Le décès du leader politique sud-africain Nelson Mandela est l'occasion d'un déferlement de bigoterie religieuse dans la presse capitaliste. Ce dernier adjectif s'impose, car le rôle dévolu à Nelson Mandela, comme Barack Obama, est avant tout de "blanchir" le pouvoir occidental en lui prêtant une intention fraternelle, ou celle de s'amender - bonnes intentions dont l'enfer de l'ordre mondial est pavé.
Les nègres ne servent pas seulement à faire les sales boulots dont les blancs ne veulent pas, désormais ils servent aussi de paratonnerre au néo-colonialisme.
Décriée le plus souvent dans les médias, l'éthique judéo-chrétienne continue de servir de modèle à une stratégie de tartuffes. Les partis noirs radicaux ont d'ailleurs été parmi les premiers à prendre leur distance avec Barack Obama et à distinguer non seulement l'arnaque, mais ses dangers.
D'une manière générale, cette façon de coloniser l'Afrique sans le dire ne fait qu'accroître l'irresponsabilité politique.
Je décerne la palme du panégyrique le plus crétin au philosophe kantien Luc Ferry, ô combien typique de la tartufferie judéo-chrétienne laïcisée ; ce dernier se félicite du progrès accompli en matière d'antiracisme ainsi : - Nos grands-parents, dit-il, pouvaient tenir autrefois des propos qui relèveraient aujourd'hui des tribunaux... sans d'ailleurs aucune méchanceté.
L'absurdité du propos de Luc Ferry tient à ce qu'il applique la théorie de la relativité aux valeurs morales (d'une certaine façon, il n'a pas tort, car la théorie d'Einstein n'a de sens que sur le plan moral et non physique).
Nos aïeux étaient racistes, mais pas méchants. Conclusion logique, sans doute peu kantienne : l'antiracisme est sans effet contre la haine. De fait, les manifestations de haine ne sont pas rares de la part de certains militants antiracistes. D'une certaine façon, l'invention d'un nouveau péché permet de braver l'ancienne précaution morale.
La réalité du temps de nos aïeux proches dans le temps est celle d'un colonialisme extrêmement brutal (200.000 pour rétablir l'ordre républicain en Algérie), au nom des valeurs républicaines. Bien sûr, la cause de ce colonialisme n'a rien à voir avec les préjugés racistes ; la meilleure preuve en est que les valeurs républicaines se sont imposées dans les provinces françaises avec une brutalité aussi grande.
Maintenant, disons d'où vient le préjugé raciste, historiquement. Il a bien sûr une cause juridique. Le relever permet de comprendre que ce type de préjugé n'est pas spécialement le fait des classes populaires : il fut inculqué aux classes populaires par leurs élites, afin de les associer à la défense de tel ou tel type de propriété ou de territoire. Si l'on peut entendre certains Israéliens tenir des propos extrêmement racistes, cela n'a rien à voir avec le judaïsme, mais avec le mysticisme patriotique dans lequel l'Etat israélien est englué, et par lequel il se consolide. De même l'encerclement par les Prussiens donna l'idée aux élites françaises d'inculquer au populo la haine du Boche.
Traduit par des autorités morales dont l'autorité est la plus dépourvue de légitimité, le péché nouveau de "racisme" est interprété comme "la peur de l'autre". C'est parfaitement faux, historiquement : le préjugé raciste traduit essentiellement la peur de l'autre, "en tant qu'il représente une menace pour la propriété".
Le racisme n'est qu'un préjugé ; par conséquent, en tant que tel il est superficiel et peut-être remplacé par n'importe quel autre - le sentiment de supériorité du tenant des valeurs laïques, par exemple, à l'égard des mahométans, des chrétiens ou des juifs.
L'humanisme qui repose sur l'antiracisme est donc le plus frelaté.
La tactique des idéologues libéraux, dont Luc Ferry fait partie, consiste à noyer le poisson, c'est-à-dire à occulter le fait social de la violence des riches, pointé par Jean-Jacques Rousseau, et d'autre part une erreur dont J.-J. Rousseau n'est pas exempt, bien qu'il n'a pas été témoin du développement de la violence des banquiers et des industriels capitalistes qui fonde les nations post-modernes, à savoir qu'il n'y a pas de remède social à la violence sociale ; c'est à quoi tient le mensonge particulier de l'éthique judéo-chrétienne, d'ailleurs : prétendre qu'il existe un remède social au fait de la haine sociale, alors que les évangiles disent tout le contraire.