Il n'y a pas de médecine psychiatrique "chrétienne" dans la mesure où, pour le chrétien, la folie, même douce, est un indice de possession satanique, un état intermédiaire, comme le sommeil, entre la vie et la mort. Au demeurant, la médecine agit au nom de la société ; or la folie de quelqu'un ne fait que refléter l'état de la société dans laquelle cette personne vit, société plus ou moins paradoxale suivant la proximité ou l'éloignement de sa ruine.
La médecine, au même titre que la justice des hommes, ne se préoccupe donc pas de l'aspiration spirituelle de l'homme, mais seulement de sa fonctionnalité.
Ainsi la pédérastie, presque palpable aux Etats-Unis, non seulement mettra mal à l'aise un esprit occidental, mais elle explique l'état d'hystérie latent de très nombreux citoyens, aux Etats-Unis, souvent inaptes à se concentrer, mais qui constituent aussi des proies faciles pour l'industrie du divertissement ou du cinéma.
Lorsqu'il met en scène le suicide d'Ophélie dans "Hamlet", Shakespeare entend souligner son tempérament démoniaque, exactement comme Molière le fait avec Harpagon et son attirance érotique irrépressible.
Le cas particulèrement brutal de Breivik a le mérite de souligner l'exactitude du lien que les chrétiens font entre la morale ou l'éthique et Satan, de sorte que le clergé a très souvent été représenté dans l'art occidental comme ayant partie liée avec le diable (L'exemple des pharisiens juifs est très loin d'être isolé).
Elle explique aussi bien sûr la passion des philosophes nazis Hegel, Heidegger ou Arendt pour l'éthique, vertu sociale assez mystérieuse aux yeux de ceux qu'elle est censée conduire suivant le bien, mais beaucoup plus transparente aux yeux des chrétiens. Beaucoup moins inepte que nombre de catholiques romains après lui, Baudelaire a d'ailleurs assez bien élucidé le caractère satanique et charognard de l'esthétique, opium qui a le don de se mélanger avec l'éthique.
Cela ne veut pas dire pour autant que Breivik est fou. Être un citoyen ordinaire ne signifie pas qu'on n'est pas manipulé. En prenant les armes pour défendre la culture et l'éthique norvégienne, Breivik s'est porté au secours d'une notion indéfinissable. Veut-il parler du petit royaume mercantile que la Norvège représente aujourd'hui ? Il oppose la monoculture au multiculturalisme, mais, par définition la culture n'est qu'un amalgame de croyances et de représentations diverses et variées. Si les artistes un peu sérieux rejettent avec dégoût la culture, c'est parce qu'elle est imperméable à la critique. La culture n'a pas de forme. Elle est un ventre mou, mobilisateur comme celui des femmes, mais peu digne qu'on se sacrifie pour lui.
Breivik ne le sait pas, mais le rôle de la culture est principalement d'incliner l'homme à la prédation. Il n'y a pas, pour cette raison, de "culture chrétienne". Celui qui croit à la culture bouffe déjà les pissenlits par la racine.