien verra que c'est la duplicité qui lui permet avant tout de dominer sur le reste du monde. Pratiquement, l'art occidental est un intellectualisme, ce qui explique sa faiblesse inédite, en même temps que son arrogance extraordinaire. Il n'y a pratiquement que Shakespeare à affirmer que la musique est un divertissement féminin sans grande portée artistique.
Il n'y a pratiquement d'hommes féministes que ceux qui ne peuvent s'en passer : les enfants par nécessité, les vieillards par nécessité, et les prêtres par affinité.
La dévotion religieuse excessive de l'Occident s'explique aussi du fait qu'elle est une femme. Le calcul, qui est le b.a.-ba du fanatisme religieux - on peut dire que le fanatique est constamment à la recherche de repères -, a une place bien plus importante dans l'Occident néo-païen que dans l'Orient païen.
Le camp des saint est cependant figuré dans l'apocalypse sous les traits d'une femme. Cette anti-Eve renverse l'ordre physique du raisonnement humain. L'épouse de Jésus-Christ correspond à ce que le Messie ordonne qu'elle soit, et qui est à l'opposé de la manière humaine, inconsciente et fondée sur l'illusion que l'homme a prise sur la nature.