Sur le plan littéraire, Drieu est tout aussi lucide, si ce n’est plus. Emmanuel Berl, Julien Benda, Porto-Riche, Bernstein, tous ces ex-écrivains célèbres qui faisaient chier Drieu, ils n’intéressent plus personne en dehors de quelques maniaques bibliomanes désormais.
Et pourtant, Dieu sait qu’on réédite tout et n’importe quoi aujourd’hui ! Rien ne serait plus facile que de payer un critique du “Monde”, de “Match”, du “Figaro” ou de “France 2” pour dire tout le bien qu’il pense de Porto-Riche et pousser le quidam à l'acheter…
Lira-t-on encore Modiano ou Weyergans dans trente ans, dans vingt ans ? Houellebecq restera sans doute, mais plutôt en raison de son anticonformisme que de sa prose (Aussi, quelle erreur de se fondre dans le moule en faisant du cinéma produit par Lagardère.)
Préjugé favorable, tout de même, de Drieu en faveur de Nitche. Nul n’est parfait. Un préjugé partagé d’ailleurs par t’Sterstevens. Préjugé d’une époque. Et puis Drieu n’est pas un catholique conventionnel. Le superhomme, Zaratoustra, toute cette bimbeloterie… le goût pour les arts premiers n’est pas très catholique. Pour un catholique, les schémas marxistes de Simone Weil sont beaucoup plus raisonnables que la trahison par un Allemand francophile des grands moralistes français. Pourtant, Drieu le sait, le dit et le répète : les Allemands font de bons soldats, mais en politique ils sont nuls.
Quant à Marx, beaucoup plus anglais qu’allemand, Drieu l’ignore presque complètement ; il est occulté par le communisme.
Apparemment sur un point Drieu s’est trompé. À la fin, estime-t-il, les Russes l’emporteront sur les Anglo-Saxons, pourris jusqu’à la moelle par le capitalisme.
Dès le milieu du XVIIIe siècle, Grimm, le La Boétie de Diderot, aussi antipathique et visionnaire que Diderot est sympathique et aveugle, Grimm prévoyait que l’empire russe jouerait un rôle de premier plan à l’avenir, ce qui était loin d’être évident.
Mais la dislocation récente de l’empire soviétique semble donner tort à Drieu. À moins qu’il faille attendre encore un peu ? Une chose est sûre, outre la haine du catholicisme et le mépris des Yankis, bref de tout ce qui n'est pas russe - un signe de santé psychologique -, les Russes ont ce que les "musulmans" n’ont pas et qui les condamne à demeurer sous la domination occidentale : l’unité, l’argent, les armes, et toutes les ressources énergétiques nécessaires.
À tout prendre, Drieu aimerait mieux tomber sous le joug des Russes plutôt que sous celui des Yankis. Moi aussi : entre les gonzesses yankies et les gonzesses russes, il n’y a pas photo.
Commentaires
Toute votre note est bien trop savante et littéraire pour moi. Mais concernant votre dernière phrase, celui qui prétend le contraire, qu'il soit anathème.
"Quien no ha visto las moscvoitas, no ha visto maravilla". Il m'est d'ailleurs fort pénible de penser que d'aussi jolies créatures soient passés presque directement du joug du servage au joug communiste. Elles en ont perdu (à jamais ?) le sourire.
Pour rebondir sur ces dames et une de vos notes précédentes, je crains que la visite de leurs charmantes églises vous décoive beaucoup. Mesdames ont beau avoir toutes la tête couverte, leur tenue ne facilitera pas votre receuillement, loin de là.
La beauté a-t-elle besoin de sourire ?
Elle n'en a peut-être pas "besoin", mais elle en a bien le devoir, oui, c'est évident : par pure humilité, pour se rabaisser, afin de faire croire à la personne en face qu'elle est tout aussi belle.
La beauté sans l'humilité, c'est effrayant, presque satanique en fin de compte.
Vous êtes sévère avec ce pauvre Berl. Il vaut mieux que Porto-Riche, tout de même ... Si seulement aujourd'hui nos intellectuels étaient tous comme Berl : sachant écrire et le faisant sans parti pris !
J'ai déjà du mal à finir la bio de waugh........alors......
La bio. en français ? Je vous avais prévenue, je ne suis pas très objectif s'agissant des biographies, c'est mon genre préféré ; j'échangerais sans hésiter tout Proust contre une bonne bio.