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totalitarisme

  • Du Capitalisme au Totalitarisme

    A ma connaissance, aucun disciple contemporain de Karl Marx n'établit de lien clair et net entre le capitalisme tel que le décrivait Marx (comme une impasse de l'Histoire) et Big Brother, incarnation de l'Etat totalitaire au XXe siècle dans "1984".

    A l'inverse, il n'est pas rare que des politiciens "libéraux" se réclament de Georges Orwell, comme si Big Brother avait surgi de nulle part, dans un espace-temps indéfini. Je mets "libéral" entre guillemets, car le libéralisme, comme le nazisme ou le communisme, consiste principalement dans une propagande - le libéralisme au XXIe siècle est comparable au communisme de la période stalinienne.

    De tous les adversaires de l'Etat totalitaire au XXe siècle, la description que G. Orwell en fait dans "1984" est la plus compatible avec le matérialisme historique de K. Marx. Il n'y a pas de doute sur le fait qu'Orwell était "socialiste", tout en étant conscient que Big Brother lui-même se présente comme un Etat socialiste et/ou démocratique, c'est-à-dire paré de toutes les apparences du progrès.

    On peut décrire G. Orwell comme un homme de progrès opposé au progressisme. C'était aussi le cas de K. Marx, qui tentait de remédier par la science (le matérialisme historique) au romantisme anarchiste répandu dans le prolétariat. Des anarchistes romantiques, c'est exactement ce que sont Winston Smith et Julia. Leur échec vient de leur idéalisme.

    Les critiques du totalitarisme par Hannah Arendt (contre la culture de masse), Simone Weil (contre la physique quantique), Georges Bernanos (contre les robots) ou Aldous Huxley (contre la camisole chimique), aussi utiles soient-elles sur certains points, en particulier l'implication de la communauté scientifique dans le régime d'oppression totalitaire, ne sont pas ou peu "historiques".

    - Quelques précisions supplémentaires sur ce dernier point, car il est important : K. Marx considère l'Histoire comme l'instrument d'une prise de conscience du peuple, maintenu au niveau de la religion par la bourgeoisie, qui repose par conséquent sur une culture négationniste. Logiquement Marx fustigea les "droits de l'homme" comme l'expression de la bonne volonté de la bourgeoisie... entièrement dépourvue de bonne volonté. Il n'est pas certain qu'un libéral "critique" (par opposition au propagandiste libéral) tel que Tocqueville eût approuvé les droits de l'homme, car le concept même de "droit virtuel" ou futur est juridiquement frauduleux.

    De fait le nazisme, comme le communisme ou le libéralisme, sont des idéologies négationnistes. On peut ramener aisément le libéralisme (1950-2023) à un économisme négationniste. La tendance des néo-marxistes stériles du CNRS est d'ailleurs à faire de K. Marx un économiste, en oubliant qu'il est d'abord historien ; il combat l'idéologie bourgeoise allemande par l'économie bourgeoise britannique, puis l'idéologie à l'intérieur de l'économie.

    S'il y avait des disciples de K. Marx en France, la principale cible de leurs critiques serait l'Education nationale, principal instrument du négationnisme bourgeois. Un représentant de l'oligarchie étiqueté à droite proposa il y a quelques années de supprimer l'enseignement de l'Histoire à l'école - c'était ignorer tout ce que l'oligarchie doit au négationnisme mis en oeuvre par l'Education nationale (négationnisme dont le chapitre le moins discrètement négationniste est la légende dorée de la décolonisation).

    L'idéologie de l'Education nationale permet de comprendre l'évolution de la religion en France : elle est progressivement devenue un culte de la puissance publique ; un tel culte a commencé de devenir problématique dès lors que la France a perdu sa souveraineté (en 1940) : le "souverainisme" est une manière d'indiquer le problème sans le résoudre - une fois élus, les souverainistes deviennent "apatrides", pour se conformer aux exigences de l'économie capitaliste ; pour les mêmes raisons, le socialisme altruiste fait "psschitt !" lorsqu'il parvient à se hisser au pouvoir.

    La description de l'Etat totalitaire par A. Huxley ("Brave New World", 1932) ne peut s'articuler avec le matérialisme historique, car Huxley suppose l'Etat totalitaire capable de se développer à l'infini. De façon significative, il a extrait de son pamphlet un aspect crucial de l'histoire du XXe siècle : la course aux armements nucléaires, aspect dans lequel K. Marx aurait vu la preuve du bien-fondé de son analyse de l'économie capitaliste.

    On pourrait qualifier "Brave New World" de théorie malheureuse de la fin de l'Histoire, diamétralement opposée aux salades de Francis Fukuyama (pour citer un représentant célèbre du libéralisme totalitaire, au niveau du slogan).

    Big Brother est, au contraire, un Etat sclérosé, ayant atteint la taille critique définie par l'adage "trop d'Etat tue l'Etat". Orwell l'indique lorsqu'il explique que les élites totalitaires n'exercent pas le pouvoir politique, mais "le pouvoir pour le pouvoir" ; autrement dit la vie politique dans un régime totalitaire ressemble à une partie d'échecs : une grande partie de la politique se résume à des guerres partisanes, et la partie restante est confiée à l'administration.

    La Guerre froide entre blocs continentaux s'inscrit dans le prolongement de cette partie d'échecs, politiquement stérile. La mondialisation heureuse a lieu, dans "Brave New World", au prix de procédés ignobles qui anticipent le transhumanisme nazi ou libéral.

    La mondialisation heureuse n'a pas eu lieu dans "1984" car les empires rivaux ne peuvent effectivement pas se passer de la violence pour se maintenir en place. C'est ici le point de divergence majeur entre Huxley et Orwell. Homme de progrès, Orwell ne pouvait souscrire à la théorie totalitaire de la fin de l'Histoire, qu'elle soit optimiste (hégélienne), ou pessimiste (d'Huxley).

    Or l'embolie de l'Etat est une prédiction de Karl Marx. Il était possible de déduire du "Capital", non seulement le totalitarisme soviétique, mais aussi la mort de la démocratie aux Etats-Unis. Les Etats-Unis, puis la Russie, ont en effet connu une croissance ou un développement capitaliste plus rapide que celui de l'Europe au XXe siècle (à l'exception notable de l'Allemagne), ce qui s'explique par l'absence d'Etat ou la faiblesse de celui-ci aux Etats-Unis et en Russie. Autrement dit, détruire les institutions traditionnelles a été plus facile aux Etats-Unis et en Russie, car elles n'existaient quasiment pas dans ces Etats neufs.

    Mais la Russie et les Etats-Unis ont atteint ainsi de cette façon plus rapidement le terme du développement capitaliste paradoxal décrit par Marx, où l'Etat omnipotent, ultra-concentré, tend à la paralysie et devient ainsi de plus en plus impuissant ; le terme où la circulation des capitaux est si rapide que des escrocs de bas-étage peuvent dévaliser en un rien de temps les coffres des banques capitalistes ; le stade où la rumeur économique a valeur d'information économique.

    Le développement mystique absurde (non-pragmatique) du capitalisme décrit par Marx est bel et bien pris en compte par G. Orwell. L'Etat totalitaire décrit par Huxley est moins absurde, car ses élites dirigeantes ont pour but de faire régner l'ordre et le bonheur, coûte que coûte, quitte à rabaisser l'homme au niveau de l'animal. La violence structure Océania, bien mieux qu'une quelconque volonté totalitaire de ses dirigeants.

    En somme l'analyse de la mentalité totalitaire par Huxley est juste, la répartition des citoyens en dominants et dominés conforme au dispositif totalitaire, mais H. ne donne aucune des raisons pour lesquelles les idéologies nazie, communiste ou libérale, interchangeables, se sont imposées.

    - Il reste à éclaircir le point de la "lutte des classes" ; on objectera qu'elle n'apparaît pas dans "1984", mais la Guerre froide entre blocs continentaux, arborant chacun des drapeaux différents, mais obéissant tous à la "logique" totalitaire.

    La "lutte des classes" est un élément du matérialisme historique qui permet surtout à Marx de souligner le cours conflictuel de l'Histoire, que les élites bourgeoises s'efforcent de gommer, hier comme aujourd'hui (à travers la mythomanie de la célébration de la Révolution bourgeoise de 1789, par exemple, dont Marx montrait qu'elle n'avait en rien mis fin à la lutte entre classes).

    Marx a anticipé simultanément la mondialisation capitaliste, mieux qu'aucun autre puisqu'il en a souligné l'aspect profondément inégalitaire, qui reflète la concentration accrue du capital entre quelques mains. A cet égard il n'est pas difficile de comprendre à quoi la propagande "égalitariste" est utile : à maquiller le système capitaliste en système démocratique ou humaniste aux yeux des plus naïfs.

    Nul avènement du socialisme au XXe siècle, sous la forme espérée par K. Marx ; néanmoins les guerres mondiales entre nations industrielles et coloniales, les massacres extraordinaires de populations civiles, tant européennes qu'asiatiques ou africaines, traduisent bel et bien un développement conflictuel de l'Histoire ; elles sont la manifestation d'un capitalisme en crise, la "dette de chair" dont Shakespeare fit autrefois la contrepartie atroce de l'économie occidentale moderne.

    Le nazisme et le communisme se présentent assez nettement comme des méthodes pour étouffer les velléités d'émancipation de la classe ouvrière. Le nazisme doit sa sympathie dans une partie des élites bourgeoises hors d'Allemagne avant-guerre à cet effort pour assigner au prolétariat un but extra-révolutionnaire. Et, dès lors que le communisme fut affranchi du risque révolutionnaire par Staline, il suscita le même genre de sympathie que le nazisme dans les élites bourgeoises françaises.

    Le libéralisme, qui coïncide avec le stade néo-colonial de la "décolonisation", ne va pas sans la production d'une culture de masse. On reconnaît l'idéologie libérale derrière Big Brother, d'autant mieux qu'Orwell a situé son siège à Londres et que la presse libérale a mené une campagne de diffamation de l'auteur de "1984" (en 1996).

    Tout au plus peut-on reprocher à Marx une description trop schématique de la lutte des classes au XXe siècle. Par avance il avait répondu qu'un mouvement de libération n'est pas un algorithme.

    "Big Brother" est une description du totalitarisme comme un capitalisme figé, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, semblable à une gigantesque machine rouillée, dont la principale force tient dans sa capacité à méduser l'opinion publique et à faire régner le chaos au lieu de l'ordre.

  • Orwell et la "crise sanitaire"

    Article corrigé (4 févr. 2022) sous forme de fichier pdf à lire ici.

  • Du Totalitarisme

    Pour un disciple de Karl Marx, le "totalitarisme" peut se définir comme la formule chrétienne de la dictature.

    K. Marx a ainsi immédiatement dénoncé les "Droits de l'homme" comme une ruse bourgeoise impérialiste ; "bourgeoise" c'est-à-dire chrétienne.

    K. Marx écrit ainsi : "La démocratie est à tous les autres régimes politiques ce que le christianisme est à toutes les autres religions."

    K. Marx sait-il que le "christianisme" dont il parle est satanique, contrecarrant l'avertissement divin : "Mon Royaume n'est pas de ce monde." ?

    Intéressons-nous plutôt à Shakespeare, vers qui Marx remonte comme Freud remonte à Platon.

    - Shakespeare est à la fois plus difficile et plus simple que Marx. Plus difficile, car notre époque en proie à l'intellectualisme a pris ses distances avec les récits mythologiques qui formaient le socle de la culture et de la sagesse antiques.

    La culture bourgeoise est une culture romanesque, privée de mythologie... Shakespeare est isolé au sein de la culture bourgeoise comme Hamlet est isolé au Danemark.

    On peut définir l'art de Shakespeare comme l'inverse de l'art cinématographique ; Shakespeare n'a rien de fascinant. La culture et la critique littéraires bourgeoises ont donc creusé un fossé entre Shakespeare et l'homme moderne.

    Cependant Shakespeare est plus simple que Marx car la mythologie va à l'essentiel. Shakespeare est beaucoup moins démonstratif que Marx. Shakespeare se débarrasse de l'intellectualisme en le caricaturant sous les traits de Polonius et en l'expédiant dans l'au-delà d'un coup d'épée.

    Il y a de nombreux points de correspondance entre Homère et Shakespeare, néanmoins Homère n'a pas connu la Révélation ; il n'a connu que l'Ancien testament.

    Francis Bacon explique d'où le mythe tire sa force et pourquoi il n'est pas démodé. Le théâtre de Shakespeare s'avère l'oeuvre laïque chrétienne la plus anticléricale de l'Occident moderne. Il est difficile de ne pas y voir la main de F. Bacon.

    - L'athée Georges Orwell a donné dans la fable "1984" une description assez précise du gouvernement totalitaire. Cette fable souligne le rôle décisif joué par les intellectuels dans la dictature socialiste de "Big Brother". Les intellectuels contribuent notamment à élaborer une "culture-opium" et à concevoir la "novlangue", qui ramène le langage humain au niveau d'un simple outil de communication animal.

    La foi chrétienne dispose mieux que l'athéisme à voir dans le totalitarisme un satanisme, c'est-à-dire non pas une simple dictature destinée à assurer la domination d'une petite élite sur une majorité d'hommes soumis (dans ce cas la dictature ne se présenterait pas sous la forme paradoxale ou complexe décrite par Orwell), mais un régime disposé et orienté contre la foi chrétienne, c'est-à-dire contre la Révélation.

    Bien qu'il soit athée, la réaction d'Orwell s'explique (il l'explique lui-même ainsi) par sa volonté de ne pas sombrer dans la folie ; Orwell est conscient qu'il n'y a pas de raison humaine autonome.

    La "Vérité", avec tout ce qu'elle suppose d'ardu et de risqué pour l'homme, a pour Orwell comme pour Marx une importance capitale.

  • Dans la Matrice

    Quelques moralistes athées décrivent bien le totalitarisme ; expliquant, par exemple, qu'il procède de la ruse plutôt que de la violence, contrairement à la tyrannie antique.

    G. Orwell caricature ainsi la tendance du discours totalitaire à vider complètement les mots de leur sens : "La guerre c'est la paix, l'esclavage c'est la liberté, l'ignorance c'est la force." On peut ajouter à la liste : "La censure, c'est la liberté d'expression."

    La ruse est une "douce violence" : en sont particulièrement victimes et la répandent autour d'eux les agents du capitalisme dont l'existence ressemble à un long étouffement entrecoupé d'orgasmes, traversée de rares éclairs de conscience.

    Le procédé totalitaire a donc assez bien été décrit et analysé ; mais le propos des moralistes athées est descriptif et se heurte comme à une énigme à la motivation profonde de cette nouvelle manière de tyrannie plus pénétrante.

    Seuls les chrétiens comprennent ce qui se trame vraiment, et c'est probablement Shakespeare qui l'a le mieux exposé. En effet la culture totalitaire opère le renversement le plus radical que l'on puisse concevoir du commandement évangélique d'obéir à l'Amour.

    J'énumère sur ce blog plusieurs exemples, mais il n'est que d'examiner la culture au sujet de l'amour, justement, pour le constater.

    Tandis que la culture antique ignore l'amour ou presque -on pourrait dire qu'elle ne le connaît que sous la forme du lien le moins social qui soit, c'est-à-dire l'amitié-, a contrario il n'y a presque rien dans la culture totalitaire qui ne soit justifié par le désir, déguisé en amour.

    Cet amour-là, parfaitement contrefait - l'amour de Juliette pour Roméo, et de Roméo pour Juliette, l'amour d'Ophélie pour Hamlet, l'amour de Laërte pour sa soeur, l'amour d'Othello, etc., Shakespeare n'en a pas souligné la contrefaçon par hasard, mais parce qu'il permet de déceler l'antichristianisme.

    Un autre indice qui ne trompe pas, c'est le rôle subversif de premier plan joué par de soi-disant chrétiens dans la culture totalitaire. Quiconque affrontera la démocratie-chrétienne se rendra vite compte que cela revient à affronter Satan en personne - dont les démocrates-chrétiens affirment (on les reconnaît notamment à ce signe) qu'il n'existe pas.

    En effet les évangiles et l'Apôtre -Shakespeare dans ses pas- ont prévenu les chrétiens que l'Antéchrist vient de l'intérieur de l'Eglise.

     

  • Dans la Matrice

    La science des régimes communistes, c'est l'Histoire.

    La science du régime nazi, c'est la Biologie.

    La science des régimes libéraux, c'est l'Economie.

    Importance de la pseudo-science au stade totalitaire, qui joue le même rôle que les religions au stade précédent.

    Le hasard s'introduit dans les consciences par le biais de ces pseudo-sciences, prenant la place occupée auparavant par la providence. Le hasard révèle la nature anthropocentrique des pseudo-sciences totalitaires, par conséquent largement anti-expérimentales.

  • Saint Marx

    Saint Marx veut nous tirer du rêve où la bourgeoisie a ses racines et les actionnaires de la bourgeoisie veulent emprisonner l'humanité.

    A la suite de Shakespeare, Marx est un briseur de rêve, un massacreur d'Avenir, là où la bourgeoisie se trouve enracinée. Coupez la bourgeoisie de ce pieux mensonge qu'est le rêve, et elle se mettra à convulser.

    Tenez-en pour preuve que le rêve et l'argent sont deux plans identiques, et voyez ce qu'une petite saignée d'argent entraîne dans les régimes capitalistes : ils commencent déjà à se faire dessus.

    L'Etat soviétique a immédiatement rétabli le rêve dans ses droits. Tandis que l'Eglise romaine théorisait le paradis au-delà, le parti soviétique a théorisé le paradis sur terre et l'a appelé "socialisme". Non pas Marx ; Marx est resté fidèle à la science.

    "Le Capital est le principal ennemi du Capital." : ce qui est valable pour le Capital est valable pour le Totalitarisme, dont le capitalisme représente la raison sociale, l'impulsion nerveuse.

    Autrement dit, le totalitarisme trouve en lui-même son point de rupture ; il vient de la tension extrême à laquelle la rhétorique du mensonge est soumise.

    On ne peut avoir une vision d'ensemble du totalitarisme, cette barbarie qui s'avance au nom de la culture et du progrès, de la démocratie, si l'on ne comprend pas quel est son mobile. Si Marx n'est pas loin de le cerner, c'est en raison de ses références bibliques.

  • Dans la Matrice

    Une expression à la mode, "réalité augmentée", est typique du lexique totalitaire. En effet la technologie n'améliore pas la perception de la réalité : elle ne l'augmente pas mais l'altère.

    Il faut ajouter que c'est dans le domaine de la science que cette altération est la plus grave : les outils de plus en plus puissants et précis au service de la science ne permettent pas de mieux percevoir la réalité dans son ensemble. Ces outils performants sont aussi trompeurs que les sens dont l'homme est naturellement dotés.

    Les outils technologiques sophistiqués permettent de mieux voir les détails, mais ils ne sont d'aucune utilité pour traduire la réalité cosmique de façon intelligible.

    Prenons un exemple : "l'infini", qui n'est au départ dans le langage des mathématiciens que la manière de désigner ce qui est difficilement quantifiable, tant spatialement que temporellement, a pris peu à peu dans les régimes technocratiques le sens d'une valeur définissable, puis certaine, et perdu sa signification "en creux". L'outil a ainsi contribué à abolir des limites fondées autrefois sur l'expérience.

    La tâche de l'ingénieur, du concepteur des nouveaux outils de la science, est beaucoup plus abstraite que celle du savant, au sens strict, qui s'efforce au contraire de se rapprocher de la réalité, dont l'homme est éloigné à cause du défaut ou de la marge d'erreur de ses sens.

    Cette altération de la réalité par les outils et le discours technocratique est aussi observable en divers points tel que celui-ci : la science technocratique a opéré sa jonction avec la science-fiction, dont le but courant est de divertir. Autrement dit, l'expérience a une part très réduite dans la science technocratique. Beaucoup de lois et de propriétés de la physique moderne ont un usage industriel et technologique, mais elles ne rendent compte de la réalité physique globale que d'une façon très parcellaire.

    Le savant technocrate moderne n'est pas exactement aveugle, mais les lunettes qu'il porte indiquent bien la focalisation excessive de son attention sur tel ou tel détail, qui l'empêche d'avoir conscience de l'ensemble.

  • Rêveuse bourgeoisie

    On peut résumer le mobile de la culture bourgeoise à l'incitation au rêve ; l'objectivation de la culture bourgeoise est le développement sans fin de la technologie (le progrès tend vers une fin, contrairement au "développement") ; aux gadgets technologiques, il faut ajouter les gadgets intellectuels comme la théorie de la relativité d'Einstein, et de nombreuses théories adjacentes, dont le caractère onirique est remarquable, au point que l'on devrait parle de "science surréaliste".

    Ainsi la culture bourgeoise renferme la recette du totalitarisme, dont la tournure d'esprit est médiévale. Ainsi, lorsque G. Orwell fait observer que les lunettes de l'intellectuel ne lui permettent pas de distinguer les effets du totalitarisme, on peut compléter cette remarque en disant que l'intellectuel est une invention du moyen-âge.

    Tous les détracteurs ou critiques de la culture médiévale, tant sur le plan artistique que scientifique, philosophique ou religieux, ont écrit un chapitre pour fustiger l'intellectualisme.

    Dans la culture médiévale, comme dans la culture bourgeoise ou dans les régimes totalitaires, l'intellectuel joue le rôle crucial qui consiste à entretenir l'illusion du progrès.

  • Daech, marionnette des USA ?

    Certains voient la main des services secrets américains derrière le califat (Etat islamique) qui menace l'existence sécurisée des élites européennes. Les mêmes soupçons ont été formulés naguère à propos du réseau terroriste dirigé par Ben Laden, en raison d'accointances prouvées entre le gouvernement américain et la résistance afghane à l'URSS, ainsi que par la peine de mort appliquée au chef de guerre terroriste.

    A ces soupçons les élites politiques répondent par un mot : complotisme, même si la théorie de la théorie du complot semble parfois aussi superficielle que telle théorie du complot.

    La première remarque à faire est que la "théorie du complot", en général, est un thème très largement en vogue dans le cinéma ou la culture de masse occidentale en général. On ne peut sérieusement opposer la science à la théorie du complot dans le cadre d'une culture reposant largement sur le divertissement.

    D'une certaine façon, la théorie du complot est une réponse populaire à une culture de masse produite par les élites politiques et morales des nations occidentales. A certains égards, la théorie du complot est l'expression d'une forme de mécontentement populaire vis-à-vis des élites.

    - La seconde remarque est qu'il convient d'envisager la politique aujourd'hui, non pas à l'échelle d'une nation ou d'un continent, mais du monde, c'est-à-dire d'une manière dont Marx avait prévu dès la fin du XIXe siècle la plupart des conséquences, dont les inévitables conflits meurtriers entre nations capitalistes du XXe siècle, qui font partie intégrante de l'évolution de l'économie capitaliste (quel historien ou quel économiste pourrait exclure la guerre du processus économique, hormis un propagandiste à la solde d'un régime totalitaire ?).

    Or la politique est comme un jeu de poupées russes, emboîtées les unes dans les autres. Sur le plan politique, le nouveau califat édifié contre l'Occident requiert l'Occident pour se développer, et les nations occidentales requièrent le califat ou une forme d'opposition violente afin de justifier leur structure totalitaire (totalitaire parce que, comme nous l'avons démontré ailleurs, soumise à l'arbitraire d'élites actionnaires de l'Etat, disposant de moyens de propagande extraordinaires). Si l'Etat islamique n'existait pas, il faudrait que les nations occidentales l'inventent.

    La question de savoir si le califat est une marionnette directement actionnée par les Etats-Unis n'est donc pas essentielle. C'est une question de cinéma. On se demandera plus utilement quelle est la plus grosse poupée, matrice de la seconde ? Et, de ce point de vue, il est assez évident que le totalitarisme est un problème plus vaste et plus profond que celui posé par l'Etat terroriste islamique. Il est assez évident que les terroristes ont appris de l'Occident leurs méthodes de combat ultra-modernes.

    - La troisième remarque est pour insister sur la démarche politique moderne, qui lie le sort des peuples soumis à cette politique au hasard, et pour cette raison ne paraît pas une politique très préméditée. Si l'Etat moderne est un pachyderme, sa vue est très courte, comme l'éléphant. L'inertie de l'Etat, y compris lorsque celui-ci est paré du déguisement de "l'esprit d'initiative libéral", a tendance à faire paraître le complot peu crédible d'une manière générale. Une politique hasardeuse n'en est pas une, de même qu'un complot hasardeux n'en est pas un au sens strict ; d'où le climat de complot et de paranoïa général.

    On doit ici s'interroger sur la notion d'élite intellectuelle moderne, et l'ouvrage de cette élite. En creusant la question de l'utilité de ces élites, on aboutira assez vite à cette observation de George Orwell de la convergence de l'intellectualisme et du totalitarisme, de sorte que l'on peut définir l'intellectualisme comme le contraire de l'esprit critique ; l'intellectuel est un "homme de religion" et non "un homme de science". Quelle tâche l'intellectuel accomplit-il aujourd'hui, si ce n'est empêcher d'une manière ou d'une autre que l'on dise du mal des intellectuels ? La religion de la science est la dernière chose que les intellectuels remettront en cause, alors même qu'elle est au coeur de ce qu'il est convenu d'appeler "totalitarisme". Pourtant l'esprit de la science est rebelle à celui de la culture ou de la religion.

    Il y a là un mystère plus sérieux et plus profond que celui de l'impuissance de l'Etat moderne à ne pas dépendre de la démagogie et de gigantesques mouvements de foules - ou du moins peut-on dire que le coeur du mystère est sans doute là.

    - On peut se demander enfin si la culture islamique et la culture occidentale moderne diffèrent aussi radicalement que les djihadistes et les tenants de la culture moderne le prétendent - et la réponse est non. D'une part parce que la religion mahométane et la religion catholique romaine sont de même nature hybride, mélangeant références bibliques et "droit naturel" platonicien (on peut lire sur le point de la convergence de l'islam et du catholicisme les essais de J. Ellul ou R. Guénon, qui la démontrent, qui pour la critiquer, qui pour s'en féliciter) ; d'autre part parce que les "valeurs laïques républicaines modernes" ne sont qu'une adaptation ou une transposition des valeurs catholiques romaines.

     

     

  • Terrorisme et totalitarisme

    Le terrorisme est le paravent du totalitarisme.

    Au sujet du totalitarisme j'ai lu Marx, Orwell, Arendt, et quelques autres... Aucun n'aborde la question de l'islam. C'est bien plutôt le problème de l'échec de la révolution terroriste qui est abordé, et de la métamorphose de la révolution terroriste en Etat de droit totalitaire qui est intéressante (l'Etat napoléonien en France, par exemple).

    Le djihad est un mouvement réactionnaire, dans la mesure où il prône le retour à un ordre social ancien ; il est moderne dans la mesure où il est terroriste et révolutionnaire, tirant son efficacité de moyens de lutte modernes. En ce sens, le nouveau califat qui menace l'Occident est un Etat moderne occidental - son succès dépend de sa capacité à imiter des méthodes terroristes qui ont contribué au renversement de l'ordre ancien en Occident.

    Si le djihad était vraiment réactionnaire, les djihadistes utiliseraient des cimeterres et non des kalachnikovs ; il se priverait de l'aide des femmes et des enfants, que les guerres modernes totalitaires ont contribué à impliquer. Il n'userait pas de moyens de propagande sophistiqués. Surtout, le djihadisme n'a pas inventé l'ingrédient qui fait sa force : la peur de mourir qui règne au sein des régimes totalitaires, fragilité émotionnelle entretenue par les médias audiovisuels, qui disposent en l'occurrence du pouvoir religieux. Ne nous étendons pas ici sur cette "peur de mourir" ; disons seulement qu'elle est paradoxale au point d'être parfois une motif de suicide. Contentons-nous de souligner la fonction et l'usage particuliers de la mort dans la culture moderne, sur le plan "existentiel" et donc économique.

    C'est la raison pour laquelle on peut examiner le problème du totalitarisme moderne de façon complètement indépendante de l'islam. L'islam n'est qu'un prétexte, utilisé à la fois par les chefs djihadistes pour promouvoir leur combat révolutionnaire, et d'autre part par les représentants des nations totalitaires ; ceux-ci occultent ainsi l'oppression qui découle de l'Etat de droit moderne, dont certains symptômes sont observables parmi les jeunes gens soumis à cet Etat de droit.

    La culture de masse est, par exemple, une forme d'oppression caractéristique des régimes totalitaires, qui fait des victimes bien au-delà des seuls Occidentaux dont l'aspiration au divertissement est stimulée de cette façon.

    Bien qu'ils n'abordent pas la question de l'islam, Marx, H. Arendt, Orwell, S. Weil, sont toujours autant d'actualité pour tenter de comprendre les tenant et aboutissant de la violence moderne.

    - A cela il faut ajouter que les mathématiques modernes constituent le schéma-type du raisonnement totalitaire moderne, ce que Marx, Arendt, Orwell ou S. Weil ont tous entrevu. Aucune raison d'ordre moral, politique ou pratique, ne justifie l'apprentissage des mathématiques modernes au point où ils sont enseignés aujourd'hui dès le plus jeune âge. Seule une volonté religieuse préside à un tel décret de l'Etat. De même le caractère scientifique des "sciences humaines", de plus en plus envahissantes, est le plus improbable. 

  • Dans la Matrice

    L'idéal de jouissance féminin est un idéal sécuritaire ; ainsi l'Etat moderne totalitaire semble-t-il un dieu taillé à la mesure des femmes, tandis que la nature et son imitation fondaient une culture plus virile.

    Mais le droit moderne a beau faire croire qu'il se détache des contingences naturelles, se faire promesse d'égalité, il est cependant tributaire de la nature. Le droit moderne est rattachable à la nature, comme la mort se rattache à la nature : tout en paraissant blasphémer contre la nature, la mort en fait partie. Le caractère artificieux de la culture occidentale moderne est aussi analogue au rêve, dont les anciens mythes (Narcisse) indiquent la proximité avec la mort.

    C'est pourquoi l'on peut associer l'Etat moderne totalitaire au dieu Pluton. La mythologie antique est un meilleur moyen d'élucidation du monde que les mathématiques modernes.

     

     

  • Du nazisme au libéralisme

    "Le Travail rend libre" : cette devise au fronton des camps de la mort nazis définit le projet commun aux différentes versions du totalitarisme que sont le nazisme, le communisme et la démocratie-chrétienne. Je cite ces idéologies dans l'ordre croissant de dangerosité. Cette dangerosité se mesure, non pas quantitativement, au nombre de victimes humaines, pratiquement incalculable en raison de l'enchevêtrement des causes qui mènent à la guerre, mais à la proportion de mensonge dans ces idéologies. L'idéologie nazie est-elle plus raciste ou darwiniste que le communisme ou la démocratie-chrétienne ? Non ; on voit que le communisme, comme l'idéologie démocrate-chrétienne, font place à l'idée selon laquelle la compétition entre les hommes serait un facteur de progrès de l'humanité.

    Or la démocratie-chrétienne est excessivement mensongère au regard du communisme et du nazisme. Ainsi la démocratie-chrétienne dissimule qu'elle est un athéisme, ce que le communisme ne cache pas à ses adeptes.

    La première raison du quidam moderne de méconnaître l'affrontement de forces supérieures à travers l'histoire est sa peine à jouir. Cette difficulté, relativement inédite dans l'histoire (comme le féminisme), explique largement que l'homme ne parvienne pas à s'intéresser à autre chose qu'à lui-même. La preuve par la psychanalyse, médecine de l'âme qui touche particulièrement les femmes : cette "science humaine" se serait éteinte depuis longtemps, si son objectif avait été atteint de remédier à la peine à jouir de l'homme moderne, encouragé à se conformer au modèle sexuel de la passivité et du masochisme.

    Si le nazisme est sans cesse inculpé, et de façon parfaitement incohérente (en l'absence de définition sérieuse de ce qu'est un juif), principalement en raison de son antisémitisme, le but assez évident est de blanchir la culture bourgeoise moderne du fait de génocide ou de massacre perpétré sur une minorité sans défense. Il s'agit avec l'antisémitisme, pour les docteurs de la loi morale, de faire diversion.

    En effet, dès lors que vous refusez d'admettre comme un dogme que "Le travail rend libre", où un connaisseur de la mythologie juive ou chrétienne reconnaîtra le renversement parfait de la spiritualité chrétienne ou juive, vous cessez d'être un homme moderne. Cherchez pour voir une femme qui ne vit pas sous l'empire de ce dogme, pour ma part je n'en ai jamais rencontré une telle vivante.

    Ce rejet de la culture moderne est, curieusement, le double fait de suppôts de Satan tel Nietzsche, et des chrétiens authentiques, qui refusent d'accorder à quelque ordre établi que ce soit, y compris celui cautionné par un étrange pape, coiffé d'une mitre et portant une crosse, une quelconque valeur spirituelle. Si nous, chrétiens, devons maudire la démocratie-chrétienne, c'est à cause de sa prétention spirituelle, de la concurrence que cette spiritualité truquée fait à la parole de dieu.

    Le libéralisme/démocratie-chrétienne propose l'alternative suivante au nazisme : "Le sexe rend libre". Je n'accuse pas en vain la démocratie-chrétienne, puisque celle-ci, actionnée surtout par des femmes, s'efforce de restaurer la légitimité de la chair. Le sexe au lieu du travail : il s'agit de la même fonction, vue sous un autre angle. Le point de vue du consommateur est substitué à celui du producteur. Dans les deux cas, il s'agit de faire croire que l'homme peut être libre sans renoncer au péché, c'est-à-dire aux vains efforts de l'homme pour rendre la chair spirituelle, en particulier de l'homme moderne, sous l'impulsion du clergé romain.

  • Tout est sexuel

    Le fameux axiome de S. Freud est exemplaire de la mentalité germanique (il ne faut pas oublier que Freud est explicitement antisémite comme Nietzsche ; c'était, comme on a coutume de dire, un juif "assimilé", c'est-à-dire qu'il n'était pas juif au regard de la Bible).

    - Exemplaire aussi de la mentalité bornée de certains savants biologistes du XIXe siècle ; bien sûr il n'est pas difficile d'établir que le sentimentalisme n'est que l'illusion de l'amour, et qu'il est, lui aussi, enfermé dans le cadre biologique ; le sentimentalisme est la sexualité des impuissants sexuels ; mais le sentimentalisme n'en constitue pas moins une faiblesse ou une tare, du point de vue biologique, difficilement explicable par les lois de la biologie.

    - bien sûr l'hypothèse de l'évolutionnisme et du transformisme n'est pas loin, car pour avaler cette science peu expérimentale, il faut effectivement penser que "tout est sexuel", pour l'homme autant que pour l'animal.

    La psychanalyse et le darwinisme sont donc deux philosophies naturelles qui contribuent au totalitarisme et, contrairement à un préjugé répandu en France, la psychanalyse et le darwinisme sont très loin d'être des sciences "athées" ou même "anticléricales". La doctrine antichrétienne et néo-païenne de Nietzsche fournit ainsi peu d'appui au darwinisme. Dans de nombreux discours, le pape allemand Ratzinger a apporté sa caution à la psychanalyse, quand bien même la drogue et l'alcoolisme ravagent les Etats-Unis, nation la moins suspicieuse dans le caractère véritablement scientifique de la psychanalyse.

    Il est important pour les authentiques juifs ou chrétiens, au contraire de la racaille des faux témoins soi-disant "judéo-chrétiens", de se démarquer de la psychanalyse, morale néo-païenne adaptée à nos régimes technocratiques, et par conséquent peu dissuasive contre l'aliénation de l'individu à des systèmes grégaires technocratiques.

    Si l'idée de "liberté sexuelle" est répandue par le clergé dans les régimes totalitaires libéraux, c'est précisément parce qu'il n'y a pas de liberté sur le terrain sexuel ou biologique, et que c'est une méthode efficace pour faire obstacle à la liberté d'inciter à la chercher là où elle n'est pas.

     

  • Tolstoï contre Shakespeare

    Bien plus que le marxisme, l'idéologie de Tolstoï coïncide avec la politique du régime soviétique. Ce dernier fut contraint à ses débuts de composer avec les masses paysannes et de leur accorder le partage des terres auquel la monarchie orthodoxe tsariste s'opposait. Lénine a eu l'intelligence ou la ruse de ne pas se mettre à dos la paysannerie, contrairement au nouveau pouvoir républicain en France, issu de la crise du régime monarchique de Louis XVI qui renonça à amadouer les paysans et préféra les affronter.

    Tolstoï rêvait d'une réforme agraire, préalable à une révolution sociale. Beaucoup d'idées socialistes progressistes sont nées dans la cervelle d'aristocrates chrétiens. Tocqueville est presque le seul moraliste français à avoir foi dans l'idéal démocratique égalitaire. On peut penser que de tels idéaux résultent de l'accord impossible entre les valeurs aristocratiques et le christianisme. De cette impossibilité résulte un moyen terme idéologique désastreux, dans la mesure où le socialisme constitue le coeur de l'idéologie totalitaire, liée à une traduction antichrétienne du message évangélique.

    Marx, quant à lui, est assez éloigné de croire que l'amélioration de la société puisse être une source de progrès véritable, voire un but de progrès. Sans doute est-il beaucoup trop juif ou chrétien pour le croire, car pour un juif ou un chrétien le progrès est du domaine de la métaphysique, à l'exclusion du domaine social entièrement charnel. Le discours de la "doctrine sociale chrétienne" est le vecteur de l'antichristianisme, que ce soit dans la version de Tolstoï, des pontifes romains modernes, ou dans la version laïcisée de Lénine. La version de Lénine est une fornication moins grande, car Lénine cherche moins à faire passer le progrès social pour une valeur chrétienne. Il n'en reste pas moins que la doctrine des soviets est tributaire de cette contrefaçon du christianisme que constituent les différentes doctrines sociales chrétiennes, tentatives dirigées contre l'esprit de dieu d'accorder l'amour de dieu avec la nécessité et les besoins humains.

    Comment appliquer les paraboles de Jésus-Christ sur le plan social ? Il ne faut pas chercher à le faire puisque le Christ n'a pas permis à ses apôtres de le faire sous peine de damnation. Il y a certainement une part de fornication dans la détermination de Judas Iscariote, c'est-à-dire de refus d'accepter la radicalité antisociale du message évangélique.

    Shakespeare, loin de témoigner de sa foi dans le progrès social comme Tolstoï, illustre non pas "le choc des cultures", expression presque entièrement dépourvue de sens puisque le sentiment identitaire implique une détermination guerrière (comme il est pacifique, le chrétien se purifie de tout sentiment identitaire), mais le heurt entre la détermination culturelle et le christianisme.

    Shakespeare a conscience que le christianisme fait table rase de toute forme de culture, autrement dit qu'il signe l'arrêt de mort de l'art. La littérature d'Homère illustrait déjà un tel phénomène, puisque Achille symbolise la culture, et Ulysse le progrès de la conscience humaine contre la culture. Ulysse est aussi individualiste qu'Achille est prisonnier de considérations sociales. Ce qui diffère chez Shakespeare, et ce pourquoi Tolstoï trouve qu'il manque de simplicité par rapport à Homère, c'est l'illustration que l'affrontement a lieu dans les temps modernes entre le christianisme et une culture qui se réclame du christianisme, directement ou indirectement, de sorte que la plupart des hommes ne mesurent pas l'enjeu de leur existence. Autrement dit l'apparente complexité de Shakespeare ne tient pas à Shakespeare lui-même, mais à une réalité sociale plus complexe et des ténèbres plus noires que celles de l'Antiquité.

  • Contre H. Arendt

    H. Arendt tente de trouver un remède politique au totalitarisme. C'est la part la plus médiocre de son analyse, et en quoi elle n'est pas chrétienne. Un chrétien analysera le totalitarisme globalement comme une radicalisation de la politique. De même l'antichrist C. Maurras fait fausse route avec son slogan "Politique d'abord !" : la logique démocratique est plus politique encore que ne l'est la logique monarchique, c'est-à-dire plus hermétique à la métaphysique ; c'est au stade bourgeois ou démocratique que l'Etat acquiert la qualité de divinité supérieure.

  • Du Totalitarisme

    Hannah Arendt a tenté dans divers essais d'élucider le phénomène du totalitarisme, c'est-à-dire de la tyrannie moderne, qui au contraire de l'ancienne sait se faire aimer.

    Shakespeare a fait mieux et plus tôt que tous les analystes ou adversaires du totalitarisme, puisqu'il a conçu une mythologie propice à faire tomber les écailles des yeux de celui ou celle qui le veut. Notamment Shakespeare montre comment une idée falsifiée de l'amour est au coeur de la tyrannie totalitaire.

    Il y a à boire et à manger dans l'analyse d'Hannah Arendt. Shakespeare, lui, est on ne peut plus synthétique. Il faut dire que, pour un chrétien, la capacité de synthèse est surhumaine, c'est-à-dire qu'elle prend sa source dans le divin, exactement comme la loi naturelle émane du point de vue païen de Satan. L'anthropocentrisme débordant de la culture moderne nihiliste n'est donc ni satanique, ni chrétien. Le caractère indéfinissable du totalitarisme est précisément ce qui le rend insaisissable, tandis qu'il est beaucoup plus facile d'appréhender la tyrannie classique oedipienne, comme Moïse fit il y a plusieurs millénaires, identifiant à jamais celle-ci avec l'Egypte des pharaons.

    Dans le passage ci-dessous, Hannah Arendt soulève le problème de l'histoire, du christianisme et de la civilisation moderne, d'une façon plutôt utile puisqu'elle décèle à peu près la ruse qui consiste pour l'Occident à prétendre incarner une sorte d'avant-garde historique. Cette ruse est une invention de l'Eglise romaine et des papes, reprise ensuite par des institutions laïques, qui tout en s'étant séparées de l'Eglise, ont prolongé la méthode et la ruse de leur matrice. Ainsi les "valeurs républicaines" revendiquées aujourd'hui par certains moralistes doivent beaucoup plus à l'Eglise romaine qu'elles ne doivent aux théoriciens et politiciens antiques.

    "A cause de cette insistance moderne sur le temps et la succession temporelle, on a souvent soutenu que l'origine de notre conscience historique réside dans la tradition judéo-chrétienne [concept frauduleux en soi], avec son concept de temps rectiligne et son idée d'une divine providence [l'idée de "temps rectiligne" n'a aucun fondement chrétien, et la "divine providence" coïncide avec la "monarchie chrétienne de droit divin"] donnant à la totalité du temps historique de l'homme l'unité d'un plan de salut - idée qui contraste en effet aussi bien avec l'insistance de l'antiquité classique sur les événements et faits singuliers qu'avec les spéculations de l'antiquité tardive sur un temps cyclique [c'est l'idée de temps rectiligne qui est excessivement spéculative et fonctionnelle, comparée à celle de temps cyclique]. On a cité beaucoup de preuves à l'appui de la thèse selon laquelle la conscience historique moderne a une origine religieuse chrétienne et est née de la sécularisation de catégories originellement théologiques. Seule notre tradition, religieuse, dit-on, connaît un commencement et, dans la version chrétienne, une fin du monde : si la vie humaine sur la terre suit un plan divin de salut [une telle description, anthropocentrique et contredisant la Genèse, n'est pas authentiquement chrétienne - autrement dit, la vie humaine n'est pas plus sacrée du point de vue chrétien que du point de vue païen antique - elle l'est moins], alors son seul déroulement doit receler une signification indépendante de tous les événements singuliers et les transcendant tous. Par conséquent on en conclut qu'un "tracé bien défini de l'histoire du monde" n'est pas apparu avant le christianisme, et que la première philosophie de l'histoire est présentée dans le "De Civitate Dei" de saint Augustin. Et il est vrai que chez Augustin nous trouvons l'idée que l'histoire elle-même, c'est-à-dire ce qui a un sens et est intelligible, peut être séparée des événements historiques singuliers rapportés dans la narration chronologique. Il affirme explicitement que "bien que les institutions passées des hommes soient rapportées dans le récit historique, l'histoire elle-même n'a pas à être comptée parmi les institutions humaines." [le problème du totalitarisme réside très largement dans le fait qu'il est impossible d'accorder le plan politique à l'exigence historique du salut autrement que sous la forme de l'illusionnisme, dont la philosophie de Hegel est emblématique et le concept de temps historique rectiligne]. 

    Cette similitude entre le concept chrétien et le concept moderne de l'histoire est cependant trompeuse. Elle repose sur une comparaison avec les spéculations de l'antiquité tardive sur l'histoire cyclique, et néglige les concepts d'histoire classiques de la Grèce et de Rome. La comparaison est encouragée par le fait qu'Augustin lui-même, lorsqu'il réfutait les spéculations païennes sur le temps, avait essentiellement en vue les théories cycliques de sa propre ère, qu'aucun chrétien en effet ne pouvait accepter à cause du caractère absolument unique de la vie et de la mort du Christ sur terre : "Une fois Christ est mort pour nos péchés ; et renaissant d'entre les morts il ne meurt plus." Ce que les interprètes modernes sont enclins à oublier est que saint Augustin a proclamé ce caractère unique d'un événement, qui sonne si familier à nos oreilles, pour cet événement seulement [on devine combien cet "oubli" est propice aux élites et aux mouvements politiques et culturels qui s'avancent derrière la bannière chrétienne] - l'événement suprême de l'histoire humaine, où l'éternité, pour ainsi dire, fait irruption dans le cours de la mortalité terrestre ; il n'a jamais prophétisé ce caractère unique, comme nous le faisons, pour des événements séculiers ordinaires. Le simple fait que le problème de l'histoire n'a fait apparition dans la pensée chrétienne qu'avec saint Augustin devrait nous faire douter de son origine chrétienne, et cela d'autant plus qu'il est apparu, selon les termes mêmes de la philosophie et de la théologie d'Augustin, du fait d'un accident.(...) [contrairement à la théologie démocrate-chrétienne des papes modernes, la "Cité de Dieu" d'Augustin fait référence pour étayer la notion d'histoire chrétienne à l'eschatologie évangélique. Augustin n'est ni premier ni principal dans l'explication de la conscience chrétienne, mais il est vrai que la scolastique médiévale constitue un recul par rapport à Augustin.]."

    H. Arendt (In : "La Crise de la culture") 

  • Dans la Matrice

    "Le jeune aime le monde tel qu'il est, il s'y adapte. Et pour cause, il n'a rien qui lui permette de penser qu'il pourrait être autre. Des mauvaises langues rappelleront que c'est pour cette raison que les régimes totalitaires se sont toujours appuyés sur la jeunesse pour faire advenir l'Homme nouveau."

    Natacha Polony, gérontophile.

    Les vieillards ont toujours su flatter les jeunes gens et le peuple afin de détourner leur force à leur profit. Le totalitarisme n'innove nullement de ce point de vue par rapport à la vieille tyrannie classique "oedipienne".

    La caractéristique du totalitarisme n'est nullement le jeunisme, mais l'intellectualisme, comme le relève par exemple Georges Orwell. La justification de l'Etat totalitaire est en effet l'activité principale des "intellectuels", qui s'efforcent de le diviniser. L'Etat totalitaire entretient par conséquent pléthore d'universitaires ou d'intellectuels à grand frais, dont la caractéristique n'est pas le jeune âge.

    Le féminisme est bien plus caractéristique du totalitarisme que le jeunisme. Les régimes totalitaires et les femmes ont en commun la nécrophilie.

    C'est parce que les régimes totalitaires sont mus par des vieillards que le culture totalitaire est aussi pédophile (Proust). La pédophilie n'est pas caractéristique des jeunes gens mais des esprits et des Etats en état de décomposition.

     

     

  • Théorie du genre

    Pour qui sait regarder la vérité en face, la "théorie du genre" dont on nous rebat les oreilles traduit l'effondrement du savoir scientifique au niveau de la rhétorique, c'est-à-dire de la religion.

    Cette présentation d'une vérité religieuse comme une vérité scientifique est typique du discours totalitaire, qui s'est nourri notamment au XXe siècle d'évolutionnisme ou de darwinisme social.

    J'ai commenté l'exhortation fameuse de Simone de Beauvoir à "devenir femme" sur ce blog, présentation plus poétique de la "théorie du genre", et dit la part de christianisme qu'elle recèle. D'une manière générale, on ne peut comprendre le totalitarisme sans comprendre la religion chrétienne qui le détermine. Le monde païen connaît "seulement" la tyrannie fondée sur le droit naturel ; au cours de l'ère chrétienne s'est développée une formule de l'oppression, fondée non plus sur le droit naturel, mais la science humaine ou anthropologique. Autrement dit, le rapport de l'homme à la nature s'est inversé, non pas sous l'effet de la science, mais au contraire d'une spéculation religieuse intense, où la scolastique médiévale chrétienne a beaucoup contribué.

    Simone de Beauvoir est au demeurant une admiratrice de la philosophie nationale-socialiste de G.W.F. Hegel, c'est-à-dire d'une interprétation prétendument chrétienne de l'histoire que l'on retrouve à l'arrière-plan de tous les partis totalitaires modernes : nazi, stalinien et démocrate-chrétien, classés ainsi dans l'ordre de puissance. Répétons-le, car cette imposture est celle de l'Education nationale et des universités françaises depuis la 2nde guerre mondiale. L'hégélianisme est le plus grand commun dénominateur des idéologies totalitaires post-napoléoniennes, non le marxisme, ou même la doctrine réactionnaire de Nitche. Le marxisme est la doctrine de l'impérieuse urgence de dissoudre l'Etat afin, pour l'homme, de recouvrer la liberté. La critique de l'Etat et du droit modernes de Nitche est plus concise mais néanmoins assez efficace - ce qui fait du nazisme une idéologie moderne, c'est le volet des théories raciales ou du darwinisme social, derrière lesquels on retrouve, comme dans la théorie du genre, l'aspect du mobile juridique déguisé en mobile scientifique.

    - Une manière simple de contester le fondement scientifique de la "théorie du genre" est de dire que le "progrès social" est une hypothèse scientifiquement improbable. Les deux hypothèses sont en effet liées. Le "devenir de la femme", tel qu'évoqué par S. de Beauvoir est en effet un "devenir social chrétien". La vérité scientifique, c'est que la société se métamorphose, elle évolue, mais rien n'indique que cette évolution soit un progrès. Mesurez la place de la science dans ce genre de conviction : elle se nourrit d'un préjugé répandu par de soi-disant chrétiens, puis de soi-disant athées socialistes, alors même que le christianisme, si l'on prend la peine de lire les apôtres, s'avère LA RELIGION LA MOINS SOCIALE DE TOUS LES TEMPS. Jamais aucune religion n'a souligné autant la vanité complète et définitive du plan social, fondant l'universalisme sur l'amour, et l'amour sur le renversement de l'ordre social, non pas violent mais spirituel, non pas collectif mais individuel. En dépit de cela, l'Eglise romaine s'avère la matrice des institutions sociales occidentales.

    Mesurez la place de la science dans l'Occident en général, puisque c'est un suppôt de Satan, défenseur du droit naturel, Nitche, qui sait mieux que des légions de clercs catholiques que le christianisme est essentiellement anarchiste. Ce que Nitche ignore, c'est la détermination de ces légions de clercs. Pourquoi un tel acharnement à proférer des bobards religieux comme la démocratie ou l'égalité entre les sexes ?

    - Le "généticien" (sic) Axel Kahn, accomplissant son devoir médiatique, s'est fendu d'un essai de vulgarisation de la "théorie du genre" pour le petit peuple français têtu que les prêches radiophoniques émanciperont bientôt des ténèbres où il est plongé ; aussi parce que les sectateurs de la théorie du genre ont un peu du mal à s'accorder les uns les autres, comme dans la tour de Babel, parfaitement emblématique du tour que la rhétorique peut jouer aux rhétoriciens qui croient que la rhétorique est une "science dure".

    Au titre de généticien et de nombreuses autres distinctions, disons que M. Axel Kahn, savant pour rire, a sa part de responsabilité dans l'eugénisme national. Celui-ci est remis en cause par des économistes un peu plus sérieux que les médecins-légistes qui permettent à la France de se délester chaque année de 200.000 embryons. Or l'économie prévaut sur l'éthique dans les nations libérales, de sorte que celle-ci résulte objectivement de la compétition que se livrent les acteurs économiques à l'échelle mondiale. Voilà ce qu'on peut dire sur le terrain extra-scientifique où se situe M. Axel Kahn.

    "La théorie du genre ne veut pas dire qu'il n'y a pas de différence biologique entre l'homme et la femme, comme le zizi par exemple, mais qu'on ne peut pas déduire de cette différence biologique une différence de comportement, comme le fait que les femmes sont moins bonnes que les hommes en maths, par exemple." Voilà en substance ce qu'a dit le professeur Kahn, voulant ainsi renforcer le crédit de la théorie du genre auprès de la frange de la population qui parle petit nègre.

    Donc les différentes manières de se vêtir des hommes et des femmes n'ont pas une cause biologique ? De même les hommes vont à la guerre, ils représentent 99% de la population carcérale misogyne sans que la nature y soit pour rien ? Le propos d'Axel Kahn en dit long sur la mentalité évolutionniste, c'est-à-dire la théorie qui constitue la clef de voûte de l'eugénisme moderne, et qui pose l'hypothèse incomplètement démontrée du transformisme biologique. Paradoxalement, et ce paradoxe fait soupçonner un préjugé anthropologique plaqué sur le monde animal, l'évolutionnisme renforce l'idée du déterminisme biologique (pour ne pas dire qu'elle nie la liberté), tout en refusant à la nature d'être la cause essentielle de la culture, c'est-à-dire en posant le principe d'une liberté, celle contenue dans la théorie du genre, totalement théorique et "empruntée" à cette falsification du christianisme qu'est l'éthique chrétienne.

    Ce paradoxe n'est pas seulement celui de l'éthique scientifique moderne, il est aussi exactement celui de l'art moderne, dont on ne peut manquer de souligner l'appui qu'il a fourni aussi largement aux idéologies totalitaires, sous la forme globale du futurisme le plus inepte, ou encore de l'existentialisme le plus creux. Il y a discours éthique et un discours esthétique totalitaires, et ils convergent. Ce discours prétendument humaniste occulte la science véritable, non seulement métaphysique mais même physique. Le refus des savants technocrates d'envisager la métaphysique n'est pas, comme on peut croire au premier abord le refus d'envisager des questions extra-physiques ou qui touchent à la foi ; ce refus tient à ce que la conscience moderne postule une réalité virtuelle qui constitue une métaphysique d'un autre genre, dont le rôle d'agrégation des masses est primordial.

    - De prétendus savants comme Axel Kahn se gardent d'expliquer comment ils font pour concilier science et éthique. Ils ne démontrent pas non plus en quoi la conciliation qu'ils opèrent est supérieure moralement à celle opérée par le régime nazi, et leur abus de position morale dominante est strictement le même.

    En même temps que la communauté des savants neurologues ou psychiatres fait l'aveu que le cerveau, où cette communauté situe empiriquement l'intelligence, est encore "terra incognita" (la mise en évidence de l'activité cérébrale à l'aide de produits de contraste est une expérience tautologique ridicule), Axel Kahn décrète que la différence sexuelle biologique n'est pas lourde de conséquence sur la volonté qui anime l'homme ou la femme !? Il n'y a pas de définition de l'intelligence, mais l'intelligence des hommes et des femmes est similaire.

    En ce qui me concerne, je soupçonne au contraire une accointance particulière entre les mathématiques modernes, dites "post-euclidiennes", et le mode de réflexion féminin, pour avoir observé à de nombreuses reprises que la géométrie antique pythagoricienne heurte naturellement moins la façon virile de penser, plus concrète. Il y a bien sûr des exceptions, notamment les "gens de robe", qui partagent souvent la manière subjective et pusillanime des femmes de penser, qui balancent souvent et concluent rarement. C'est certes une femme, Simone Weil, qui se prononce contre la physique nucléaire moderne en raison d'un tour rhétorique excessif suspect, mais son raisonnement est largement fondé sur la pensée grecque antique. Mathématicien, le frère de Simone Weil a manifesté quelques soupçons quant au fameux progrès accompli par les mathématiques modernes, en comparaison des anciennes, en raison de la dimension pataphysique ou surréaliste de la nouvelle norme.

    Un des processus totalitaires les plus dangereux est celui qui consiste à faire de l'exception la nouvelle règle, quand celle-ci servait anciennement à confirmer la règle principale. On retrouve ce processus dans l'eugénisme, la théorie du genre, le marketing politique : il expose la culture moderne et ses acteurs à une destruction sous la forme de "retour du naturel au galop".

    L'apocalypse chrétienne énonce que la seule force qui peut s'opposer à la violence anthropologique de l'homme vis-à-vis de lui-même, c'est la connaissance. Le monopole de l'Etat sur la science est donc un scandale absolu ; il ne fait que prolonger le monopole de l'Eglise romaine. Le plus scandaleux est la caution fournie par de soi-disant chrétiens ou de soi-disant juifs à cette science étatique totalitaire. J'ai des noms, des centaines de noms, mais je ne les donnerai pas, car tout homme périt par où il a péché - la folie frappe souvent les prétendus savants qui parlent contre l'esprit de dieu - il ne faut pas se préoccuper des salauds qui abusent de leur position dominante, mais des victimes de leurs tromperies. Il n'y a pas de liberté dans le genre, pas plus qu'il n'y en a dans la nature ; il y a seulement une façon plus hasardeuse de choisir sa mort, qui traduit plus l'empreinte de l'Etat, et moins celle de la famille. A quoi bon servir l'Etat ? C'est le dieu le plus froid, proche parent de Pluton. 

     

     

     

  • Culture de masse

    La culture de masse - en l'occurrence la coupe du monde de football - et le totalitarisme sont indissociables. Autrement dit, je suis conscient de vivre dans une époque totalitaire, du fait de l'omniprésence de la culture de masse. Je suis également conscient qu'entre un régime tyrannique "oedipien" classique ou pyramidal et ce qu'il convient de qualifier de "totalitarisme", s'insère l'événement essentiel de la révélation par le Christ Jésus.

    C'est cet événement qui détermine le changement de nature de la tyrannie, qui ne peut plus procéder depuis la résurrection du Messie des chrétiens du droit ou d'une philosophie naturelle classique, mais qui est contrainte de s'y adapter. Pour prendre une métaphore parlante, un transatlantique ne navigue pas de la même manière avec une voie d'eau sous la ligne de flottaison. 

    Quand la métaphysique rend mieux compte de l'histoire et de la science que la géométrie, il faut être un forcené et non un homme rationnel pour persister dans des explications qui, au demeurant, relèvent plus aujourd'hui de la pataphysique (voyage dans le temps, Boson de Higgs, mondes multiples, matière noire théorique) que de la science physique véritable.

    La littérature de Shakespeare-Bacon est la révélation de cette révélation. Shakespeare a mis le pied dans la porte étroite qui mène au salut, en vérité, afin qu'elle ne puisse être refermée par les actionnaires du monde.

    Un phénomène observable à propos de la culture de masse, c'est qu'elle n'est justifiée par personne, nul ne la revendique, en même temps qu'elle joue un rôle de sidération massif à l'échelle mondiale. Par "personne", je veux dire personne, hormis les tocards en état d'ébriété sous son charme, et une poignée d'intellectuels-journalistes incapables d'émettre autre chose que des truismes, dans le genre de Stendhal. Stendhal fait en effet l'éloge de l'opéra, qui contient la recette de la culture de masse telle qu'on la connaît aujourd'hui. Pour une raison aristocratique et artistique, Nitche a quant à lui fait machine arrière et modéré son enthousiasme primitif à propos de Wagner et de son art d'adjudant boche. On retrouve plusieurs caractéristiques de la culture de masse dans l'opéra, dont l'emprunt à la culture populaire de thèmes, vidés de leur sens la plupart du temps, et réduits au stimulus. Vue sous un autre angle, la culture de masse est la transmission du goût bourgeois au peuple, faute morale majeure que l'aristocrate s'interdit (Nitche), voyant bien la conséquence d'empoisonnement qui en résulte.

    Mais, à l'exception de Stendhal et de quelques cas isolés, la critique est la réaction la plus courante, que le point de vue soit moral, politique, philosophique ou artistique. Cependant la culture de masse continue d'opérer, et les critiques demeurent, elles, inefficaces à endiguer la culture de masse, sur le plan moral ou politique ; y compris la critique radicale de Nitche, relativement cohérente, qui consiste à prôner l'éradication pure et simple du judaïsme et du christianisme afin de restaurer la civilisation et l'ordre naturel dont celle-ci découle. "Relativement cohérent", car aucune ligne du nouveau testament, ni aucune ligne de Shakespeare, d'ailleurs, ne permet de fonder une "culture chrétienne". Par conséquent Nitche, tel Don Quichotte, affronte un phénomène qui n'est qu'un leurre, dont il situe l'origine dans le témoignage des apôtres, alors que ce n'est pas son origine. Erreur volontaire de la part de Nitche ? C'est probable, en raison de contradictions majeures dans son étude du christianisme.

    Une critique plus récente et plus cynique (j'y reviendrai), typique de l'intellectuel "post-moderne", consiste à assimiler la culture de masse à la culture populaire, c'est-à-dire à faire croire que la culture de masse répond à un besoin ou à une volonté populaire. On se situe là au stade ultime de la chiennerie libérale. La culture de masse n'est pas moins fastueuse et somptuaire que les jardins suspendus de Babylone ou le château de Versailles, ce qui est parfaitement dissuasif d'attribuer l'organisation de la culture de masse aux classes laborieuses.




  • Dans la Matrice

    Contrairement à la tyrannie qui est l'énoncé d'un satanisme à l'état brut, suivant une structure pyramidale montant jusqu'au ciel, le totalitarisme est une oppression plus subtile, dont George Orwell indique qu'elle est la moins visible par les intellectuels. Il faut ajouter que le totalitarisme traduit l'empreinte du christianisme sur les nations et leurs élites ; non pas la marche en avant de l'histoire, mais au contraire une tentative subtile d'empêcher la fin du monde.

    Lorsqu'il n'y en a que pour la culture dans une société, avec un ministère par-dessus le marché afin d'indiquer le sens des réjouissances, cela signifie que la science est exclue. Qu'il n'y a derrière le rationalisme technocratique qu'une rhétorique creuse. Car la culture est l'ennemie de la science, comme les mauvaises herbes le sont des plantes fructueuses. Qui peut dire à quoi sert la "culture scientifique", si ce n'est à paraître savant ?