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Romantisme et romantisme

J’avais promis à ma lectrice d’hier une ou deux pistes de réflexion, idées de lecture…
Le discours que l’Église tient aux jeunes couples est teinté de romantisme, un romantisme qu’il est intéressant, je trouve, de confronter à celui de Baudelaire.
Comme tu sais, M., Baudelaire est le fils d’un prêtre défroqué en raison de circonstances politiques ; il ne s’est jamais marié lui-même et s'amouracha d’une putain. Sa mère s’est remariée après le décès de son paternel avec un officier supérieur - il a de ce fait une idée du fonctionnement du "mariage bourgeois".
Son point de vue est particulier, mais il n’est ni truqué ni superficiel. Autant dire qu’entre l’amour selon Baudelaire et l’amour selon une journaliste de “Madame Figaro” ou de “Elle”, par exemple, il y a comme un gouffre, un gouffre de spiritualité.
(D’ailleurs le vigoureux militant catholique Louis Veuillot ne s’y trompa pas : comme il avait reconnu la spiritualité profonde de Baudelaire, il ne manqua pas de se rendre à ses obsèques, au grand dam des amis “ésotériques” du poète incompris, et, sans doute, de quelques catholiques bourgeois déjà soucieux, à l’époque, de lécher le fondement du Capital.)

Un regard différent sur l’amour :
- « L’amour, c’est le goût de la prostitution. Il n’est même pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la prostitution. » (Bruckner et Finkielkraut n’ont rien inventé, ils ont tout pillé, taillé Baudelaire à leurs mesures de bourgeois socialistes fadasses.)
(…)
- Anecdote du chasseur, relative à la liaison intime de la férocité et de l’amour.
(…)
- « Je crois que j’ai déjà écrit dans mes notes que l’amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale. Mais cette idée peut-être développée de la manière la plus amère. Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l’un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l’autre. Celui-là, ou celle-là, c’est l’opérateur, ou le bourreau ; l’autre, c’est le sujet, la victime.
Entendez-vous ces soupirs, préludes d’une tragédie de déshonneur, ces gémissements, ces cris, ces râles ? Qui ne les a proférés, qui ne les a irrésistiblement extorqués ? Et que trouvez-vous de pire dans la question appliquée par de soigneux tortionnaires ? Ces yeux de somnanbule révulsés, ces membres dont les muscles jaillissent et se roidissent comme sous l’action d’une pile galvanique, l’ivresse, le délire, l’opium, dans leurs plus furieux résultats, ne vous en donneront certes pas d’aussi affreux, d’aussi curieux exemples. Et le visage humain, qu’Ovide croyait façonné pour refléter les astres, le voilà qui ne parle plus qu’une expression de férocité folle, ou qui se détend dans une espèce de mort.
Car, certes, je croirais faire un sacrilège en appliquant le mot : extase à cette sorte de décomposition.
- Épouvantable jeu où il faut que l’un des joueurs perde le gouvernement de soi-même !
Une fois il fut demandé devant moi en quoi consistait le plus grand plaisir de l’amour. Quelqu’un répondit naturellement : à recevoir, et l’autre : à se donner. - Celui-ci dit : plaisir d’orgueil ! - et celui-là : volupté d’humilité ! Tous ces orduriers parlaient comme l’Imitation de Jésus-Christ. - Enfin il se trouva un impudent utopiste qui affirma que le plus grand plaisir de l’amour était de former des citoyens pour la patrie.

Moi, je dis : la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. - Et l’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve toute volupté. »

("Fusées")

Décidément, Baudelaire est un antidote aux discours démocratiques.

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