Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le Capital

Un ecclésiastique écrivait il y a quelques lustres dans un magazine destiné à promouvoir les intérêts du capitalisme à la française ("Le Figaro") : "Le capital, c'est la vie !". Sans doute une manière de remarquer qu'on ne peut pas plus s'opposer au capitalisme qu'il n'est possible de s'opposer à la vie ou à la guerre. "Le capital, c'est la mort !" résume a contrario l'analyse économique de Marx, que l'on présente à tort comme un théoricien de la réforme économique, alors qu'il n'est qu'un clinicien, dont le diagnostic est que le capitalisme est, si ce n'est exsangue, du moins une économie au stade de la décomposition. La concentration excessive du capital entre les mains de quelques-uns n'est pas, par exemple, au yeux de Marx, un signe de bonne santé économique. Son pronostic des crises se fonde sur l'excessive concentration du capital et la difficulté de le répartir de façon économiquement efficace. Bien sûr l'idée de "justice économique" n'est pas dans Marx, faute de quoi celui-ci ne serait qu'un imbécile.

A la limite Marx pourrait passer pour un économiste libéral, si ce n'est qu'il souligne le rôle actif de l'Etat dans la constitution de monopoles bancaires et industriels, tandis que le stratagème de la plupart des économistes libéraux consiste à accuser l'Etat des dérèglements du capitalisme. Or l'extrême concentration des pouvoirs de l'Etat soviétique a largement contribué à entraîner la Russie au rang des nations capitalistes les plus développées ; or l'économie chinoise, dirigée d'une main de fer par une junte militaire, est une économie capitaliste ordinaire, à ce détail près qu'elle a connu un développement accéléré.

Une économie en bonne santé ne produit pas le maximum de "richesses" pour une population maximum, mais il produit les richesses nécessaires pour un nombre de personnes limité. L'excès de richesse constitue un problème économique, de même que l'excès de poids constitue un problème de santé. L'objectif de croissance économique est donc une aberration économique, en même temps que la croissance est la seule possibilité pour l'Etat et les institutions étatiques de se maintenir en place et se faire respecter.

Marx souligne aussi utilement la part du rêve dans une économie en voie de décomposition. Le "désir d'avenir" capitaliste est en réalité un rêve masochiste, propre à mobiliser un Japonais ou un Américain, car l'avenir n'a rien de désirable - il n'est pas plus désirable que la mort. Il n'y a rien d'étonnant à ce que le capitalisme engendre une culture nécrophile, ainsi qu'on peut l'observer aux Etats-Unis, à travers notamment la consommation de produits stupéfiants. Les hommes se mettent à rêver, dès lors qu'ils sont vieux et perdent possession de leurs moyens.

Ceux qui cherchent un antidote chez Marx, une formule du rajeunissement de l'économie seront déçus ; la principale force de la critique marxiste est de montrer que le sens de l'histoire hégélien ou moderne est un sens négatif et non positif, ainsi que le prétendent les tenants de la culture moderne totalitaire. D'ailleurs la vie n'est pas tout pour Marx : l'amour, la science, n'entrent pas dans le domaine culturel (rien de plus bête que la "culture scientifique", c'est-à-dire le vernis scientifique, ou que la "culture de l'amour", c'est-à-dire le sentimentalisme à l'aide duquel les publicitaires attrapent leurs clients comme on attrape des mouches avec de l'eau sucrée).

Marx est plutôt de la lignée des penseurs humanistes comme Shakespeare qui pensent contre la culture ou en dépit d'elle. La seule façon d'être libre, c'est d'échapper à la culture.

 

Les commentaires sont fermés.