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Campagne profonde (2)

Le piment de Le Pen, c'est qu'il chahute l'"establishment". La partie de tennis démocratique qui se joue, si Le Pen n'était pas là pour ruer dans les plates-bandes et chiper la balle de temps en temps, serait d'un ennui mortel ! Ou alors il faudrait deux femmes, et non pas une seule, qui se crêperaient le chignon sans retenue sous nos yeux.

L'ennui mortel, en revanche, est typique de la littérature démocrate-chrétienne, de Paul Bourget (qu'on réédite !) à Éric-Emmanuel Schmitt ; en toute logique les démocrates-chrétiens haïssent donc Le Pen - du bout des lèvres, comme tout ce qu'ils font. S'ils n'avaient pas enterré le diable, ils penseraient : « Ce Le Pen est diabolique ! ».

Aussi le spectacle de la métamorphose de Bayrou - qui essaie de "s'hybrider" pour les besoins de son élection -, est-il assez étrange. Il peine à trouver son style. Appliquer la recette de Le Pen ne suffit pas, encore faut-il avoir le tournemain… On dirait que Bayrou drague un type d'électeur qui n'existe pas, un électeur théorique (En dehors de fournir un nouveau sujet de conversation aux journalistes, je lui vois un autre point commun avec Chevènement, à Bayrou : un orgueil disproportionné.)
Bon, mais j'ai du mal à rester concentré plus de deux minutes sur ce que dit Bayrou ; qu'il soit dans son costard de démocrate-chrétien ou dans son nouveau déguisement de Zorro, il me fait bâiller.

Retour, donc, à Le Pen, tangent à l'hémicycle, pour reprendre une des ces comparaisons géométriques que les philosophes affectionnent tant. Il m'a fait sursauter l'autre jour lorsqu'il a avoué qu'il avait perdu sa foi dans l'Europe après être allé reconstruire des digues effondrées sur la côte hollandaise, lorsqu'il était encore étudiant. Il aurait de ce jour-là compris que le désir d'un destin commun n'existait pas dans la tête des citoyens des différentes nations européennes… En voilà une triste idée ! Aller chercher le sentiment européen en Hollande, primo, ça n'a pas de sens, les Bataves ont toujours combattu tout ce qui est latin, à l'exception de la monnaie latine.
Deuxio, Le Pen a une curieuse conception de l'Histoire s'il croit qu'elle ne peut pas se passer des desideratas du peuple. Qui peut dire ce que désire le peuple ? Lui-même ne le sait pas.
S'il avait fallu attendre le désir des Bretons d'être Français, les Bretons en seraient encore à échanger des fables dans leur dialecte et Le Pen ne saurait pas se servir de La Fontaine pour railler ses adversaires. Finalement il n'y a pas que Bayrou qui soit hybride.

Je crains que ce sentiment de Le Pen, qui existait aussi chez Mitterrand et chez Chirac, ne trahisse en fait le vieux préjugé persistant des Français vis-à-vis des Allemands, entretenu par la République française depuis plus d'un siècle. Qui sait si dans quelques lustres, à cause de notre orgueil et de notre philosophie, nous ne serons pas obligés d'accepter de nouveau sans discuter toutes les conditions que l'Allemagne, réformée, nous dictera ?

Commentaires

  • C'est vrai que dans un certain sens Le Pen n'a pas vraiment fait la carrière d'Hitler et qu'à côté de lui Mussolini même est un grand homme !

    Viva la muerte ! et merde à Franco !

  • Et vous, vous avez fait la carrière de Montesquiou, peut-être ?

  • Non mais je compte sur toi ou sur Juldé pour me transfigurer en baron de Charlus !

  • De Bourget il n'y a que deux titres de disponible : "le Disciple", dont il existe en effet une réédition à la Table Ronde et qui est un très bon livre et les "Essais de psychologie contemporaine" dans la collection Tel qui sont aussi un très bon livre.

    Je ne vois pas où est le démo-chrétien chez Bourget. Que je sache, il n'était pas adhérent-sociétaire du Sillon, mais très proche de l'AF.

    La comparaison avec ce guignol de E-E Schmitt, voire avec cet abruti de Redeker, qui j'imagine était la première qui vous serait venue en tête quelques semaines plus tôt seulement, me paraît donc singulièrement erronée.

  • "Qui sait si dans quelques lustres, à cause de notre orgueil et de notre philosophie, nous ne serons pas obligés d'accepter de nouveau sans discuter toutes les conditions que l'Allemagne, réformée, nous dictera ?"

    Si c'est le Saint-Empire romain germanique, j'attends les ordres.

    Quel superbe tryptique cela ferait, le Saint-Empire au centre, avec l'Europe celto-romaine et l'Europe slave comme panneaux latéraux.

  • Redeker ? C'est un pur produit médiatique sans intérêt, la mascotte de BHL-S.A.

    Schmitt, à côté, est plus intéressant, car il a une véritable influence sur la jeunesse démocrate-chrétienne, il est vraiment lu, comme Bourget l'était. Vous m'incitez à plus de nuance vis-à-vis de Bourget, PdS… soit, je veux bien admettre que Bourget a cent fois plus de talent littéraire que Schmitt et que le milieu démocrate-chrétien s'est considérablement dégradé intellectuellement, mais admettez de votre côté que l'Action française n'a pas regroupé que des révolutionnaires, il y avait aussi beaucoup de rêveurs (à commencer par Maurras), et aussi des démocrates-chrétiens (Girardet), ou qui allaient le devenir, comme Maritain. "Trente ans d'inaction française", il y a du vrai dans ce slogan.

  • Nuance ! Le breton n'est pas un dialecte mais une langue. Imagée, savoureuse, chantante. Langue celtique compliquée : la structure de la phrase s'apparente au latin, mettant d'emblée l'accent sur la qualité (Severum res gaudium est, et non : La joie est une chose sévère). On trouve des traces de cette manière de pratiquer le langage chez Le Pen, c'est vrai et (ce qui n'a pas été étudié mais devrait bien l'être), dans la langue de Céline... Petits exemples : L'eau ne jaillit pas, elle strinnke ! Un baiser : pok ! Mille baisers : mil pokou !
    Alors, pok ! pok !

  • Pour moi le mythe du beau langage breton est un mythe rousseauiste, comme celui du bon sauvage. Mais je comprends le besoin des poètes de s'évader dans les mythes (Le Pen est lui aussi en plein mythe, celui de la France éternelle.)
    La mer vous fait divaguer, vous, Morgane, comme Le Pen et Chateaubriand.

    Je me rappelle avoir été frappé il y a une dizaine d'années par une conversation en breton entre un Morbihanais et un Finistérien ; ils étaient sans cesse obligés de faire des mises au point, ils se comprenaient très mal.
    Votre comparaison avec le latin n'est pas très probante ; à ce compte-là l'allemand et l'anglais sont des langues plus latines que le français.
    Et puis Céline n'est pas Breton mais Normand - parigot à vrai dire.

    Mais je n'ai rien contre un baiser, même sec, pok !

  • Mince ! J'avais pourtant cru que Lapinos était détenteur d'une culture universelle pour tout ce qui relevait de la littérature de l'Enfer.

    D'abord il y a un livre tenant autant de l'essai sur Céline que d'une histoire totale de la partie du XXe siècle dans laquelle celui-ci a vécu, livre qui fait de Céline un écrivain celte et dont l'écriture baroque n'est pas sans apporter un surcroît de force à la puissance de mystère qui entoure déjà la vie de Céline telle qu'elle advint en réalité et telle qu'elle fut retranscrite dans ses romans : ce livre c'est celui de Paul del Perugia qui a paru aux Nouvelles Editions Latines il y a longtemps déjà. Pour faire le malin j'ajouterai que j'en possède un exemplaire qui est quasiment un envoi de l'auteur car, malgré l'absence d'autographe à destination de son correspondant, del Perugia a joint une carte de visite sur laquelle il a griffonné une formule aux contours d'un prosaisme ne laissant rien présager du chef-d'oeuvre que constitue son livre.

    Ensuite, beaucoup plus classiquement, je vous renvoie à la biographie due à P. Alméras, laquelle, bien que l'auteur cède par trop à un politiquement correct dans la succession (et pour cause !) de Taguieff et veuille absolument démontrer une thèse, constitue encore aujourd'hui l'ouvrage GRAND PUBLIC (car il y a mieux sur le marché) de référence sur L-F Destouches. Céline a passé son enfance à Rennes, suivi des études à la faculté de médecine de cette même ville (voir son premier mariage avec la fille du doyen), plus tard il prit comme lieu de villégiature Paramé (dans Saint-Malo), Dinard, Saint-Briac. Sa présence répétée en ces lieux est attestée par de nombreuses sources incontestables et par les meilleurs spécialistes.

  • Je n'ai pas dit "beau langage breton", c'eût été un jugement de valeur. C'est une langue, fondée sur radical et désinence, et qui place en tête de phrase le terme destiné à être mis en relief, en quoi (c'est un constat) elle est proche du latin, mais d'autres langues aussi, bien sûr.
    On ne s'évade pas dans les mythes si on est honnête intellectuellement, on s'appuie sur eux pour voir clair dans le présent. Le passé ne contient-il pas une réserve d'avenir ? — le jadis n'est-il pas la part du passé qui nourrit, vivifie le présent ?
    Ne pas confondre toutefois mythe et fantasme. La France éternelle n'est pas un mythe.
    Céline était breton par sa mère. Normand, parigot aussi, et plus encore.
    Il y a plusieurs bretons, en effet, et l'on a fait grief à quelques-uns d'avoir voulu unifier la langue.
    Vague, divague, qui ne divague ? Vous ?
    Ave

  • J'ai sans doute encore plein de choses à apprendre sur Céline, PdS, après tout je ne suis qu'un jeune lapin, mais vous ne m'apprenez pas grand-chose de positif. Céline, un écrivain celte ? Je ne dis pas le contraire, mais on peut être Normand et celte. D'ailleurs le fait d'avoir vécu à Rennes et à St-Malo ne fait pas de Céline un Breton : d'abord parce que ces villes ne sont pas bretonnes, ensuite parce que l'originalité bretonne, si elle existe, ne peut s'acquérir comme ça, par le simple "séjour". Je maintiens donc, jusqu'à preuve du contraire, que Céline est plus précisément déterminé par le petit commerce, la guerre, le cosmopolitisme parisien, la révolution industrielle, le goût pour la médecine, la littérature. Sur la vie de Céline, il n'y a des tabous, mais pas de véritable mystère.

  • C'est pour ça que j'utilisais le terme de dialecte pour le breton, que je suis partisan de laisser aux archéologues, parce qu'il y a très peu d'unité, pas de grammaire.

    Pardonnez-moi de porter encore un jugement de valeur, Morgane, mais tous les mythes ne se valent pas. Entre les mythes grecs, les mythes bibliques d'une part, et les mythes modernes ou démocratiques, par exemple, d'autre part, il y a comme qui dirait un monde, l'assise n'est pas la même.

    Quant à la France, la plus belle France, celle qui n'est pas un mythe, c'est celle de Louis XV et elle n'a duré que quelques lustres. La France éternelle qui est dans la tête de Maurras ou de DeGaulle, vous avez raison, ce n'est pas un mythe mais un fantasme.

    (Si je divague, fouettez-moi !)

  • De mythe en mite, en v'là la jolie laine, mythons, mitons, en v'là la jolie toison d'or !

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