Un lieu commun qui circule dans le milieu douteux des critiques littéraires dotés d’une carte de presse et qui s’en servent pour aller au cinéma le dimanche, c’est que Philippe Sollers, comme romancier, la cause est entendue, ne vaut pas tripette… mais gare à la sagacité du critique Sollers ! Il sait même le latin, figurez-vous. Tiens donc, se pourrait-il qu’un romancier qui cache l’inconsistance de ses intrigues derrière la graisse d’une syntaxe et d’un vocabulaire rococo-bling-bling fasse un bon critique, après tout ? Comme je n’ai jamais entendu Sollers parler de littérature sur un plateau télé, jamais que de Nitche, de gondoles ou du tailleur taillé pour la victoire de Ségolène Royal, je profite de ce que je suis au BHV pour une bricole pour me faire une idée. Sollers a conscience que la littérature “passe mal” à la télé et qu’il vaut mieux causer d’autre chose, d’autant plus si on n’est pas un auteur. Il a moins conscience en revanche que le téléspectateur pourrait fort bien se passer de ses sketches un peu répétitifs. Le rayon “livres” est toujours désert au BHV ; il semblerait que les gays soient plutôt des bricoleurs hors-pair que de grands lecteurs ; à moins qu’ils préfèrent se fournir chez des libraires spécialisés. Dans la case “Sollers”, il y a son dernier titre. Peu mémorable. Derrière Sollers “invente”, outre Nitche, Dante, Confucius et Joseph de Maistre. Seul ce dernier sort un peu de l’ordinaire d’une bibliothèque municipale. Il y a chez Maistre quelques sensations fortes qui, comme chez Nitche, sont de nature à faire frémir à peu près tout ce que la clientèle de la Fnac compte de bas-bleus. D’Eric-Emmanuel Schmitt à Maistre, il y a comme un pic. Face à Maistre, Sollers est comme le bourgeois emmitouflé dans ses après-ski au pied des pentes de la Haute-Savoie. Un peu essoufflé. Hélas Sollers oublie de replacer Maistre dans son intertextualité. Maistre ne fait que ressusciter Machiavel au XIXe siècle, il fait office de camp de base à Baudelaire et à Bloy, avant les sommets. Le sommet de la poésie-critique pour Baudelaire, celui de la théologie-critique pour Bloy. Comme sujet à disserter, j’aurais plutôt proposé à Sollers, si j’avais été son éditeur : “Expliquez-nous pourquoi Baudelaire écrit qu’”il faut battre sa femme”, en évitant toute digression philosophique et les justifications psychanalytiques oiseuses.” Un autre lieu commun qui circule, c’est que Jean-Edern Hallier, lui, n’était pas un bon critique, et même un malappris qui n’hésitait pas à jeter les livres par terre, sans même les avoir lus ! Ici quelques bas-bleus tombent dans les pommes. Dire qu’Edern-Hallier aurait pu flanquer à la poubelle le bouquin de Littell en 2006 ! On l’a échappé belle. Edern-Hallier est mort, vive Sollers ! Il dit parfois des grossièretés, mais dans l’ensemble, jamais un mot de travers, le critique idéal.
Commentaires
Bien vu.
Mais j'attends encore votre note sur House.