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L'œil du cyclone

« Ainsi c’est donc ça, Raymond Aron ! je me dis en parcourant en diagonale une grosse compilation - Les sociétés modernes -, non pas la sagesse et la modération qu'on prétend, mais plutôt une sorte de bouddha, un gros néant… »

Je m’y attendais un peu, mais pas à ce point. Les sociétés modernes, il y a tout l’ennui de l’université contemporaine dans ce machin-là, ses fausses leçons, ses fausses grèves, ses fausses révolutions. Rabelais est mort, Céline hante les charniers de la démocratie.

« Essayons tout de même de trouver un point d’appui là-dedans. », je conclus, pragmatique. Marx a prouvé qu’on peut partir d’une philosophie décadente, celle de Feuerbach, pour retrouver l’esprit de l’Occident : foi et raison. Même preuve par Bloy, Péguy.

*

Raymond Aron se veut centriste. Le centrisme, c’est aussi la posture de Sarkozy. Le centre de Sarkozy, en réalité, c’est l’œil du cyclone médiatique, ce tourbillon qui l’engloutira.

Comme Sarkozy est le représentant de commerce de la France, Aron est le représentant de commerce de la philosophie, avec son catalogue sous le bras.
Pourquoi Aron préfère-t-il l’aveuglement de Tocqueville à la lucidité de Marx ? Ou Durkheim et Weber, leurs petites définitions de sociologues impuissants ? Mieux que ça, cette outre d’Aron se goure au point de faire de Thorstein Veblen (!) un esprit plus fort que Marx.
En tant que centriste, forcément, Aron s’efforce d’entretenir le mythe libéral de la “gauche” et de la “droite”. Sans lui, le centre s’évanouit. Au plan idéologique on peut réduire l'idéal libéral au vieux manichéisme. On retrouve celui-ci dans tous les dogmes libéraux : l’évolutionnisme, le racisme, l’antiracisme, l’égalitarisme, le féminisme, etc. Bernard-Henri Lévy se cache derrière les nazis comme Hitler se cachait derrière les juifs.

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Pourquoi Aron se trompe systématiquement ? Parce que Weber et Veblen ne sont pas révolutionnaires, contrairement à Marx, voilà le mobile d’Aron. Un jugement de classe ; faire passer pour universel un jugement de classe. C’est le contraire de la politique.

Décidément Aron a tout pour plaire aux bobos. Une parodie de philosophe pour une parodie de bourgeoisie.

Commentaires

  • Qui se réclame d'Aron aujourd'hui, mis à part A.-G. Slama ? qui le lit, à part vous ? Vous n'en avez pas assez de vous taper des pensums pareils ? Vous avez fait un voeu, perdu un pari ? C'est de la mortification ? Enfin à cause de vous je crois que je vais ouvrir ses mémoires qui prenaient gentiment la poussières sur un rayon de la bibliothèque. Si je m'endors je vous maudirai.

  • C'est pas la pudeur qui vous étouffe, vous. Qui se réclame d'Aron ? Mais votre milieu, votre classe précisément, Nadine : "Le Point", "Valeurs (boursières) actuelles", "Le Figaro", "Famille chrétienne", les gaullistes, les démocrates-chrétiens, Bayrou, "France-culture". Je ne dis pas qu'ils le lisent, je dis qu'ils en font la publicité gratuite.
    Tenez, le dernier qui m'en a parlé ici, si ma mémoire est bonne, je crois que c'est votre copain gendarme. Je ne cherchais pas spécialement à vous provoquer en parlant d'Aron, mais votre réaction vous trahit.

    Peut-être êtes-vous assez fine pour voir que même Sartre écrase Aron, mais vous êtes assez retorse pour entretenir un certain nombre de "fictions".
    Le cynisme d'Aron lui-même est perceptible parfois, comme lorsqu'il dit - tu parles d'un scoop -, que toute pensée politique supérieure dépasse le clivage gauche-droite, alors même que ce clivage sous-tend presque tous ses raisonnements, au ras des pâquerettes.

    Au-delà de ça, si on lit entre les lignes on voit bien qu'Aron sait la supériorité de Marx, au moins qu'il la devine, supériorité sur la brochette de crétins qu'il porte au pinacle. Mais le but qu'Aron s'est assigné, c'est pratiquement celui d'enfouir Marx sous Tocqueville ou Max Weber. Tenez, exactement comme Beigbeder enfouit Marx sous Baudrillard ; compte tenu de l'esprit dont Beigbeder fait montre, je ne crois pas qu'il se fasse beaucoup d'illusions sur les sottises étronimes de Baudrillard.
    "Aron c'est vous", Nadine, ayez au moins la sincérité de Flaubert.

  • Se réclamer ça ne veut rien dire, regardez les milliards de boeufs qui se réclament du Che Guevara. La comparaison est grossière mais je trouve qu'elle vaut.

    Heureusement que j'ai réfléchi avant de vous répondre, j'ai mis trèèès longtemps à identifier le "copain gendarme" ; vraiment il n'est pas facile de se comprendre par écran interposé. Lâchez-moi deux secondes avec mon milieu et ma classe ; je ne lis toutes ces publications que parce que j'ai le tic de lire ce qui me tombe entre les mains, mais ni plus ni moins que les prospectus de supermarchés ou les boîtes de céréales. Chaque jour je mesure la vanité de tout ce fatras. Le week-end dernier j'ai pu constater que le correspondant à Rome du Figaro n'était pas au courant que les gens du temps d'Auguste ne parlaient pas italien et surtout que tous les auteurs antiques avaient un nom français, selon l'usage en cours dans notre pays depuis plusieurs siècles. Le type (son patronyme était breton, si ça se trouve ses gosses s'appellent Riwal Tugdual Soazig et attention si on les épelle de traviole) évoquait tranquillement "Dionigio di Alicarnasso", qu'il reprenait plus loin en "Alicarnasso" (attention attention le théorême de Thalès est rebaptisé théorême de Milet... my name is Delft, Vermeer de Delft), "enseignant de rhétorique grecque" de son état (c'est le mot enseignant qui m'a achevée). C'est ce genre de colère qui m'éloigne de la presse, pas les fondements idéologiques qui orientent les rédactions. L'ignorance fait plus de dégât que l'idéologie (ou mauvaise foi, appelez ça comme vous voulez). Bon, les deux ensemble c'est pire bien sûr. Pouvez me traiter de brighelliste, de toutes les sectes de votre bestiaire noir c'est celle qui me fait le moins horreur. Mais ils me rasent tout de même (tout le monde me rase, je suis une vraie Madame Verdurin, rasée de près, c'est cool je finirai peut-être princesse de Guermantes avant de pourrir sous terre, vanitas vanitatum).

    Quand on est une déclassée on a du mal à se reconnaître dans une classe. Les racines géographiques sont des "fictions" plus difficiles à arracher que les racines sociales.

    Je ne suis assez fine pour rien du tout. Les lecteurs de votre blog vous font souvent grief de ne pas avoir lu, manifestement, les gens dont vous dites du mal. Je pourrais vous faire bien des reproches mais pas celui-là. Quand un livre m'embête, et je suis polie, je le pose, assez vite (je ne dépasse jamais cinquante pages). Sartre j'ai vite arrêté (presque aussi vite que Camus - sauf Noces parce que je suis faible, sentimentale et que j'aime la Méditerranée). Le seul que j'aie fini c'est l'Existentialisme est... que j'étais obligée de finir. Je trouvai que c'était un ramassis de sophismes mais pour une conférence improvisée sur une poubelle je reconnais que c'eût pu être pire.

    Flaubert connaissait un brin Madame Bovary, je n'ai pas lu Aron. A cause de tout ça je vais essayer finalement. Je vous dirai si Aron était en moi avant notre rencontre, de toute éternité, si ça fume, crépite, si je fonds et chavire à la lecture du pavé. Si je pleure à la fin quand il meurt. Au lieu de ricaner bêtement comme à cet instant. Mais quelquechose me dit que je reviendrai à Saint-Simon.

  • Mettre "Le Point" et "Famille chrétienne" dans le même sac, je vous trouve très imaginatif.

    Êtes-vous réellement marxiste ou est-ce une façon de vous distinguer dans ce qu'il est convenu d'appeler la société actuelle ?

    Aron et Marx ont pour point commun d'être morts tous les deux. Du coup, leurs idées sont figées pour nous et ce pour toujours. Dans ces conditions, valent-elles quelque chose ?

  • Je vous dis que les libéraux de droite sont des veaux et vous me répondez que ceux de gauche sont des boeufs, cqfd.
    Sinon vous n'accordez qu'un oeil au "Figaro", qu'une oreille à "France-Culture", vous êtes rudement maligne, vous. Je vous ai accusée d'avoir des "réflexes" de classe, justement.

    Ce qui vous échappe, c'est que j'éprouve comme Marx le besoin d'aiguiser mon couteau sur la meule de la philosophie bourgeoise. Je ne vous ai pas conseillé de lire Aron mais de le flanquer à la corbeille, espèce de petite brighelliste !

    Et n'essayez pas de m'amadouer avec Saint-Simon, je ne l'ai pas encore lu.

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