La patience des animaux domestiques vis-à-vis de cette salope de vie est un motif d'étonnement perpétuel. Elle les bouscule, elle les torture ; ils savent qu'un jour elle les mettra à mort, mais pourtant ils continuent de la subir. Tel père a vu la vie lui enlever son fils prématurément, mais pourtant il continue de coucher avec la ravisseuse, et quand elle le chatouille par inadvertance, trouve encore le moyen de sourire à la vie.
L'homme qui insulte la vie s'élève au-dessus de la condition économique, et la publicité n'a pas de prise sur lui.
Commentaires
Il est un mystère pour moi que vous parveniez à haïr aussi bien la mort en aimant si peu la vie et ses plaisirs. La vie est certes une chienne, mais elle a des douceurs que n'éteignent pas même les cris des enfants torturés. Sinon pourquoi ne pas désirer tirer un bon coup la chasse d'eau du vivant merdique, si la vie elle même n'est pas désirable ? Un déluge de mort, où une cure de non-assistance à personne en danger généralisée devient alors la chose la plus souhaitable au monde, et le Christ se retourne sur son nuage. Vous me direz peut-être que la vie n'est qu'une petite mort, et qu'il est aisé de l'associer à sa détestation de la mort. D'une pierre deux coup, haine de la mort et de la vie d'esclave qui en est le faux revers. Néamoins si la vie n'est plus désirable qu'attendez-vous pour vous suicider ? Restez vous en vie en vertu de l'interdiction du super-Papa qu'est Dieu ? Le demi-pamphlétaire Philippe Muray faisait de Céline un espèce de mort-vivant, que la mort sociale avait fait naître à la vie de l'esprit. Est-ce peu ou prou votre conception de la vie ? Tout ce qui est adorable pour vous dans la vie, est-ce ce qui relève typiquement de la mort du sujet-social et de la naissance de l'esprit extra-terrestre ? La vie du corps, de l'âme étant ainsi haissable, et tout le cortège des plaisirs condamnés avec, comme relevant du stricte règne animal ?
Ici j'exposerai ma propre conception, à titre d'exemple, et que ça ne vous exempte pas de répondre à mes questions, je vous prie, monsieur le Lapin :
Dans l'idée que je me fais de la vie, le bon Dieu a voulu de l'homme, pour qu'il soit dépassé, certes, mais pas effacé. L'homme est le tremplin maladroit vers Dieu. Mais c'est le seul tremplin. Je reviens ici sur l'idée modeste de Simone Weil, empruntée aux grecs. Il s'agit du concept de metaxu. Les metaxu sont pour Simone Weil les ponts vers le bien, qui sont en même temps des "régions du bien et du mal" qui réchauffent l'âme, l'humanisent proprement. On pourrait dire que ces régions impures sont la vie elle même, dans toute son impureté sociale et animale. S'en débarrasser c'est scier la branche sur laquelle on est assis, cette seule, pauvre branche humaine. Vouloir la preserver n'interdit pas d'en démontrer et d'en démonter les sales rouages, les combines tribales et autres rites sataniques qui nous eloignent de Dieu, mais comme le dit encore la bonne Simone, il ne faut pas élaguer en soi avec trop de rigueur, la bête humaine est déjà assez fragile comme ça. Le "Dieu n'en demande pas tant" n'est certes alors pas très loin, et Bloy tremble. Mais soyons encore un peu grec. Esperons dans le juste millieu, celui qui marie la tension la plus surnaturelle vers Dieu, sans calomnier les racines terrestres de l'homme trop cruellement. La charité bien comprise quoi.
Merci d'avance.
- D'abord je crois dans les charniers de victimes innocentes, hier, à présent et demain. La physique les exige, inutile de les appeler pour qu'ils viennent. Il n'y a qu'individuellement qu'on peut échapper à cet appel du sperme et du sang, au cannibalisme de la terre.
Pilate sait le Christ innocent, comme les pharisiens, mais ils font partie d'un complot -la société-, alors ils le condamnent à mort. La société n'a pas d'autre solution finale à proposer que la mort ; la mort rapide et violente pour ceux qui ne s'y soumettent pas, d'abord ; la mort lente et plus confortable pour ceux qui ont de meilleurs sièges et du pop-corn à l'entracte.
- Je ne crois pas à la doctrine de Simone Weil ; l'homme appartient primitivement à Satan avant d'appartenir à dieu, et les saintes écritures révèlent que Satan reprendra la plupart de ses créatures.
- C'est toujours la superstition qui fait chanter de petites odes à la vie comme vous le faites, de peur du revers de fortune. On croise les doigts, mais je ne crois pas qu'on puisse apitoyer la nature ; ces petites odes sont gratuites. Pour avoir du plaisir et de la joie, il vous faut avoir de la douleur et de la peine ; les deux sont mêlés, on ne peut pas les séparer.
- Je ne me suicide pas tant que je crois possible le retournement de certaines personnes, médusées par la société et qui croient avoir une dette vis-à-vis d'elle. Des riches il est difficile d'ôter la culpabilité, ils sont solidaires du magma, mais avec les pauvres ou les enfants ce n'est pas la même chose.
Lapinos, j'ai l'impression de voir un certain illogisme dans vos propos.
Comment pouvez-vous penser à la fois que l'homme appartient primitivement à Satan, et que sa dette envers la société ne relève que de la croyance ?
D'accord sur le fait que les instincts primaires de l'homme (j'entends par eux les pêchers) sont les joujou préférés de la bête, voir même qu'ils lui appartiennent, et du coup, rendons à César ce qui est à César. Mais l'âme, présente des la naissance, n'est elle pas constitutive de l'homme ? Je crois qu'elle n'appartient pas en premier lieu au diable, qu'elle peut lui appartenir certes, mais à condition d'une sorte de contrat comme dans "La peau de chagrin de Balzac", analogue à la décision d'arrêter de chercher et d'oeuvrer pour la vérité au nom d'un confort matériel et spirituel.
- C'est à sa logique sans faille qu'on reconnaît que l'oeuvre de Shakespeare est authentiquement chrétien, tandis que les paradoxes éthiques modernes sont pure foutaise, destinée d'abord à permettre aux maîtres chanteurs de la démocratie d'enchaîner leurs esclaves. On peut prier l'Esprit de nous accorder la logique, car la logique ne répond à aucun besoin sur cette terre. Dieu n'accorde aucune faveur, aucun avantage, contrairement à Satan qui dispense largement ses grâces et fait briller en permanence la petite flamme de l'espoir. La logique a pour seul avantage dans ce monde de protéger de ses séductions.
- C'est une explication pourquoi on ne peut distinguer la charité de la science dans le christianisme, pourquoi aussi Shakespeare-Bacon a accompli cet effort surhumain pour faire converger les branches de la science, élaguer peu à peu tout ce qui dans les arts et les sciences relève de l'anthropologie égyptienne, créatrice de paradis artificiels et d'illusions. Exactement comme il faut écarter résolument les sentiments pour avoir conscience de l'amour véritable.
- Je me soumets donc volontiers à ta critique. Pour savoir si le symbolisme de la Genèse est vrai, à savoir l'attribution au diable de l'impulsion vitale (peu importe pour l'instant de savoir quelle entité physique la mythologie désigne scientifiquement ou encode 666), il faut s'interroger ainsi sur la condition humaine : est-elle absurde ou bien justifiée ?
Conclure qu'elle est absurde implique pour le chrétien la paternité du diable (absurdité mise en exergue par Hamlet dans la fameuse tirade où il prive l'existentialisme de tout rapport avec la logique chrétienne). La société au contraire ne pourra admettre cette absurdité, qui la condamnerait aux yeux des hommes les moins bêtes et, surtout, la priverait de tout moyen de coercition (si le droit est absurde, il faut obligatoirement être un imbécile pour s'y soumettre) ; tu peux comprendre ici la violence de l'attaque de Hamlet contre Polonius-Copernic : Bacon-Shakespeare a une connaissance dont témoigne sa prose scientifique de l'usage juridique d'une telle astronomie, qui souffre non seulement d'un défaut de preuve expérimentale aux yeux de Bacon, mais dont l'usage est très pratique pour gommer l'absurdité du droit et lui prêter une cohérence qu'il n'a pas ; il relève donc de la société et du clergé, quelle que soit son étiquette, de proposer une issue à la condition humaine pour dissimuler son absurdité le plus possible. De là l'invention du purgatoire par le clergé chrétien démoniaque, et la nécessité d'une théologie qui rende le message évangélique incompréhensible, puisque celui-ci a pour effet d'ôter de manière scandaleuse à la société sa raison d'être.
Je ne sais pas si tu connais la peinture métaphysique chrétienne de la Renaissance, mais c'est, grosso modo, le même message que Shakespeare que cette peinture antipsychologique cherche à faire passer, message politiquement incorrect d'une créature humaine reflétant physiquement le diable. Dans le même sens, le programme psychologique de base d'une créature humaine, primitif, l'oriente en fonction de la possibilité d'un Eden, c'est-à-dire d'une gratification, et cela quelle que soit son étiquette religieuse ou le pin's qu'il porte au revers de sa veste. La chiennerie est inscrite dans l'âme humaine (l'accusation lancée par Jésus aux pharisiens de n'être que des chiens est très précise) : comme le chien vis-à-vis de son maître se comporte l'homme vis-à-vis de la nature. Donc je disais "croyance", au sens de conscience primitive ou religieuse. Ce rapport de débiteur à créancier, que le clergé s'efforce d'exciter par tous les moyens, et qui fait obstacle à l'individualisme, est inné ou génétique. La différence entre la nature et la culture n'existe pas, puisque tout l'effet de la religion ou de la culture est d'empêcher l'homme de penser autrement qu'un animal, selon la musique.
- Je ne sais pas si j'ai été clair ? La croyance dans l'âme séparée du corps est aussi improbable scientifiquement que dépourvue de caractère théologique (dans le judaïsme ou le christianisme) ; cette croyance répond au besoin de l'homme de croire qu'il se programme lui-même, au besoin du corps social de croire qu'il vise un but précis, alors qu'il ne sait pas où il va. Le but abstrait de la société, parfaitement théorique et religieux, ne fait que refléter les moyens dont cette société dispose.
Sans la croyance dans l'homme séparée du corps, l'homme s'expose à la conscience que son existence n'a pas plus de sens que celle d'un animal domestique. Quelle que soit sa position dans l'échiquier des relations humaines, la réduction de l'âme au seul principe vital entraîne pour l'homme la connaissance qu'il n'a fait qu'appliquer les règles d'une partie écrite à l'avance. Pour poser le principe de la continuité des espèces, il faut préalablement avoir posé celui du fatalisme.
Je ne connais pas les peintures métaphysique de la renaissance mais je pense que si ces dernières se révèlent être des miroirs, je comprends l'acharnement des hommes à les fuir ou à rester pétrifier devant.
La culture est une matrice composée des justifications du pouvoir en place et la théorie de l'âme séparée du corps sert à donner l'illusion d'être libre tout en restant sous l'influence des règles de la société.
Je me rappelle de mon professeur de psychologie cognitive, obédience à mon sens la plus réaliste des différentes psychologie que j'ai un peu étudié, avoir dit que la seule manière de s'émanciper un chouïa du conditionnement humain était de bien comprendre ses règles. Foutaises quand on veut en tirer partie. Donc ok sur le fait d'insulter la vie à fond, mais sans espérer l'émouvoir, sans calcule mais par un ultime désespoir.
- Ces peintures élucident comme le mythe de Narcisse le mode de pensée psychologique, propre aux sociétés humaines, réflexif ou spéculatif (speculum ou psyché = miroir), essentiellement religieux, mobilisateur, culturel, toujours remis en question au cours de l'histoire par les défenseurs de la science, qui visent au contraire la pleine conscience.
http://puits.over-blog.fr/article-baldung-grien-78552278.html
- En effet une meilleure connaissance de la règle du jeu sociale, qui définit quasiment l'élite par rapport au peuple, conforte la position sociale ; un exemple : l'idée de paradis est au coeur de l'inconscient collectif (païen), communément traduite par le vocable du "bonheur", c'est-à-dire d'une forme de récompense spirituelle aux faits et gestes de l'existence (paradis qui détermine la morale, et non pas dieu) ; eh bien "connaître les règles", c'est ne pas ignorer que c'est la compétition qui est la règle de la course au bonheur, et non la démocratie, l'égalité ou ce genre de foutaises dont les politiciens abreuvent le peuple. Si 200.000 femmes avortent/an en France, sous la pression sociale, c'est afin de ne pas perdre en compétivité, pour rester dans la course au bonheur ; dès lors qu'une société découvre une fonction sociale à l'assassinat d'autrui, elle justifie juridiquement l'assassinat. Le totalitarisme est le stade où le droit est élevé au rang d'une science, c'est-à-dire d'une matière faite pour élucider, alors qu'il est largement occulte.
- Insultons plutôt la nature que la vie. Le christianisme, au contraire du bouddhisme qui pense selon la vie, pense contre elle ou malgré elle. Au demeurant, la quête du bonheur païenne a perdu toute l'efficacité qu'elle pouvait avoir dans l'antiquité, et le bouddhisme a, selon moi, aujourd'hui beaucoup plus d'attrait en raison de la promesse de bonheur/sérénité qu'il fait, auprès de personnes malheureuses ou opprimées. Personnellement je suis en bonne santé. Qu'espérer de plus dans ce monde ?
C'est la nature qui fait la bonne santé ! j'ai l'impression, par expérience, que la haine de la nature confine à la passion à son égard.
- La passion de la nature est comme celle des femmes ; il faut, pour se passionner pour la nature ou une femme, idéaliser celle-ci. La passion ne naît pas des choses pratiques et médiocres, comme la bonne santé, ou une bonne femme qui sait se rendre utile plutôt qu'intéressante.
- Ce procédé d'idéalisation est utilisé systématiquement par les élites pour faire miroiter aux yeux du peuple ce qu'il n'a pas, et qu'il connaît mal. La femme n'est pas seulement utilisée comme un appât dans l'éthique publicitaire moderne, mais depuis toujours.