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Foot & parade militaire

Le "Voyage au bout de la nuit" était interdit dans l'armée française jusqu'à une période récente. Sur la guerre moderne, bourgeoise & démocratique, l'ex-héros de guerre L.-F. Céline s'avère de fait un peu trop lucide et antialcoolique. On fera des connauds bons pour le service bien plus facilement à l'aide du cinéma, instrument indispensable de la politique moderne. Il est impossible de concevoir un humanisme contemporain qui ne mette pas en cause le rôle du cinéma comme machinerie au service de la guerre moderne, totale au point de requérir l'adhésion des consciences les plus faibles en "temps de paix". Le cinéma opère par l'arasement progressif de l'esprit critique.

Ancien combattant lui aussi, Pierre Drieu La Rochelle explique que "la patrie est la force la plus immédiatement dangereuse qui circule au milieu de nous" : on peut en dire autant du cinéma, dont la valeur artistique est très proche de la valeur religieuse du cinéma, c'est-à-dire superficielle. On pourrait dire qu'il n'y a pas de civilisation bourgeoise, parce qu'il y a un cinéma bourgeois.

Sans l'aide d'un psychiatre pour l'aider à gérer son stress post-traumatique, Céline soigne sa folie en noircissant du papier ; quel meilleur moyen de soigner la folie que de faire un effort pour recouvrir la conscience que l'élan ou le plan social obscurcit ?

L.-F. Céline se montre conscient du lien entre la folie et la sexualité, ainsi que du caractère principalement érotique de la guerre. Comme beaucoup de jeunes soldats de son âge, Ferdinand part à la guerre comme on part à la conquête d'une jolie femme, et il est bouleversé de découvrir que la guerre moderne n'est qu'une vieille mégère infâme, qui préfère les chars et les pluies d'obus aux jeunes soldats héroïques. F. Vallotton, esprit sceptique lui aussi, évoque le caractère "mathématique" de la guerre moderne, c'est-à-dire son extraordinaire légalisme, en même temps que sa violence cataclysmique. Les longues périodes de trêve qui ont suivi les conflits mondiaux les plus violents traduisent-ils la volonté des hommes de faire la paix, ou tout simplement la difficulté à récupérer après un effort de guerre ultra-violent ? La France, en 1940, est-elle faible du fait de ses chefs, ou bien n'a-t-elle pas encore récupéré de ses efforts précédents ?

Si la guerre est l'occasion d'une prise de conscience, celle de Céline par exemple, tandis que les parades militaires en temps de paix sont des spectacles conçus pour les veaux, comme le football, cela s'explique parce que la guerre est destructrice du mensonge social ; aucun abus de conscience, sous la forme d'un idéal ou d'une doctrine sociale quelconque, ne résiste à la réalité de la violence militaire. De même la prison est dissuasive d'adhérer à un quelconque idéal social. On ne comprend rien et on n'explique rien de Sade tant qu'on n'a pas dit que c'est un ancien officier, qui a tué très jeune de ses propres mains. Sans instinct, il n'y a pas de société, et à cause de l'instinct il n'y a pas de société idéale possible.

On peut d'ailleurs observer que les prêtres qui commettent la folie de fournir leur caution morale à la guerre, sans aller jusqu'à tremper eux-mêmes dans le sang et la merde, le plus souvent ne veulent pas voir sa réalité barbare ou la camouflent. Les guerres modernes bourgeoises "au nom de la démocratie" sont d'abord des guerres religieuses pour cette raison qu'elles s'appuient sur une propagande qui, au lieu d'exalter la vaillance et les qualités viriles, prétend qu'il y a des guerres justes, et d'autres qui ne le sont pas. C'est ici que l'on peut situer le rôle extrêmement néfaste des doctrines sociales prétendument chrétiennes. Elles ne sont pas représentatives de la faiblesse, comme dit Nietzsche, faisant l'apologie de l'héroïsme et de la vertu antiques, mais de la ruse.

 

 

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