Ces deux mots vont de pair ; ils m'évoquent la nation dont l'âme est la plus étrangère à la France : le Japon.
"Tradition et Modernité" : si ce processus de métamorphose des institutions n'est pas près d'être accepté par un vrai Français, doté de l'esprit critique, comme une description réaliste de l'évolution du monde, cela s'explique par l'influence exercée par l'histoire et les historiens dans ce pays, combattant l'influence opposée du clergé, qui nie l'histoire, ou l'enferme dans une formule elliptique.
L'art français n'est pas seul au monde à peindre le clergé et la magistrature sous l'influence du diable, mais il s'y applique avec plus de constance, depuis Rabelais jusqu'à Céline. L'art français n'a jamais atteint la hauteur de vue prophétique de Shakespeare, mais il a constamment lutté contre la musique et la culture, qui ont pour effet de circonscrire la conscience humaine au plan social.
L'influence de l'histoire explique que les Français ne vivent pas tous entièrement sous la cloche à fromage de l'inconscient religieux, ainsi que les Japonais, qui s'entraînent à penser comme des cadavres, avant même d'être décédés. C'est ce qui explique que le suicide soit la manière de penser la plus noble des hommes japonais. Elle serait la mienne aussi, s'il n'y avait pas d'autre choix possible que la vie sociale ou le suicide, tant la vie sociale est une chose qu'un homme viril ne peut supporter, et qu'il verra toujours comme une chose abjecte et impure : un Yankee. D'ailleurs le suicide viril n'est pas ma façon de penser non plus, car il ne fait que conforter la vie sociale. Les lâches continuent de vivre en encensant des morts, qui ne respireront jamais le parfum de cet encens. Le suicide ne permet donc pas d'échapper à la corruption sociale. Hitler est encore épargné, mais pour combien de temps ? Jusqu'à ce que des banquiers juifs ou démocrates-chrétiens véreux redonnent aux étendards nazis leur dignité ?
Le lecteur japonais me pardonnera mon profond dégoût de la culture japonaise, égal à celui que j'éprouve, proche de la nausée, dans les foires d'art contemporain, où Ubu règne avec le plus grand sérieux, typique de la messe, du clergé et de la magistrature. La plupart des Japonais n'aiment d'ailleurs en France que ce qui n'est pas français : Versailles, aussi japonais que le Japon. Autant dire que les Japonais, à l'instar des femmes, ne savent pas aimer : ils ne savent que se prosterner.
Les femmes sont le plus souvent "modernes", car c'est le courant dominant. L'homme, en revanche, est le plus souvent réactionnaire. Le mouvement actif de la culture, autrement dit le mouvement de "contre-culture", est presque toujours actionné par des hommes.