Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mélenchon

  • Mérites et limites des Gilets jaunes

    (Rédaction en cours d'un essai sur les mérites et les limites du mouvement des Gilets jaunes - à paraître bientôt).

    L'importance de la très longue grève perlée des Gilets jaunes se mesure à la réaction du pouvoir oligarchique, à la fois surpris que l'on puisse s'opposer au cap fixé par la technocratie franco-bruxelloise, et assez inquiet pour déployer des moyens policiers extraordinaires, qui ont éberlué le monde entier, même si des mouvements analogues à celui des Gilets jaunes ont éclaté dans toute l'Europe depuis le krach de 2008.

    Dans quelle mesure la pandémie n'a pas été une aubaine pour le système oligarchique aux abois, en lui fournissant une raison sanitaire de transformer la France en prison à ciel ouvert ? La crise sanitaire aura été l'occasion, on l'espère, pour de nombreux Gilets jaunes, de lire ou relire George Orwell, en prêtant attention au rôle qu'il attribue à la peur dans la constitution de l'Etat totalitaire. Big Brother est un Etat paranoïaque. En même temps qu'il a ressoudé l'Etat derrière l'institution médico-policière, le confinement a accru dangereusement la dette de cette Etat.

    Assigné à résidence, le mouvement des Gilets jaunes est devenu moins visible. La caste politique est partagée entre le désir d'effacer les traces de ce mouvement et tenter de le récupérer.

    Le principal mérite des Gilets jaunes, ou leur mérite le plus évident, est d'avoir fait apparaître aux yeux d'un grand nombre de Français aveuglés par le dispositif institutionnel, la réalité du pouvoir oligarchique. Celui-ci a pour effet d'ôter toute citoyenneté effective ou réelle à la classe moyenne active.

    Les partis d'extrême-droite et d'extrême-gauche font office de brise-lames ; c'est d'autant plus évident en ce qui concerne le FN qu'il recueille dans la police un niveau d'intention de vote très élevé, et que le FN ne dissimule pas ses liens étroits avec l'oligarchie.

    A gauche, les grandes centrales syndicales ont dévoilé leur jeu en soutenant le chef de l'Etat contre les Gilets jaunes constamment depuis 2018. Il leur doit pratiquement sa réélection en 2022 ; les syndicats enseignants ont notamment joué le jeu d'une politique sanitaire dont il n'y avait pas besoin d'être grand clerc pour prédire qu'elle serait ruineuse pour l'Etat et les services publics.

    E. Macron a donc marqué un point contre les Gilets jaunes en parvenant à mobiliser une part de l'électorat relativement importante, y compris des jeunes Français, lors des dernières législatives. Ceux qui lui ont reproché de ne pas tenir compte du résultat des élections n'ont pas été attentifs à la démonstration des Gilets jaunes. E. Macron n'a pas promulgué la constitution bonapartiste de 1958, il s'en sert dans l'esprit bonapartiste qui est le sien. Il semble que beaucoup de jeunes militants de gauche ont raté l'épisode des dix-huit années de gaullisme repeint en rose par F. Mitterrand.

    Les Gilets jaunes les plus éveillés ont pris conscience que le suffrage universel, loin d'être une institution républicaine ou démocratique, est conçu comme une nasse, les médias audio-visuels jouant le rôle des phares attirant les petits poissons dans les filets.

    Le mérite des Gilets jaunes est encore d'ouvrir une brèche à la nouvelle génération dans le mur d'une conception technocratique de la politique qui s'est imposée après la Libération, à la faveur de la défaite française de 1940. Le gouvernement technocratique antirépublicain n'est pas le fruit d'un complot des élites, il est avant tout la prorogation en temps de paix d'une modalité de gouvernement antirépublicaine justifiée par la guerre.

    La force des Gilets jaunes est le sentiment grandissant d'une majorité de Français appartenant à la classe moyenne que l'oligarchie ne prend pas en compte ses intérêts dans ses calculs. De fait, le mantra économique de la "croissance économique" n'a pas de sens au niveau de la petite entreprise industrielle ou artisanale, qui ne se préoccupent pas de croissance mais d'équilibre - exactement comme la politique des 35h n'était raisonnable que dans les très grandes entreprises. De facto, les oligarques ont pris le pouvoir, entretenant à grands frais l'illusion d'une vie et d'un débat politiques.

    La limite des Gilets jaunes tient à la spontanéité du mouvement, qui débute comme un mouvement social "classique" de mécontentement contre la hausse de la pression fiscale, et comprend soudain qu'il est le premier mouvement politique du XXIe siècle. En jouant la carte des 35.000 CRS, l'oligarchie a dévoilé son jeu. Embarras extrême des "partis d'opposition" et des grandes centrales syndicales.

    L'oligarchie française a une assise beaucoup plus large et stable que l'oligarchie étatsunienne. Le dégraissage du mammouth spectaculaire auquel D. Trump et E. Musk se sont attelés dès leur élection, se heurterait en France à une résistance bien plus grande, compte tenu des effectifs pléthoriques de la fonction publique ; ce dégraissage est dans l'intérêt même des fonctionnaires et des usagers des services publics, et il n'a pas été effectué pour des raisons purement démagogiques (nombreux sont les fonctionnaires dont l'utilité sociale excède celle des joueurs de rugby professionnels ou des journalistes des chaînes d'info).

    La limite des Gilets jaunes n'est pas tant le manque d'expérience politique que la tentation de croire qu'il existe une solution miracle telle que la démission anticipée d'E. Macron, le "Frexit" ou une martingale constitutionnelle quelconque qui permettrait d'instaurer une république moins virtuelle. Croire dans une solution miracle serait aussi naïf que le vote des Français en 2017 en faveur d'E. Macron, persuadés d'avoir élu "l'homme providentiel" (il s'agit là d'un vote typiquement américain, proche du vote en faveur de D. Trump).

    Le gouvernement des gens normaux par des technocrates ou des experts compétents, dont le confinement a fourni un exemple concret et précis, particulièrement pénible pour la jeune génération, est lui-même un modèle ultra-théorique.

    Le totalitarisme politique pèche par l'excès de théorie et le manque de pragmatisme. Suivant l'observation d'Orwell, le totalitarisme séduit les purs théoriciens. L'intelligence artificielle, vieux serpent de mer qui résume à elle seule l'esprit du totalitarisme, est stupide car elle n'a pas de mains.

  • Marx contre Mélenchon

    Le capitalisme se présente à peu près comme un nouveau destin, un phénomène sur lequel le discours politique n'a pas de prise. Deux ou trois générations de Français et d'Allemands ont été bernées par le discours écologiste, et continuent de l'être puisque l'irrationalité de l'économie capitaliste interdit une gestion raisonnable des ressources humaines et naturelles. Le discours écologique se présente donc comme une ruse capitaliste.

    En même temps que la critique du capitalisme a disparu du débat public, le nombre de ses victimes n'a fait que s'étendre : la classe moyenne française ne peut plus ignorer que cette économie ne repose pas seulement sur l'exploitation de travailleurs chinois, indiens, ou africains, elle a en outre des conséquences antisociales dans les pays développés. On peut traduire le large mouvement des Gilets jaunes comme un mouvement de ras-le-bol du capitalisme ; la diversité d'opinion des manifestants ne fait que traduire la diversité des sensibilités ; ainsi, les "antivax" sont particulièrement sensibles aux effets délétères de l'économie capitaliste sur la santé publique.

    La critique marxiste n'a donc rien perdu de son actualité, un siècle et demi plus tard. Je viens d'en donner un exemple : elle permet de déceler facilement que l'écologie politique est une grossière supercherie ; le primat irrationnel de l'énergie nucléaire porte la marque de l'économie capitaliste ; précisons, pour les Gilets jaunes qui n'en auraient pas conscience, que le développement de l'énergie nucléaire s'accorde le mieux avec le principal irrationnel de croissance à l'infini.

    Venons-en au sujet qui justifie le titre de ce billet : l'éradication par les partis populistes de la critique marxiste. Il me semble inutile de s'attarder sur la rhétorique simpliste de Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui consiste à poser l'équation de la critique du capitalisme et du communisme révolutionnaire. Le parti de Le Pen, depuis ses premiers succès il y a une trentaine d'année, est celui des idiots utiles du Capital : le qualifier de "fachiste" serait oublier que le fachisme est une conséquence avant d'être une cause de catastrophe politique. Si la critique marxiste du roman national républicain a été censurée, ce n'est certainement pas à cause des idiots utiles du Front national.

    On connaît les modalités de défense de la classe moyenne par les partis subventionnés par des oligarques pour tenir en respect la classe moyenne : elles consistent à confier le destin de la classe moyenne à la Commission européenne, elle-même sous tutelle de l'OTAN.

    Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont moins hostiles a priori à la critique marxiste que ceux de Le Pen ou Macron, mais ils l'ignorent absolument, pour une raison que l'on peut élucider d'emblée : J.-L. Mélenchon est d'abord le représentant de la fonction publique, et non de la classe moyenne. Cette dernière subit les conséquences de l'incapacité de l'Etat capitaliste à se réformer, que les fonctionnaires ont tendance à ignorer, comme si l'Etat capitaliste totalitaire se limitait à la police et l'armée ; la logocratie, dont G. Orwell a fait le thème central de sa dystopie, se présente avant tout comme une police de la pensée.

    Le thème de la "souveraineté populaire" et du "suffrage universel", qui font partie de la rhétorique de LFI, participent de cette police de la pensée, tout comme la théorie révolutionnaire de conquête du pouvoir par les urnes, dont le cousin grec de J.-L. Mélenchon, A. Tsipras, a naguère démontré l'inefficacité.

    Le parti de J.-L. Mélenchon se présente comme le principal moyen de censure d'une critique marxiste qui n'épargne pas l'Etat républicain et ses institutions bonapartistes. Le gaullisme ou la Ve République se présentent du point de vue marxiste, comme un phénomène de sclérose bonapartiste : en effet les élites françaises, autoproclamées "libérales", n'ont pas su mettre à profit la période des "Trente glorieuses" pour assouplir l'absolutisme de l'appareil d'Etat, que seuls justifiaient les désordres consécutifs à la Seconde guerre mondiale.

    On a bien entendu parler de "mammouth" à propos de l'Education nationale monopolistique, mais rien n'a été fait concrètement pour la réformer. L'absence de liberté politique a été dissimulée derrière l'alternance "gauche-droite", principale cause du mouvement des Gilets jaunes, qui s'opposent à cette pseudo alternance comme "Mai 68" s'opposa au régime gaulliste.

    Ce sont le plus souvent des militants de Mélenchon, abrutis par de pseudo-économistes, que l'on entend dire que "la dette n'est pas un problème" : ils sont, sur ce plan, plus capitalistes que les oligarques capitalistes eux-mêmes. En effet, si l'endettement n'est pas un problème, alors le capitalisme n'en est pas un, puisque l'endettement à l'infini EST le b.a.-ba du capitalisme financier, tout comme le "bitcoin". Il faut préciser que ce sont là deux modalités financières, à la fois extra-économiques et purement mathématiques.

    Le capitalisme étatique, qui est la doctrine antimarxiste de J.-L. Mélenchon, est une sorte de cigarette dotée d'un filtre : elle retarde peut-être l'effet du cancer, mais elle a l'inconvénient de le dissimuler mieux qu'une cigarette sans filtre.

    Disons pour conclure pourquoi la critique marxiste s'oppose au "partage équitable des richesses" : non seulement elle permet de comprendre pourquoi la théorie d'un Etat honnête régulant un Capital malhonnête est une leurre, mais la critique marxiste s'oppose à la théorie totalitaire du bonheur quantique, proportionné aux revenus du Capital.

    L'égalitarisme n'est autre que la formulation juridique du bonheur quantique totalitaire. La critique marxiste rejoint sur ce point Orwell : l'illusion égalitariste est un mirage capitaliste - pire, un nihilisme déguisé en idéalisme : c'est le chiffon rouge agité par le toréador pour mieux planter ses dards dans le taureau : le peuple, réduit à une masse.

    Bien mieux que J.-L. Mélenchon qui s'assied dessus, la critique marxiste est propice à restaurer l'esprit critique des Français, face à un régime oligarchique qui s'époumone en discours démagogiques divers et variés. La dissolution de l'Assemblée n'est pas une tactique du chef de l'Etat seul : c'est un moyen constitutionnel typique d'une institution bonapartiste, cautionnée par l'ensemble de la classe politique et au-delà. Le risque de "guerre civile" vient du sommet de l'Etat, et cela depuis Napoléon III, qui la déclencha.

    Mélenchon et ses militants antifachistes romantiques feraient mieux de se souvenir que, si les massacres de la Commune de Paris sont imputables à Napoléon III et aux industriels qui le soutenaient, la Commune était vouée à l'échec, un échec dont le petit peuple de Paris a payé le prix, exactement comme la ligne de défense ukrainienne paie le prix de la rivalité sinistre entre le bloc russe et le bloc OTAN.

    Les Gilets jaunes ont montré l'exemple bien plus utile d'une résistance passive aux injonctions de l'oligarchie et ses employés. En participant aux élections européennes, les partis de Le Pen et Mélenchon ont rétabli la Commission dans ses droits et piétiné la défiance utile répandue par les Gilets jaunes.

    Mélenchon et Bardella se plaignent des maléfices d'un système qu'ils contribuent à alimenter : ils entraînent une partie de l'opinion publique sur le terrain de la tactique électorale où l'oligarchie et ses employés n'ont de cesse d'entraîner les Français.

  • Mélenchon contre Arendt

    Lors d'un "talk show" sur une chaîne publique française, où des politiciens mélangés à des membres du "show-business" répondent aux questions de journalistes plus ou moins impertinents, l'un de ceux-ci apostrophe Jean-Luc Mélenchon, candidat communiste représentant les derniers ouvriers du pays ; celui-ci venait de traiter de "menteurs" un certain nombre de politiciens concurrents.

    - Le mensonge n'est-il pas inhérent à la politique, comme le dit Hannah Arendt ?

    - Non, on n'est pas obligé de croire tout ce que dit Hannah Arendt.

    A l'appui de cette affirmation de Hannah Arendt, des milliers d'années de politique et de gouvernement des hommes jusqu'à aujourd'hui. Dans "La Crise de la Culture", où l'essayiste allemande fait de la culture de masse dans laquelle nous baignons actuellement un élément caractéristique du totalitarisme, Arendt précise que l'affirmation de Mélenchon, la prétention des politiques modernes à dire la vérité ou s'y conformer est également une caractéristique des régimes totalitaires modernes.

    Le mensonge de Mélenchon (qui n'a rien de "marxiste", contrairement à ce qu'il semble penser), est facile à déceler : c'est l'égalité. La promesse du droit moderne d'un monde égalitaire, promesse dont l'usage principal est de tenir les peuples opprimés en haleine. Si K. Marx n'est pas un philosophe totalitaire, c'est parce qu'il se garde d'énoncer la liberté ou la vérité en termes juridiques.

    Le mensonge contenu dans l'utopie égalitaire, bien plus démocrate-chrétienne que marxiste, que ce mensonge soit volontaire ou non, est au service d'un autre mensonge plus puissant - le machiavélisme bourgeois. Le populisme est, entre les mains des élites bourgeoises, une arme à double tranchant. La manipulation du peuple est proche de celle des explosifs. Les élites s'en servent comme d'une arme contre leurs rivales, en même temps qu'il peut leur arriver d'être désarçonnées brutalement par la violence populaire, entretenue aujourd'hui notamment à travers la culture de masse.

    C'est l'apparence de démocratie qui exige d'un politicien qu'il s'exprime "au nom de la vérité", c'est-à-dire qu'il dissimule bien mieux son mensonge que les tyrans de l'antiquité.

    A noter que le tribun communiste, qui a écrit un pamphlet contre l'Allemagne de Mme Merkel, se sent obligé de rendre hommage à la "pensée allemande" et de citer des philosophes qui lui ont servi de pères spirituels, aussi divers que Marx et Kant.

    Marx, s'il est de nationalité allemande, a rejeté l'idéalisme allemand de Hegel à l'aide de la philosophie matérialiste anglaise du XVIIIe siècle, principalement. Marx n'est donc pas très allemand. La pensée allemande mérite surtout l'éloge des technocrates et des représentants d'institutions technocratiques. Il semble que la mécanique influe sur les Allemands jusque dans leurs écrits philosophiques. Il est plus juste de faire à cette nation crédit de l'automobile.