Loin de moi l’idée, en feuilletant l’Abécédaire Schopenhauer, d’apporter de l’eau au moulin de la germanophobie ambiante. Non, je ne mange pas de ce pain-là, mais il est certain que quelqu’un qui bâtirait toute une théorie sur l’épaisseur de l'esprit germanique trouverait dans ce bouquin matière à l’étayer.
Certaines “entrées” ont en effet de quoi faire ricaner :
PHILOSOPHER : «Pour philosopher, les deux premières conditions sont celles-ci : premièrement, qu’on aie le courage de se poser toutes les questions ; et deuxièmement, qu’on prenne clairement conscience de tout ce qui va sans dire pour en faire un problème (P II, par. 3,4)»
Ça en dit long sur la hauteur de vues de Schopenhauer. Je ne m’y connais guère, mais je comprendrais qu’on prenne Bergson à côté pour un extra-lucide.
Celle-ci n’est pas mal non plus, sur KANT :
«Kant est peut-être l’esprit le plus original que la nature ait jamais produit (PI, 181)», quand on la rapproche avec : «Nous connaissons les choses non pas comme elles sont en soi, mais seulement comme elles apparaissent. Voilà la grande leçon du philosophe Kant (PII, par. 30,47).» Bigre.
Et je referme l’Abécédaire, sans regretter de m’être contenté, pour toute formation philosophique, de lire les Fables de La Fontaine.
Jongler avec des concepts, c’est plutôt lassant à la longue, quand il y en a pas un qui vient choir lamentablement, entraînant tous les autres. Tandis que l’Histoire, ça c’est une école de précision ! C’est plein de détails avec lesquels on ne triche pas impunément. Aussi Simone Veil a-t-elle su capter mon attention. Avec un petit livre-interviou, dans lequel Madame le Ministre revient sur son engagement féministe en faveur de la libéralisation de l’avortement. La loi Veil fut votée en 1975, sous Giscard, elle raconte dans quel contexte. Prenant son témoignage à la barre de l’Histoire contemporaine au sérieux, je relève quelques lignes assez édifiantes.
A la question : « L’Eglise a-t-elle constitué un obstacle majeur ? », Simone Veil répond : « Beaucoup moins qu’on aurait pu le craindre. Elle aurait pu être beaucoup plus agressive, mais sans doute a-t-elle senti qu’une réforme était inévitable et que, plutôt que de s’y opposer par principe, il valait mieux insister sur quelques points qui lui tenaient à cœur. Il est vraisemblable qu’un pape comme Jean-Paul II, qui intervient très souvent sur cette question, aurait montré plus d’intransigeance que Paul VI et fait davantage pression sur les catholiques français (…) quant aux rabbins, ils étaient je pense plutôt hostiles, mais ils ne sont pas intervenus et je n’ai jamais eu aucune démarche de leur part. »
De toute évidence, Simone Veil fournit là à l’Eglise de France un motif de repentance en béton, lorsque celle-ci aura épuisé les autres. 200000 avortements par an en France, cela fait qu’on approchera les six millions en 2005. Ces calculs vertigineux peuvent peut-être laisser insensible quelqu’un qui n’aurait pas vu un “amas de cellules” de quelques semaines se tordre de douleur pendant qu’on s’acharne à lui broyer le crâne avec une pince. Moi pas, je suis sans doute trop émotif.
A part ça, la ministre se souvient d’avoir été chahutée à l’époque par deux ou trois députés forts en gueule, oublieux de la plus élémentaire galanterie. Les députés Feit et Hammel ont ainsi sorti chacun un magnétophone pour faire entendre dans l’hémicycle les battements de cœur d’un fœtus, dénonçant un “génocide légal”.
Mais la question la plus insolente fut posée par Jean-Marie Daillet, qui lui demanda si elle accepterait de jeter les embryons au four crématoire. Là-dessus, indignation de Simone Veil, qui rappelle à ceux qui ne le sauraient pas qu’elle est d’origine juive et tout ça… Justement, elle va quand même pas nier l’existence des fours crématoires !?
Bon, j’espère ne pas avoir trop perturbé votre digestion. Pour ma part, j’ai le cœur au bord des lèvres.
Commentaires
Lapinos, faut penser aussi à ceux qui ont besoin de voir pour y croire : http://www.abortionismurder.com/notconvinced.shtml
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