Dieu préserve bien sûr d'adorer une idole aussi ésotérique que la "nation", non pas seulement parce qu'on ne peut servir deux maîtres à la fois, mais parce que les slogans appelant à saigner des Prussiens indiquent même au crétin le plus farouche quel "maître" se cache derrière la nation. D'ailleurs du sang versé dans la terre ne naissent que de mauvaises idées.
Pire encore que le nationalisme sur le plan intellectuel, il y a la franchouillardise gaulliste. Le football, l'affaire est entendue, vise à maintenir les employés du Capital dans un état d'abrutissement aussi complet que possible ; mais la franchouillardise gaulliste est plus grave, car enseignée à l'école aux gosses. Raisonnablement, on peut établir ce classement des chefs d'Etat occidentaux par ordre d'intelligence :
- n° 1 : Lénine ; pour son rôle politique, mais aussi en raison de sa prescience des événements, prévision quasiment inédite dans l'histoire des Etats de type "jacobin" de la part d'un homme politique aux commandes (Lénine est si intelligent d'ailleurs, qu'il échappe presque à la définition de l'homme politique.)
- n° 2 : Churchill, à égalité avec Staline, pour avoir contribué à tirer leurs pays de situations très délicates ; mention spéciale à Churchill, peut-être, qui parvint à dissimuler le rôle mobilisateur joué par l'Angleterre impérialiste dans le déclenchement de la 2nde Guerre mondiale, se jouant notamment du médiocre personnel politique français et de la naïveté d'Hitler.
- n° 4 : Roosevelt : en engageant son pays dans la guerre après qu'elle fut déjà perdue par l'Allemagne, contre la tradition "girondine" des Etats-Unis, il a relancé l'industrie de son pays en plein marasme en procurant assez de commandes et d'emplois militaires, établissant les Etats-Unis première puissance impérialiste mondiale.
- n° 5 : Franco, pour son extraordinaire aptitude - il est sans doute le plus grand stratège du XXe siècle devant Pétain et quelques maréchaux allemands - en partant de rien à conquérir tout, sorte de Don Quichotte sanglant absurdement triomphant.
- n° 6 : Hitler - limité comme Robespierre par des idées républicaines latines trop étriquées, et jouet de la bourgeoisie qui ne lui a jamais pardonné son jusqu'au-boutisme (même s'il reste sans doute en Allemagne des nostalgiques du "panache" d'Hitler, comme il y a en France assez de nostalgiques du "panache" de Napoléon, trempé dans le sang.)
- n° 7 : Mussolini : le même qu'Hitler en moins naïf et dans une nation sans doute plus intelligente et moins encline à se précipiter derrière le premier chef d'orchestre venu.
Et, aussi peu sympathique soit la figure du chef de l'Armée rouge, Trotski, on est obligé de s'incliner devant son talent politique à réorganiser une armée russe complètement désorganisée en un laps de temps très court. Bref il n'y a aucune raison sauf la franchouillardise de faire figurer de Gaulle dans les dix ni même les vingt premières personnalités politiques, en incluant les représentants des autres continents - aucune raison militaire, politique ou autre ; il a été la baderne la plus habile à manoeuvrer politiquement au bon endroit et au bon moment, voilà tout.
Il est vrai que je rédige aussi cette note pour me faire pardonner d'un péché de jeunesse : avoir dit du bien de de Gaulle dans une copie du baccalauréat pour être sûr d'obtenir une mention, alors que cet éléphant horrible et sa valetaille m'inspiraient déjà la plus vive aversion (on peut haïr de Gaulle aussi bien que Cohn-Bendit et trouver leur "réconciliation" post-mortem parfaitement logique) ; sur le fond ça ne change rien, de Gaulle reste un des symboles de la manière dont la bourgeoisie française s'auto-congratule depuis cinquante ans pour des bienfaits qu'elle n'a jamais commis et ne commettra jamais plus.