Contrepoison
En fait je vois Dominique Venner un peu comme un artiste. C'est pas exactement un historien au sens où on l'entend aujourd'hui, c'est vrai, c'est pas un historien au sens de l'école des Annales. Ceux des Annales sont doués pour l'analyse des détails, tandis que Venner, lui, c'est un esprit libre capable de faire la synthèse des différentes analyses. Un peu comme Marx.
Il y a même un côté lyrique chez Venner qui n'est pas désagréable, je dirais, qui réchauffe. Moi qui m'enflamme assez facilement, j'avoue, je me dis en lisant Le siècle de 1914 que la lecture de ce bouquin serait sacrément profitable à tous les endoctrinés de tous les milieux que je suis bien forcé de cotoyer ! Il faudrait organiser une distribution du bouquin de Venner dans les quartiers sincères.
Évidemment le public se focalise sur les nazis, tous ces uniformes, ces bottes de cuir, ces pantalons bouffants ridicules, ces casquettes bizarres, tout ce décorum kitsch, ils n'osent pas le dire mais ça les excite. C'est très "cinématographique". On se défoule plutôt avec Napoléon parce que lécher les bottes de Napoléon c'est permis et pas celles d'Hitler. Sauf si on est Juif comme Jonathan Littel. Alors seulement on a le droit de se vautrer dans le nazisme. Avec l'imprimatur de Claude Lanzmann.
Faudrait pas perdre de vue dit Venner en substance que le nazisme on l'a éteint. Que les deux volcans qui restent en activité, c'est le communisme et, surtout, l'américanisme. Oui, l'américanisme, parfaitement, Venner décortique bien cette idéologie nouvelle - nouvelle au sens où on en parlait pas beaucoup il y a dix ans. Et Venner isole aussi de façon convaincante la responsabilité - passée sous silence -, du Royaume-Uni dans le déclenchement du chaos qui a réduit notre civilisation occidentale en miettes. Parce qu'on ne peut pas fonder une renaissance sur des fables.
Commentaires
C'est quoi l'américanisme Lapinos? Je suis sincère et je pose la question sans parti pris, l'anti-américanisme je connais, mais l'américanisme je vois pas. Qui, où, quand et comment?
L'américanisme, c'est la démocratie, les droits de l'homme et le métissage universel. Bref tout ce que Venner combat.
C'est pas tant les éléments constitutifs de cette idéologie, Basil, qui sont importants, que le fait de caractériser l'américanisme comme une idéologie, au même titre que le nazisme ou le communisme, c'est-à-dire de signaler que les principes de la démocratie étasunienne ne sont pas basés sur des faits, ni enracinés dans la réalité. D'où une politique absurde.
Damned, les ricains ont inventé la démocratie et les droits de l'homme! Je comprends pas, on me dit jamais rien à moi.
Ah puis aussi, quand même :
http://dictionnaire.tv5.org/dictionnaires.asp?Action=1¶m=américanisme&che=1
Et wikipedia n'a pas l'air au courant non plus, ce qui n'est pas forcément une référence certes. Enfin, promis, je ne m'insinue plus dans tes notes pour initiés Lapin.
Zut, mon lien fonctionne pas. Voici la définition :
> américanisme
(nom masculin)
Admiration pour tout ce qui touche aux Etats-Unis.• Particularité de la langue américaine par rapport à l'anglais.• Etude de ce qui concerne le continent américain.
Tu as raison Lapinos de dénoncer le méga-impérialisme Américain, mais bon peine perdu vue qu'en Occident , les médias font davantage fixation sur soit disant "le terrorisme islamique", y a pas pire que le terrorisme audio-visuel, en fin de compte.
Ce que dit aussi Venner, Gretel, c'est que les systèmes absurdes finissent par s'effondrer tout seuls. La démocratie libérale yankie n'est pas aussi puissante qu'il y paraît. En visant les tours de Manhattan, les terroristes n'ont peut-être pas frappé très fort, mais ils ont visé juste. La guerre imbécile en Irak dans laquelle les Yankis se sont ensuite engagés sous la pression des médias pro-israéliens pourrait leur coûter cher politiquement.
Justement à cause de la démocratie audio-visuelle qu'ils ont mise en place, les Yankis sont complètement paralysés. Leurs frappes chirurgicales, leurs mercenaires et même leurs dollars sont insuffisants pour assurer la défense de l'empire. Les Yankis ont été chassés du Vietnam, ils seront chassés d'Afghanistan et sans doute d'Irak.
Le peu que j'ai lu de Venner est séduisant, mais dans le fond c'est un intellectuel français comme un autre: c'est-à-dire qu'il a tendance à sur-théoriser le réel.
L'administration Bush déconne à plein tube, c'est bien clair. Mais cette histoire d' "américanisme", c'est de la couille en barre. Les Américains ont le tort de croire que leur façon d'appréhender le réel est, non seulement la seule bonne, mais même la seule qui existe. Un peu comme les Romains en leur temps. C'est lié entre autre à la dimension de leur pays et à sa puissance. De là à dire qu'ils sont fondamentalement coupés du réel...
"les principes de la démocratie étasunienne ne sont pas basés sur des faits, ni enracinés dans la réalité"
Je suis désolé, Lapinos, mais c'est du charabia d'intellectuel qui cherche juste à fonder théoriquement l'agacement qu'il ressent devant l'arrogance américaine.
Ah, ah, pas mal votre argument, Gloups… pour une fois.
Je crois que vous avez à moitié raison, mais c'est la moitié la moins intéressante. Dès qu'on est écrivain ou artiste, vous avouerez qu'on a forcément un peu tendance à sur-théoriser. C'est la loi du genre en quelque sorte. Et c'est sûrement le cas des Français, comme des Allemands. Et je suis gentil avec les Allemands, car si on prend le cas de Kant, il se perd complètement dans la stratosphère, le pauvre (Après il y a au contraire la tendance de certains à sous-théoriser - par contrecoup mais aussi par lâcheté ou déficience intellectuelle.)
Ce qui compte, c'est d'être à peu près équilibré. Et je crois que Venner l'est assez. Lui ne se contente pas des préjugés sur les faits. Il ne se laisse pas enivrer, justement, par des théories douteuses sur la fin de l’histoire ou ce genre de machin situationniste.
Désolé, mais à côté de tous ces professeurs Nimbus, de Finkielkraut à Michel Onfray en passant par Benoît XVI, je crois que Dominique Venner a les pieds bien sur terre. Vous avez qui d'autre à proposer, Gloups ?
Revenons à l'américanisme. Venner n'oublie pas les effets de la puissance économique yankie. Mais il y a aussi une dimension fanatique et idéologique importante. L’Empire romain était beaucoup plus pragmatique. Très pragmatique même. Au contraire, la paranoïa des Israéliens, on le serait à moins, a rejoint l’idéologie yankie pour déterminer le gouvernement yanki à renverser Saddam Hussein - avec les conséquences funestes que l’on sait.
Car les Yankis négocient en sous-main avec les Saoudiens, c’est vrai, mais ça n’empêche qu’ils sont par ailleurs persuadés de la supériorité de leur système démocratique et libéral et qu’ils cherchent à l’imposer de façon absurde dans des pays qui relèvent de traditions complètements différentes. C’est là qu’elle est, l’idéologie, Gloups. Cette idéologie à en outre servi à mobiliser l’opinion publique yankie derrière les écrans de télé pendant la durée du conflit. Le danger de l’idéologie, et je crois que Venner a raison de le souligner, c’est qu’elle brouille la vue. La politique étrangère yankie est une succession, de Wilson à Bush en passant par Roosevelt et Kennedy, de catastrophes. Non, l’Empire yanki n’est pas l’Empire romain.
Ne pas oublier la complicité des dirigeants Arabes (et surtout de l'arabie Saoudite) avec cette idéologie, car c'est cette dernière qui les maintient au pouvoir, pas pour longtemps j'espère..
Mais il me semble que ce que vous critiquez comme "américanisme" n'est qu'une tendance (parmi d'autres) de leur politique étrangère. Une tendance particulièrement destructrice, mais une tendance seulement, qui est d'ailleurs largement critiquée aux Etats-Unis mêmes. (on accorde "même" ou pas?)
Il est vrai que votre énumération est éloquente: Wilson et la destruction de l'Autriche-Hongrie, Kennedy et le Vietnam, Bush et l'Irak... je serai plus nuancé pour Roosevelt: le choix d'attaquer l'Allemagne était, j'en reste convaincu, le bon, en tout cas le moins mauvais. Et malgré le fait que les Américains ont peut-être tué autant de Français que les Allemands pendant cette guerre (je suis preneur de chiffres, d'ailleurs), c'était notre intérêt moral, politique et économique (nous n'avons malheureusement pas la possibilité légale de discuter de cette question à fond, ce que je déplore).
Vous omettez cependant (mais vous ne prétendiez pas à l'exhaustivité) l'aspect le plus néfaste de la politique étrangère américaine: la décolonisation.
Il reste que la civilisation américaine est fascinante et ne se réduit pas à ce rôle très négatif dans les relations internationales. En outre, à ce que j'entends, la société américaine est profondément divisée sur l'affaire irakienne.
Si vous voulez, Gloups, on peut dire ça comme ça, que c'est une tendance, et peut-être Venner n'est-il pas assez "marxiste", dans le bon sens du terme, c'est-à-dire qu'il ne souligne pas assez le rôle des facteurs économiques, mais comme l'aspect idéologique de la politique yankie est généralement ignoré des Occidentaux, et pour cause, les observations de Venner sont indispensables.
Je discutais récemment avec quelqu'un qui était présent à Dunkerque au moment des bombardements yankis. Bien que cette personne ait fait partie de la résistance, elle se souvient avec horreur de ce massacre de près de 20000 habitants de Dunkerque comme de la pire chose à laquelle elle ait assisté pendant la guerre. Un massacre de civils inutile.
Par ailleurs, cette personne, journaliste dans une revue assez fameuse, rédige en ce moment ses souvenirs et m'a avoué qu'il était bien entendu hors de question qu'elle évoque ce massacre dans son bouquin. L'autocensure est une réalité.
Il y a aussi le témoignage du cardinal von Galen de Münster. C'est la personnalité catholique qui a protesté le plus vigoureusement contre les crimes d'Hitler pendant la guerre. Devant les bombardements yankis il est horrifié et proteste de la même manière.
Mais je déplore comme vous, Gloups, que nous ne puissions légalement discuter de cette question à fond. Je me bornerais donc, puisque vous abordez le plan moral, à dire qu'il n'y a pas à mon avis de commune mesure entre la culture germanique et la culture yankie.
Enfin, sur le néo-colonialisme yanki, c'est précisément l'idéologie déocratique qui le rend particulièrement néfaste. Pourquoi l'armée yankie est-elle paralysée ? À cause des médias yankis qui en publiant les images et les noms des soldats yankis jour après jour mettent la politique des États-Unis en danger. En effet, du jour au lendemain, l'opinion publique peut se retourner. Et cette démocratie audiovisuelle est bien fondée sur des principes idéologiques, et ce sont bien les Yankis qui l'ont voulue. Le "devoir d'informer", le "droit à l'information", vous connaissez des principes plus stupides ? Retranchés dans leurs camps, les mercenaires yankis sont incapables d'infléchir véritablement le cours des événements en Irak.
La vérité, c'est qu'ils ont semé l'anarchie dans ce pays et les 650000 morts irakiens, c'est le dernier chiffre avancé, sont imputables aux yankis et à leur idéologie.
(Ici, même est un adverbe et il ne s'accorde pas.)
"La vérité, c'est qu'ils ont semé l'anarchie dans ce pays et les 650000 morts irakiens, c'est le dernier chiffre avancé, sont imputables aux yankis et à leur idéologie."
Non, là je ne vous suis pas. Sauf si vous ajoutez "entre autres". L'islamisme et la décadence effrayante du monde musulman y sont pour beaucoup aussi. En accusant les Américains d'assassinats commis par des Irakiens et autres musulmans, vous choisissez de considérer ces derniers comme des sous-hommes irresponsables.
D'un point de vue européen, il n'y a pas un gentil et un méchant entre les Américains et le monde musluman. Il y adeux entités entre lesquelles il faut choisir.
Ce n'est pas moi qui considère les Irakiens comme des sous-hommes irresponsables, c'est justement l'idéologie démocratique yankie qui veut s'imposer à eux. Moi je considère sans idéologie qu'en abattant le seul gouvernement qui ait su imposer une paix durable en Irak, au prix de milliers de morts, certes, mais pas de centaines de milliers, on a objectivement précipité l'Irak dans la guerre civile.
Et les Yankis fanatisés derrière leurs écrans de télé, vous les considérez comment, Gloups, comme des surhommes responsables ?
Ben non. Ne vous faites pas plus bête que vous n'êtes.