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Bloy à la télé

Un débat à la télé pour essayer de faire le point sur le niveau de la critique littéraire en France. Pour représenter la critique : Jérôme Garcin et Arnaud Viviant. Vu le niveau de ces deux argousinets de la pensée, je pourrais aussi bien aller me coucher…

Quelques "images d'archives" sont rediffusées, montrant Edern-Hallier flanquant à la poubelle un bouquin de Labro par-dessus son épaule, avec dandysme. Et Viviant, petit critiquelard démocratique sur France-Inter, de s'offusquer devant ce qu'il prend pour de la désinvolture de la part d'Edern-Hallier. Pour se faire bien voir, il ironise sur le fait qu'E.-H. était aveugle, et que par conséquent comme critique littéraire… Comme s'il était besoin de lunettes pour deviner que la littérature de Labro n'a que deux fonctions complémentaires, la première laxative, la seconde hygiénique. "La littérature sans estomac", c'est encore trop gentil pour parler de la littérature de cabinets.

C'est Marc Dambre dans sa grosse bio. de Nimier qui observe que celui-ci avait la "religion de la chose écrite" - à ne pas confondre avec la religion de la chose imprimée vendue sous le nom de "livre".

Viviant s'enfonce encore un peu plus, concluant l'émission en disant qu'il adore David Lynche.

Commentaires

  • On dirait que ce serait — pour parler comme les enfants, c'est-à-dire avec un zeste de fraîcheur — l'édition colique = le livre destiné au c(ôl)on...

  • Vous n'aimez pas David Lynche, lapin. Est-ce que vous lisez Skorecki (je sais, il écrit dans ce torche-cul capitalo-gauchiste qu'est Libération, mais on ne sait jamais...) ?

  • La dernière fois que j'ai acheté "Libé", c'était leur n° spécial bédé, j'ai pas trouvé trois lignes à lire dans ce torchon qui donnerait presque envie de dire du bien de la télé.

  • La dernière fois que j'ai acheté Libé, c'était... il y a très, très longtemps, parce que je ne m'en souviens absolument plus. Mais je lis de temps en temps (en ligne) les critiques de films que Skorecki fait pour la page télé. Il est l'un des rares critiques de cinéma à crier son mépris pour Lynche, comme vous écrivez. C'est pourquoi que votre billet m'a soudain fait penser à lui.

    Un des admirateurs de ce critique s'est d'ailleurs amusé à compiler les articles de ce dernier sur un blog : http://209.85.135.104/search?q=cache:Nm9X_Nlz0_UJ:20six.fr/lsck/+skorecki&hl=fr&ct=clnk&cd=20&gl=fr .

  • Rectif : "c'est pourquoi votre billet".

    Voilà que je me mets à parler comme un zyva des banlieues.

  • Bah, Lynche ou un autre, je vous avoue que ce que fabriquent ces industriels du divertissement démocratique ne m'intéresse pas beaucoup. C'est Baudelaire qui a raison, il faudrait assigner une fonction à ce genre de procédés techniques, une fonction documentaire. La prétention artistique des critiques de cinéma, qu'ils soient de "Libé" ou des "Cahiers du cinéma", est ridicule. Ce déploiement de syllogismes bêtas, la philosophie du travelling, la pédanterie de Weyergans, ah, ah, dans quelques lustres tout ça fera rire. Il n'est pas interdit d'anticiper un peu…

  • Qualifier Lynch d'industriel du divertissement démocratique, montre que vous n'avez pas vu ses films ou pas compris grand-chose à son oeuvre. Si c'est la deuxième option, vous n'êtes pas le seul.

  • non Cadichon, on est au moins deux!... le comble Lapin, quand les ânes se mettent à braire, ils nous feraient passer pour des moutons!

  • Bah, dans le porno-chic, Sade à la portée du bobo, Cadichon, il n'y a pas grand-chose à comprendre, ne me prenez pas pour une truffe.

  • L'oeuvre de Lynch serait du porno chic? Alors effectivement vous ne l'avez pas vue.

  • T'as pas vu, moi j'ai vu !
    Oh là là ! des arguments, s'il vous plaît, messieurs les plaideurs !

  • Cadichon, je crois que Lapinos fait allusion aux quelques scènes de cul qui parsèment la filmographie de Lynch, notamment aux scènes S&M de "Blue Velvet" (pour Sade?) et aux quelques scènes d'amour de "Mulholland Drive" (pour le porno chic?). Mais peut-être me trompé-je.

    Lapinos, si je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous sur Lynch (précision : je ne suis pas une cinéphile), je vous suis en revanche sur les critiques cinéma, qui se prennent et prennent le cinéma très au sérieux. Si j'ai parlé de Skorecki, c'est parce qu'il déteste Lynch (pour des raisons différentes des vôtres : il considère que c'est un plasticien qui filme des plans, pas un artisan qui veut raconter une histoire) et parce qu'il ne cesse d'écrire que le cinéma n'est pas un art et qu'il ne peut pas y avoir d'auteur au cinéma.

  • Dans cette même émission de Taddéi sur la critique, le plus lucide et le plus modeste sur son job, c'était F. Schondorfer, peut-être justement parce qu'il est fils de reporter ?
    Mais faire de Lynch ou Spielberg des artistes, c'est vraiment se foutre du monde. Des petits malins, oui.

  • Si je puis me permettre, c'est quand même la moindre des choses, Youpi, que de prendre le cinéma au sérieux quand on est critique de cinéma, sinon autant faire dans l'auto-fiction ou l'interview de comédiens, c'est-à-dire dans la merde.
    Le problème avec vous Lapinos, c'est que je ne suis pas loin de penser comme vous. En effet Spielberg ou Desplechin ou Lynch ou Ozon sont des petits malins, mais le cinéma ne se réduit pas à ces roublards pour midinettes à masques et à plumes. Je vous conjure de voir Les fraises sauvages de Bergman ou Vivre sa vie de Godard et si là, vous restez campé sur vos positions, je vous donne ma parole de ne plus jamais vous ennuyer avec le cinéma.

  • Attendez Maubreuil, nul n'est obligé de faire de la critique de cinéma. Qui lit la critique de cinéma, d'ailleurs, si ce n'est d'autres critiques de cinéma ? Ce milieu est tout petit…

    Sûr que si toutes les médiathèques de France et de Navarre n'étaient pas abonnées aux "Cahiers du cinéma", ce torchon ridicule aurait coulé depuis longtemps.

    (Et si Spielberg est un petit malin, Godard, lui, c'est le roi des petits malins et de la pirouette.)

  • Vous avez vraiment besoin de mépriser tant pour mieux apprécier le peu que vous aimez du monde?

  • Oui, Gloups, c'est un tour de pensée occidental, une façon de faire la part du bon grain et de l'ivraie. Même Schopenhauer comprend ça lorsqu'il dit que pour lire de bons livres il faut éviter d'abord d'en lire de mauvais (À rapprocher aussi de Claude Allègre pour qui la recherche scientifique est en partie une affaire de goût.)

    À l'inverse, il y a le penchant démocratique, par exemple, qui tend à une sorte de nivellement, d'équivalence des "points de vue", de flou philosophique, etc. Pourquoi ? Mais parce que le but de la démocratie n'est pas la science, c'est le profit.

    Je sens que vous allez me faire le reproche d'être un peu idéologue, Gloups, sur ce coup-là ; c'est juste pour me faire mieux comprendre de vous.

  • Lapinos, vous pouvez me reprocher d'être idiot, flou, ignorant, approximatif, et sans goût. Vous trouverez des tas d'arguments dans ma prose rapide pour étayer ces thèses. Mais idéologue, là, non, il va vous falloir trouver autre chose.

    Vous confondez trop le goût et la vérité, Lapinos. Je sais que vous allez défendre cette position, mais je la crois fausse, et, pour ainsi dire, la définition même de l'idéologie. L'idéologie c'est du goût rationalisé.

    Lynch fait des divertissements qu'on aime ou qu'on n'aime pas; y voir plus ou moins, c'est se mettre au niveau des critiques de cinéma, qui ont un intérêt économique à voir dans chaque film infiniment plus ou infiniment moins qu'il n'y a en réalité.

    "A Straight story" était un très joli road movie qui m'a fait passer un bon moment. Détendez-vous, Lapinos, respirez, laissez-vous aller que diable... L'hydre capitaliste ne va pas vous voler votre âme si vous vous surprenez à apprécier un film qui a coûté cher...

  • Vous avez des goûts assez moyens, Gloups, et c'est un peu un principe chez vous ; je ne me sens pas obligé d'y sacrifier, voilà tout, mes dégoûts sont francs. Je préfère le cirque ou même la télé, comme divertissement, on moins on peut zapper et il n'y a pas cette prétention artistique insupportable.

    L'obscurantisme des salles de cinéma, d'un critique comme Viviant, bien sûr que ça me fait peur. Mais au-delà de Lynch, qui a été le premier surpris de cette consécration, les films de Truffaut, de Sautet, de Godard, quel ennui mortel ! quelle platitude à côté du moindre roman de Guy des Cars !
    Avouez, Gloups, que c'est à partir du moment où une pute commence à jouer les bourgeoises qu'elle devient insupportable.

  • J'ai sans doute des goûts assez moyens, à vrai dire je ne cherche pas à les évaluer, ils ont un peu tendance à s'imposer à moi.

    La télé, non, je n'arrive pas. Le cirque ça dépend.

    On dirait que vous jugez les choses plus sur ce que les gens que vous n'aimez pas en disent que pour ce qu'elles vous disent directement.

    Sautet: jamais rien vu. Truffaut, Godard: vu quelques films il y a longtemps, à une époque où je devais sans doute me sentir obligé d'apprécier. Du coup pas de véritable opinion. Bon souvenir de "Alphaville". Guy des Cars: jamais lu.

    Je préfère les putes qui jouent les bourgeoises aux bourgeoises qui jouent les putes. Là encore c'est une question de goût. J'ai plus de respect pour les gens qui font des efforts pour se conformer que pour ceux qui en font pour se distinguer.

    De ce que je comprends, ce que vous n'aimez pas chez Lynch, c'est surtout Viviant. Là je vous rejoins.

  • Mais si, vous évaluez vos goûts, Gloups : la preuve c'est que vous dites que vous vous êtes senti obligé d'apprécier les films de Godard ou de tel autre parce que vous n'étiez pas alors en âge de vous faire votre propre opinion : pas assez de points de comparaison sans doute, avec d'autres films ou d'autres formes de divertissement.

    Poser le principe que les choses ne se valent pas toutes amène sans doute à commettre des erreurs - même si ce qui frappe surtout c'est la sûreté du jugement de Baudelaire, bien plus que ses erreurs -, mais ce principe a un sens, tandis que dire que toutes les choses se valent, c'est idiot. Le travail de tri effectué par Baudelaire est une pierre apportée à l'édifice.

    Dire qu'Harry Potter ou Kipling, c'est la même chose, du moment qu'on prend son pied avec, comme on entend dire souvent, c'est ça qui est barbare. Les existentialistes sont des barbares, même s'ils ne cessent d'invoquer leur illusoire petite liberté personnelle.

    Domecq dit que Warhol a beau n'être qu'un escroc, il est plus futé que ses thuriféraires. Peut-être est-ce la même chose pour Lynch et Viviant ? Ce qui est sûr c'est que Lynch est un petit malin, il a très bien su exploiter l'étiquette artistique qu'on lui a collé d'un seul coup en faisant des films tordus qui réjouissent les amateurs de sudoku, et en ajoutant une dose de porno-chic, ça ne peut pas faire de mal. Mais Viviant est lui-même un petit malin, il vit lui-même consciemment de ce cinoche à prétention intellectuelle ou artistique.

  • "À l'inverse, il y a le penchant démocratique, par exemple, qui tend à une sorte de nivellement, d'équivalence des "points de vue", de flou philosophique, etc. Pourquoi ? Mais parce que le but de la démocratie n'est pas la science, c'est le profit."

    Est-ce bien certain? Dans le nivellement et la relativité des jugements, je vois surtout une certaine médiocrité consentie, pratiquée par souci de bien-être individuel. Le "chacun ses goûts" signifiant: "qu'on me fiche la paix.". Y-a-t-il idée de profit? Le mot me paraît décentré.

  • Ce consumérisme n'est-il pas largement entretenu par les politiques gouvernementales libérales, de gauche comme de droite, avec l'appui des grandes sociétés cotées en Bourse. En Europe comme aux États-Unis, la science est mise au service de l'industrie et des services. Et il serait un peu spécieux de vouloir dissocier la politique capitaliste du régime politique et juridique qu'elle a choisi d'endosser. Le développement de la démocratie et du capitalisme coïncident d'ailleurs depuis la révolution industrielle.

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