Sarkozy, avec sa politique de relance de la consommation, il me fait penser à ces mères juives des images d'Épinal qui remettent d'office une énième louche de polenta ou de bortch à leur gamin déjà gonflé à bloc et qui peut même plus respirer.
Il faut bien voir que le citoyen des États-Unis, qui sert de modèle, il peut tout supporter, lui : deux voitures, un 4x4, plusieurs postes de télé, plusieurs consoles de jeu, des tonnes de dévédés, des double Burger-King, du bourbon par bouteille de deux litres, plusieurs séances de cinoche par semaine, deux voire trois divorces, c'est-à-dire deux voire trois gonzesses (!), des animaux de compagnie, des téléphones portables dans tous les tiroirs, sans compter des i-pods dans tous les trous. Le Français, c'est pas sûr qu'il ait la carcasse pour supporter un tel bazar, ce n'est pas exactement la même espèce.
Ce que Baudelaire, Marx et Simone Weil ont bien vu, ce qui fait qu'ils sont modernes, eux, c'est que la morale dépend essentiellement des conditions économiques, qui déterminent l'ordre social. Attention, quand je dis "morale", il ne faut pas se tromper, les démocrates libéraux ont complètement dévoyé ce mot.
La morale de Baudelaire, ce n'est pas celle de Sarkozy ou de Delanoë. Je dis Delanoë parce que j'habite Paris, et que donc, forcément, je connais l'ordre moral des bobos par cœur, vu qu'ils l'affichent à tous les coins de rue. « Mets ta capote ! », « Roule à vélo ! », « Brosse-toi les dents trois fois par jour ! », « Pense à donner pour le sidaction ! », etc.
Tout le monde a un code moral, même les truands. La morale des bobos, il faudrait plutôt parler d'"hygiène" ; une hygiène d'anorexiques-boulimiques. Rien à voir en tout cas avec la morale de dandy aristocratique de Baudelaire - qui d'ailleurs était plutôt fier d'avoir contracté la syphilis, c'était le minimum pour un artiste, la "teuhon" pour ceux qui ne l'avaient pas.
L'avantage du clan Sarkozy, par rapport à l'autre, au moins, c'est qu'il y va franchement ; pas comme les Strauss-Kahn, les Fabius, les Jospin, qui prennent des airs d'intellos mélancoliques pour faire la même chose : pousser à la consommation de produits fabriqués en Asie.
Comme les chiffres le disent, qu'on enrichit la Chine, et qu'elle ne nous enrichit pas, et que Sarko il sait quand même lire les chiffres, il se dit : « Eurêka, il suffit de pousser les Français à acheter des biens immobiliers !… comme ça le pognon ne partira pas en couilles à l'étranger. »
Les électeurs de Sarko, vu leur âge moyen, sont déjà propriétaires, voire multipropriétaires ; les autres hésitent à faire des emprunts sur cinquante ans, car, alors, ils n'auront plus un radis pour se payer l'écran plasma. Ce qu'il faudrait, c'est des bicoques en bois, sans fondations, ça permettrait de casser les prix, et comme ça Sarkozy pourra chanter : « L'Amérique !… euh, c'est l'Amérique !… euh… », ou un autre tube bien niais de son répertoire qui a l'air quasi-illimité.
Commentaires
Ils ont trouvé un truc qui les emmènent au septième ciel : les ascenseurs, ils appellent cela "remise aux normes" ça coûte la peau des fesses, ça ne sert à rien et on peut le refaire tous les sept ans.
Le moral de bobos ne vaut pas la morale des barbus ...
Une question : la morale comme garante de l'ordre économique ou comme rempart de l'autorité illégitime (patriarcale, dogmatique, conservatrice, réactionnaire, ...) ?
Il m'a toujours semblé que les inégalités sociales conditionnaient l'inégalité des rapports économiques...
En somme, les révolutions bouleversent de manière provisoire les circuits et échanges monétaires et commerciaux afin de les soumettre à la "nouvelle donne", avant que de nouveaux groupes sociaux dominants (les nouveaux maîtres...) n'émergent consécutivement à la création de nouvelles inégalités pour redéfinir de nouvelles inégalités d'ordre économique...
Ou alors, les êtres humains sont encore plus stupides que tu n'as l'air de le croire !!!
L'anarcho-capitalisme a fait bien plus de dégâts que le fordisme, y compris dans son rapport à l'environnement naturel...
Marx n'avait pas prévu la société de consommation... Et c'est bien dommage, il aurait été plus prudent (d'un point de vue idéologique-politique)... avant de lancer son manifeste !!!
A moins de penser que c'est son caractère prophétique qui a poussé le capitalisme à devenir cette méta-idéologie qui nous incite aussi naturellement à nous déshumaniser en intégrant la vulgate sociale actuelle : tout est conditionné par les rapports économiques et sociales !!!
L'esprit est libre encor, de sa naturelle insolence et de sa sincère soumission à cette beauté qui la dépasse : Dieu !
Autrement dit, le principe, la vie, le tao... Peu importe le nom, en ce qui me concerne...
Le bobo, c'est tellement peu de choses... ;-) !!!
Si, Marx a prévu la société de consommation, non seulement de biens mais de rapports humains. Marx analyse fort bien le fonctionnement du marketing, par exemple.
Pour Simone Weil, les inégalités sociales sont secondaires, elles sont dans la nature et n'empêchent pas forcément la liberté individuelle de s'épanouir. L'oisiveté des possédants n'est pas la liberté, au contraire.
Du mode de production principal, qui traduit le rapport de l'homme à la nature, dérive largement la morale commune. Et le mode de production capitaliste est amoral, il ne s'agit plus d'échanger une valeur contre une autre valeur AVANT TOUT, ni de satisfaire ses besoins naturels AVANT TOUT.
Privé de morale, l'homme est privé de liberté.
(Ce n'est qu'une épure bien sûr, rien ne vous empêche de lire Simone Weil "in extenso".)
J'ai eu de longues de discussions avec ma moitié au sujet de Simone Weil... Je dois quand même admettre que certaines choses m'ont un peu effrayé, quand elle me contait les épreuves qu'elle a vécu jusqu'à sa disparition...
Pour autant, elle vient de me prêter un de ses livres... Nous pourrons en discuter en mode épistolaire (cela va de soi...) !!!
Pour le reste, de tirer du comportement humain vis-à-vis de la nature la source de la morale, ne serait-ce pas mettre la charrue avant les boeufs ?
Il me semble que c'est la morale partagée par une communauté qui va nous indiquer quel est la spécificité de son rapport à la nature comme à ce qui lui est étranger...
Pour autant, les inégalités sociales sont bien entendu des inégalités de fait, mais d'en tirer la conclusion qu'elles ne sont pas fondamentales ne nous permet pas de comprendre le développement des luttes écologistes, féministes et de défense des minorités, qui visent justement à révéler la part inconsciente qui nourrit jusque dans le marxisme les philosophies de l'action...
L'originalité de la pensée marxiste est là, par rapport à la philosophie hégélienne, dans ce que vous appelez "mettre la charrue avant les bœufs".
Sauf dans sa critique d'art, Baudelaire est assez proche de ce schéma de raisonnement, qui peut paraître inversé.
Prenez le féminisme, par exemple. La condition de la femme, en moyenne, s'est-elle moralement améliorée ? La propagande le dit, mais c'est très discutable.
Ce qui est moins discutable, c'est le rôle que le salariat en général, et le salariat des femmes en particulier a joué dans l'obtention pour la femme d'un statut juridique à peu près égal à celui des hommes (supérieur dans une minorité de cas, un peu inférieur dans la majorité des cas par rapport au statut moyen d'un homme) - le salariat, donc le capitalisme et son besoin d'une main-d'œuvre aussi large que possible (Les syndicalistes actuels sont tout sauf marxistes.)
Est-ce un "modèle économique" qui modèle les mœurs aujourd'hui ou une volonté d'améliorer la condition de la femme ? Pour un marxiste, la propagande féministe est une vaste entreprise de justification d'un état de fait amoral. Je vous laisse juge. Lisez en particulier l'"Analyse de l'oppression" ; vous pouvez zapper le premier chapitre sur Marx qui est partiellement périmé.