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Camp des saints

A la demande d'une amie athée qui fait le rêve mystérieux depuis l'enfance d'un archer monté sur un cheval blanc, je lui fais une lecture de la vision apocalyptique de Jean à Patmos, qui recèle le sens de l'histoire chrétien dissimulé par les évêques catholiques romains.

Nous confrontons cette lecture aux illustrations vivement colorées de Lucas Cranac'h, visant nettement l'Eglise romaine puisque les figurations de la bête de la terre ou de Satan portent des tiares caractéristiques de la tutelle théocratique de Rome sur l'Occident, et que rois et nations soumis à Satan - soumis nécessairement à Satan car toute puissance temporelle dépend de lui.

Je mentionne au passage que la robe de bure blanche portée par Balzac au travail selon le témoignage de son ami Théophile Gautier évoque la tenue portée par les fidèles témoins de la parole de Dieu dans la vision de Jean, ce que l'intérêt de Balzac pour l'exégèse du théologien Swedenborg confirme.

Du point de vue athée, on peut mentionner la charge de Gilles Deleuze (disciple de Nitche) contre l'apocalypse, son absence de style (caractéristique des écrits à caractère mythologique, dont la vérité est le plus souvent extérieure à l'homme, et n'a pour cette raison pas ou peu de valeur éthique ou morale).

Au contraire de la propagande luthérienne, dans laquelle L. Cranac'h est impliqué, l'exégèse de Swedenborg et les pièces apocalyptiques de Shakespeare (cf. le rapport entre "Hamlet" et les prophéties de Daniel) se refusent à polémiquer, c'est-à-dire à tomber dans le registre de la culture, qui comporte nécessairement un aspect de propagande mensonger. Swedenborg précise en préambule qu'il se tient à l'extérieur de toute Eglise instituée (sous-entendu : par l'homme) ; quant à Shakespeare, non seulement les tentatives d'en faire un auteur catholique romain, ou protestant selon le goût, sont anachroniques, mais elles ne tiennent pas compte de la résistance de Shakespeare à "l'anthropologie chrétienne" et sa conscience que l'athéisme s'avance masqué derrière cet argument, de même que la culture la plus artificielle ; c'est bien Shakespeare qui prolonge les épîtres de Paul, le plus dissuasif de reléguer la parole de dieu au rang d'un "moyen humain pour parvenir au salut", et non les propagateurs de l'éthique démocrate-chrétienne au service des nations. Shakespeare est bien comme Nitche ennemi de la rhétorique et des rhéteurs, non pas comme ce dernier parce que l'enflure rhétorique entraîne l'éviction de la matière comme réalité première, dont découlent par force la plupart des actions humaines (non pas l'amour et l'intérêt pour la vérité), mais parce que la rhétorique, considérée comme la cause et la fin de tout, a aussi pour effet d'occulter les vérités surnaturelles ou métaphysiques.

Shakespeare n'oppose pas contrairement aux encycliques pontificales à la conception matérialiste de la lumière, notamment solaire, une démonstration de la lumière spirituelle purement rhétorique, mais il lui oppose une réalité cosmique supérieure.

Le divorce de la rhétorique moderne d'avec la métaphysique est encore plus net qu'il n'est par rapport à la science physique. On peut d'ailleurs voir Nitche comme un avocat de la "décroissance rhétorique" au profit d'une écologie ou d'une culture de vie véritable - il s'agit pour Nitche de redonner à la culture la simplicité et la joie que la rhétorique judéo-chrétienne a fait perdre à la culture. Tandis que Shakespeare, par-delà la considération de la culture, affirme la nullité des démonstrations spirituelles dans le domaine spirituel ou métaphysique. L'amour est aussi improbable par le moyen de la rhétorique que dieu lui-même, et un spécialiste de la biologie n'aura pas de mal à prouver que l'amour n'est qu'illusion, à peu près de la même manière qu'on peut démontrer que l'âme n'est qu'un principe vital, une idée de l'unité organique qui ne résiste pas à la mort et à la décomposition du corps.

 

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