Misère de l'édition française. Au rayon "Fruits et légumes", il n'y a peut-être plus de saisons, mais je vous garantis que dans les supermarchés culturels il en va autrement. Après la rentrée littéraire, la saison des prix, voici venue la morte-saison des petites vendanges. Eva Kristina, Stéphanie Pollack, Fanny Carel, Camille de Peretti, Élise Fontenaille, Colombe Schneck, Cypora Petitjean-Cerf, Karine Tuil, Blandine Le Callet, elles me font penser à ces grosses pommes granny vertes, tellement dures qu'il est impossible de mordre dedans, mais que les ménagères achètent quand même parce qu'elles brillent.
Elles ont un principe commun ces romancières, je regrette si j'en oublie : un style quelconque, imité d'un imitateur de Céline ou de Proust, pas trop de pages, pas trop de vagues, et surtout un bandeau avec la photo de leur frimousse presque jeune dessus ; c'est important que la consommatrice puisse s'identifier. Espoir de "jackpot"… Une chance sur dix ? Une chance sur cent ? Une chance sur mille ? N'importe, ça serait vraiment trop con de ne pas tenter sa chance, même si elle est infime, d'être un jour cotée au Salon du Livre, comme Amélie Nothomb.
Sur ce segment de marché, les publicitaires ont l'imagination particulièrement frileuse, comme une ménagère qui attend la ménopause en bouquinant. Aucun éditeur ne tente le coup du jeune écrivain musclé exhibant une bite avantageuse en couverture. Je note tout juste un : « La critique et le public l'ont déjà épousée. » un peu vulgaire, mais qui suffira peut-être, qui sait, à distinguer la jeune mariée ?
Au moins Sunsiaré était jolie.
Sur la couverture du premier bouquin de Raphaël Enthoven, il n'y a pas sa photo avec un sourire ou un regard. C'est sans doute, pense-t-on, qu'on est dans le domaine de la littérature.