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litterature

  • Dans la Matrice

    L'autofiction est exemplaire du mysticisme moderne occidental ; c'est un phénomène plus religieux que littéraire auxquels les éditeurs, face à l'afflux de manuscrits relevant de ce procédé, sont confrontés.

    Dans l'autofiction "pure", il s'agit de se mentir à soi-même, et de faire de ce procédé un art. L'analogie avec le raisonnement altéré d'une personne aliénée permet de jauger la culture bourgeoise bien au-delà des seuls nazisme ou stalinisme désignés pour faire diversion et préserver le jugement arbitraire des élites bourgeoises.

    Ce phénomène, décrit par Nitche comme le cancer de l'art ou l'assassinat de la poésie par l'éthique judéo-chrétienne, est présenté a contrario par les cerbères de la bourgeoisie capitalistes comme un "progrès anthropologique".

    L'autofiction impure seule présente une valeur littéraire, car on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments religieux. L'ironie et le détachement de soi, tels qu'on peut les lire dans Voltaire, Rousseau, Céline, traduisent un certain détachement religieux de ces auteurs.

    Voltaire, que Marx décrivit comme le "sommet de la pensée bourgeoise", est même assez peu bourgeois dans la mesure où il exprime son mépris de la fiction, clef de voûte de la culture bourgeoise et du totalitarisme. Le relativisme moderne repose en effet sur une perspective anthropologique truquée, un "néant" présenté comme "quelque chose de positif".

    Céline, lui, a cette exclamation : - Je ne veux pas être une victime !, ô combien significative car la vocation de la pure fiction est d'inciter au sacrifice le plus vain, c'est-à-dire le sacrifice pour une cause sociale. L'autofiction n'est pas loin de la crucifixion. Quoi de plus dangereux que de se mentir à soi-même ? On peut résumer l'oeuvre de Céline comme l'antidote à sa jeune vocation de chair à canon. L'auteur accuse sa propre imbécillité. Céline irritera nécessairement, ou dérangera les plans des partisans de la justice sociale (mélange d'imbéciles et d'hypocrites, puisque la justice sociale est une chose impossible).

    L'autofiction pure porte donc la marque de l'Etat totalitaire et de ses élites intellectuelles. Le cinéma devient un art, en même temps que l'industrie devient une civilisation et que la propagande devient vérité communément admise.

     

  • Très grande bibliothèque

    La littérature est le signe le plus significatif du caractère essentiellement hérétique de l'homme. Si les anthropologues avaient des couilles, ils diraient ce qu'ils sont : les tenants de l'hérésie, qui lui doivent leur fortune et leur position dans le monde.

    Prenons un homme en quête de vérité. Mettons que ce soit le cas de Marx, et qu'il soit sincère dans sa démarche. Dans ce cas cet homme devra nécessairement affronter les serpents de l'anthropologie, que la caste infâme des anthropologues enverra contre lui.

    Il y a sans doute encore des jeunes gens qui espèrent que les vastes bibliothèques leur permettront de découvrir une vérité, au moins sous la forme d'un point d'appui, pour pallier les effets écoeurant du mouvement erratique du monde moderne.

    En fait d'expérience, les vieux tocards qui se permettent de donner des leçons de morale à la télé, n'ont appris que l'écoeurement et les méthodes pour se faire vomir afin de pouvoir en croquer encore un peu avant de mourir. Ils demandent le respect, alors qu'ils ne se respectent pas eux-mêmes.

    Les jeunes gens qui espèrent dans les vastes bibliothèques doivent être avertis qu'interroger l'anthropologie, c'est comme de demander son chemin au minotaure dans le labyrinthe. L'anthropologue ne connaît que l'hérésie et le moyen de s'en servir pour son propre usage, qui consiste essentiellement à occuper une position morale dominante, et à la conserver en posant le talon sur le visage de celui qui voudrait l'en déloger.


  • L'Homme moderne

    Ses muscles protègent l'homme de la modernité, c'est-à-dire du fol espoir.

    La littérature française protège les Français de la musique.

  • Saint Molière

    S'il y a "peu d'élus" selon les saintes écritures chrétiennes, c'est parce que très peu d'hommes échappent au plan social et aux illusions qu'il procure. Il y a certes beaucoup d'amour chez un homme comme Molière, bien plus que chez Rousseau par exemple, parce que Molière incite son prochain à regarder la société comme le néant spirituel. Tandis que, si J.-J. Rousseau n'est pas le béat socialiste que nous peignent les manuels scolaires modernes, il n'a pas conscience que le mouvement social est nécessairement déclinant. Rousseau est sentimental, comme tous les Allemands. Moi qui suis né au milieu des attrape-couillons libéraux, il y avait de grandes chances que je contracte ce sentimentalisme, qui est pire que de perdre un bras ou une jambe. Je sais donc tout l'amour que j'ai reçu de Molière, et qui a mille fois plus de prix que les vagues ondes chaleureuses de ma propre mère dans ma direction.

    Il faut dire ici le vice particulier des mères juives ou catholiques, qui explique sans doute l'imbécillité d'une majorité de rabbins et de curés catholiques, leur acharnement à prêcher le faux. Je parle surtout pour les curés catholiques, que je connais mieux. Mais pour que le judaïsme soit exprimé en France comme cette moraline pernicieuse sur la shoah, on peut supposer des rabbins la même stupidité.

    Le grand public, c'est-à-dire le public laïc, entretenu dans l'ignorance laïque de tout ce qui n'est pas le calcul mental le plus débile, pompeusement qualifié de "cartésien", le grand public croit que les curés catholiques expriment des points de vue catholiques, alors qu'il n'en est rien. 99 % des curés catholiques ne font qu'exprimer dans leurs sermons les leitmotivs que leurs mères leur serinaient dans l'enfance, un peu comme si c'était Marthe qui avait enseigné Jésus et non l'inverse. Cette volonté farouche, caractéristique des femmes, de n'accorder dans leur vie aucune place à la vérité, on la retrouve dans le clergé catholique.

    C'est ainsi à peu près la seule catégorie d'hommes qui appréciera dans ce pays la littérature apéro-digestive de Proust, qui résume bien à quoi ces fainéants boches sont occupés : la recherche du temps perdu, c'est-à-dire une des seules activités où l'homme se place au-dessous de l'espèce animale : le luxe de la pensée. Voilà à quoi ces chiens sont occupés : à nous présenter le luxe de la pensée comme l'humanisme. Aussi salauds sont-ils que Molière est saint.

  • Puritains & Libertins

    Le libertinage ne peut se passer du puritanisme, et vice-versa ; c'est mécanique.

    Pratiquement, Thérèse d'Avila n'a d'intérêt que pour Sade, et Don Juan fascine une nonne. L'intelligence de Molière est de renvoyer puritains et libertins dos-à-dos ; cette lucidité lui vaut la haine à travers les siècles de toutes les variétés de dévôts, et dieu sait qu'il y en a ! Pratiquement ce sont les deux chemins pour parvenir aux ténèbres que le marquis de Sade et Thérèse d'Avila tracent : l'éviscération ou la claustration.

    Pratiquement, on pourrait définir la pensée française comme le double mépris du libertinage et du puritanisme qui, compte tenu du tempérament moderne, revient à peu près au bovarysme ou à la semaine du cinéma japonais à St-Germain-des-Prés. En fonction du revenu national, le libertinage ou le puritanisme aura plus ou moins de succès.

    Merci Louis-Ferdinand Céline de n'être ni libertin, ni puritain, et de nous éviter l'ennui de toutes ces littératures néo-nazies d'après Schopenhauer, Nitche, Hegel ou Freud ! Le dégoût de la mélancolie est assez dissuasif du nazisme, selon moi.

    (Dans une gazette destinée à entretenir le parisianisme, un pornocrate mi-gouailleur, mi-patenôtre, est sondé sur ses goûts littéraires profonds, et forcément précurseurs du "vidéo-club" ; suivi immédiatement d'un article sur les nonnes de Port-Royal, aussi vain et informatif que possible. On y apprend que ces nonnes se défendirent contre l'accusation d'hérésie en affirmant qu'elles étaient stupides. Même Chateaubriand n'a pas conçu une idée du christianisme aussi éloignée des évangiles que le jansénisme.)


  • Céline et Marx

    "Bulletin célinien" du mois de mars dédié à la correspondance de Céline, écrivain français mi-nazi, mi-communiste, mi-anarchiste, mi-libéral, tout ce qu'on voudra sauf lèche-cul, ce qui lui vaut l'admiration spontanée de tous les enfants, exactement comme pour Guignol, tandis que la ménagère de plus de cinquante ans applaudit non moins spontanément le Gendarme et sa trique, et garnira plutôt sa bibliothèque de romans de Frédéric Beigbeder et d'encycliques de Benoît XVI.

    Le risque à trop sonder le corpus de Céline à la manière d'un chirurgien ou d'un grammairien du XVIIe siècle est de finir par se retrouver au même point que le ténia à grosses lunettes que Céline conchiait. Mathématiciens et insectes n'aiment rien tant que la vieille peau et les cadavres multicolores. On ne mesure pas la charité d'un écrivain avec un thermomètre.

    Là où Céline se montre le plus nazi et le moins communiste, c'est dans sa propre pente pour la médecine, reine des "arts libéraux" désormais. Le nazisme ou le libéralisme sont en effet indissociables -au plan métaphysique-, de la physiocratie ou de la biologie (On a tort, parlant de "métaphysique des tubes", de ne pas penser assez au gros côlon et à toute la mélancolique qui en sort.)

    *

    Citée deux fois par Céline dans sa correspondance, l'analyse de Marx : "Les juifs s'émancipent dans la mesure où les chrétiens deviennent juifs." (sujet dont Marx était parfaitement qualifié pour parler, étant lui-même le fils d'un juif "émancipé"*), m'a fait penser à Simone Weil, pour qui se convertir au catholicisme romain en partant du rejet du judaïsme aurait été un peu comme se précipiter de Charybde en Scylla. Idem quand j'ai entendu un rabbin juif extrêmement talmudique à la télé l'autre jour définir Dieu comme "peut-être" : j'ai sursauté en pensant à Pascal, tant cette théorie de l'"adverbe divin" m'a parue sortie d'un traité du bon usage de la langue française tel que le XVIIe siècle satanique les adorait. Je me demande si Tariq Ramadan, assis à côté dudit rabbin, n'a pas été choqué comme moi d'une telle martingale à propos de Dieu ? D'autant que j'ai cru comprendre que Ramadan connaît bien Voltaire, qui fait remarquer ici que Pascal a tendance à se prendre pour Dieu lui-même.

    Difficile en effet de ne pas regarder le pape aujourd'hui comme une sorte de juif errant, le bouc émissaire de tous les ratages retentissants et sanglants du capitalisme... ou comme une tête de Turc. A sa place, la goutte qui ferait déborder le vase, qui m'amènerait à me remettre en question, c'est d'être soutenu en France par Frigide Barjot, demi-mondaine à peu près aussi étrangère au christianisme que Jacques Duquesne dont elle cherche à piquer la place, sachant pertinemment que se mettre au niveau des andouilles démocrates-chrétiennes ne lui coûtera aucun effort, sauf peut-être de porter une jupe moins courte à la télé passé soixante balais (et encore).

    Pas de propos moins antisémite que celui de Marx, donc, qui consiste à détruire à la fois l'identité juive et l'identité chrétienne en montrant qu'une religion chrétienne et une religion juive peuvent coïncider, indépendamment de toute idée raciale. On est là à l'opposé du grotesque procès en antisémitisme intenté à Simone Weil cinquante ans après sa mort par des fonctionnaires kafkaïens, ou encore de la fantaisiste tentative récente de BHL d'inventer une sorte de judaïsme talmudique catholique (universel).

    *Un esprit antimarxiste pourrait faire remarquer que Voltaire en était déjà là bien avant, à comparer les deux calottes et à les trouver identiques. Alors il faut dire que l'intérêt de Marx est très loin de se limiter à la question judéo-chrétienne.

     

  • Pin-pon !

    Rectification : Jean Ferrat n'était pas communiste, il était stalinien. La poésie comme la musique est un genre essentiellement païen et Shakespeare est le seul à l'époque moderne à hisser la poésie au niveau de la vision prophétique. Marx n'a aucune complaisance pour le paganisme, en particulier le paganisme romain qui incarne depuis toujours dans le christianisme la puissance de Satan. On peut dire que pour un communiste, l'art pompier (ou "pompidolien") c'est la poésie, du petit zizi à la grande lance à incendie (Baudelaire).

    Pourquoi Louis-Ferdinand Céline est-il le seul à qui on fait payer sa licence poétique ? C'est d'autant plus curieux qu'il n'a jamais léché le cul d'un dictateur avec autant d'application qu'Aragon, Eluard, Claudel, Malraux... femelles dont l'attention se cristallise sur un "homme providentiel" (de son côté le christianisme libéral n'a pas hésité à instaurer le culte du pape).

    Il faut préciser que l'homme dit "providentiel", dans la religion existentialiste nationale-socialiste à laquelle les poètes n'ont pas peu collaboré, ce dernier est en quelque sorte "la reine des abeilles" au sommet de la pyramide. Les Romains n'ont curieusement retenu des Grecs que leur part égyptienne, pythagoricienne : foi et raison ; il vaut mieux dire foi OU raison d'ailleurs, car pour un Romain ou un Germain, la foi équivaut à la raison.

    L'explication est que Céline est le plus antisocial, non pas au sens de l'anarchiste mais au sens où il n'est pas loin de comprendre la société comme la cause principale de l'aliénation et du crime, comme "le gros animal". Or le monde préfère les poètes et les chanteurs, dont il n'a pas à redouter le conformisme. Pas plus qu'un philosophe nazi un chanteur stalinien n'a idée de ce qui se situe au-dessus du bien et du mal.

  • Ma Vie sexuelle

    Ce qui m'a aidé à me débarrasser du sexe : le tempérament trop prévisible des femmes, ce mélange intime d'ennui et de fantaisie, exactement l'odeur de la société ou des monastères. En un mot, les femmes sont des escargots (j'emprunte la métaphore à Shakespeare) ; en cas de pluie on est sûr de les trouver dehors, et s'il fait trop chaud elles rentrent. L'esprit féminin s'étend de la gastronomie à l'esprit de l'escalier.

    Un monde exclusivement peuplé de femmes, voilà ce qu'il faudrait pour que l'utopie totalitaire ait le plus de chances. Surtout pas de membres virils, c'est ce qui fout le bordel entre les femmes et lézarde tout leur ciment. Ainsi le confesseur dans un couvent, ou le psychiatre dans une famille bourgeoise, soudée par la foi dans l'héritage.

    Je prends pour illustrer mon propos l'exemple d'une jeune et douce étudiante un jour croisée : bien élevée, d'un milieu bourgeois moyen, mais travaillant pour l'industrie pornographique sans complexe afin de se payer ses bouquins et, je suppose, quelques-uns des derniers gadgets hi-fi à la mode, téléphone portable ou autre, dont les jeunes femmes raffolent comme des sacs à main leurs grands-mères. Pas la gonzesse banale me direz-vous, puisque sans complexe ? Et pourtant : le laïus éthique habituel pour justifier son petit business. Une geisha nippone, qui par-dessus le marché a lu Sartre ou Kierkegaard !

    La plus noble idée du coït qu'on puisse avoir à mon sens, c'est l'idée païenne du "repos du guerrier", c'est-à-dire un truc bel et bien social, mais qui ne prend pas au moins les dimensions envahissantes du prêche d'un pasteur puritain ou de la monomanie de Sade. Et vous savez quoi ? Je ne suis pas loin de croire d'après mon expérience que, de la grenouille de bénitier féministe ou chrétienne en passant par le pédéraste, cette manière de concevoir la copulation, "le repos du guerrier", séduit assez largement les foules. Faut-il chercher plus loin la quasi-unanimité des autorités mondaines à défendre le violeur Polanski ? La populace contre lui manifestant plutôt sa haine des autorités mondaines, comme à chaque fois qu'elle laisse paraître son double-jeu.

    Pitié donc pour les petits garçons accrochés à leur mère-épouse (à commencer par mes ex-potes, les pauvres, que je ne crois pas assez stupides tout de même, pour en cas de divorce ou de veuvage prématuré songer à se remarier).

    NB : Je m'excuse auprès de ceux qui détestent les conversations sur le sexe comme celles dont les secrétaires ou les sportifs professionnels sont coutumiers. Ce chapitre intitulé "Ma Vie Sexuelle" est le brouillon d'une brochure que j'écris pour le compte d'un pote sur le thème plus général de la philosophie pédérastique de Frédéric Nitche : pourquoi elle séduit autant les journalistes, etc. (On reconnaîtra qu'il ne s'agit pas non plus d'un énième plagiat de Marx-Edouard Nabe au fait que celui-ci ne va pas jusqu'à dire du mal des femmes, à peine moins intouchables pourtant que les Juifs.)

  • Kulture de mort

    La Kulture n'est rien d'autre que le masque bourgeois de l'ignorance. Proust, madame Bovary, le bourgeois gentilhomme ou Adolf Hitler sont "cultivés". On ne saurait insinuer poison plus mortel dans l'oreille d'un gosse d'immigré que cette idée saugrenue de "culture française". La Kulture n'est utile que dans les dîners mondains, sur les plateaux de télé ou pour meubler un appartement avec goût ; la culture, c'est la binette du parvenu.

    Même le plus romain et discipliné des humanistes français -mettons Montaigne- ne manquerait pas assez d'esprit critique pour cautionner ce costard cartésien cousu de fil blanc, pour ne pas piger que la culture est nécessairement "à géométrie variable" comme les sophismes de l'atomiste Einstein, c'est-à-dire entièrement soumise au principe de la mode. Ainsi le moderne devient "antimoderne" lorsque le train de la modernité est passé, et retournera ainsi de suite sa veste en temps utile.

    N'est véritablement "cultivé" aujourd'hui qu'untel qui connaît les derniers avatars du cinéma hollywoodien et les dix plus gros tubes du Top 50. Ce que le bourgeois ne supporte pas dans la contre-culture, c'est qu'elle lui succède. Laissons les académiciens atteints de gâtisme, confits dans leur mémoire de collectionneurs, pleurer devant le vide-grenier de la culture française.

    *

    Un conseil simple qu'on peut donner à un gosse d'immigré, puisque c'est la seule voie de l'intelligence qui lui permettra de s'affranchir du football et des corvées que les libéraux cyniques et fainéants lui infligent : se cantonner aux oeuvres de la Renaissance française et européenne (disponibles gratuitement sur Google). Gain de temps assuré lorsqu'on a autre chose à foutre que convertir le temps en argent ou lire des romans de Flaubert après Flaubert, ce qui revient pour une demoiselle à continuer de porter des robes à cerceaux.

    Louis-Ferdinand Céline lui-même, mis au ban par la bourgeoisie pour n'avoir pas assez passé de temps à lui lécher la sainte fente, aurait donné tout son ouvrage de moine cistercien défroqué contre deux vers de Shakespeare. Voilà l'esprit critique français, on ne peut plus empreint d'abnégation.

    Proust l'a dit, pourquoi le bourgeois bouffe de tout et n'importe quoi, et montre plus de vigilance sur le point de la gastronomie ou la façon de se faire enculer que dans les questions spirituelles : il croit ainsi obtenir naïvement un délai. Ce faisant il ne fait que vivre à crédit, et cette vie-là est comme une mort. La seule puissance que le diable accorde à ses sujets, c'est d'anticiper leur mort.

  • Et l'identité serbe ?

    Slobodan Despot dans le poste a frôlé la limite de ce que la censure permet de dire à la télé. L'officiant Frédéric Taddéi qui l'accueillait sur son plateau a bien failli en avaler son hostie de travers.

    Et moi qui disait il y a à peine quelques semaines que tous les Serbes sont des couilles molles comme leur ambassadeur Patrick Besson qui profite que Céline a le dos tourné pour cracher dessus et se faire mousser ainsi auprès de ses créanciers juifs. Le problème de l'identité, c'est qu'il concerne plus les bessons que les Serbes ou les Français.


  • Apocalypse 2012

    Dans un vieux n° de "Famille chrétienne" récupéré à la sortie d'une église sur un présentoir (dans l'église, je me tiens plutôt vers la sortie), une interview de Didier Decoin, président de l'Académie Goncourt.

    Cette gazette, précisons pour les profanes, a inventé le christianisme génital et en détient le brevet : "Cuisine, Cinéma et Couches-culottes", derrière Christine Boutin et Frigide Barjot, ses plus célèbres VRP.

    On trouve même dans ce canard un théologien parfaitement croquignolesque, Fabrice Hadjadj, auteur d'une description de Dieu comme une sorte de vulve géante. Théologien qui s'est fendu aussi récemment d'un bouquin sur le diable et prétend que la fête de Noël Lui fait très peur (au diable). Sans doute est-ce là un moyen de démontrer que Lucifer n'a pas le sens de la fête et du business, que les atmosphères familiales le mettent mal à l'aise ? Mais laissons cet Hadjadj (qui collabore au "Figaro", par ailleurs) assumer ses conneries...

    *

    Didier Decoin s'étonne que le sujet de l'apocalypse soit aussi peu souvent évoqué dans l'Eglise catho. (Je réponds que c'est parce c'est un texte trop "politiquement incorrect".) Il dit ensuite son intérêt pour la théologie d'Origène, avant, pour conclure, de comparer Origène à Michel Polnareff : "On ira tous au paradis."

    Etant donné que l'apocalypse dit exactement le contraire, que tous seront appelés mais que peu seront élus, sans compter l'usage (sans doute spontané) d'une symbolique satanique par Polnareff dans ses clips musicaux, on peut en conclure que l'académisme en littérature mène à un souci tel de l'orthographe que l'académicien ne sait même plus lire.

    Un aspect "politiquement correct" est ici dans le fait que l'apocalypse précise l'existence de "chrétiens hypocrites" à l'intérieur de l'Eglise, thème un peu délicat à aborder en face d'ouailles souvent persuadées que l'égrenage de chapelets ou la consommation de cierges leur vaudront une indulgence spéciale. Aussi délicat par le fait que l'Apocalypse n'ouvre pas droit à une vision architecturale ou juridique de l'Eglise, qui est celle du prêcheur le plus souvent. La vision de l'apocalypse est beaucoup plus pragmatique. Le témoignage et la réception universelle de ce témoignage FONT l'Eglise, en quelque sorte. Jésus répète d'ailleurs qu'il est venu remplacer le baptême juif dans l'eau par le baptême chrétien dans l'Esprit, pour signifier la possibilité de la réunion à Dieu. Jésus détruit d'ailleurs le rapport hiérarchique que les disciples pourraient être tentés de restaurer, entre des esprits forts et des esprits faibles, en lavant symboliquement les pieds des apôtres avant la Cène.

    Le nombre des élus (144.000) est d'ailleurs en rapport avec le nombre des apôtres du Christ. Dans le système géocentrique d'Aristote, Ptolémée ou François Bacon (qui n'est pas "stricto sensu" un système, puisqu'il n'est pas "légal"), le nombre des élus est en outre en rapport avec la sphère des étoiles. Non seulement la découpe du ciel est en douze décans, mais la section du soleil est d'une mesure en rapport avec le nombre 144.000.


  • Vive l'astrologie !

    Le culte de la politique est typiquement oriental. C'est donc justement que Drieu La Rochelle traite Maurras de "métèque". Si on lit le "Journal" de Drieu, on verra qu'il a été séduit lui-même par l'orientalisme nazi avant de pencher en définitive pour une sorte de spiritualité façon derviche tourneur. Pas à une incohérence près, par conséquent. Mais ce qui rachète Drieu, c'est qu'il se place au centre des turpitudes qu'il dénonce et s'auto-flagelle allègrement. Comme Céline ou le Britannique Waugh. Et même Voltaire auparavant, dans ce qui a le mieux résisté au temps de son oeuvre : "Candide".

    C'est même ce qui évite à ces écrivains de sombrer dans la littérature bourgeoise comme il s'en produit désormais chaque année par dizaines de tonnes, toute cette merde surgie d'entre les pavés du Quartier latin comme d'un puits de pétrole sans fond : les Beigbeder, Moix, d'Ormesson et Cie, qu'il faudra bientôt songer à rendre obligatoire dans le cursus scolaire si on ne veut pas que même les jeunes dindes fraîchement émoulues de Janson de Sailly la repoussent avec dégoût comme un potage trop peu salé. Et dire qu'on songe seulement à rééditer maintenant, à côté de ça, les oeuvres complètes de Drieu (sur papier Bible de la Pléiade pour les culs bourgeois sensibles) !?

    Par exemple Waugh s'est entiché du mariage chrétien après avoir été fait cocu ; c'est même ce qui l'a poussé à changer de religion ; il n'en écrit pas moins le dialogue le plus démystifiant du répertoire romantique moderne (démystifiant cette putasserie qu'est l'amour courtois, bien entendu) (In: "Vile Bodies", à ne pas mettre entre les mains puériles de Yankees élevés dans le cinéma sans s'assurer qu'ils n'y comprendront que dalle.)

    Le romantisme, que le doux crétin Paul Valéry se refuse à définir, se résume donc bien à un mouvement orientaliste. Quitte à faire ensuite quelques exceptions et nuances. Le libéralisme n'est bien sûr absolument pas incompatible avec le romantisme, bien au contraire, pas plus que le nazisme ne se passa d'une politique économique keynésienne efficace jusqu'à la guerre.

    Si la République avait voulu se préoccuper honnêtement d'éduquer et d'instruire les jeunes immigrés d'origine musulmane, elle n'aurait à mon avis eu aucun mal à en faire des citoyens français exemplaires à sa botte. Chaque fois que je vois Tariq Ramadan à la télé, je suis bien obligé de constater qu'il est beaucoup plus "Français d'abord" que moi. Il parle français et connaît l'histoire de France comme Sarkozy ou Guaino n'osent pas rêver que les petits Français de souche la connaissent. Alors quoi ? Les immigrés d'origine musulmane ne doivent pas seulement tirer la conclusion que la République française a été malhonnête avec eux, ils doivent aussi comprendre que la République est une idiote, puisqu'elle avait les moyens de faire d'eux de bons petits soldats, et qu'elle n'a préféré le bavardage médiatique. D'ailleurs pour ce qui est de la "culture française", autant laisser ce machin de côté tout de suite, vu que c'est une idée allemande, à peu près ce qu'il faut de vernis pour animer une conversation à la table de Mme Bovary.

    La question des racines ou de l'enracinement n'a jamais passionné que les déracinés, qui peuvent fouailler, creuser tant qu'ils peuvent, ne rencontreront jamais que la merde froide, un grand trou noir. Tous les généalogistes ont du mal à cacher que, dans le fond, ils s'ennuient énormément.


  • Vol de cacouacs

    Comment se fait-il que la vie de Justine Lévy ou celle de Frédéric Beigbeder nous emmerde ? Tandis que les vies de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau ou de Louis-Ferdinand Céline nous passionnent ? Beau sujet de dissertation si le baccalauréat servait à quelque chose.

    On peut passer par "Jacques Le Fataliste", petit bijou de la littérature janséniste, pour le comprendre. Comment ça, Diderot, janséniste ? Eh bien oui, pas seulement à cause de l'éloge de la fatalité, du destin, de la fortune, "Fata Morgana", divinité sacrée du "saint Empire romain germanique", ce "Titanic" qui n'en finit pas de couler ; mais aussi janséniste par la volonté de rendre moral ce qui s'allie le moins à la morale, à savoir l'art. L'attentat baroque contre l'art, Diderot le prolonge.

    Mais revenons à "Jacques". Son créateur voulut y poser l'identité du destin et de dieu ; ce faisant, il n'a fait qu'illustrer ce qu'est un mauvais romancier. On pourrait dire que l'existentialisme n'est qu'un mauvais roman (en attendant de n'être qu'un mauvais rêve). L'effort pour restaurer quelque vieille ruine gothique et l'exposer dans un intérieur bourgeois. L'existentialisme est un conservatisme allemand : Ratzinger aussi bien que Sartre. Hélas, trois fois hélas, l'existentialisme est bien d'abord camelote chrétienne.

    Voltaire, Rousseau comme Céline ne valent que par leur tentative désespérée d'échapper au destin, partition que les fayots du premier rang, Frédéric ou Justine, se contentent d'exécuter comme des violoneux imbéciles.




  • Conversion d'un Juif

    Motifs singuliers de la conversion d'un Juif à la religion chrétienne

     

    J'ai entendu dire qu'il y avait autrefois à Paris, un fameux marchand d'étoffe de soie, nommé Jeannot de Chevigny, aussi estimable par la franchise et la droiture de son caractère que par sa probité. Il était l'intime ami d'un très riche juif, marchand comme lui et non moins honnête homme. Comme il connaissait mieux que personne ses bonnes qualités : "Quel dommage, disait-il en lui-même, que ce brave homme fût damné !" Il crut donc devoir charitablement l'exhorter à ouvrir les yeux sur la fausseté de sa religion qui tendait continuellement à sa ruine ; et sur la vérité de la nôtre, qui prospérait tous les jours.

    Abraham lui répondit qu'il ne connaissait de loi si sainte, ni meilleure que la judaïque ; que, étant né dans cette loi, il voulait y vivre et mourir, et que rien ne serait jamais capable de le faire changer de résolution. Cette réponse ne refroidit point le zèle de Jeannot. Quelques jours après il recommença ses remontrances. Il essaya même de lui prouver, par des raisons telles qu'on pouvait les attendre d'un homme de sa profession, la supériorité de la religion chrétienne sur la judaïque ; et quoi qu'il eût affaire à un homme très éclairé sur les objets de sa croyance, il ne tarda pas à se faire écouter avec plaisir. Dès lors il réitéra ses instances ; mais Abraham se montrait toujours inébranlable. Les sollicitations d'une part et les résistances de l'autre allaient toujours leur train, lorque enfin le juif, vaincu par la constance de son ami, lui tint un jour le discours que voici :

    "Tu veux donc absolument, mon cher Jeannot, que j'embrasse ta religion ? Eh bien, je consens à me rendre à tes désirs ; mais à une condition, c'est que j'irai à Rome pour voir celui que tu appelles le vicaire général de Dieu sur la terre et étudier sa conduite et ses moeurs, de même que celle des cardinaux. Si, par leur manière de vivre, je puis comprendre que ta religion soit meilleure que la mienne (comme tu es presque venu à bout de me le persuader), je te jure que je ne balancerai plus à me faire chrétien ; mais, si je remarque le contraire de ce que j'attends, ne sois plus étonné si je persiste dans la religion judaïque, et si je m'y attache davantage."

    Le bon Jeannot fut singulièrement affligé de ce discours. "O ciel, disait-il, je croyais avoir converti cet honnête homme, et voilà toutes mes peines perdues ! S'il va à Rome, il ne peut manquer d'y voir la vie scandaleuse qu'y mènent la plupart des ecclésiatiques, et alors, bien loin d'embrasser le christianisme, il deviendra, sans doute, plus juif que jamais." Puis, se tournant vers Abraham : "Eh ! Mon ami, lui dit-il, pourquoi prendre la peine d'aller à Rome et faire la dépense d'un si long voyage ? Outre qu'il y a tout à craindre sur la terre et sur la mer pour un homme aussi riche que toi, crois-tu qu'il manque ici de gens pour te baptiser ? Si, par hasard, il te reste encore des doutes sur la religion chrétienne, où trouveras-tu des docteurs plus savants et plus éclairés qu'à Paris ? En est-il ailleurs qui soient plus en état de répondre à tes questions et de résoudre toutes les difficultés que tu peux proposer ? Ainsi ce voyage est très inutile. Imagine-toi, mon cher Abraham, que les prélats de Rome sont semblables à ceux que tu vois ici, et peut-être meilleurs, étant plus près du souverain pontife, et vivant, pour ainsi dire, sous ses yeux. Si tu veux donc suivre mon conseil, mon cher ami, tu remettras ce voyage à une autre fois, pour un temps de jubilé, par exemple, et alors je pourrai peut-être t'accompagner.

    - Je veux croire, mon cher Jeannot, répondit le juif, que les choses sont telles que tu le dis, mais pour te déclarer nettement ma pensée et ne pas t'abuser par de vains détours, je ne changerai jamais de religion à moins que je ne fasse ce voyage." Le convertisseur, voyant que ses remontrances seraient vaines, ne s'obstina pas davantage à combattre le dessein de son ami.

    D'ailleurs, comme il n'y mettait rien du sien, il ne s'en inquiéta pas plus qu'il ne fallait ; mais il n'en demeura pas moins convaincu que son prosélyte lui échapperait s'il voyait une fois la cour de Rome.

    Le juif ne perdit point de temps pour se mettre en route ; et, s'arrêtant peu dans les villes qu'il traversait, il arriva bientôt à Rome, où il fut reçu avec distinction par les juifs de cette capitale du monde chrétien. Pendant le séjour qu'il y fit, sans communiquer à personne le motif de son voyage, il prit de sages mesures pour connaître à fond la conduite du pape, des cardinaux, des prélats et de tous les courtisans. Comme il ne manquait ni d'activité ni d'adresse, il vit bientôt, par lui-même et par le secours d'autrui, que, du plus grand jusqu'au plus petit, tous étaient corrompus, adonnés à toutes sortes de plaisirs naturels et contre nature, n'ayant ni frein, ni remords, ni pudeur ; que la dépravation des moeurs était portée à un tel point parmi eux que les emplois, même les plus importants, ne s'obtenaient que par le crédit des courtisanes et des gitons. Il remarqua encore que, semblables à de vils animaux, ils n'avaient pas de honte de dégrader leur raison par des excès de table ; que, dominés par l'intérêt et le démon de l'avarice, ils employaient les moyens les plus bas et les plus odieux pour se procurer de l'argent ; qu'ils trafiquaient du sang humain sans respecter celui des chrétiens ; qu'on faisait des choses saintes et divines, des prières, des indulgences, des bénéfices, autant d'objets de commerce, et qu'il y avait plus de courtiers en ce genre qu'à Paris en fait de draps ou d'autres marchandises. Ce qui ne l'étonna pas moins, ce fut de voir donner des noms honnêtes à toutes ces infamies, pour jeter une espèce de voile sur leurs crimes. Ils appelaient "soin de leur fortune" la simonie ouverte ; réparation des forces les excès  de table dans lesquels ils se plongeaient, comme si Dieu, qui lit jusque dans les intentions des coeurs corrompus, ne connaissait pas la valeur des termes, et qu'on pût le tromper, en donnant aux choses des noms différents de leur véritable signification. Ces moeurs déréglées des prêtres de Rome étaient bien capables de révolter le juif, dont les principes et la conduite avaient pour base la décence, la modération et la vertu. Instruit de ce qu'il voulait savoir, il se hâta de retourner à Paris. Dès que Jeannot est informé de son retour, il va le voir ; et, après les premiers compliments, il lui demanda, presque en tremblant, ce qu'il pensait du saint-père, des cardinaux et généralement de tous les autres ecclésiastiques qui composaient la cour de Rome ?

    "Que Dieu les traite comme ils le méritent, répondit le juif avec vivacité ; car tu sauras, mon cher Jeannot, que, si, comme je puis m'en flatter, j'ai bien jugé ce que j'ai vu et entendu, il n'y a pas un seul prêtre à Rome qui ait de la piété ni une bonne conduite, même à l'extérieur. Il m'a semblé, au contraire, que le luxe, l'avarice, l'intempérance, et d'autres vices plus criants encore, s'il est possible d'en imaginer, sont en si grand honneur auprès du clergé que la cour de Rome est bien plutôt, selon moi, le foyer de l'enfer que le centre de la religion. On dirait que le souverain pontife et les autres prêtres, à son exemple, ne cherchent qu'à la détruire au lieu d'en être les soutiens et les défenseurs ; mais, comme je vois que, en dépit de leurs coupables efforts pour la décrier et l'éteindre, elle ne fait que s'étendre de plus en plus et devenir tous les jours plus florissante, j'en conclus qu'elle est la plus vraie, la plus divine de toutes, et que l'Esprit-Saint la protège visiblement. Ainsi, je t'avoue franchement, mon cher Jeannot, que ce qui me faisait résister à tes exhortations est précisément ce qui me détermine aujourd'hui à me faire chrétien. Allons donc de ce pas à l'église, afin que j'y reçoive le baptême, selon les rites prescrits par ta sainte religion."

    Le bon Jeannot, qui s'attendait à une conclusion bien différente, fit éclater la plus vive joie, quand il l'eut entendu parler de la sorte. Il le conduisit à l'église de Notre-Dame, fut son parrain, le fit baptiser et nommer Jean. Il l'adressa ensuite à des hommes très éclairés qui achevèrent son instruction. Le nouveau converti fut cité, depuis ce jour, comme un modèle de toutes les vertus.

    *

    D'une certaine façon, cette nouvelle de Jean Boccace (1313-75) n'a pas si "vieillie" que ça. Elle est quoi qu'il en soit assez représentative de l'esprit de la Renaissance, et illustre la nécessité pour définir une identité européenne politiquement correcte à l'instar de celle des Etats-Unis de faire table rase de la Renaissance ; l'exemple de l'identité yankie démontre que l'identité a pour contrepartie l'ignorance ou la mythomanie historique nationale-socialiste.

    La Renaissance est une "phase" historique particulièrement intéressante dans la mesure où son véritable sens est occulté par tous les partis qui composent le paysage religieux français contemporain, de "droite" comme de "gauche" ; concernant l'exposition consacrée à Titien, Véronèse et au Tintoret au Louvre, les conservateurs n'hésitent pas à tartiner des niaiseries tirées des spéculations de ce sous-produit de culture puritaine boche qu'est Frédéric Nitche, sans doute ce qu'on trouve de plus éloigné de l'esprit de la Renaissance.

    On a tendance à faire de Savonarole (1452-98) ou du combat assez tardif de Luther (1483-1546) contre la simonie romaine et le mercantilisme de la société allemande des cas isolés ; en oubliant que Dante Alighieri, Rabelais, Erasme, Shakespeare convergent dans le même sens que l'on peut qualifier d'"historique" ou d'"apocalyptique" pour reprendre le terme chrétien.

    Entre Thomas d'Aquin et Dante, il y a déjà une différence de cette nature ; même si Dante n'est pas encore complètement débarrassé de la statique religieuse médiévale, sa théologie possède un dynamisme plus grand que celle de Thomas d'Aquin ; elle est plus catholique ne serait-ce que parce qu'elle s'adresse à tous, petits et grands, à condition de savoir lire ; elle n'est pas une théologie à l'usage des clercs. Par ailleurs, Dante est plus révolutionnaire que Thomas d'Aquin dès lors qu'on saisit qu'il est le dernier à avoir séjourné au Purgatoire et que son passage en a définitivement ébranlé les colonnes. Le purgatoire fut une composante décisive de la puissance religieuse romaine : pour la laïcité, bien que le tour qu'elle a pris l'aurait horrifié étant donné qu'elle est devenue peu ou prou la religion de Bel, pour cette laïcité Dante a beaucoup plus oeuvré que tous les carreurs de cercle identitaire d'aujourd'hui, petits pédérastes pendus aux mamelles de l'Etat.

    *

    De façon anecdotique, pour reprendre le propos du poète T.S. Eliot, la langue de Dante est sans doute celle qui créée la plus parfaite illusion d'identité européenne, elle est une sorte d'"espéranto" (je résume Eliot) comme jamais plus l'Europe ne connaîtra (le problème de l'identité étant entièrement idéologique, il sera plus facile de lui apporter un semblant de réponse sur le plan du langage ; on peut par ex. parodier Rivarol et dire : "Mon identité, c'est ma langue.", ce qui ne veut pas dire grand-chose et appelle le commentaire de Péguy -ici proche de Marx- sur ces intellectuels qui ont les mains pures parce qu'ils n'ont pas de mains ; on pourrait même parler de "vertueux assassins" aujourd'hui ; ou le commentaire de Shakespeare sur les beaux parleurs qui se payent de mots, c'est-à-dire en monnaie de singe.)

    Dante est la plus parfaite illusion de l'Europe, et pourtant sa poésie ou sa théologie correspond à un degré d'hellénisme plus fort que celui de Thomas d'Aquin et qui n'a plus d'équivalent aujourd'hui où refleurissent d'ineptes théories à propos d'une Europe essentiellement romaine.

  • Onfray et Milou

    Déjà que je ne pouvais pas sacquer le social-traître Onfray ("Tout sauf la révolution"), cousin germain du social-traître Ratzinger ("Caritas in Veritate"), depuis que j'ai vu à la télé ce jouisseur mimétique prendre la charmante Houria Bouteldja de haut, de toute la hauteur de ses petites fiches de cuculture et d'auteur de best-sellers certifiés non-conformes par la Fnac, j'ai une furieuse envie de saisir le fâcheux par le froc pour le balancer dans sa mare de stupre virtuel.

    Pourquoi charmante Houria ? C'est peu de dire qu'elle détonne parmi toutes les petites saintes Thérèse du PAF, abonnées à "Madame Figaro" ou "Libé" et prêtes à sucer la première bite de banquier qui passe (le genre Beigbeder).
    Et puis ne s'exprime-t-elle pas mieux en Français que tous ces Don Quichotte du subjonctif qu'elle désintègre ainsi ?

    Je dois remercier Houria qui n'a pas manqué de souligner le paternalisme d'Onfray de m'avoir aidé à piger un truc, d'un seul coup, à savoir le caractère nitchéen de la mythologie d'Hergé ; que Onfray c'est Tintin avec de grosses lunettes (pour Milou, il faut chercher du côté de Houellebecq). Tout y est en effet : le côté boy-scout, l'éducation chrétienne puritaine finalement jetée aux orties et troquée contre un bouddhisme pas si exotique que ça (pas un hasard si le pape allemand continue de faire l'éloge au XXIe siècle des bonzhommes chrétiens du XIIe) ; sans oublier les petites fiches techniques dont on devine qu'elles ont permis à Hergé d'anticiper le voyage sur la lune. Le côté pédérastique de Tintin a déjà été souligné et la philosophie de Nitche est le produit de l'abus sexuel maternel.
    Hergé se garde de prononcer directement la mort de Dieu, mais il y a un contexte, un ersatz d'idéologie chrétienne dans Tintin comme dans le "gay savoir". Tintin se moque des flics tout en étant lui-même une sorte de super-flic à l'instar des super-héros yankis.
    On peut objecter la satire du capitalisme de la part d'Hergé à côté de celle des Soviets ("Tintin en Amérique"), mais le nazisme lui-même est dirigé et conçu comme une sorte de réforme morale du capitalisme yanki, et Hergé a été obligé de se plier à la censure de nombreux albums incriminant des banquiers judéo-yankis - bien que ce soit à l'Allemagne que les Etats-Unis empruntent la plupart de leurs principes et ressemblent le plus par leur nationalisme insane ; Drieu La Rochelle d'ailleurs, en voyant les nazis débarquer à Paris, fut d'un coup désabusé et reconnut en eux des bourgeois ordinaires (C'est une des raisons qui font que Drieu est "impardonnable", contrairement à Nitche, Hergé, Arendt ou Heidegger, le fait qu'il se désolidarise de la culture bourgeoise après avoir hésité longtemps à cracher dans la soupe, du fait d'un sens de l'honneur mal placé.)

  • Polaroïde

    Vaste blague que l'engagement politique des romans de Jean-Patrick Manchette, défendu avec une piété filiale touchante par son fiston. Probablement Manchette-père lui-même aurait-il été pris d'un doute sur l'impact politique de son oeuvre, étant donné la promptitude obséquieuse de "France-Culture" et de la "Fnac" à en faire la promo aujourd'hui. Si on va par-là, Jean d'Ormesson c'est Che Guevara.

    Sérieusement, le fils Manchette ferait mieux de se demander pourquoi Céline est encore censuré en 2009, contrairement à son paternel, et je ne parle même pas des "Pamphlets" ; pourquoi le moindre scribouillard de gauche, de droite ou du centre considère comme un exercice de style d'aller pisser sur la tombe de Céline en rang serré par deux au pas de l'oie ? Est-ce vraiment la démocratie à qui Céline fait faire dans son froc ?

    Personnellement je me suis coltiné deux ou trois polars de Manchette, "Le Petit Bleu de la Côte Ouest", "La Princesse de bidule-truc-chouette"... sans y voir le moindre engagement politique précis ; et même, en-deçà de la logique révolutionnaire, je n'y ai même pas vu beaucoup de passion, un genre plutôt de colin froid ou de photographe. Même la vindicte du réac ADG contre le régime gaulliste mafieux est plus "efficace" et passionnée (et beaucoup plus populaire). D'ailleurs Manchette-fils défend le STYLE de son père. Mais le style ça ne regarde que les gangsters, les flics ou les meubles, bordel ! Marcel Proust. Même Céline ne ramène le truc du style que pour mieux baiser les journalistes.



  • L'Infini

    J'ai relu quelques pages du "Petit Nicolas" pour m'en assurer : Philippe Delerm est le Agnan de la classe médiatique. Il cite Monet à l'appui de son culte de l'Infini et ça mérite 20/20.

  • Lire à Cuba

    L'hypothèque bancaire actuelle fait que les médiats -y compris ceux qui roulent ouvertement pour Sarkozy-, traitent Cuba avec moins de mépris ou d'indignation feinte qu'il y a un an ou deux. L'urgence est d'un seul coup beaucoup moins grande de se rebeller contre une dictature qui prive ses sujets d'écrans plasma dans le salon et de taux d'intérêt défiant toute concurrence pour construire couple et famille sur des bases immobilières plus sérieuses qu'un air de salsa.

    Cohn-Bendit, petit tailleur d'idées toutes faites pour bobos, retourne sa veste au Capital qui porte désormais la marque "Décroissance et Pudeur".

    Peut-être est-on curieux de savoir comment on vit dans un régime fondé sur l'idéal, quand on se prépare soi-même à être sevré bientôt d'or noir et de la sueur et du sang d'esclaves aussi lointains que ravis -nous dit "Le Figaro"- de s'enrichir grâce à nous ?

    Le rappel que le principal boulevard à putes de La Havane est tout de même une fière idée des colons yankis est le seul clin-d'oeil discret adressé au téléspectateur de "M6", qui diffuse le reportage que je regarde. Mais c'est un autre détail qui me choque : la caméra montre un type qui exerce un métier traditionnel cubain : lecteur public ; il lit au micro des bouquins à des rangées d'ouvrières qui roulent en tirant la langue des cigares de luxe. Aussi désuet mais charmant que la lecture au réfectoire des derniers monastères. Or ce préposé à la culture populaire lit quoi ? Guy de Maupassant ! C'est-à-dire à peu près le genre de littérature du goût de la bourgeoise française moyenne !? Je crois même me rappeler que Maupassant est l'écrivain préféré de Giscard-d'Estaing, avec le résultat qu'on sait. Non mais où Fidel Castro a-t-il la tête ? Le culte de la littérature pornographique française n'est pourtant pas le genre de Marx et Engels.

    Cela dit j'ai déjà entendu dans des réfectoires d'abbayes des lectures encore plus vaines que ça ; la "Vie de Saint Dominique" par Lacordaire, par exemple, tissu de dévôtes conneries espagnoles.

  • Le Sexe des médiats

    E. Nolleau est le critique de plateau télé parfait, qui a pigé que si on peut encore se permettre d'y vilipender tel ou tel bouquin, cet art bénéfique qu'est le cinoche, il vaut mieux éviter d'en dire du mal. Comme on dit au PS du mal de la guerre, mais on vote pour, histoire de faire la part de l'utopie et du financement des partis politiques.

    Dans la même veine moyenne, Nolleau est assez clairvoyant pour discerner la tournure pédophile* des bouquins de Yann Moix, en oubliant de dire que le préau de la littérature française est encombré depuis belle lurette de ludions qui jouent à touche-pipi : Proust, Sartre, Robbe-Grillet et Houellebecq en queue de peloton, qui se languissent du con de leur mère comme c'est pas permis (tendance qui a même donné un spécimen au rayon théologie : Jean Guitton).

    Idem pour le cinoche ; il suffit de se poster à la sortie d'une salle et d'observer la bordée de foetus qui en sort après le générique (sic) de fin, les yeux papillonnant devant le monde réel, comme déstabilisés. A tel point qu'on peut dire d'un cinéphile qu'il est "inné".

    Dans cette nouvelle Carthage effrayante qu'est New York, terrorisante pour une âme d'artiste français avec ses grands phallus futuristes et sa musique, où Céline se réfugie-t-il ? Au cinoche. Baudelaire a assez d'esprit pour maudire la photographie, irruption du décret dans l'art, mais il se fait cependant tirer le portrait pour que sa mère ne l'oublie pas.

    *Compte tenu du risque de poursuite judiciaire, E. Nolleau ne parle pas de "pédophilie", c'est moi qui utilise ce terme dans un sens très large, incluant le sentiment d'homosexualité et même la monogamie entêtée qui dissimule le même besoin de protection maternelle (la sexualité, naturelle et marquée par la perversion pour Freud, est artificielle et marquée par l'inceste pour un chrétien, quel que soit son goût particulier.)

  • Rentrée littéraire

    "La ville - tu vois bien toi-même - n'en peut plus des vagues qui déferlent ; elle n'a plus la force de redresser la tête du fond du déferlement meurtrier.

    Elle meurt, dans le calice des fleurs où la terre porte ses fruits. Elle meurt dans les troupeaux de boeufs au pâturage et dans les couches avortées des femmes : et, là-dessus, le dieu de fièvre et de feu, le pire des ennemis - une peste -, s'est jeté, au fouet, sur la cité : sous ses coups, la maison de Cadmos se vide, et le noir Hadès est de plus en plus riche de sanglots et de lamentations."

    Sophocle, "Oedipe-tyran"

    La littérature a cette propriété qu'elle n'est pas saisonnière et échappe à la grippe du temps. Le primeur a goût de flétri quand des fruits millénaires nous bouleversent. Quel homme ne désire posséder la formule d'Eschyle ou Sophocle pour rester jeune à jamais ?