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  • L'anticapitalisme est un humanisme

    Un correspondant catholique m'objecte que mon anticapitalisme est naïf et qu'il ne peut être cohérent car le capitalisme est tentaculaire : on ne sait où il s'arrête et où il commence.

    Ce correspondant suggère que le capitalisme compromet tout le monde, même les anticapitalistes. Selon moi, une femme arabe égorgée avec ses trois enfants par un groupe terroriste islamiste manipulé par la CIA est tout de même moins compromise qu'une publiciste qui proclame que les Etats-Unis sont "le camp du bien", et qui étaie cette doctrine par une citation de l'apôtre Paul.

    Jésus-Christ ne pose nulle part la pureté comme préalable au combat chrétien. ll y a une différence entre être pécheur et faire l'apologie du péché ; cette différence permet de tracer une frontière assez nette entre les capitalistes et les anticapitalistes entraînés malgré eux dans ce mouvement de corruption à l'échelle mondiale, et qui portent sur eux "la marque de la bête".

    La métaphore de la pieuvre est assez juste, et guère éloignée de la métaphore biblique du léviathan. Les chrétiens shakespeariens savent grâce à Shakespeare de quoi est faite la tête du poulpe : du pacte judéo-chrétien, passé entre les marchands chrétiens de Venise et le Juif Shylock. Ils se méprisaient et se haïssaient mutuellement, mais néanmoins ils ont passé entre eux un pacte fondé sur la chair.

    Ainsi les chrétiens lecteurs de Shakespeare, et même les païens, reconnaissent-ils très facilement les judéo-chrétiens babyloniens et leurs oeuvres.

  • Mérites et limites des Gilets jaunes

    (Rédaction en cours d'un essai sur les mérites et les limites du mouvement des Gilets jaunes - à paraître bientôt).

    L'importance de la très longue grève perlée des Gilets jaunes se mesure à la réaction du pouvoir oligarchique, à la fois surpris que l'on puisse s'opposer au cap fixé par la technocratie franco-bruxelloise, et assez inquiet pour déployer des moyens policiers extraordinaires, qui ont éberlué le monde entier, même si des mouvements analogues à celui des Gilets jaunes ont éclaté dans toute l'Europe depuis le krach de 2008.

    Dans quelle mesure la pandémie n'a pas été une aubaine pour le système oligarchique aux abois, en lui fournissant une raison sanitaire de transformer la France en prison à ciel ouvert ? La crise sanitaire aura été l'occasion, on l'espère, pour de nombreux Gilets jaunes, de lire ou relire George Orwell, en prêtant attention au rôle qu'il attribue à la peur dans la constitution de l'Etat totalitaire. Big Brother est un Etat paranoïaque. En même temps qu'il a ressoudé l'Etat derrière l'institution médico-policière, le confinement a accru dangereusement la dette de cette Etat.

    Assigné à résidence, le mouvement des Gilets jaunes est devenu moins visible. La caste politique est partagée entre le désir d'effacer les traces de ce mouvement et tenter de le récupérer.

    Le principal mérite des Gilets jaunes, ou leur mérite le plus évident, est d'avoir fait apparaître aux yeux d'un grand nombre de Français aveuglés par le dispositif institutionnel, la réalité du pouvoir oligarchique. Celui-ci a pour effet d'ôter toute citoyenneté effective ou réelle à la classe moyenne active.

    Les partis d'extrême-droite et d'extrême-gauche font office de brise-lames ; c'est d'autant plus évident en ce qui concerne le FN qu'il recueille dans la police un niveau d'intention de vote très élevé, et que le FN ne dissimule pas ses liens étroits avec l'oligarchie.

    A gauche, les grandes centrales syndicales ont dévoilé leur jeu en soutenant le chef de l'Etat contre les Gilets jaunes constamment depuis 2018. Il leur doit pratiquement sa réélection en 2022 ; les syndicats enseignants ont notamment joué le jeu d'une politique sanitaire dont il n'y avait pas besoin d'être grand clerc pour prédire qu'elle serait ruineuse pour l'Etat et les services publics.

    E. Macron a donc marqué un point contre les Gilets jaunes en parvenant à mobiliser une part de l'électorat relativement importante, y compris des jeunes Français, lors des dernières législatives. Ceux qui lui ont reproché de ne pas tenir compte du résultat des élections n'ont pas été attentifs à la démonstration des Gilets jaunes. E. Macron n'a pas promulgué la constitution bonapartiste de 1958, il s'en sert dans l'esprit bonapartiste qui est le sien. Il semble que beaucoup de jeunes militants de gauche ont raté l'épisode des dix-huit années de gaullisme repeint en rose par F. Mitterrand.

    Les Gilets jaunes les plus éveillés ont pris conscience que le suffrage universel, loin d'être une institution républicaine ou démocratique, est conçu comme une nasse, les médias audio-visuels jouant le rôle des phares attirant les petits poissons dans les filets.

    Le mérite des Gilets jaunes est encore d'ouvrir une brèche à la nouvelle génération dans le mur d'une conception technocratique de la politique qui s'est imposée après la Libération, à la faveur de la défaite française de 1940. Le gouvernement technocratique antirépublicain n'est pas le fruit d'un complot des élites, il est avant tout la prorogation en temps de paix d'une modalité de gouvernement antirépublicaine justifiée par la guerre.

    La force des Gilets jaunes est le sentiment grandissant d'une majorité de Français appartenant à la classe moyenne que l'oligarchie ne prend pas en compte ses intérêts dans ses calculs. De fait, le mantra économique de la "croissance économique" n'a pas de sens au niveau de la petite entreprise industrielle ou artisanale, qui ne se préoccupent pas de croissance mais d'équilibre - exactement comme la politique des 35h n'était raisonnable que dans les très grandes entreprises. De facto, les oligarques ont pris le pouvoir, entretenant à grands frais l'illusion d'une vie et d'un débat politiques.

    La limite des Gilets jaunes tient à la spontanéité du mouvement, qui débute comme un mouvement social "classique" de mécontentement contre la hausse de la pression fiscale, et comprend soudain qu'il est le premier mouvement politique du XXIe siècle. En jouant la carte des 35.000 CRS, l'oligarchie a dévoilé son jeu. Embarras extrême des "partis d'opposition" et des grandes centrales syndicales.

    L'oligarchie française a une assise beaucoup plus large et stable que l'oligarchie étatsunienne. Le dégraissage du mammouth spectaculaire auquel D. Trump et E. Musk se sont attelés dès leur élection, se heurterait en France à une résistance bien plus grande, compte tenu des effectifs pléthoriques de la fonction publique ; ce dégraissage est dans l'intérêt même des fonctionnaires et des usagers des services publics, et il n'a pas été effectué pour des raisons purement démagogiques (nombreux sont les fonctionnaires dont l'utilité sociale excède celle des joueurs de rugby professionnels ou des journalistes des chaînes d'info).

    La limite des Gilets jaunes n'est pas tant le manque d'expérience politique que la tentation de croire qu'il existe une solution miracle telle que la démission anticipée d'E. Macron, le "Frexit" ou une martingale constitutionnelle quelconque qui permettrait d'instaurer une république moins virtuelle. Croire dans une solution miracle serait aussi naïf que le vote des Français en 2017 en faveur d'E. Macron, persuadés d'avoir élu "l'homme providentiel" (il s'agit là d'un vote typiquement américain, proche du vote en faveur de D. Trump).

    Le gouvernement des gens normaux par des technocrates ou des experts compétents, dont le confinement a fourni un exemple concret et précis, particulièrement pénible pour la jeune génération, est lui-même un modèle ultra-théorique.

    Le totalitarisme politique pèche par l'excès de théorie et le manque de pragmatisme. Suivant l'observation d'Orwell, le totalitarisme séduit les purs théoriciens. L'intelligence artificielle, vieux serpent de mer qui résume à elle seule l'esprit du totalitarisme, est stupide car elle n'a pas de mains.