Sous la plume d'un certain "Coriosol" dans un numéro récent de Présent littéraire, sans doute un pseudo, cette comparaison argumentée entre trois philosophes renommés, BHL, Glucksman, Finkielkraut et les "Pieds-nickelés", les non moins fameux Croquignol, Ribouldingue et Filochard.
Cette comparaison me convient assez. Elle a le mérite d’être plus "serrée" que ma comparaison entre BHL et Voltaire.
Sauf l’échec récent de la campagne de Ségolène Royal, BHL a mené une brillante carrière de philosophe comme le grand petit Voltaire, une carrière qui doit beaucoup à la ruse. Héritier de la fortune de son père, bâtie dans les colonies, dans l’exploitation industrielle forestière (exploitation pour laquelle Guy Carlier a travaillé, comme comptable, d'où lui viennent sans doute ses convictions antiracistes et écologistes), BHL n’en a pas moins jugé opportun de voler au secours des opprimés et de clamer son indignation sur toutes les chaînes ("Quelle tuerie, la guerre !"). Voltaire faisait ça aussi, de voler au secours des opprimés, et son enrichissement dans la traite des nègres est connu.
Passons sur le procédé qui consiste à se draper dans la dignité du martyre juif lorsqu'on est d’une famille de colons d’Afrique et qu’on n’a pas un seul ancêtre martyr, F. Nourrissier a déjà évoqué avec beaucoup de subtilité que Jean d'Ormesson cet aspect des choses dans une chronique du Point (ne pas croire pour autant qu’il y a des choses à lire toutes les semaines dans Le Point, surtout depuis que Patrick Besson est parti à l'assaut de l’Académie française et qu'il s'efforce donc d'être aimable - un Serbe aimable, c'est une gageure difficile !).
Quant à Diderot, je le comparerais plutôt à Sollers. Le goût affiché de Sollers pour la Chine, Venise, Nitche, le pape, toutes ces choses exotiques, est manifestement destiné à cacher le côté profondément franchouillard du personnage. Chez Diderot comme chez Sollers, il y a un côté "provincial monté à Paris", un peu gêné par ses racines et ses habits de plouc, mais pas trop.
Et puis l’appétit, la gourmandise de Diderot est connue. Et Sollers ? Il n’est pas un album d’images pieuses ou érotiques qui paraisse sans qu’il souhaite en rédiger la préface. Il est capable, à lui tout seul, ou seulement avec l'aide de son harem, de rédiger un numéro entier de L'Infini, sa revue, rappelant en ça le Diderot encyclopédiste.
Quant à Rousseau, je ne lui ferai pas l'injure de le comparer à Finkielkraut. Certes, ils ont tous les deux en commun d’être venus de l’étranger jusqu’en France pour nous faire bénéficier de leurs lumières ; mais Genève est un État francophone, tandis que les Polonais, le plus souvent, sont inintelligibles.
Mais Rousseau est sincèrement et profondément réactionnaire, antimondain, “boy-scout” comme a marqué le documentaliste C. Dantzig sur son étiquette, il ne se contente pas d’aspirer l’air du temps, puis de l’expirer dans un édito ou dans un “essai” ; Rousseau parvient à être original et indémodable.
Maintenant que j’y pense, puisque Finkielkraut le cite abondamment, la comparaison entre Rousseau et Philippe Muray me paraît moins frauduleuse - je parle là uniquement au plan des idées et pas du style, car Muray aussi est sincère ; inepte comme Rousseau, mais sincère.
Commentaires
Tout est bien qui finit bien !
Il ne suffit pas d'être sincère pour être authentique, CQFD. Et n'est-ce pas authentique qu'il importe d'être ?
Jamais eu le courage de lire Rousseau..moi.
Tu devrais au moins lire les premiers tomes des "Confessions", Gretel, c'est très amusant !
Vous leur faites beaucoup d'honneur à tous les trois (quatre) de les comparer à des gens qui savent écrire et ne se contentent pas de tics, de trucs, ou dans le meilleur des cas, de savoir s'exprimer (Finkielkraut n'ayant pas vraiment de prétentions littéraires est de loin le moins pénible à lire, à mon goût).
Sinon vous avez oublié un "plus" là-haut dans "beaucoup plus de subtilité" (tout le monde aura rectifié mais je vous donne un coup de pouce pour le jour où on publiera les bons blogs dans la Pléïade).
Je ne connais pas assez Muray (et ça ne risque pas de s'arranger) mais je trouve que le côté phobique social mais hypermondain quand même de Rousseau colle assez bien à l'image que donne F., quand il fait le bossu complexé caché derrière ses bouquins sur les plateaux de télé. Paranos célébrissimes aimés et protégés largement plus qu'ils ne sont haïs et persécutés.
Si on le lit au troisième degré, Finkielkraut peut même être drôle, parfois. Mais tous ces gens qui sont drôles au troisième degré, ça commence à être inquiétant, non ?
Ah oui, revenons à un autre de vos trissotins préférés, Nadine, D. Arasse. C'est son côté "universitaire" qui vous plaît, sans doute ; déjà je me rappelle que l'agrégé de philo. BHL vous avait séduite…
« J'ai souhaité pourtant faire une étude historique du détail et du rapport du détail au tableau de peinture. Une curiosité m'y a poussé et le désir de répondre à quelques questions. Que se passe-t-il dans ces moments privilégiés où un détail se voit ? De quelle surprise ces moments sont-ils porteurs ? Que faiit celui qui regarde "de près" et quelle récompense imprévue cherche-t-il ? » D. Arasse.
Excusez-moi d'enfoncer le clou, non seulement Arasse est amphigourique mais il est complètement tarte.
Qu'appelez-vous donc, Lapinos, "ineptie de P.Muray" ? ça m'intéresserait vu que je ne vous suis pas trop...
Merci de votre question, Guit'z... moi aussi j'attends des détails car j'aime assez Muray.
Quant aux attaques anti-Finki, elles sont si basses qu'on en est gêné pour Lapinos. Finkielkraut est le prototype de ces enfants d'immigrés ancienne manière qui aimaient plus la France que la plupart des Français de souche. Finki n'est sûrement pas un styliste, mais il pense le plus souvent juste, ce qui est quand même l'essentiel. Et s'il est parfois maladroit, il est sincère et courageux, ce qui est si rare chez les intellos et assimilés... J'ajoute que Finkielkraut est né à Paris, de parents issus du peuple juif (lequel a donné au monde bien plus d'intellectuels que le peuple Polonais pourtant plus nombreux) et que la langue maternelle desdits parents était le Yiddish, qui est une langue germanique, donc tout sauf confuse.