Du gouvernement moderne
"Le ministérialisme constitutionnel ne sortira jamais de ce dilemme cruel pour les résultats que certains esprits en attendent :
ou la nation sera soumise pendant longtemps au despotisme d'un homme de talent et retrouvera la Royauté sous une autre forme, sans les avantages de l'hérédité ; ce seront des fortunes inouïes qu'elle payera périodiquement.
Ou la nation changera souvent de ministres ; et, alors, sa prospérité sera physiquement impossible, parce que rien n'est plus funeste en administration que la mutation des systèmes. Or, chaque ministre a le sien ; et il est dans la nature que le plus médiocre ait la prétention d'en créer un, bon ou mauvais. Puis, un ministre éphémère ne saurait se livrer, tout à la fois, et aux intrigues nécessaires à son maintien, et aux affaires de l'Etat. Il arrive au pouvoir, en voyageur, se tire de peine par un emprunt, grossit la dette, et s'en va, souvent au moment où il sait quelque chose de la science gouvernementale.
Ainsi ou Napoléon moins l'épée, Napoléon sous forme d'avocat (...)."
H. de Balzac
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Balzac n'a peut-être pas de style, mais il a de la pré-science. Le style, c'est le bourgeois. Cela donne cette définition du romancier dans le lexique communiste : "Celui qui n'a pas de science, ni même de pré-science ; exemples : Chateaubriand, Eugène Sue, Anatole France, Proust, etc., etc."
En revanche Céline est un peu trop lucide pour être un vrai romancier, bien qu'il fabrique du style à tout rompre. Ne font pas partie du club non plus Drieu La Rochelle, Evelyn Waugh, Aldous Huxley, toujours en avance de deux, trois, cinq ou dix ans sur leur époque.
Dès qu'on sort un peu du Balzac des programmes scolaires on voit bien que c'est une sorte de Pic de la Mirandole, un humaniste de la Renaissance dans un siècle où l'archaïsme est roi. D'où le portrait un peu ridicule que la critique bourgeoise peint de Balzac. Cette soif de connaissance de Balzac, son appétit, ont quelque chose d'indécent pour les bourgeois pour qui l'Ignorance est mère de toutes les Vertus.
Commentaires
Pic de la Mirandole était un néo-platonicien. Je croyais que c'était archaïque...
Le style ne se fabrique pas, il s'exhale. Le style, c'est la singularité, souvent liée à la maturité. Il n'est pas plus bourgeois qu'aristo ou peuple. Il tient à une subjectivité. (Il me semble.)
La bourgeoisie n'a pas tjs critiqué Balzac, s'est parfois reconnue (se sentant bien de cette parenté car n'allant pas plus loin, bien entendu) dans certaines facettes de Balzac, à savoir : ses goûts de parvenu alimentés par l'amour aveugle de la chipie Eve Hanska, portés par une candeur inouïe, ce qui rend (entre autres) le monstre Balzac sublime. — Balzac, si pas de style, quel style dans l'absence de style !
L'amoureuse de B. a bien retenu son Barthes : elle ne confond pas style et écriture.
Le style laisse des traces puisque toute écriture digne de ce nom est reconnaissable. Sans style, Lapinos serait-il reconnaissable ? Le style, c'est un peu les cailloux du Poucet dans la page. Il peut aussi se répandre dans l'eau de l'écriture tel un feu grégeois. Ce peut être tout bonnement l'huile dans le vinaigre... alors va le stylo qui remue tout ça et fait la vinaigrette !
"quelque chose d'indécent pour les bourgeois pour qui l'Ignorance [DES AUTRES ?] est mère de toutes les Vertus."
Peut-on aimer Balzac et Barthes ? Ça paraît impossible, à moins d'aimer Balzac comme Proust, en taxidermiste.
Ce qui a séduit Marx et Engels chez Balzac, c'est son objectivité. Comment un légitimiste catholique peut-il être "objectif", voilà qui est fait pour les surprendre.
Aimer !