Le christianisme est une religion conspirationniste. Le conspirationnisme chrétien est même la clef de nombreuses oeuvres d'art occidentales, demeurant énigmatiques pour les conservateurs d'art ou les muséographes modernes. Sans doute le cas le plus récent et le plus célèbre est-il celui de l'art luthérien, accusant la religion catholique romaine de servir Satan ; mais ce cas n'est pas isolé.
La conspiration du monde contre la vérité définit le cadre général du complot. L'apôtre Paul précise les modalités de la conspiration dans ses lettres, dans la notion d'antéchrist. Un aspect, notamment, est souligné, à savoir la montée en puissance de l'antéchrist. Le Messie n'hésite pas lui-même à mettre ses apôtres en garde contre les faux prophètes qui prêchent en son nom. Un autre signalement de la conspiration est le fameux "complot de pharisiens et de veuves" fustigé par le Messie - le caractère clérical de la conspiration mondaine est ici souligné.
- Le combat de Nitche contre le Christ et ses apôtres est remarquable à plusieurs titres ; d'abord parce qu'il émane d'un suppôt de Satan "triomphant", c'est-à-dire qui estime le christianisme moribond. Il corrobore ainsi involontairement l'aspect de montée en puissance de la bête de la terre, dont les chrétiens sont avertis par leurs écritures saintes et leurs prophètes. Il ne faut pas s'attendre à la fin du monde, dit Paul de Tarse, avant que la domination de l'antéchrist sur le monde ne se soit manifestée.
Secundo, la doctrine néo-païenne de Nitche, d'une pureté satanique bien plus grande que la culture nazie, notamment en ce qui concerne l'aspect majeur de la philosophie naturelle, cette doctrine nitchéenne draine dans son sillage une cohorte de doctrinaires et de philosophes tellement hétéroclite qu'elle fait paraître la culture occidentale moderne pour un véritable cloaque, dépourvu d'axe critique. Nitche n'est sans doute pas le seul maître trahi par ses disciples, mais dans son cas on dirait une plaisanterie, puisqu'il y a des nitchéens chrétiens, des nitchéens "de gauche", et même des nitchéens libéraux.
La culture moderne, souvent présentée comme ayant un mobile scientifique reléguant les vieilles religions du passé au rang de la superstition, s'avère bien plutôt d'une opacité croissante. Or la culture n'est autre que la religion du citoyen lambda. Cette opacité s'accompagne d'une culture de masse et d'un viol des consciences perceptible bien au-delà des seuls apôtres.
- On ne peut manquer de remarquer que l'éthique judéo-chrétienne la plus récente, défendue par l'intelligentsia occidentale, bien qu'elle soit entièrement dépourvue de lien avec l'apocalypse ou l'eschatologie chrétienne, est elle-même "conspirationniste". Elle prend en effet sa source dans le complot nazi, enseigné tel quel.
- Bien entendu les historiens savent que la politique est essentiellement un complot, c'est-à-dire une coalition d'individus ou de partis dont les intérêts et les forces convergent suffisamment pour exercer le pouvoir. Ce n'est pas le complot politique qui est caractéristique de l'Occident, mais l'instabilité des complots successifs.
- Shakespeare illustre, à l'opposé de Nitche qui tente de réduire le christianisme et le judaïsme à des mouvements psychologiques erratiques, l'adaptation des élites et de la politique moderne à l'irruption dans le monde de l'histoire conspirationniste chrétienne. Il n'est plus possible à l'ordre politique, naturellement pyramidal, de se contenter de refléter le système solaire suivant les antiques philosophies naturelles. L'imposture de la philosophie naturelle moderne, éclatée en diverses branches et excessivement spéculative, vient de là : de la nécessité, outre le droit naturel païen, d'endiguer la vérité chrétienne inconciliable avec la société.