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  • Psdt ch. lapin blanc p. tour passe-passe

    Jacques Chirac restera sans doute dans l’Histoire comme le pire chef d’État de l’après-guerre en Europe. Et les Français comme la populace la plus vaniteuse et la plus stupide. Mais moi, ça ne suffit pas à me consoler, cette banqueroute du gaullisme.

    Comme si la barque n’était pas déjà chargée à plein bord de démagogie, de syndicalisme et de chauvinisme, il a fallu rajouter ce vote négatif, cet esprit de contradiction imbécile, ce refus de coopérer avec l’Allemagne qui laisse l’Europe à la merci des Américains. Déjà les gaullistes et leurs alliés communistes, en 1954, avaient fait capoter la communauté de défense.
    Il a fallu solder l’Indochine, puis l’Algérie – sanglante braderie –, c’est au tour de l’hexagone maintenant.

    Le “grand frère” américain se frotte les mains. On le comprend, ce n’est pas demain la veille qu’on l’empêchera de faire la pluie et le beau temps, jusque sur notre territoire européen, ne parlons même pas du reste du monde devant qui nous venons d’étaler notre incurable impuissance.

    Et dire qu’il se trouve des naïfs pour croire aux vertus civilisatrices de la Pax Americana…

  • Brest-Paris

    Il ne me reste qu’une centaine de pages à lire. Nous sommes en 1936. L’abbé Mugnier quasi aveugle. Continue quand même à bouffer à tous les râteliers. Je vais l’achever dans le train du retour. Je lis lentement, mais quand même, quatre heures de voyage, ça devrait suffire. Dans chaque gare, je m’attends à ce que la place vacante à ma droite, côté fenêtre, soit prise ; à devoir ranger mon bazar. Je préfèrerais prise par une vieille dame digne, une atmosphère sereine pour pouvoir lire. Une jeune femme en robe de soie glissante qui la réajuste sur ses cuisses à chaque rare soubresaut du TGV pour ne pas essuyer mes regards humides serait une catastrophe… pour ma lecture.

    En gare de Je ne sais plus où car j’ai perdu le fil du voyage, un jeune type brun s’installe à côté de moi. Après tout, je n’y avais pas pensé, mais pourquoi pas un homme ? Très brun, plutôt grand, timide et aimable. L’air doux. Le genre “homosexuel qui s’ignore”. Mugnier l’entend dire de Mauriac dans le salon de Je ne sais plus qui, la poétesse Noailles, peut-être : « Mauriac est un homosexuel qui s’ignore ».
    Je corne les pages intéressantes. L’abbé Mugnier définit Proust : « Une abeille qui butine les fleurs héraldiques ». Et moi, si je définissais l’abbé Mugnier ? Après réflexion : une pie impie. Attirée par tout ce qui brille aux frondaisons des lettres. Parfois, c’est de l’or. Souvent même.

    En gare du Mans, observant que mon voisin adresse quelques mots à sa voisine de derrière, par-dessus le dossier, puis se rassoit, moi je me lève et me tourne vers eux : « N'avais pas vu que vous étiez ensemble… Nous pourrions intervertir nos… » À leur hésitation, je me rends compte qu’ils se connaissent à peine, en fait. Tant pis, il se glisse quand même à côté d’elle, comme pour me faire plaisir. Mais il me semble que ça lui fait aussi un peu plaisir. Ravi de les avoir poussés l’un vers l’autre. Et curieux de connaître la suite, comment il va s’en sortir. Tendons l’oreille.

    Ça ne part pas très bien. Il est plus beau qu’elle, mais manifestement ça ne suffit pas, elle le trouve trop fruste, je le devine à son timbre. Elle ne peut s’empêcher de ricaner lorsqu’il émet une banalité. M’énerve un peu. C’est le genre femme des années 80, alors qu’on est en 2005, indépendante et les cheveux pas trop long. Déçue par les hommes, tentée par un vibromasseur Calor. Maquillage trop voyant, volontaire mais sans grâce. Je suis sans pitié, je crains qu’elle ne me casse mon coup.
    Lui se débrouille bien, je trouve. Je l'envie : naturel, pas de frime. Raconte des petites anecdotes naïves, touchantes. Elle finit par s’attendrir. À un moment, il balance même le montant de son salaire, l’air de rien, 2500 euros : c’est plus qu’elle, il vient de marquer dix points et elle lui parle maintenant d’une voix douce, presque féminine.

  • Je me rends heureux

    La côte n’est plus si sauvage. Et pour être vraiment seul, il ne faut pas hésiter à plonger dans l’eau glaciale. D’un seul coup, c’est mieux. Palpitations délicieuses au moment de la pénétration, sans trop faire d’écume. À quelques mouvements affolés succède une cadence sereine. Je voudrais encore plus d’harmonie mais la mer ondule et je suis balotté.
    Je suis de mieux en mieux dans cette intimité froide. Gaffe tout de même à pas trop m’attendrir car la température de l’eau n’excède pas 12°C. Il m’est déjà arrivé de ressortir bleu et de m’affaler sur le sable : plus de jambes !

    Certains, à commencer par moi, se hâtent de me traiter d’obsédé sexuel ; ils se trompent. Une fois calme et sec, entre deux mamelons sablonneux, j’ai tiré le “Journal” de l’Abbé Mugnier de mon sac et je me suis sagement plongé dedans pendant deux heures. M’interrompant juste pour suivre la trace d’un avion ou le sillage d’un bateau. Je compte trois fois plus d’avions que de bateaux.

    Trop longtemps j’avais remis cette lecture au lendemain. L’enthousiasme de Ghislain de Diesbach pour le “fol abbé” ne s’était pas communiqué à mon bocage intellectuel. Sa charge contre Bloy m’avait parue inique et même grossière. Question de tempérament ?

  • À la Frêche

    Je suis cerné par des imbéciles qui croient que la République et la laïcité adoucissent les mœurs. Beaucoup de ces imbéciles se disent catholiques. Quand je leur ai montré la carte de vœux de Chevènement, alors ministre des Armées, représentant Napoléon en train de sodomiser Jeanne d’Arc, ils ont hoché la tête en signe de gêne extrême (Je suis prêt à sodomiser Chevènement avec de la limaille de fer pour faire rendre gorge à ce bon apôtre de la laïcité si l’occasion s’en présente, et j’en ai une plus grosse et vigoureuse que celle de Napoléon, qu’il se le tienne pour dit (comme chacun sait, les dictateurs sont des frustrés sexuels à petites bites).

    Le “Midi-Libre” a rapporté la réaction de Georges Frêche, le “héraut ventripotent” (et mugissant) de l’Occitanie laïque à l’élection de Benoît XVI : « J’espère qu’il sera meilleur que l’autre abruti ! ». Puis, pour en remettre une couche, à propos du bombardement de Dresde par les Alliés : « C’est dommage, ils en ont loupé un ! ».

    Sa culture anémiée de professeur de droit public ne permet pas de plus fines boutades à Frêche. Lui, c’est carrément les deux pieds joints au cul que je lui foutrai quand je le croiserai Place de la Comédie.

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  • Paradoxes (2)

    Dieu a fait l’homme à son image, particulièrement les Français, si paradoxaux. C’est un peu la thèse de Jean Guitton, me semble-t-il, du moins ce que j’en ai compris.
    Je le lisais vers la fin de mon adolescence. Les œuvres de l’extrême maturité surtout, où la malice chrétienne de Guitton s’exprime plus librement. Il faut douter pour croire. Ce sens du paradoxe dans un monde de brutes cartésiennes me plaisait. Même si, on n’est plus à un paradoxe prêt, Guitton n’est pas si loin de Descartes.

    C’était avant que je découvre Bloy, et que de buveur de petite bière je devienne buveur de vin, en quelque sorte.

    Avec Bloy, fini les jeux de l’Esprit, mais je garde quand même un bon souvenir de Guitton, qui ne craignit pas d’avouer sa couardise quand il fut à l'abri. Ainsi, il attendit d’être centenaire pour avouer que c’était Le Pen qui l’avait sauvé d’un lynchage par des étudiants staliniens, après la Libération. Guitton s'était compromis aux yeux du monde une première fois, par inadvertance, et il ne tenait pas à rechuter en parlant de Le Pen.

  • Paradoxes

    Il se rengorge en racontant ses derniers combats de rue, toute la force qu’il met dans ses directs, ses manchettes et ses crocs-en-jambe ; en fait, il ne ferait pas de mal à une mouche et détale dès qu’il flaire un danger.

    Elle raconte qu’ elle aime se faire raboter dans toutes les positions, dix fois de suite. Mais elle ne ratera pas son train de 7h16 pour si peu.

    Il ne croit pas beaucoup en Dieu, mais très fort en lui.

    Elle n’est pas raciste, ni homophobe ! Mais ne fréquente aucun pédé noir.

    Il dit, « Je suis agnostique », et allume quand même des cierges au Sacré-Cœur à tout hasard.

    Elle dit : « Va, je ne te hais point », bien qu’elle n’aime pas Corneille.

    « Un coup comme moi, ça ne s’oublie pas », lance-t-il à la cantonade, alors qu’il vit seul avec son chat depuis trois ans.

    Il dit : « Je n’ai aucun tabou ! », mais on ne l’a jamais vu s’aventurer hors de ses préjugés.

    Elle n’a peur de rien, sauf d’être imprudente.