Dans un pays comme la France où règle le culte de la littérature, qui comme tous les cultes est excessif, les chefs d'Etat sont amenés à "communiquer" leur passion dans ce domaine. On sait par exemple l'estime de de Gaulle pour l'auteur du "Génie du christianisme", le pédéraste chrétien François-René de Chateaubriand. J'insiste sur la pédérastie de l'auteur, au sens plein du terme, car elle explique pourquoi Chateaubriand trouve du génie à la religion qui en est le plus dépourvue au monde, car elle est la moins providentielle - moins encore que le judaïsme. Pour un artiste un peu plus sérieux ou un savant, le génie est en effet une maladie infantile.
Georges Pompidou avait des goûts de prof. Mitterrand disait en pincer pour Jacques Chardonne, dont l'esprit n'est guère éloigné de Chateaubriand. Jacques Chirac devait trouver trop efféminé d'étaler ses goûts.
N. Sarkozy a dit son admiration pour Céline, ce qui est plutôt habile quand on vient d'une banlieue chic, puisque Céline est le dernier grand auteur populaire, ce que l'on reconnaît notamment au fait qu'il est censuré par l'Education nationale. Pour ne pas complètement se couper de Neuilly et du financement du parti, N. Sarkozy a aussi dit admirer Proust. Difficile, là encore, de savoir s'il était sincère, mais il y a bien une commune "recherche du temps perdu" entre Proust et les politiciens modernes, c'est-à-dire une sorte d'activité paradoxale qui consiste à ne pas agir, une sorte d'autofiction pure, les politiciens étant désormais absorbés par l'élaboration de la meilleure image possible d'eux-mêmes.
N. Sarkozy a émis cet avis qu'il n'est pas nécessaire d'être homosexuel pour aimer la littérature de Proust. Du reste Proust est le type d'homosexuel décrié aujourd'hui, qui refuse de faire son "coming out" pour ne pas choquer sa mère. Cependant, s'il n'est pas besoin d'être homosexuel pour aimer Proust, il faut comme beaucoup de femmes, être fasciné par la mort, et, je dirais, une qualité de plaisir spécifique associée à la mort. En même temps qu'elle en est le produit le plus raffiné, non loin du cinéma, la littérature de Proust traduit la nullité absolue de la culture occidentale et pourquoi Nietzsche la croit condamnée à rejoindre ce néant auquel elle aspire secrètement, comme une jouissance suprême.
Ce qui manque chez Nietzsche, c'est une explication plausible de comment le prince des poètes, Satan-Zarathoustra, a pu être vaincu par une myriade de petits poètes pédérastiques occidentaux. Qu'est-ce que Satan peut bien avoir en tête quand il donne l'avantage à des guerriers-femelles, incapables d'héroïsme et qui font la guerre en appuyant sur des boutons et des gâchettes, au lieu de permettre aux valeureux guerriers arabes de triompher ? Pourquoi le triomphe de la quantité sur la qualité ? De la hyène occidentale sur le lion d'Orient ? Qu'est-ce que c'est que ce sens merdique de l'histoire ? Pour cela il faut lire les prophètes Paul de Tarse et Shakespeare, qui en savent plus sur Satan que ses lieutenants-généraux eux-mêmes. Chaque manière de faire la guerre indique un état d'esprit particulier de Satan à l'égard de ses créatures, une façon d'en disposer stratégiquement la mieux adaptée aux circonstances de la lutte.