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  • La nausée

    Dans son uniforme vert improbable, un vendeur de la Fnac m’empêche de picorer tranquillement dans Kamikaze à force de vérifier l’alignement des bouquins sur lesquels, justement, j’ai appuyé le pavé de Nabe, difficile à feuilleter dans le vide. Il m’oblige à me décaler pour le laisser s’affairer. Je lui cède deux mètres, mais, très vite, il les regagne. Le fait-il exprès ? Dire qu’il m’agace prodigieusement, c’est peu. J’ai envie de foutre le bordel dans son rangement aussi maniaque qu’absurde. D’ouvrir la fenêtre et de balourder dans la rue son Beigbeder en promotion, sa Lolita Pille primeur, son BHL étouffe-chrétien, son Dan Frank laxatif, son Gracq périmé…

    J’ai la nausée, mais je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Ma conscience me dit que je ne suis qu’un collabo à chaque fois que je pénètre dans ce décor minimaliste, pose le pied sur cet escalator stalinien, dépasse la cafétéria qui ressemble à une salle des profs… complice d’un système communiste, additionné d’une dose de capitalisme, le plus abject qui soit. Je me dégoûte ! C’est rare, quand même, que j'ai la nausée comme aujourd’hui, au point de battre en retraite, d’abandonner Nabe au milieu de tous ces détritus matérialistes.

    Je monte dans un bus bondé pour rentrer chez moi. Le temps aussi est maussade. Je force mon attention à se concentrer sur le profil d’une jolie vierge qui minaude à peine, coincée dans un angle contre moi. Très belle chevelure ondulée. Quand elle change de position et que sa main effleure mon bras nu, ça me fait du bien aussi. Putain, qu’est-ce qu’il fait chaud ! Je voudrais bander, mais mon envie de gerber reprend le dessus tout d’un coup. Il faut que je sorte de ce bus en vitesse ! Il est bloqué dans la circulation, merde, de l’air, j’étouffe !! Il redémarre brutalement et parvient à semer ses poursuivants. À l’arrêt je m'extrait le premier. Pfffuiouh, pas trop tôt ! Je regarde à droite, à gauche. En voilà une… Je me dirige vers elle d’un pas mal assuré. Me penche soigneusement au-dessus et commence à dégueuler, proprement, en visant. Entre deux renvois, je n’en mène pas large, mais je fais un effort pour me tenir droit. Les passants qui débouchent au coin de la rue sont un peu étonné par ma position vi-à-vis de cette poubelle de rue.

    Maintenant, je suis complètement vidé et m’allongerais volontiers sur le trottoir pour reprendre des forces, mais la place des Ternes n’est pas assez hospitalière. Pfuiitt ! Quel soulagement de ne pas avoir aspergé la fille du bus. Et tous ces passagers entassés. Quel bazard ça aurait été ! Mais de quelle pittoresque description mon respect humain et mon sang froid privent ce journal. J'imagine des cris d'effroi, des larmes, des insultes !
    Je crois que c’est surtout ce gratin de coquilles St-Jacques que j’ai mangé à midi qui m’a bouleversé, plus que mon détour par la Fnac, faut être honnête.

  • Coming out & flash back

    Question piège n° 1 - Êtes-vous raciste ? - Non merci, sans façon !… Hop, hop, hop, pas si vite ! Qu’est-ce qu’un raciste, d’abord ? Un con ! Affirmatif. C’est un des signes distinctifs. Or, un con qui déclare qu’il ne l’est pas, vous le croyez, vous ? Non, hein, vaut mieux se méfier… C’est pas si simple, donc. Ça se complique, même, car si quelqu’un avoue qu’il est un gros con, on va se méfier encore plus. Ferait pas une petite dépression, lui ?

    Question piège n° 2 : - Êtes-vous homophobe ? - Homo… quoi ? Ah, non merci, ça non plus !… Oui, mais là, c’est beaucoup plus compliqué, un vrai casse-tête. C’est quoi un homophobe ? C’est une autre espèce de con, un con qui n’aime pas les homosexuels, ce coup-ci. Et ça, c’est pas facile, de savoir si on aime ou pas les homosexuels, sexuellement je veux dire - car c’est une question éminement sexuelle, l’homosexualité.

    Comme Socrate, je vais illustrer mon propos par un exemple. J’avais 18 ans. David aussi. On avait pas mal bu. Je devrais dire : il m’avait beaucoup resservi (c’est pas trop difficile de me faire picoler). La tête me tournait un peu et je m’allongeai sur la pelouse. Jusque-là, j’ignorais qu’il en pinçait pour moi. Quand il m’embrassa sur la bouche, ce fut le déclic, je compris enfin : ce foulard Hermès qu’il nouait délicatement autour de son cou, ces eaux de toilette coûteuses dont il s’aspergeait… Mais, comme je ne fermai pas les yeux, que je ne soupirai pas d’aise, David devina ma réticence. Sans se vexer, il s’enhardit alors à m’attraper les couilles, gentiment, à travers mon jean, pour essayer de me séduire par là. Bon réflexe, je m’abstins de m’énerver bêtement, genre : “Lâche-moi la grappe, gros pédé !”. Je dis “réflexe”, mais à vrai dire j’étais médusé. Comme une fille à qui tu mets la main dans la culotte sans crier gare, alors qu’elle te trouve sympa, certes, mais qu’elle n’apprécie pas particulièrement ton physique. J’étais très gêné, surtout pour lui. Il s’acharna deux minutes sur mes parties génitales, me sussurrant à l’oreille des flatteries sur mon anatomie, puis, voyant que je ne bandais pas d’un chouïa, lâcha prise. Je refoulais peut-être mes désirs homosexuels, mais tellement bien que c’était pas la peine d’insister. Un peu plus tard dans la soirée, il a pleuré, je crois que c’était parce qu’il avait un peu honte, il voulait pas que sa mère l’apprenne, et puis il s’était mis à écluser à son tour le Bordeaux. Moi, j’étais fixé sur mon compte, je savais désormais que j’étais homophobe, confusément, parce qu’à l’époque le mot n’existait pas encore, c’était il y a un peu plus de dix ans.

  • Boycott

    Dans “Le Monde” d’hier, je lis : « Ces prêcheurs [musulmans] attisent l'idée selon laquelle ils sont "victimes de discrimination et de racisme", générant un racisme antifrançais en retour. » Et je sursaute. J’écarquille bien les yeux et je relis ces mots incongrus : “un racisme antifrançais” (!?). Ça y est, les riches aussi commencent à flipper ! Ça fait vingt ans que Le Pen use de cette expression, et, un beau matin, vous la retrouvez recyclée dans “Le Monde”, comme si de rien n’était.
    D’accord, “Le Monde” est une usine à recycler les vieux matériaux idéologiques, mais quand même, il y a certains signes qui ne trompent pas ! La banlieue déborde. Neuilly se sent menacé et appelle St-Cloud à la rescousse… À moins que notre quotidien de référence, après avoir soutenu Mitterrand, puis Balladur, puis Jospin, ne se prépare à soutenir Sarkozy. Rester du côté du manche, c’est la ligne du “Monde”.

    La ligne du “Journal de la Culture”, elle, je la pige moins bien. Mais, de toute façon, j’ai décidé de ne pas le lire. Non, je ne lirai pas la dissection du corps de Bloy par Juan Asensio (de toute façon, je l’ai déjà lue sur son blogue) ; non, je ne lirai pas le “Loft des écrivains” (déjà lu aussi) ; non, je ne lirai pas l’interview de Dan Franck (de toute façon, il n’a rien à dire ni à écrire). Pourquoi ? Parce que Juldé n’a pas été payé ! Bien sûr, il peut y avoir un certain réconfort pour lui à lire son nom dans l’ours d’une revue, mais au point où il en est, j’estime que ce n’est pas suffisant. Au noir, en liquide, au prorata des ventes ou en nature, payez Monsieur Vebret ! Pour délivrer Juldé du cancer qui le ronge, qui l’empêche de déployer ses ailes et de s’envoler enfin vers Paris et le succès : le RMI.