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  • Apologie du nègre

    Quelles épaules, quel vit, quelles fesses, quelles cuisses ! je me dis en regardant ce nègre magnifique grimper sur la table pour s’exposer à nos yeux scrutateurs. Que j’aimerais avoir des cuisses comme ça, moi, longues et puissantes ! Il n’y a guère que ses pieds, massifs et écrasés, que je ne lui envie pas. Son visage un peu trop lisse aussi.

    Ah, Quillard, Pater, que je vous envie aussi : j’aimerais tellement être Antoine Watteau, comme vous, mêler la pierre noire à la sanguine à l’exemple du maître. La raideur souple de son trait me convient tellement.
    À l’exemple du maître… Mais les instituteurs ont remplacé les maîtres et les bobos ne s’extasient plus que sur le dessin assisté par ordinateur du dernier coupé Mercedes. Parfois ils vont méditer le dimanche sur quelque rotkhonnerie au musée d’art moderne, inquiets de savoir combien ça peut coûter. L’art pompido-giscardo-mitterrando-chiraquien passe son temps à justifier en longues périphrases abstruses son néant peu profond.

    Le nègre me sourit, mais il ne faut pas bouger, justement je dessine la bouche. Nul mieux qu’un peintre ne peut jouir de l’inégalité entre les hommes.

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  • Le laquais et le bouffon

    La réponse du berger à la bergère, de Jean-Pierre Elkabbach à Dieudonné, ce matin sur Europe 1 ne s’est pas fait attendre longtemps. Le célèbre et fringant journaliste, proche du pouvoir, avait invité un historien révisionniste sur son antenne pour remettre les pendules à l’heure. À propos de la traite des nègres. Celle-ci n’aurait pas existé sans la complicité de chefs de tribus africains et de négociants arabes, nous explique Monsieur l’Historien de service. D’autre part, la traite des nègres aurait eu lieu également entre… Noirs (vous avez vu, je ne suis pas tombé dans le piège).
    Bref, tout n’est pas tout blanc ou tout noir dans cette histoire, M. Dieudonné, tenez-vous le pour dit ! Comme dans beaucoup d’autres histoires, M. Elkabbach.

    Quand je dis "révisionniste", il n’y a aucun a priori de ma part vis-à-vis des travaux de cet historien – dont je ne connais que ce que la maïeutique de Jean-Pierre Elkabbach m’a délivré alors que j’avalais mon bol de café noir (sans sucre ni lait) ce matin.
    D'ailleurs, le révisionnisme ne devrait-il pas être un réflexe d'historien ? Quand on n’est pas pionnier, on ne peut qu’être révisionniste, sinon autant être journaliste, non ?

    Faudrait pas que le film que Dieudonné réclame sur la traite des noirs participe d’une forme de “pornographie mémorielle”, pour piquer cette expression un peu snob à Dieudonné, qui l’a piquée lui-même à Idith Zertal (?). Pour cela, on ne peut qu’engager Dieudonné à creuser ce sujet cher à son cœur à demi-nègre (si je disais “à demi-noir”, ça pourrait être mal interprété), à lire des bouquins d’Histoire sérieux.

  • Feuilleton

    Florian se leva tard ce matin-là, son réveil électrique rouge en forme de bite indiquait 09:47. Il avait bien songé à se débarrasser de ce cadeau d’assez mauvais goût, mais ce réveil était vraiment très pratique.

    S’il pouvait se permettre d’émerger à une heure aussi indue pour honorer un rendez-vous important à l’autre bout de Paris – dans à peine une heure –, c’est que, depuis le coup d’État du 22 avril, Florian passait beaucoup moins de temps dans sa salle de bains. Naguère, il lui fallait bien compter deux bonnes heures rien que pour s’habiller. C’est pas simple de se coiffer comme Léonardo di Caprio ou Brad Pitt quand on a le cheveu qui frise.
    Il n’y avait aucune obligation professionnelle là-dedans ni rien, non, Florian aimait juste plaire, se plaire, quoi de plus légitime ?

    Choisir une chemise, un pantalon, un boxer, pouvait prendre de longues minutes, à tergiverser devant le dressing les bras ballants. Il en essayait plusieurs. Un dimanche sur deux, c’était repassage ; l’autre, il mettait Dalida ou Brigitte Fontaine à fond les manettes de la platine, et il se curait les ongles des mains et des pieds avec la manucure électrique que sa sœur Laeticia lui avait offert pour son anniversaire, ses trente-et-un ans (déjà).

    Elles ne faisaient chier personne, Dalida et Brigitte Fontaine, parce que Florian vivait seul ; un grand loft, qu'il n'aurait pas supporté de devoir partager avec quiconque, même pas pour une émission de télé-réalité.
    Mais qu’est-ce que c’était qu’un “loft” au fond, exactement, Florian ne savait pas bien.

    *


    « Eh, meeeerdeuuuh !! », Florian venait de se rendre compte qu’on était dimanche et que le dimanche le métro ne circulait pas. Ne circulait plus. Ni le bus. Il abandonna donc son bol de thé rouge fumant et ses biscottes sur la table, enfila une vieille veste de jean passée de mode en vitesse, se passa une main un peu grasse dans les cheveux - beuuurrk ! -, et, après avoir soigneusement refermé la porte derrière lui, dévala l’escalier parce que l’ascenseur était pris. Il détestait être à la bourre, il détestait sentir la transpi !

    Cette mesure, la suppression du métro le dimanche, le nouveau régime l’avait prise sous prétexte de favoriser l’exercice physique et de lutter contre l’obésité galopante. En réalité, il s’agissait de financer l’achat d’un nouveau sous-marin nucléaire ; tous les journaux d’opposition s’étaient empressés de dénoncer la supercherie. À commencer par Liberté, j’imprime ton nom, qu’on pouvait se procurer gratuitement dans certaines stations de métro comme République ou Bastille. Florian était fier d’écrire de temps en temps dedans.

    Dans un premier temps, la résistance passive s’organisa contre le diktat. Les Parisiens décidèrent de rester chez eux devant leur poste de télé le dimanche. Mais, du coup, par-dessus le marché, ces salauds-là décrétèrent qu’aucune chaîne de télévision ne pourrait plus diffuser de programme le dimanche. Même les dessins animés pour les enfants avaient été supprimés !

    Au bas de la rue de Maubeuge, en nage, à la hauteur de l’ex-Place Kossuth, rebaptisée Place Sanders (?), Florian se fit la réflexion que, s’il ne montait pas dans l’un des rares taxis rouges et noirs autorisés exceptionnellement à circuler, il serait sûrement à la bourre. Ces taxis coûtaient bonbon, mais bon, cette fille, Virginie, il ne pouvait pas se permettre de la faire attendre. Il n’était sûrement pas le seul mec sur le coup et il risquait de trouver porte close s’il se pointait après 11h00 chez elle. Si ça se trouve, elle enquillait les rencards toute la matinée, la salope, pour être sûre de tomber enceinte !

    *


    Avant que la Présidente de la République ne soit contrainte de quitter le territoire avec son mari (le ministre de l’Intérieur) et ses enfants, avant que les fascistes ne s’emparent du pouvoir par la ruse et que ne s’abatte sur le pays comme une chappe de plomb, Florian était plutôt un mec cool, à qui tout réussissait. Financièrement, d’abord : en ce temps-là, sûr qu'il n’aurait pas mégoté sur le prix du taxi. Même s'il ne roulait pas sur l’or, c’était ce qu’on pouvait appeler un “bobo”.

    Il était écrivain. Et son premier roman, autobiographique, avait fait un carton, au point qu’il avait pu s’acheter, avec les royalties, 150 mètres carrés Place Saint-Georges, avec vue sur le jardin de l’Hôtel Thiers. Et il menait le train qui allait avec. Son agenda et son lit étaient bien remplis !

    Autant dire qu’il pouvait être fier de ce premier bouquin. Son pote Didier, lui-même pote avec Marco Fogiel, lui avait permis d’en faire la promotion dans la toute nouvelle émission “en prime time” de Fogiel et Ardisson, Coup double. Quel souvenir ! Coup de pouce supplémentaire du destin, alors que les jurés du Fémina s’entendaient pour remettre cette année-là pour la première fois leur prix à un homme, c’était sur lui, Florian Werner, que ça tombait ! (Son vrai nom de famille, c’était Wagner, il avait dû prendre un pseudo.)

    Les passages un peu sulfureux de son bouquin avaient bien fonctionné, notamment le chapitre où il imaginait l’évasion de Saddam Hussein grâce à la complicité d’un jeune GI américain homosexuel raide dingue du Raïs – tout n’était pas DIRECTEMENT autobiographique. S’ensuivait une sorte de road movie à dromadaire dans le désert, entrecoupé habilement de quelques parties de jambes en l’air. Après de longs mois passés à l’isolement, Saddam n’avait pas fait la fine gueule, et le jeune GI avait, qui plus est, un petit cul canon…

    (TO BE CONTINUED)