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lenine

  • Un erreur de Lénine

    On ne doit pas s'étonner du mépris shakespearien ou marxiste pour l'utopie et les utopistes. Bien comprendre Marx, c'est d'abord comprendre qu'il est "machiavélien". C'est la thèse bourgeoise de "la fin de l'Histoire" qui, du point de vue marxiste, est une utopie, assez semblable à celle de la domination de l'empire britannique sur le monde, qui prend fin avec le "blitz" du IIIe Reich.

    Répandre l'utopie dans le peuple, en lieu et place des religions traditionnelles démodées en Occident est une stratégie efficace de la part de la caste dirigeante : la démocratie-chrétienne est une formule essentiellement utopique, un ersatz d'opium du peuple : pour s'en assurer, il suffit de lire Tocqueville et de constater à quel point son projet était éloigné du projet démocrate-chrétien de domination mondiale.

    Les marxistes méprisent tant l'utopie que, dans une querelle opposant Lénine à Rosa Luxembourg à propos de la libre-disposition de l'Ukraine et de la Pologne, ces deux hommes politiques se traitent mutuellement d'"utopiste" (à distance), ce qui est un euphémisme pour "jean-foutre". La dialectique marxiste ne vise pas seulement la destruction de la "métaphysique bourgeoise", elle vise aussi la destruction de l'utopie (elle renaîtra en URSS sous la forme d'un déterminisme historique plus technocratique que marxiste).

    Certains marxistes ont reproché à Lénine d'avoir voulu cueillir le fruit de la lutte des classes alors qu'il n'était pas mûr, que la conscience politique du peuple russe était encore balbutiante. Karl Marx avait fait le constat, en 1870, de l'immaturité des socialistes français, qui d'une certaine manière ne voyaient pas le piège qui leur était tendu par le salariat : ils ne voyaient que l'esclavage, à quoi le pacte léonin entre le patron chrétien ou libre-penseur et ses ouvriers faisait penser. Le Capital décrit un phénomène de prostitution, de sorte que le patron capitaliste est plus proche du proxénète que du propriétaire terrien esclavagiste.

    Précisons que "l'inconscience" dont il est question ici, pour éviter la confusion avec l'ésotérisme freudien, est celle d'Adam lorsque Eve l'incite à manger le fruit défendu. Cette inconscience est presque une condition de la jouissance du point de vue freudien néopaïen. L'utopie a un caractère rétrograde et tout aussi macabre que la passion amoureuse, puisqu'il s'agit de revenir à un état d'inconscience antérieur. La société mondialisée heureuse décrite par A. Huxley dans "Brave New World" est une société rétrograde, bien qu'elle soit présentée comme un futur plausible (il l'est autant que les âneries transhumanistes).

    Je voulais parler d'une autre erreur de Lénine ; qu'elle soit intentionnelle ou pas, peu importe ici. Dans l'un de ses argumentaires, destinés à indiquer aux prolétaires le sens de l'Histoire et à signaler les obstacles dressés par la bourgeoisie sur la voie du progrès, Lénine cite la fameuse sentence de Clausewitz : "La guerre est le prolongement de la politique par un autre moyen".

    Lénine fait cette citation pour combattre le pacifisme stérile de certains utopistes (avec le recul on sait que le pacifisme n'a mené à aucune solution de paix, pour ne pas dire qu'il a été instrumentalisé par les puissances impérialistes au cours de la Guerre froide).

    Cela dit, Clausewitz ne prône pas la guerre comme substitut ou appoint de la politique. Clausewitz ne fait que constater l'usage de la guerre au XIXe siècle comme un moyen politique, après avoir observé de près la politique impérialiste réactionnaire de Napoléon Ier, son effort de refondation d'un empire romain et de restauration de ses valeurs.

    On ne dit pas toujours assez précisément en quoi cette aventure politique où la France perdit son âme préfigure l'aventure hitlérienne : l'économie capitaliste rend impossible la restauration de l'empire romain antique, qui reposait sur des fondations économiques très différentes. L'imbécillité politique de Napoléon est proportionnelle à son génie militaire.

    La résurgence des valeurs politiques romaines représente un recul du point de vue marxiste historique. Shakespeare oppose dans "Troïlus & Cressida" les valeurs politiques grecques, incarnées par Ulysse, aux valeurs politiques romaines incarnées par les Troyens, piégés par la passion d'Hélène et Paris, ainsi que par leur sens de l'honneur, dont Shakespeare tire un parti comique.

    Le spectateur ou le lecteur lettré aura reconnu dans "Troïlus & Cressida" une satire de "L'Enéide" de Virgile. A ses lecteurs chrétiens, Shakespeare dit : - Comment pouvez-vous vous accommoder de valeurs romaines, alors qu'il vous est demandé d'être des artisans de paix ? Shakespeare rappelle d'ailleurs que, du point de vue grec, la guerre est une valeur féminine, en soulignant la vanité des guerriers troyens et achéens, dont Ulysse va se servir pour parvenir à ses fins.

    La guerre est donc, pour les Athéniens, un signe de corruption de la politique, et non un moyen de parvenir à une fin politique par un autre moyen. Cela ne fait pas d'Ulysse un pacifiste au sens contemporain du terme, mais sa volonté est tendue vers la résolution du conflit et non pas vers la guerre, au contraire d'Achille.

  • Lire Lénine en 2025 (2)

    Est-ce un enthousiasme excessif qui me fait dire que Lénine est le plus grand homme politique du XXe siècle, avec G. Orwell ? Ce dernier est admirable parce que, tandis que les élites technocratiques s'efforçaient de l'éteindre, Orwell a maintenu la flamme de la politique allumée. Orwell est le théoricien de la persistance et de la banalisation du nazisme, par-delà la chute des dignitaires de ce régime. S'il est une cible privilégiée des diffamateurs professionnels depuis cinquante ans, l'efficacité de la démonstration d'Orwell en est la cause. Orwell refusait de faire le deuil de la "vérité objective", que les propagandistes du bloc russe ou du bloc atlantiste piétinent allègrement tous les jours au nom des "Droits de l'Homme", de la "civilisation", du "camp du bien", de "l'Occident", de la "démocratie"... et parfois même au nom d'Orwell lui-même !

    La grandeur de Lénine se mesure au fait qu'il traite, en 1905, de problèmes politiques dans lesquels l'humanité se trouve plus que jamais empêtrée en 2025 et devant laquelle l'Intelligence artificielle, cette surfemelle alpha, reste muette. La plupart des théoriciens politiques du XXe siècle ne parviennent même pas à formuler ces problèmes.

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  • Lire Lénine en 2025 (1)

    Je lis Lénine pour le besoin de la cause des Gilets jaunes ; Lénine et Orwell sont sans doute les deux plus grands hommes politiques du XXe siècle. Tous les autres n'en ont que les apparences ; tous les autres sont en réalité des "hommes d'Etat", c'est-à-dire des cornacs plus ou moins habiles à mener l'éléphant, qui finissent souvent écrasés sous la bête comme A. Hitler ; l'Histoire n'en gardera trace que comme "phénomènes".

    Orwell explique le risque que représente l'Histoire de faire chuter l'éléphant ("Mon Reich de mille ans pour un éléphant !", aurait crié Hitler avant de se suicider avec sa secrétaire). Le ministère de la Vérité travaille 24h/24 a écrire et réécrire le roman national.

    Quelque décennies séparent Lénine d'Orwell, ainsi que l'échec de la révolution bolchévique à mettre fin à "la dictature de la bourgeoisie". Lénine indique que toute la bourgeoisie n'a pas intérêt au dispositif dictatorial imposé par la très grande bourgeoisie (on parlerait aujourd'hui de bourgeoisie "oligarchique"). La très grande bourgeoisie a aussi la capacité financière, observe Lénine, d'acheter une partie du prolétariat. C'est ce qu'elle a fait en France entre 1950 et aujourd'hui, en achetant les grandes centrales syndicales ; les Gilets jaunes ne sont pas dupes de cette mystification, ce qui explique en partie leur grève générale, débordant non seulement les partis inféodés à la Commission allemande, mais aussi les syndicats, démasqués.

    En parlant de l'échec de la révolution léniniste, on doit immédiatement ajouter que la révolution française de 1789 échoua précédemment à instaurer les idéaux républicains dont elle se réclamait. Staline était "communiste" comme Napoléon Ier fut "républicain".

    Mais on doit aussi -et surtout- parler de l'échec du processus démocratique aux Etats-Unis, tel que Tocqueville l'appelait de ses voeux. La guerre civile dite "de Sécession" a très tôt sonné le glas de l'espoir démocratique libéral tel qu'il est formulé par Tocqueville. Autrement dit, les Etats-Unis ne sont pas plus "démocratiques" que le régime de Staline ne l'est.

    G. Orwell était conscient de l'équivalence de ces échecs. "1984" est par conséquent aussi subversif en 2025 que le léninisme en 1905.

    Les Gilets jaunes "constituants" sont des Gilets jaunes "libéraux" (au sens de Tocqueville) : la lecture de Lénine ou Orwell les informerait utilement de l'inconvénient majeur de "De la Démocratie en Amérique" ; si Tocqueville ne donne pas prise au gouvernement oligarchique (réputé intolérable depuis l'Antiquité), pour autant son essai n'est d'aucun secours pour comprendre la mécanique oligarchique, par exemple le détournement de la science à des fins d'oppression par la bourgeoisie oligarchique. Lénine était beaucoup plus conscient que T. que la très haute bourgeoisie ne reculerait devant aucun moyen pour garantir sa position dominante.

    Lénine se posa en 1917 la même question que les Gilets jaunes et Donald Trump se posent cent ans plus tard : - comment démanteler un Etat profond ? La tâche de Lénine et des bolchéviks était ardue ! En effet, lorsque Lénine évoque l'Etat profond, il ne parle pas tant de la monarchie russe que de l'Etat prussien qui domine alors l'Europe. Lénine n'ignorait pas que la monarchie russe devait à sa propre bêtise et à la fragilité de sa structure, surtout militaire, de s'être effondrée sur elle-même. La monarchie russe était bien plus inadaptée que n'importe quelle autre à l'essor du capitalisme. L'Etat profond est donc, aux yeux de Lénine en 1917, l'Etat allemand.

    Le contexte de l'insurrection des Gilets jaunes est aussi un contexte de gouvernement de l'Union européenne par l'oligarchie allemande ; la constitution gaulliste dictatoriale de 1958 n'est plus qu'une illusion ; elle s'est effondrée sur elle-même, comme la monarchie russe. Les oligarques français se tamponnent de la constitution gaulliste comme de l'An 40, ou comme ils se tamponneraient d'une VIe République. Emmanuel Macron est un PDG, un président japonais, qui applique à la France une politique de redressement économique inefficace. Le rendre responsable de la situation serait, de la part des Gilets jaunes, ignorer leur propre responsabilité politique historique. On ne règle pas le problème du naufrage du "Titanic" en balançant le capitaine par-dessus bord.

    Comment démanteler l'Etat profond ? Il n'y a pas de réponse constitutionnelle à ça, mais seulement une réponse politique imparfaite. E. Macron lui-même avait peut-être des velléités de démanteler l'Etat profond, avant de se retrancher derrière ses piliers : la police, l'Education nationale, les grandes centrales syndicales et l'industrie nucléaire (on oublie parfois que le monopole de l'Etat sur la fourniture d'énergie est l'un des principaux atouts de l'Etat profond - certaines dictatures oligarchiques reposent entièrement sur ce moyen).

    Les constitutions sont toutes "platoniques", c'est-à-dire sans rapport avec la vie politique, comme l'amour platonique se tient à l'écart de la sexualité (on peut déceler dans le constitutionnalisme de Tocqueville son puritanisme). Ce qui plaît tant aux femmes dans les régimes totalitaires - ça c'est Orwell qui le fait remarquer -, c'est leur apparente pureté. La République de Platon est nulle et non avenue, car c'est une République entièrement faite de mots et de concepts. Platon est un anarchiste qui s'ignore.

    Donald Trump entend démanteler l'Etat profond, tout en restaurant la prospérité capitaliste : cela s'appelle scier la branche sur laquelle on est assis, car la domination de l'empire américain sur le monde n'aurait jamais eu lieu si F.D. Roosevelt (le Goebbels étatsunien) n'avait suscité un Etat profond aux Etats-Unis.

    L'échec des Soviets n'est pas si loin, car ils ont essayé de démanteler l'Etat bourgeois profond, tout en faisant la guerre. La dictature du prolétariat, qui est une dictature défensive, a été entraînée dans l'engrenage de la guerre. Pratiquement la seconde guerre mondiale a eu pour effet de convertir l'Union soviétique au capitalisme et pour effet de convertir les Etats-Unis au dirigisme d'Etat.

    La chance des Gilets jaunes (que les manifestants de "Mai 68" n'ont pas eue, et dont F. Mitterrand et ses partisans n'ont pas su profiter), est d'avoir vu une brèche s'ouvrir dans l'Etat profond. L'oligarchie a dépensé mille milliards au bas mot pour colmater cette brèche depuis 2018. Les actionnaires de l'Etat profond, au sens large, ne savent rien faire d'autre que cornaquer l'éléphant. Les Gilets jaunes ne peuvent que compter sur eux-mêmes, comme Lénine et ses partisans.

  • Bonne presse

    Raphaël Enthoven (vu à la télé et dans plusieurs romans bcbg) s'étonne que Lénine continue d'avoir "bonne presse". Je m'étonne que Raphaël Enthoven ait commencé d'avoir "bonne presse".

    Ce type est emblématique à mes yeux de la connerie janséniste-libérale, qui comprend l'hommage gratuit du bourgeois à la politique (c'est-à-dire à lui-même), assorti en l'occurrence d'insultes au seul homme politique du XXe siècle qui ait un minimum d'intelligence. Churchill n'est pas idiot non plus, mais Lénine est le seul homme politique des deux voire trois derniers siècles à avoir été capable de prévoir le climat politique des cinquante années suivant son propre règne.

  • Actualité de Lénine

    Les conclusions que les doctes experts mandatés près les chaînes de télévision publique pour causer de la Chine des généraux maoïstes (Jean-Marie Domenach) ou de la Russie de Staline, Lénine lui-même n'a pas attendu le déploiement ruineux d'un siècle de capitalisme pour les tirer :

    "(...) C'est précisément sur ce point, le plus important, le plus indiscutable peut-être de la question de l'Etat, que les leçons de Marx sont le plus oubliées ! Dans les innombrables commentaires populaires, pas un mot de tout cela ! Il est "d'usage" de se taire là-dessus, comme sur une "naïveté" surrannée, exactement comme les chrétiens, une fois leur culte devenu religion d'Etat, ont "oublié" les "naïvetés" du christianisme primitif et son esprit démocratique révolutionnaire. L'abaissement du traitement des hauts fonctionnaires semble la "simple" exigence d'un démocratisme naïf et primitif [démocratisme primitif dans lequel Lénine voit une étape par laquelle la Russie encore largement paysanne doit passer]."

    Petit extrait tiré de "L'Etat et la Révolution", nlle éd. 1925, chap. "Par quoi remplacer la mécanique d'Etat, une fois celle-ci brisée ?", extrait riche d'enseignements.

    D'abord on pige que ce bouquin est une lecture plus honnête que celle de tous les sociologues communistes actuels et passés, Daniel Bensaïd en tête, redevables pour leur part d'intelligence entièrement à Marx ou Lénine, exactement comme les branleurs Max Weber ou Durkheim, mais qui n'en réservent pas moins à Marx ou Lénine de petits sourires ironiques et blasés à l'évocation de leurs doctrines. Une fois la télé coupée, l'oeuvre de Marx écrase sous son poids de science les mimiques de la sociologie. La sociologie comme science autonome n'a pas d'autre usage, en définitive, que la tactique électorale. La sociologie accompagne le temps. L'histoire selon Marx est contre le temps et hors l'école ou l'académie, plus proche de Rabelais que de Mai 68.

    Crétin de la même trempe que les sociologues bourgeois, formé lui-même à l'école soviétique, A. Soljénitsyne a interprété l'attrait des Russes d'origine juive pour le communisme comme un attrait pour le "messianisme", alors que les Juifs russes n'ont pas été attirés par le communisme mais enrôlés, bon gré, mal gré, par l'appareil d'Etat soviétique, jusqu'à un retour de bâton identique à celui qui a frappé le garde rouge Soljénitsyne (Le cas de Trotski est non moins ambigu puisqu'il est une sorte de génie militaire avant tout, comme Hitler, Franco ou Napoléon, ce qui implique plutôt la science cartésienne que marxiste.)

    Pour dire que sociologies de droite et de gauche mènent au même genre de clichés historiques. Tous les sociologues et autres universitaires accrédités qui chapitrent les régimes communistes dans les médiats, Staline qui a aussi "bon dos" que Hitler désormais, tous ces fonctionnaires sont plus intéressés à la permanence de l'Etat que Lénine lui-même ; on peut même dire que, comme l'anarchie, la sociologie est une idéologie entièrement adossée à l'Etat. C'est bien pourquoi l'enseignement à "Sciences-po." ne dépasse jamais le stade du cliché sociologique : l'histoire de France par E. Zemmour ou Alain Minc. Y sera forcément passé sous silence le mobile industriel des guerres des XIXe et XXe siècles, avec l'aide du cinéma et des tas de cadavres de l'histoire-spectacle.

    *

    L'extrait recèle aussi que le communisme de Lénine repose presque aussi nettement que celui d'Engels sur une déception du christianisme, ou au moins le constat de sa subversion.
    En outre si Lénine peut prédire ce que nos experts se contentent de constater près d'un siècle plus tard, cela révèle le caractère non moins statique du capitalisme comparé au nazisme, animé par la même dynamique horlogère truquée. Et après l'histoire ? S'interroge le penseur radical-socialiste qui n'y est jamais entré, comme le bourgeois demande à sa bourgeoise si elle est heureuse après le coït dans les dessins de Forain.
    La qualification de "théocratie" est extensible aux Etats démocratiques dits "occidentaux" concurrents de la Chine et de la Russie, qui pourraient recevoir des leçons de censure par le divertissement médiatique de l'Occident - il est temps que la Chine se mette à la révolution sexuelle, au football, au cinoche et aux "Beatles" si elle veut parer tout risque de changement, surtout intellectuel, le plus dangereux pour l'industrie capitaliste en ce qu'il détourne de la soif de l'or et excite la peur du lendemain, sur quoi la matrice du Léviathan capitaliste repose. Quel est l'intérêt pour des Chinois dont les candidats français à l'investissement industriel en Chine nous disent qu'ils se sont considérablement enrichis au cours des dernières années, d'essayer d'imiter en tout leurs alliés yankis, pornocrates puritains fatigués ? D'autant plus qu'on prédit le tarissement de l'or noir. En réalité les Chinois n'ont plus le choix ; il ne leur reste plus que la mécanique, l'existentialisme en dernier recours, religion des esclaves du veau d'or.


    - Il est clair aussi dans ce passage que la dynamique de Marx va à l'encontre de la réflexion, de la spirale du temps qui courbe la tête de ses valets de plus en plus vers le sol, puis vers le centre froid de la terre où règne l'idée en maîtresse hideuse (la charogne de Baudelaire). L'autruche a déjà la tête dans le sable. L'Etat laïc totalitaire ne fait en effet qu'éradiquer la science comme auparavant, s'enracinant dans la terre, jusqu'à faire couler le sang païen dans toutes ses veines, l'Eglise a éradiqué la révélation, l'échangeant contre un culte des morts odieux, qui fait bien l'affaire des assassins en uniformes qui grouillent comme des insectes à la surface du globe.

  • Une France d'Epinal

    Dieu préserve bien sûr d'adorer une idole aussi ésotérique que la "nation", non pas seulement parce qu'on ne peut servir deux maîtres à la fois, mais parce que les slogans appelant à saigner des Prussiens indiquent même au crétin le plus farouche quel "maître" se cache derrière la nation. D'ailleurs du sang versé dans la terre ne naissent que de mauvaises idées.

    Pire encore que le nationalisme sur le plan intellectuel, il y a la franchouillardise gaulliste. Le football, l'affaire est entendue, vise à maintenir les employés du Capital dans un état d'abrutissement aussi complet que possible ; mais la franchouillardise gaulliste est plus grave, car enseignée à l'école aux gosses. Raisonnablement, on peut établir ce classement des chefs d'Etat occidentaux par ordre d'intelligence :

    - n° 1 : Lénine ; pour son rôle politique, mais aussi en raison de sa prescience des événements, prévision quasiment inédite dans l'histoire des Etats de type "jacobin" de la part d'un homme politique aux commandes (Lénine est si intelligent d'ailleurs, qu'il échappe presque à la définition de l'homme politique.)

    - n° 2 : Churchill, à égalité avec Staline, pour avoir contribué à tirer leurs pays de situations très délicates ; mention spéciale à Churchill, peut-être, qui parvint à dissimuler le rôle mobilisateur joué par l'Angleterre impérialiste dans le déclenchement de la 2nde Guerre mondiale, se jouant notamment du médiocre personnel politique français et de la naïveté d'Hitler.

    - n° 4 : Roosevelt : en engageant son pays dans la guerre après qu'elle fut déjà perdue par l'Allemagne, contre la tradition "girondine" des Etats-Unis, il a relancé l'industrie de son pays en plein marasme en procurant assez de commandes et d'emplois militaires, établissant les Etats-Unis première puissance impérialiste mondiale.

    - n° 5 : Franco, pour son extraordinaire aptitude - il est sans doute le plus grand stratège du XXe siècle devant Pétain et quelques maréchaux allemands - en partant de rien à conquérir tout, sorte de Don Quichotte sanglant absurdement triomphant.

    - n° 6 : Hitler - limité comme Robespierre par des idées républicaines latines trop étriquées, et jouet de la bourgeoisie qui ne lui a jamais pardonné son jusqu'au-boutisme (même s'il reste sans doute en Allemagne des nostalgiques du "panache" d'Hitler, comme il y a en France assez de nostalgiques du "panache" de Napoléon, trempé dans le sang.)

    - n° 7 : Mussolini : le même qu'Hitler en moins naïf et dans une nation sans doute plus intelligente et moins encline à se précipiter derrière le premier chef d'orchestre venu.

    Et, aussi peu sympathique soit la figure du chef de l'Armée rouge, Trotski, on est obligé de s'incliner devant son talent politique à réorganiser une armée russe complètement désorganisée en un laps de temps très court. Bref il n'y a aucune raison sauf la franchouillardise de faire figurer de Gaulle dans les dix ni même les vingt premières personnalités politiques, en incluant les représentants des autres continents - aucune raison militaire, politique ou autre ; il a été la baderne la plus habile à manoeuvrer politiquement au bon endroit et au bon moment, voilà tout.

    Il est vrai que je rédige aussi cette note pour me faire pardonner d'un péché de jeunesse : avoir dit du bien de de Gaulle dans une copie du baccalauréat pour être sûr d'obtenir une mention, alors que cet éléphant horrible et sa valetaille m'inspiraient déjà la plus vive aversion (on peut haïr de Gaulle aussi bien que Cohn-Bendit et trouver leur "réconciliation" post-mortem parfaitement logique) ; sur le fond ça ne change rien, de Gaulle reste un des symboles de la manière dont la bourgeoisie française s'auto-congratule depuis cinquante ans pour des bienfaits qu'elle n'a jamais commis et ne commettra jamais plus.

  • Morale du bobo

    L'acteur de cinoche Charles Berling définit sa morale, la morale du bobo, comme étant le meilleur moyen de préserver les beaux quartiers de la colère des pauvres (l'antiracisme importé des Etats-Unis par BHL est un axe essentiel de ce dispositif).

    On voit que la sociale-démocratie laïque mène directement au mépris de la Charité, traduite en Ruse.

    Lénine et Marx n'ont jamais perdu de vue que la principale menace pour la révolution ne vient pas de la "province réactionnaire" mais de la sociale-démocratie. Satan est beaucoup trop malin pour être de droite. Avec Satan c'est toujours d'une part et d'autre part.

    Un acteur de cinoche ne se tient jamais très loin de l'abjection.

     

     

     

  • Marx pour les Nuls

    On n'a aucune chance de comprendre le communisme si on ne pige pas qu'il part d'une déception du christianisme. C'est très net de la part d'Engels, désarçonné de son éducation chrétienne par la réalité de la misère qui règne dans les faubourgs de Manchester. Pour Marx, le mépris est plutôt d'ordre scientifique. Engels le coeur, Marx la tête.

    Sans oublier Lénine : "Il est d'usage de se taire là-dessus [l'Etat selon Marx], comme sur une "naïveté" surrannée, exactement comme les chrétiens, une fois leur culte devenu religion d'Etat, ont "oublié" les "naïvetés" du christianisme primitif et son esprit démocratique révolutionnaire." (In : "L'Etat et la Révolution").

    Sous Sarkozy, on est tenté d'effacer que le communisme comme le christianisme postulent une cosmogonie très différente de celle qui consiste à s'asseoir devant les Jeux olympiques et à applaudir des exploits minimalistes.

  • Demain l'orthodoxie ?

    Qu'un jeune vicaire démocrate-chrétien dans son sermon puisse faire référence à Nitche comme ce matin, voilà qui en dit long sur l'ultra-ringardise de l'Eglise de France et de son clergé, son évolutionnisme, sa soumission aux dogmes bourgeois.

    Michel Onfray a beau prendre la posture du philosophe anticlérical, afin de mieux passer à la télé, c'est un pur élève de l'école et de la morale démocrate-chrétienne. Un curé démocrate-chrétien, voilà ce qu'est Michel Onfray exactement, en plus ambitieux, avec une "volonté de puissance" plus grande. Qu'est-ce qui sépare Onfray d'un autre curé libéral ambitieux tel l'abbé La Morandais, par exemple ? Je ne vois pas. Mêmes valeurs démocratiques dépassées, même hédonisme petit-bourgeois ennuyeux. Des marionnettes qui se croient libres parce que leurs livres font un tabac dans les supermarchés, et que Guillaume Durand ou Marc-Olivier Fogiel les admirent.

    L'Eglise, traditionnellement, s'est montrée conciliante avec le paganisme des champs, qui a donné La Fontaine ou La Bruyère (qui influence Marx également), voire Rousseau. Mais le néopaganisme des villes, celui de Nitche, cet espèce de Virgile de parc d'attraction, dépasse les bornes de la raison. Avec le même ridicule que ces bobos qui retournent à la Nature et n'ont pas encore mis les pieds dans gadoue qu'ils vous donnent déjà des leçons de science-naturelle. Ou que Philippe Sollers sous la férule de sa bourgeoise qui n'hésite pas à donner des leçons de libertinage.

    L'existentialisme de Nitche et la peinture impressionniste du dimanche, voilà le niveau de la démocratie-chrétienne. Pour nettoyer les écuries d'Augias et tailler les bacchantes à Nitche, il faut à Benoît XVI autre chose qu'un kärcher nazi ou qu'une somme théologique assommante. Au moins la volonté de résistance de Marx et la ruse de Lénine.