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  • Croque-mitaine ou Croque-minou ?

    Par moments, ça ressemble aux mémoires d’un bobo tartinant sur ses états d’âme :

    « Ma fille venait d’atteindre ses quatre ans et allait maintenant à l’école maternelle de la rue d’Orsel. Elle m’avait fait passer, le jour de la rentrée, pour un abominable père indigne, ne cessant de hurler à mort tout le long du chemin et ameutant les passants avec ses gueulantes inhumaines.
    Anik, qui se levait très tôt pour aller au boulot, dans l’impossibilité de se farcir la corvée, m’avait refilé le bébé. Un vrai chemin de croix, nom de Dieu ! J’aurais de loin préféré le rôle du martyr à celui du bourreau. Je m’étais senti ulcéré d’avoir dû, à mon tour, me conduire comme un enculé d’officier. »


    Pourtant, c’est les souvenirs de Siné, tome troisième, réédités par Casterman, enluminés de petits mickeys de l’auteur : Ma vie, mon œuvre, mon cul.
    Siné, le dernier des anarchistes ! Le seul à oser encore se réjouir publiquement lorsqu’un gendarme se fait buter dans l’exercice de son sacerdoce. Sauf que lorsque sa villa en Corse fut cambriolée, notre croque-minou appela nonobstant les forces de l’ordre à la rescousse, faut pas pousser pépé dans le ravin, quand même…

    L’épisode où il va taper Céline d’une préface à l’adresse que Nimier lui a refilée est assez édifiant. C’est ce qui me décide à chouraver cet album à 15 euros la pièce, excusez du peu. Chuis pas un anar embourgeoisé, moi.

    Le flic de service en costard et lunettes noires près du portail antivol électronique n’y voit que du feu.
    Dans mes chiottes où il fait bon lire, je termine peinard.

    Rendu devant chez Céline – anar aussi, mais pas le genre à agiter un drapeau -, Siné recule, son culot énorme se dégonfle un tantinet. Mais il lui en reste assez pour demander à Marcel Aymé… Qui s’exécute ! Brave Marcel, ami des bêtes au point de caresser un chien enragé…
    Édifiante aussi, l’ascension sociale à la force du crayon, grâce au Banania, au Viandox, au chewing-gum Hollywood, aux laboratoires Sandoz, etc., qui payent grassement les dessins publicitaires de Siné.

    Pépé Siné aujourd'hui, sauf son manque de respect, est certes perclus de contradictions, mais pas de complexes, et continue à signer de son écriture rondouillarde des billets d’humeur peu vagabonde dans un canard à la demi-solde du parti socialiste : Charlie Hebdo. J’allais oublier de tirer la chasse d’eau.

  • Qu'ils aillent se faire pendre !

    Ce sont les risques du métier, Messieurs Chesnot et Malbrunot… Lorsque meurt un maçon sous son faix, on n’en fait pas un drame. Certains n’applaudissent-ils pas, même, lorsque le toréador se fait embrocher ?
    Les risques d’un métier de vautour, c’est de se faire tordre le cou par une charogne pas encore complètement refroidie. Vous pensiez être de bons citoyens au service de l’information, pas des charognards ? Cette blague ! Vous croyez que les Irakiens ne savent pas que les Français relèvent les troupes américaines en Afghanistan pour leur permettre de mieux se déployer en Irak ?

    Mais vous pouvez compter sur Chirac pour faire pleurer les amateurs de western sur votre sort en imitant les trémolos de John Wayne. Les otages, c’est sa spécialité, il sait les accommoder, depuis le temps ! D’ici qu’on sorte Marchiani de prison pour vous le parachuter…

  • Lapinos se dévoile…

    Jardin du Luxembourg, quinze heures trente. Un vent à faire chavirer les petits voiliers. Chloé arrive dans mon dos alors que je m’apprêtais à repartir. Surpris, je fais choir le Journal de la Culture dans le bassin en me retournant brusquement. Flûte, je ne l’avais même pas encore lu (fidèle à ma promesse) ! Je le regarde couler maintenant, impuissant. Un col-vert femelle donne un ou deux coups de bec, intrigué, agacé ?

    Avec mon admiratrice qui s’excuse, j’échange un baiser comme l’exige la coutume dans ce pays de Judas.

    Chloé n’a même pas Le Voyage dans les mains, comme je le lui avais commandé. Bon sang, ce n’est tout de même pas les Lettres à Roger Nimier ! Ça commence mal… Tandis que nous nous dirigeons vers la buvette, je ne peux m’empêcher d’allumer un clope pour dissimuler ma nervosité. Chloé n’est pas vraiment belle, non, elle a ce qu’on appelle du “charme”. Elle, Marie-Claire ou Cosmo peuvent toujours essayer de faire gober à leurs lectrices que c’est encore mieux, le charme, rien ne remplace vraiment la Beauté avec un grand B.
    Je suis pas nerveux parce que c’est ma première interviou, non, mais parce que ça risque d’être la dernière. Je commande deux cafés et un ballon de blanc. Chloé réclame un grand verre d’eau en plus…

    Chloé : Quel âge as-tu exactement, Lapinos ?
    Lapinos : Non, je préfère que tu m’appelles par mon vrai nom : mon prénom c’est Xavier. Et toi, tu t’appelles vraiment Chloé ?
    Chloé : Oui, pourquoi, y’a un problème ?
    Lapinos : Mmmh, oui, je croyais, mais t’as pas l’air d’en vouloir à tes parents, alors…
    Chloé : Mon père est mort !
    Lapinos : Je l’ignorais… C’est le…
    Chloé : Stop ! Stop ! C’est moi qui te pose des questions, oké ?
    Lapinos : Je…
    Chloé : Oké ?
    Lapinos : Tout ce que tu voudras, à condition que t’arrêtes de dire oké, d’accord ?
    Chloé : Pffff… Je te trouve agressif comme mec, je pensais pas que…
    Lapinos : C’est que ça fait plusieurs jours que je n’ai pas… tu comprends ?

    Le serveur rapplique avec les cafés et mon jaja. Pas trop tôt, je commençais à avoir la gorge sèche.

    Chloé : Que tu n’as pas… ?
    Lapinos : Tu m’intimides.
    Chloé : Normal, c’est ta première interviou, non ?
    Lapinos : Oui, tu veux un clope ?
    Chloé : Non merci, je fume pas.
    Lapinos : T’as tort. Vraiment, j’insiste…
    Chloé : O… D’accord, file-moi-z’en une…
    Critch… critch… critch… (ma pierre est presque morte)
    Chloé : Kof ! Kof ! Kof ! Putain, c’est fort !
    Lapinos : Tu crois quand même pas que j’vais fumer des BHL !
    Chloé : Des quoi ?
    Lapinos : Des BHL : ça veut dire Benson et Hedl… et Hedi… ah, merde ! Benson et Hedges lights, voilà ! Mais ça veut dire aussi…
    Chloé : Ah oui, oui, ça y est, je me rappelle, j’ai lu ça dans un de tes posts…
    Lapinos : Hem…

    Un blanc. Chloé consulte une petite fiche.

    Chloé : Ah, oui… Quelle est ton ambition en écrivant ce blogue, Xavier… ?

    Je fais la grimace.

    Lapinos : Le café est dégueulasse !! Tu trouves pas ?
    Chloé : S’il-te-plaît, réponds à mes questions sinon ça va ressembler à rien cette interviou !
    Lapinos : Ouais, ouais, attends… Ambition, ambition, est-ce que j’ai une gueule d’ambition !?
    Chloé : Oui, pourquoi pas ?
    Lapinos : Hein !? Ça alors, on ne me l’avait jamais faite celle-là, ça… C’est peut-être ma nouvelle coiffure ?
    Chloé : Ça te va bien, je trouve, mais je sais pas à quoi tu ressemblais avant. Tu sais à qui tu me fais penser, au type qui joue…
    Lapinos : Chloé, Chloé, chhht ! Je préfère ne pas le savoir, ça ne me ferait pas forcément plaisir tu sais…
    Chloé : Pfff !! Bon, et sinon, ce que tu racontes sur ton blogue c’est vrai à 20, 30, 80 ou 100 % ?
    Lapinos : Tu sais, Chloé, il n’existe pas de grand caractère qui ne tende à quelque exagération… Je préfère qu’on arrête maintenant, parce que ça va être vachement trop long à retranscrire, sinon. D’accord ?

  • Haro sur la baudruche !

    Hier soir, tandis que Paris était une fête à neu-neu, je dégustais un pigeon en sarcophage chez ma cousine Sophie, en compagnie de quelques convives, cinq en comptant Jean qui est arrivé très tard, ayant tenté imprudemment la traversée de Paris.

    Cinq hommes célibataires, parce que Sophie vient d’avoir trente ans et veut désormais se marier. Elle m’a laissé un sursis assez bref d’un an. Passé ce délai, je devrai l’épouser. Car j’ai beau me réfugier derrière l’interdit de l’inceste, Sophie n’est pas dupe ; elle n’a pas oublié que, quand j’avais quinze ans, j’ai tenté de la violer dans une soupente. Elle s’est abstenue alors de me dénoncer à mes grands-parents, mais elle croit depuis me “tenir” avec ça.

    Je me souviens que mon confesseur, un jeune prêtre en vacances dans ce petit village proche de la côte normande, me navra profondément en m'enjoignant en guise de pénitence d’offrir un bouquet de fleurs à Sophie (!!!). Je n’avais pas osé lui avouer que c’était ma cousine, mais tout de même, ça m'a dégoûté ensuite d’aller à confesse pendant plusieurs années (!!!).

    Quant à Sophie, j’ai cessé de la désirer depuis cet instant où elle s’est refusée à moi en poussant des cris stridents, avec une constance qui n’est pas dans ma nature, pendant près de quinze ans. En revanche, elle, s'est entichée de moi dès le lendemain de cette aventure, et je lui cache depuis pour préserver sa pudeur le refroidissement aussi bizarre que subit de mes sentiments. Elle pourrait deviner la vérité, mais les femmes qui ne sont pas mariées à trente ans restent généralement éloignées de la vérité le restant de leur vie.

    Ne fallait-il pas qu’elle soit un peu bargeot pour accepter ma proposition d’organiser un salon littéraire dans son loft de la Place des Ternes ?

    « - C’est complètement démodé, plus personne ne lit aujourd’hui… surtout pas les mecs ! », a-t-elle fait mine de se défendre. J’ai convenu que c’était un peu démodé comme idée, c’est la télé qui est désormais au centre des conversations, mais « Il faut être ferme sur les principes, Sophie : quand bien même on ne parlerait que des derniers exploits télévisés de Beigbeder ou de Koh Lanta, je t’assure que c'est un salon li-té-raire que tu dois tenir… Tu peux compter sur mon vernis de culture pour citer un ou deux noms d’écrivains au cours de la soirée.»

    Je me suis engagé aussi, un peu à la légère, à fournir les célibataires. Or, nous n’en sommes qu’au troisième dîner et je commence déjà à être à court…

    La difficulté à déguster proprement les pigeons de Sophie nous a bien tenus en haleine jusqu’à dix heures, beaucoup plus longtemps que le dernier bouquin de la fille du hussard bleu, Marie Nimier, sur lequel j’ai cru bon d’aiguiller la conversation ensuite. Je crois que personne ne l’avait vraiment lu et qu’en plus on commençait à en avoir ras-le-bol de ronger des os. Flop…
    « Et Virginie Despentes, quelqu’un peut me dire ?… » On a vraiment dû faire tous une sale gueule, parce que Sophie n’a même pas terminé sa phrase. Là, un blanc.
    Très vaine soirée, puisque tous les célibataires ont été éliminés par Sophie.

    Tiens, puisque je suis au rayon des vieilles baudruches dans le vent, disons un mot d’Alexandre Adler. N’écoutant que le conseil d’un blogueur voisin, j’ai parcouru son édito du 25 août à la Une du Figaro. Manifestement, cette outre passe le concours pour devenir nègre de Sarkozy. Je vous laisse juger sur pièce :

    « Soixante ans plus tard, la libération de Paris, tel le Napoléon de Mallarmé, commence à être changée par l'éternité qui s'approche », ou :
    « De Gaulle, tel Christophe Colomb, avait cru découvrir ses Indes à lui au soir de la libération de la capitale, c'est-à-dire la grandeur restaurée de la France républicaine. » Difficile de faire plus stupide et je pense qu’il sera recalé.

  • A force de mâcher du chewing-gum

    Léger malaise en me réveillant ce matin. Y’a de la commémoration dans l’air, je le sens dans mes articulations…
    Aujourd’hui, nous célébrons la gloire des jeunes héros français qui, après des années d’une Résistance sublime, pour ne pas dire subliminale, prirent leur courage à deux mains pour aller botter le cul des nazis, devançant ainsi des soldats américains, certes forts sympathiques, mais un peu longs à la détente à force de mâcher du chewing-gum.
    Je me rappelle cette leçon de mon institutrice du cours moyen, assenée plusieurs fois, et son parfum d’ennui mortel, avec un vif déplaisir. À côté de cette Histoire cousue de fil tricolore, les contes de Perrault me paraissaient beaucoup moins manichéens. Et le chemin des écoliers un vrai chemin de croix.

    Il vaut mieux que j’évite d’allumer la télé aujourd’hui, me dis-je, et, abruti, j’allume la radio. L’invité de Pierre Thivolet ce matin sur Europe 1 s’appelle Philippe Castetbon. Il a écrit un bouquin sur les plaques commémoratives dont les murs de Paris sont parsemés. “Ici est tombé Untel, poussé par une botte nazie…” Une sorte d’enquête, si je comprends bien, pour tâcher de savoir qui étaient vraiment ces martyrs inconnus qui donnèrent leur vie pour que cesse de résonner le bruit des bottes allemandes sur le pavé parisien mouillé… Et c’est au moment où je m’y attends le moins, donc, que je recouvre ma bonne humeur, grâce à la franchise de ce type, Castetbon, manifestement peu préparé à parler au micro d’Europe 1 à une heure de grande écoute. Car ne voila-t-il pas qu’il se met à raconter benoîtement sa surprise d’avoir découvert que la plupart de ces martyrs n’étaient en fait que des “résistants de la dernière heure”, des gars qui s’étaient juste trouvés là au mauvais moment, écopant d’une balle perdue…

    Mais Pierre Thivolet, qui commence à trouver qu’il fait chaud dans le studio, interrompt avec professionnalisme ce bel élan de sincérité pour nous rappeler que Philippe Castetbon est encore très jeune et que la préface de son bouquin est signée Bertrand Delanoë.

    Après j’éteins la radio et j’allume l’ordinateur pour lire mes messages. Faut que je change de boîte aux lettres, celle-ci marche mal. Une admiratrice m’écrit : « Lapinos, pourrais-tu te dévoiler davantage, on ne sait presque rien sur toi ? », dans un courriel proprement dithyrambique. Mais j’ai lu la plupart des fables de La Fontaine et il en faut plus pour m’attraper. Cette admiratrice se propose ensuite de m’interviouver, puis de jeter ça en pâture sur internet. Bof… Finalement, comme elle n’a pas joint sa photo, la curiosité l’emporte et je me ravise vite. D’accord, mais à une condition : je ferai les questions et les réponses. “On n’est jamais si bien servi que par soi-même”. Ça ne devrait pas trop la gêner, vu que cette interviou n’est qu’un prétexte pour me rencontrer.
    Mon ami Jacques P., après la parution tant attendue de son bouquin, s’est vu proposer par un journaliste une auto-interviou. Celui-ci mourrait d’envie de dire tout le bien qu’il pensait de son livre, d’une rare érudition, dans son canard, mais le temps pour le lire lui faisait défaut, hélas, et, ce qui est plus gênant, pour rédiger la critique. Bien sûr, le subterfuge ne fut pas divulgué au lecteur qui crut lire une “vraie” interviou. Résultat : des questions pertinentes et entrant d’emblée dans le vif du sujet, et point de ces quiproquos qui surviennent inévitablement entre un écrivain et un journaliste qui n’a pas lu le livre, ni même de livres du tout, souvent.

    Rendez-vous est donc pris avec Chloé vendredi prochain à quinze heures près du bassin du Luxembourg. Va-t-elle se dégonfler ? Je lui demande de tenir ostensiblement Le Voyage de Céline dans la main pour que je puisse la reconnaître. J’ose espérer que ce prénom, Chloé, c’est un pseudo !