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koestler

  • Créationnisme

    L’arrière-plan culturel de C. Darwin est marqué par le protestantisme. La notion de ‘plan’ ou de ‘champ’ s’impose ici dans la mesure où la structure fait défaut, et l’imagination.
    Sous l’influence notamment de la théologie de saint Augustin, la philosophie et la science germaniques sont essentiellement ‘spéculatives’. Bizarrement l’avant-garde russe, ‘soviétique’ est marquée par le même esprit et la peinture de Kandinsky ou Malévitch fournit un bon exemple de ‘peinture spéculative’ ou de ‘poésie picturale’ (que Malévitch soit ‘le comble du baroque’ n’a rien d’un paradoxe en réalité.)

    L’art de Shakespeare est aux antipodes de ce tour pythique, une des œuvres les moins germaniques, une des oeuvres les plus occitanes de l’Histoire ; c’est ce qui fait que les commentateurs allemands de Shakespeare ont livré autant d'interprétations débiles : Freud, Nitche, ou Brecht, pour prendre des exemples retentissants.
    Untel (Koestler ?) a même pu écrire que les pièces de Shakespeare lui donnent envie de vomir, ce qui est toujours moins inepte que de tenter de faire de Guildenstern, Rosencrantz, voire Claudius, des héros, farce qui ne peut être prise au sérieux que dans la Sorbonne ou semblable haut-lieu de superstition arrogante.

    Il est une preuve, une révélation du totalitarisme caché derrière la lourde tenture du Temple, que Marx et Engels, il me semble, sont en lieu d’apprécier : l’impossibilité pour l’Université capitaliste d’entendre Shakespeare justement, tant la réverbération du marigot laïc est forte. Je viens de me cogner les notes d’un certain Yves Bonnefoy sur la ‘Tempête’ : quelle glue !

    Mais revenons à Darwin. Sa thèse est donc marquée par la spéculation, c’est-à-dire par l’anthropocentrisme, étant donné que Narcisse n’est jamais très loin du miroir. On railla la thèse de Darwin –pasquinade contre pasquinade- lors de sa publication, sur le thème : ‘Darwin a une gueule de babouin, alors forcément il est persuadé que l’homme tient du singe.’ C’est sans doute là un raccourci un peu rapide à travers la jungle des préjugés puritains de Darwin et Malthus, mais qui n’est pas infondé. La caricature, le dessin ment d’ailleurs beaucoup moins que la poésie, et je tiens assurément Albert Dürer pour un savant plus sérieux que Darwin. La nature, Dürer en est visiblement amoureux. Y a-t-il des exemples de physiciens qui ne soient amoureux de la Nature ? D’Aristote à Réaumur en passant par Roger Bacon, je n’en connais pas.
    La plus grande hypocrisie de la science laïque puritaine est de ne pas aimer la Nature, mais de se mêler cependant de l’affubler de dogmes laïcs.

    Un trait sous-jacent plus net encore que l’aspect spéculatif dérivé de Malthus, c’est cette fameuse ‘prédestination’ protestante. Sainte-Beuve a clairement montré à partir du jansénisme, cousin français du puritanisme, comme la prédestination n’est pas tant un principe, une doctrine mise en avant par la secte de Port-Royal, c’eût été théologiquement impossible, pas tant un préambule qu’une conséquence de la confusion entre la ‘grâce’ et le Saint-Esprit, une confusion enracinée elle aussi dans la théologie de saint Augustin.

    L’observation de Sainte-Beuve est d’autant plus intéressante qu’elle explique pourquoi le préjugé pythagoricien est si difficile à combattre. C’est une réflexion dont la source n’est pas claire (ceux que les jongleries de Freud révulsent relèveront que je viens de donner au passage une définition de l’’inconscient’ freudien.)

    Autrement dit l’évolution de Darwin est automatique et binaire, ‘sui generis’ - comme celle de Hegel dans le domaine de l’art et de la politique, soit dit en passant. L’artifice, qu’on peut qualifier de ‘syllogisme’, est décelable aussi dans l’éclatement du savoir en de multiples fragments dès le milieu du XVIIe siècle, jusqu’à l’asphyxie désormais, où des pantins comme Einstein ou Max Planck sont pris pour de véritables savants devant lesquels les écoliers sont priés de faire la révérence, surtout s’ils sont musulmans ou chrétiens, manière d’abjuration sournoise, ignoble chantage fait à des enfants de croire en quelque chose qu’ils ne comprennent pas. Que leurs maîtres ne comprennent pas eux-mêmes ! QU'ILS NE CHERCHENT PAS A COMPRENDRE.

    La biologie naissante au début du XXe siècle est un de ces fragments. Les efforts conjugués de Marx et Engels contre la science laïque consistent d’ailleurs à recoller les morceaux de la sphère brisée, exactement comme les moines les plus sages du moyen-âge s’efforcèrent avant eux de reconstituer le savoir perdu, ce malgré l’hostilité des scribes.
    Si Marx et Engels ont paru ‘dépassés’, c’est seulement aux yeux de laïcs médusés, incapables de comprendre leur unité, que la physique les transcende, autrement dit le caractère apocalyptique de la doctrine marxiste. L'Apocalypse de saint Jean elle-même ne cesse d’être dépassée aux yeux des laïcs et des démocrates-chrétiens.
    Le ‘aut, aut’ de Marx, c’est Charybde et Scylla ; c’est encore le ‘et César, et Dieu’ des pharisiens. Qu’on ne dise pas que Marx et Engels ne parlent pas de Satan.

    Contre le danger de l’évolutionnisme, philosophie nationaliste, fondamentalement laïque et capitaliste, devant cette menace pour l’humanisme, menace aussi pour la liberté, un pape janséniste tel que Benoît XVI semble singulièrement mal armé.