Et un dictionnaire de littérature française de plus, un ! Celui de Charles Dantzig. Un dictionnaire, ça occupe suffisamment de place pour qu’on réfléchisse à deux fois avant de l’ajouter à ses étagères, hein, n'est-ce pas ? Qu'a-t-il de plus que les autres, celui-là ? Serait-il plus précis, moins lourd mais plus dense ? D’après son titre, il serait “égoïste”… Tiens donc !?
Ben moi je ne trouve pas, en fait. Il rabâche comme Lagarde et Michard sur Balzac, Proust, Hugo et Zola ; rien sur Paraz, Fourest ou Rebatet. C'est bien classé, par ordre d'importance : plus l’auteur est coté à l’argus, plus longue est la notice. À la rigueur, les élèves de première L pourront s'en servir pour l'antithèse : il n'est donc pas si "égoïste" que ça, ce dico.
Contaminé par son humour de bibliothécaire-en-chef, j'ajoute même que ce Dantzig a l'esprit de corridor. On sent qu'il a compris qui sont les maîtres et quels sont les malappris qu'il faut éconduire en faisant briller sa livrée.
Ainsi, une de ses trouvailles, c'est que Céline écrit comme un chauffeur de taxi ("Il écrit à coups de klaxon"). Après le jazzman, le chauffeur de taxi ; c'est un progrès, mais faut voir l'air qu'il prend pour dire ça, d'un qui pense qu’il faut au moins avoir fait des études d'expert-comptable pour être un génie de la littérature.
Quant à la haine de Bloy, elle est de bon augure. Je ne peux pas m’empêcher de citer ce trait, confondant de bigoterie pour un type qui se la joue "libertin de la critique" :
« Si j’étais la Sainte Vierge, moi [Encore un pédé, probablement], je n’aimerais pas qu'on m'annonce en gueulant comme un forain » (des comme ça, on en ramasse à la pelle).
J’incite ceux qui doutent encore de la force de Bloy, j’en connais (si, si), à y voir un signe. D’autant que Bloy, n’ayant pas écrit de "pamphlet antisémite", dispose de moins d’arguments que son disciple pour susciter le ressentiment tiédasse du bobo contemporain.
Certains diront que c’est un peu empirique pour juger d’un auteur. Et alors, je suis empirique, moi, et j’emmerde les raisonneurs ! Ainsi, quand j’entends Durand ou Giesbert dire qu’un bouquin est “génial”, eh bien je suis sûr à 99 % que ça doit être une belle fiente.
Commentaires
Magnifique! J'achète pas. Quel bon dé-vendeur ce Lapinos!
Le parti-pris de Dantzig de la critique à contre-courant n'était pas pour me déplaire, mais dire que Céline est un aigri antisémite, ça n'est pas franchement ramer à contre-courant, vous en conviendrez, Rose. Ce dico ressemble à une longue lettre de candidature à l'Académie française (où il y a déjà assez de "jeunes" bobos comme ça : Rinaldi, Rouard, Orsenna).
Ce ne sont, tout au plus, que brèves de comptoir slalomant entre les ponctuations de Barrès.
Je vais finir par croire que vous vous croyez à Byzance, Lapinos.
Byzance dans quel sens ? C'est ambigu ce que vous dites Juju, mais involontairement je crois (je peux jouer les ténébreux pour vous si ça vous chante mais ça n'est pas mon registre préféré).
Je constatais simplement que vous fréquentiez aussi Constantin de près. Au point de lui ôter les mots de la bouche car j'ai cru déceler des traces de sa plume dans votre saillie.
Ben mon lapin, t'es aux abois ?
Oui, et seule la distance en pixels qui nous sépare m'empêche de te mordre l'oreille, Ève, et de te le montrer.
En même temps, ce crétin encense Mérimée. Nous n'avons pas les mêmes valeurs. Dommage car ce dictionnaire s'annonçait prometteur. Un coup d'épée dans l'eau, une fois de plus.
En revanche, Assouline a adoré :
http://lnk.nu/passouline.blog.lemonde.fr/40h.html
Décidément le duo Lapinos/Sébastien est une mine d'information à lui tout seul, je viens, entre autres, d'apprendre que l'on pouvait juger du rapport qualité/prix d'un livre...
Et votre côté «ringard», serait-il impressionnable ?
D'ailleurs Pierrot (comme disent ses fanes) est un critique moderne, lisez plutôt :
« Que régal, ce livre ! A la manière dont je m'y prends pour le lire, j'en aurais terminé dans un an. »
Et puis, plus loin, définitif :
« Pas l'ombre d'une aigreur, d'un réglement de compte, d'une insinuation »
Encore cette histoire de duo !
Pas si bête, cette histoire de qualité/prix. Un exemple : moi, dans le dernier Houellebecq, il n'y a qu'une cinquantaine de pages qui m'intéressent sur cinq cents ou six cents. À 22 € c'est un peu cher, je trouve.
Et bien puisque le livre se vend désormais comme le légume, arrachez ce qui ne vous intéresse pas/plus et demandez à payer au poids de ce qui reste, voyons.
Ne soyez pas méprisante avec les légumes, s'il-vous-plaît, ce sont mes amis.
Vous les bouquins vous les traitez comme des êtres humains, je suppose, Madame.
Lapinos, je ne saurais trop te conseiller la vision intégrale de l'excellente série anglaise "Black Books", dont le héros, Bernard Black, est un libraire misanthrope qui déteste les clients, et passe son temps à boire et à fumer. Dans l'un des épisodes, un client l'ennuie en cherchant à marchander, sur quoi Bernard s'empare du bouquin que ce dernier a dans les mains, en arrache une partie et le lui rend avec la meilleure foi du monde : "Voilà ce que vous avez pour le prix proposé".
Cette série présente l'unique désavantage de ne comprendre que 18 épisodes en tout et pour tout - mais sachant qu'il est impossible d'en regarder plus de deux à la suite pour cause de fou-rire douloureux, ça fait quand même pas mal de bons moments.
Monsieur le Lapin aime les légumes, mais il aime aussi les belles plantes ; son potager ressemble à un jardin à la française.
Clin d'oeil de la soussignée,
Merci du conseil, Polly, venant de quelqu'un qui ne regarde pas la télé je l'apprécie d'autant plus, mais je n'ai que cinq chaînes !
Je ne regarde pas la télé mais reconnais qu'elle produit de grandes séries... invisibles en France, ou alors mal doublées, à pas d'heures et sur des chaînes que personne ne reçoit. Heureusement la Providence a inventé le DVD, et Amazon.co.uk pour se fournir !
Je ne connaissais pas Dantzig. Je viens donc de découvrir son mot sur L.Bloy. J'en prends note. C'est bien trouvé. A force de côtoyer -par hasard ?- sur internet, des gens qui admirent cette araignée malade et puante, je finissais pas croire que tout le monde lui vouait un culte. Heureusement que les bouches officielles n'ont pas encore perdu la raison. Pas d'arrière pensée pltq dans mes propos. Il y a juste que ses écrits renferment un air irrespirable, qui ne les rendent fréquentables que quand on est d'humeur –et l’être souvent requiert sans doute un état psychotique grave, dans lequel je n’ai pas la patience de me mettre (j’ai parcouru un peu ce blog : la moindre des choses quand on pense que la mélancolie n’a pas sa place en art mais dans le salon bourgeois d’un psy pédant et ennuyeux, c’est de recommander les lecteurs de Bloy aux bons soins des hôpitaux psychiatriques, pour le moins –même un philanthrope aurait envie d’achever cet homme en l’entendant éructer de la sorte).
Dis-moi tu retardes un peu, eh, vieille momie !