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  • Marx au pays des menhirs

    Un peu plus et j'oubliais ce que j'étais venu faire dans ce rayon. Les bouquins de Marx et les bouquins sur Marx sont malheureusement classés au rayon "Philo" : contre le poids des préjugés, il est difficile de lutter.

    Yves Quiniou, ça tombe à pic, se propose de bousculer quelques-unes des idées reçues sur Marx. Décidément, après le Père Le Calvez, encore un Breton… On peut dire que la Bretagne participe à l'exégèse marxiste ! Il est vrai que Marx a été exilé dans le Morbihan, je crois - mais ceci est une autre histoire.

    Et puis des bouquins autour de Marx, il y en a des centaines, des milliers, une vraie jungle. Autant éliminer Jacques Ellul tout de suite, obscur penseur démocrate-chrétien qu'on réédite parce qu'il ne mange pas de pain ; fatras incohérent, même pas sûr qu'Ellul ait vraiment pigé le propos de Marx…
    R. Aron est plus intéressant, mais un peu trop "pontifiant" à mon goût, pas assez dynamique, un centriste de plus. Althusser n'est pas mal non plus, le cas d'un professeur qui étrangle sa femme, c'est forcément plus pittoresque que le cas d'un travailleur de force qui étrangle sa femme. Sur la différence entre la vision de Hegel et le regard critique de Marx, Althusser dit des choses intéressantes ; le seul problème c'est qu'il s'exprime sous le contrôle du PCF et que ça l'oblige à alambiquer son propos au maximum pour que les cadres du Parti ne le comprennent pas.

    Le livre de poche de Quiniou est assez clair. Sur Marx et la démocratie, par exemple : l'égalitarisme démocratique ne coïncide pas avec l'idée d'égalité qu'il y a chez Marx. L'idée du partage "équitable" des richesses, défendue par les terroristes de la Convention française, ou plus "médiatiquement" par Besancenot aujourd'hui, cette idée qui s'appuie concrètement sur la jalousie des moins riches vis-à-vis des plus riches, elle n'appartient pas à Marx. Ce que Marx explique et voulait combattre, c'est l'oppression du Capital, une oppression dont les capitalistes eux-mêmes sont les victimes. Un raisonnement "qualitatif", pas "quantitatif". D'ailleurs Marx méprise l'argent.
    S'il ne se trouve aucun homme politique pour répliquer à Besancenot qu'il est écœurant et ridicule à force de pédaler derrière la cassette du CAC 40 en prenant des airs de moujik joufflu opprimé, c'est parce que ce sont tous des libéraux - de droite ou de gauche. Au fond ils partagent le même idéal que Besancenot.

    De l'athéisme de Marx aussi Quiniou est précis. Peut-être ne va-t-il pas assez loin ? Sur les questions religieuses, j'ai tendance à me méfier des Bretons, des païens christianisés en surface, à l'image des menhirs christianisés qu'on voit parfois en plein champ de maïs génétiquement modifié.
    Bref, voici la citation de Marx que Quiniou commente en disant qu'elle n'est pas vraiment athée : « C'est l'homme qui fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. » Je dirais même plus, non seulement cette manière de présenter les choses n'est pas athée, mais elle est conforme au récit évangélique, puisque Jésus bâtit son Église sur les épaules d'un homme, Simon-Pierre. Cette citation peut choquer un protestant à la limite, mais pas un catholique. Maurras, par exemple, est plus choquant lorsqu'il réduit le christianisme à un mythe - sans parler des démocrates-chrétiens qui admettent la relégation de Dieu dans une sphère privée fictive en se fondant sur une interprétation truquée de l'Évangile de Matthieu.

  • Au rayon "Jouets"

    J'ai trois points communs avouables ici avec Raphaël Enthoven - Raphaël Enthoven de chez « Enthoven et Cie, Philosophes médiatiques de père en fils ». Le premier c'est que j'ai désiré coucher avec Carla Bruni. Quand j'avais seize ou dix-sept ans, un soir, devant le poste de télé, elle a même incarné pour moi brièvement l'idéal féminin. Au plan spirituel s'entend, car c'est son élocution qui m'a mystifié, l'Italie qui sortait d'elle, pas ses miches de rat. J'ai revu Carla Bruni récemment, pistonnée par son mari, dans une émission littéraire. Le charme s'est rompu. Je dois dire que les visages modifiés par la chirurgie esthétique me mettent très mal à l'aise. Il y a quelque chose de démoniaque dans ces faces à moitié momifiées.

    Le deuxième point commun, c'est que si j'avais couché avec Justine Lévy, je l'aurais certainement abandonnée aussi, comme Raphaël Enthoven. Si mon propos paraît obscur, c'est sans doute qu'il est philosophique.

    Troisième point : comme le titre du premier bouquin d'une longue série que Raphaël E. vient de publier l'indique, celui-ci considère la philosophie comme un jeu d'enfant. Là encore je dis : "banco" ! Dans le cas de Raphaël, j'ajouterais même : un jeu d'enfant gâté. Voyons un peu quels auteurs il cite dans son "premier bouquin" : Nitche, Cioran, Bergson, Schopenhauer, Montaigne… Ouf ! Non parce qu'à côté des pirouettes de Cioran, des galipettes de Montaigne ou des numéros de clown de Nitche, il y a des jeux d'enfants gâtés beaucoup plus chiants - comme Heidegger, Lévinas, Jeanne Arendt, voire Finkielkraut ou Steiner pour les enfants de la classe moyenne.
    Le cas de Raphaël E. n'est donc pas désespéré.

  • Petite mise à jour

    Chose promise, chose due, voici la mise à jour 2007 du Dictionnaire des idées reçues. Elle s'imposait vu que depuis Flaubert le climat a un peu changé. Si je ne m'abuse il y a une sorte d'accélération et les préjugés eux-mêmes ont tendance à s'user plus vite. Voyez la pédérastie par exemple : remise à la mode dans les années soixante-dix, trente ans plus tard la société la fustige unanimement, jusqu'aux sites ouaibe où l'on fait commerce de films et de matériel pornographiques ! Même les préjugés sont fragiles désormais…

    Mise à jour 2007

    - A -

    ACHILLE : Ajouter "le talon de”, ça donne à croire qu'on a lu Homère.

    ATHÉE : Personne peu influençable. Un peuple d'athées ne saurait périr.

    - B -

    BACCALAURÉAT : Graal moderne.

    BLONDES : Plus bêtes que les brunes.

    BONNE : Le repos du curé de campagne avant le Concile. Dire "Nounou" est plus correct.

    - C -

    CAPOTE (anglaise) : Dans le sac-à-main des jeunes filles rangées.

    CÉLIBATAIRE : Une vocation comme une autre. Le célibataire est surtaxé. Exige un héritier.

    CENSURE : Enfin abolie.

    CÉRUMEN : "Cire humaine", se l'ôter régulièrement pour mieux profiter des programmes télé.

    CHASSE : Réservée au brutes sanguinaires en voie de disparition. « Un lapin a tué un chasseur, pan ! »

    CHRISTIANISME : Une secte pas plus prospère que les autres, en définitive.

    CYNISME : Diogène était devenu un peu fou à force de s'exposer aux rayons du soleil.

    CLASSIQUES (les) : Ringards célèbres.

    COCU : S'accorde au féminin aussi. Tend à disparaître comme le mariage.

    COLONIES (nos) : S'indigner quand on en parle.

    CONCESSIONS : Le ciment du couple.

    CONVERSATION : Le sexe en est le sel.

    - D -

    DESSERT : Meilleur sans sucre.

    DICTIONNAIRE : Un volume rassurant. Larousse ou Robert ?

    DICTIONNAIRE DES SYNONYMES : Pourquoi tant de mots ? Pourquoi tant de dictionnaires ?

    DIEU : Confort intellectuel. Quelques personnes âgées y croient encore - inutile de les détromper.

    DIVORCE : Privilégier la formule dite "à l'amiable". Blesse moins les enfants que les bris d'assiettes.

    DOULEUR : Perversion des sens. La morphine n’a pas été inventée pour les chiens.

    DRAPEAU NATIONAL : En vente dans les stades de foot.

    DROITS : Nul n'est censé ignoré les siens.

    DOUTE : Est nécessaire pour croire.

    - E -

    ÉGOÏSME : Revers de la médaille.

    EMAIL : Pester contre les "spams". Seuls les snobs disent "courriel".

    ÉTÉ : Canicule. Il n’y a plus de saisons.

    - F -

    FAISCEAUX : À l'origine du fascisme. Ne pas oublier d’éteindre ses phares.

    FEUILLETONS : Principal sujet de conversation (Voir "conversation").

    FŒTUS : Terme technique. Amas de cellules vivantes potentiellement appelé à remplir la condition humaine. Intéresse l’industrie pharmaceutique.

    FONCTIONNAIRE : Juron répandu. Idéal répandu.

    FONDS SECRETS : Servent à acheter des petits fours.

    FOULARD : Remis à la mode par les musulmans. Cause d’hécatombes dans les cours de récréation. Hantise des instituteurs.

    FRANC-MAÇONNERIE : Dépassée par la Scientologie.

    - G -

    GRAMMAIRE : Vieilli. Mère Fouettard. Fait peur aux enfants et à leurs parents.

    GRAS : Matière bourgeoise. Ne pas dépasser 40 %.

    - H -

    HALEINE : La garder fraîche est un véritable sacerdoce.

    HUILE D'OLIVES : Vierge. Pressée à froid. L'italienne est la meilleure. Aphrodisiaque.

    HYSTÉRIE : Sans rapport avec l’utérus. Pas d'automédication ni de gifles. Consulter un psy.

    - I -

    IMPRIMERIE : Menacée de disparaître.

    IMAGINATION : Les enfants et Jacques Séguéla en ont beaucoup.

    INFANTICIDE : Pas de confusion possible avec l'avortement.

    INHUMATION : En chansons. La crémation permet d'éviter les vers.

    INNOVATION : Leitmotiv. Exemples marquants : le fil à couper le beurre, le string.

    INQUISITION : Peut revenir. Rester vigilant.

    - J -

    JÉSUITE : Sorte de prêtre particulièrement pervers. Porte un uniforme.

    JOUIR : Bruyamment.

    - L -

    LITTÉRATURE : Intimidante. Ni entr'acte ni pop-corn.

    LATIN : Déclin des déclinaisons : un scénario, des scénarii. Même l’allemand est plus utile.

    - M -

    MACHIAVEL : Ne pas l'avoir lu, mais le regarder comme un génie.

    MAHOMET : Misogyne ET polygame.

    MALADE : Ne pas dire qu'on est "en bonne santé" mais "hypocondriaque" si on veut être remboursé.

    MALTHUS : Incompris pendant deux siècles.

    MARSEILLAIS : Plus sympathiques que les Parisiens. Accent chantant (la "Marseillaise").

    MISSIONNAIRES : Ont inventé une méthode d'accouplement fastidieuse.

    - N -

    NÈGRES : Vocabulaire primitif.

    - O -

    OPTIMISTE : Citoyen vertueux.

    - P -

    PARADOXE : Se dit toujours sur le bd St-Germain, entre deux bouffées de cigarette light.

    PAUVRETÉ : Faible pouvoir d'achat. Épée de Damoclès. Investir dans la pierre.

    PÉDÉRASTIE : Amalgame utilisé pour flétrir les homosexuels.

    PHILOSOPHIE : La recette du bonheur. Existe en plusieurs parfums.

    POÉSIE : Elle est partout, surtout dans les aires d’autoroute.

    PRÉJUGÉS : Notre époque en a peu.

    PUCEAU/PUCELLE : Se percer l’hymen ou ronger son frein de toute urgence pour échapper aux quolibets.

    - R -

    RELIGION (La) : Le haschisch est la religion du peuple.

    RÉPUBLICAIN : Ça va de soi, mais ça va encore mieux en le disant.

    ROMAN : Peut rapporter gros.

    - S -

    SAINT-BARTHÉLÉMY : Prémices de la Choa.

    SUICIDE : Geste républicain. Jospin y a songé. Carence en vitamines et en fer.

    - T -

    TEMPS : Subjectif au début, de moins en moins vers la fin. Un temps peut en cacher un autre.

    - V -

    VOLTAIRE : Valeur sûre.

  • Pourquoi pas Flaubert ?

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    Pourquoi Flaubert ne figure-t-il pas au programme de mes lectures futures, pas plus que Balzac, au contraire de Villiers, Saint-Simon, Pound, Loti ou Gobineau, que je connais mal et que je désire approfondir ?
    Est-ce d’avoir été contraint d'apprendre Madame Bovary à l’école, parmi tant de matières oiseuses, qui explique cette allergie ?
    Ou ne serait-ce pas plutôt une adaptation filmée, profondément ennuyeuse, avec une actrice rouquine plate et laide, à contresens de surcroît, de Madame Bovary ? Ou est-ce encore de n’avoir pu dépasser les dix premières pages de Salammbô ni de Bouvard et Pécuchet ?

    Le Dictionnaire des idées reçues, ouvrage léger, a néanmoins retenu mon attention quelques instants - dans un souci d’analyse politique et sociale. Flaubert y raille les préjugés de son époque. J’ai d’abord été vexé de voir que je partageais quelques-unes des idées reçues des contemporains de Flaubert. Celle-ci en particulier :
    « MOUSTIQUES : Plus dangereux que n'importe quelle bête féroce. »
    (L'occasion de remarquer que, comme le reste, les préjugés s'héritent, car celui-ci est dans ma famille depuis longtemps et j'entends bien le transmettre à mes enfants potentiels.)

    Au terme de cette lecture, plusieurs constats sociologiques s’imposent :
    - Une courte majorité des préjugés contemporains de Flaubert a résisté à l’usure du temps. Voilà pour la continuité, mais concernant tous les préjugés qui touchent à ce qu’il est convenu d'appeler "la culture générale", elle-même toujours un peu "conventionnelle", on observe qu’ils ont disparu en même temps que cette culture générale-là. C'est rassurant : il n'est pas en définitive si ridicule de partager certains des préjugés de la deuxième moitié du XIXe siècle !
    - Incidemment j’ai noté un certain nombre d’idées reçues dont le postulat s'est inversé et qui creusent donc aussi un fossé entre notre époque et celle de Flaubert, et je me suis attelé aussitôt à une petite mise à jour - bientôt disponible sur ce blogue.

  • Dans la chaleur de l'hiver

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    Ayant connu des déboires avec plusieurs femmes intelligentes successives, j’étais bien décidé désormais à ne m’accoupler qu’avec une sotte. Je me mis à fréquenter plus assidûment le rayon "Développement personnel" de la Fnac des Ternes.
    Chercher une sotte dans une librairie peut sembler un paradoxe, mais le rayon “Disques” ou “Dévédés” était au-dessus de mes forces, de toute façon.
    « Connais-toi toi-même. », dit la sagesse grecque : c’est d’abord être conscient de ses limites !

    Ledit rayon grouillait et j’eus bientôt dans le collimateur le specimen désiré : une gonzesse très bien roulée, mais surtout très sotte ; aucun doute possible là-dessus, elle était en train d'éplucher un bouquin publié chez Odile Jacob, je ne sais plus trop lequel, un essai de Boris Cybernik, quelque chose dans ce goût-là.

    Je m’étais coiffé ce jour-là en arrière, pour découvrir le plus largement possible mon front, partant du principe que les grands fronts séduisent forcément les sottes, et j’avais enfilé, une fois n’est pas coutume, un pantalon en laine repassé ; les sottes aiment le repassage aussi.
    Je ne doutais pas dans ces conditions de faire mouche ; plein d’assurance, j’adressai donc à cette créature idéale un sourire aussi américain que possible, en m’inspirant du style un peu niais de Gary Cooper, par-dessus le bord d’un livre pris au hasard. Comme prévu, la réaction de la donzelle ne se fit pas attendre, elle se mordilla la lèvre. C'est à partir de là que les choses ont mal tourné… J’ai voulu faire une pause, changer un peu de regard, j'ai baissé les yeux et, machinalement, j'ai lu dans le bouquin qui me servait d'alibi :

    Mordillement des lèvres : Ce geste illustre un malaise évident. Elle a peur d’être dépossédée, s’il s’agit de sa lèvre inférieure. Elle est débordée ou surmenée si elle mordille sa lèvre supérieure.

    Quelle coïncidence ! Le nom de l'auteur : Joseph Messinger, un analyste du comportement corporel humain. La quatrième de couverture m'informa qu'il s'était déjà vendu deux cent mille exemplaires de ce traité des gestes et tics dans tous les rayons "Développement personnel" de France. Et, pour une fois, c'était mérité, Messinger y développait une vraie science, basée sur l'observation attentive, à mille lieues des supputations fumeuses de Freud ou de Boris Cytronchik.
    Mais lorsque j’ai relevé la tête, ma gonzesse n'était plus là, dame, elle en avait profité pour s’échapper. Vaguement dépité, je renonçai à la poursuivre dans les escalators.

  • Confessions intimes

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    J'ai fait un curieux rêve hier soir après avoir éteint la télé, feuilleté quelques pages d'un des cinq bouquins que je lis en alternance en ce moment, et m'être endormi sans effort. J'étais dans un vaste bureau en compagnie de Jean-Marie Le Pen. Il y avait un très beau Bouguereau accroché au mur. Tout indiquait dans ma posture, je me tenais assez raide sur une chaise, sur les genoux une serviette en cuir et sur l'oreille un crayon de bois, que j'avais été embauché comme secrétaire particulier par le Président du Front National. Pas depuis longtemps, parce que j'essayais de deviner en plissant les yeux les titres des bouquins dans les vitrines en attendant que le Président, penché sur une lettre, daigne m'adresser la parole.

    Je sais d'où vient ce rêve. Outre la confidence de Le Pen, l'autre jour, sur son manque de foi dans la construction européenne, j'ai retenu aussi qu'il s'apprête à écrire ses mémoires, pour régler des comptes personnels. Eh, eh, voilà qui est intéressant et qui nous change des bilans comptables et des estimations habituels. Déjà que je n'aime pas les chiffres, si en plus de ça ils sont bidonnés, je ne vois vraiment pas l'intérêt de se prendre la tête avec.

    Le Pen s'est raclé la gorge et m'a demandé quel titre je pouvais lui suggérer pour ses mémoires ? J'ai un peu bredouillé, vu que je m'attendais pas à cette question : « Pourquoi pas Les Confessions… comme saint Augustin et Jean-Jacques Rousseau ? »
    Il n'a pas eu l'air convaincu, ou alors c'est ma précision sur saint Augustin et J.-J. Rousseau qu'il a trouvée un peu impertinente ? J'ai essayé de me rattraper en disant que le coup de Rousseau, de faire planer la menace de révélations fracassantes et de ne publier ses mémoires qu'à titre posthume était génial, qu'il devait absolument l'imiter - qu'on pouvait même perfectionner l'idée…

    À ce moment-là, Marine est entrée en coup de vent, elle a traversé le bureau en trombe, elle a pris un dossier sur le bureau de son paternel, et elle est repartie aussi sec sans même m'accorder un regard… La suite du rêve m'échappe. La seule chose dont je sois sûr, c'est que ça se terminait pas en cauchemar.

  • A Handful of Dust

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    Des cérémonies religieuses de mon enfance je ne garde pas un souvenir aussi ému que Chateaubriand ou Brassens. Il est vrai qu'il est difficile d'avoir un souvenir plus ému de soi-même enfant qu'un inverti (léger) comme Chateaubriand !
    Et puis je n'ai pas connu le faste des cérémonies, aboli déjà depuis un laps, et qu'une nef sombre seule rappelait, et quelques ciboires massifs relégués dans un coffre ouvert à tous les voleurs. "Donner l'argent des autres", "Demander le pardon des péchés de son grand-père", "Prier aussi Bouddha", j'ai été élevé dans les nouveaux dogmes.

    Pas d'enthousiasme, mais pas de dégoût non plus, sauf pour la cérémonie du Vendredi saint. S'agenouiller devant une statue et lui baiser les pieds, je trouvais ça déshonorant et indécent. Je renâclais. Un fond de puritanisme ? Peut-être bien. Aujourd'hui, je m'agenouille sans effort, mais ce que je trouve ridicule, c'est le petit coup de chiffon de l'acolyte pour essuyer les pieds de Jésus crucifié, après chaque baiser ; ça me rappelle que l'Église n'a pas encore fini d'être hygiénique et démocratique. On peut prévoir un petit sursaut esthétique, dans un réflexe de survie, vers la fin, et puis plus rien, le désert ou la jungle.

    Mais n'anticipons pas ; aujourd'hui, mercredi des Cendres, le premier vicaire rappelle le règlement en vigueur : « Pour les personnes âgées de dix-huit ans au moins et en bonne santé, le jeûne est obligatoire, pas plus d'un "vrai" repas par jour ! »
    À ce régime-là, qui est le meilleur régime pour rester éveillé, si les catholiques étaient plus nombreux, on entrerait en récession économique !

  • Parallèle cubiste

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    C'est le hasard si je lis en ce moment en parallèle deux biographies, celle de Roger Nimier (1925-1962) et celle de Pablo Picasso (1881-1973). À première vue, tout semble séparer ces deux types. Pas de risque de confusion, j'ai pensé d'abord : autant Nimier est grand, autant Picasso est petit, autant Nimier est large, autant Picasso est pingre, autant Nimier est fidèle, autant Picasso est lâche, autant Nimier doute, autant Picasso est sûr, autant Nimier est anticonformiste, autant Picasso est communiste.

    Le hasard car je ne m'attendais pas à ce qu'on m'offre la biographie de Nimier par Marc Dambre le jour où j'ai acheté celle de Picasso par Arianna Huffington. J'étais prévenu contre la biographie d'Huffington ; elle est Américaine et je ne devais donc pas espérer beaucoup de subtilité psychologique de sa part. De fait, A. Huffington ne peut s'empêcher de réitérer sa désapprobation féministe dès qu'il est question des conquêtes de Picasso, à chaque nouveau chapitre par conséquent, alors que personnellement je trouve que c'est un des aspects les plus sympathiques du personnage. Néanmoins l'aspect documentaire de cette biographie m'attirait. A. Huffington a en effet compulsé bon nombre de bouquins et d'articles sur son sujet, avant de composer son ouvrage, et elle n'a pas "poussé les mégots sous le tapis".
    Même si A. Huffington préfère s'en prendre à la statue de Don Juan plutôt qu'à celle du Commandeur, on sent que déjà la gloire de Picasso entre dans l'ombre. Après tout Picasso appartient au moins autant aux Amerloques qu'à nous, ils peuvent bien jouer avec sa cote si ça les amuse.

    Plus sérieusement, ne peut pas se poser des questions sur l'art spéculatif - et je m'en pose quelques-unes -, sans se pencher un minimum sur les spéculations de Picasso, largement inspiré par un rhéteur plus habile que lui, à savoir Apollinaire. Madame Huffington les cite l'un et l'autre assez souvent. Un exemple comique de jugement de Picasso sur Pollock, par exemple :

    « Je suis contre ce genre de peinture : je crois que c’est une erreur de se laisser complètement aller, et de se perdre dans un geste, cette foi en l’acte pur me déplaît énormément. Ce n’est pas que je m’accroche à une conception rationnelle de la peinture. Je n’ai rien de commun avec un homme comme Poussin, par exemple. De toute façon, notre inconscient est si fort qu’il s’exprime toujours d’une manière ou d’une autre, en dépit de nous. »

    Il y a dans cet arrêt toute l'impudence naïve de Picasso, sa foi dans les idoles du moment. Il ne voit pas qu'il tend des verges pour se faire fouetter, ou plutôt il s'en moque, ses bêtises n'ont-elles pas toujours été couronnées de succès ? Quel besoin a-t-il lui-même, Picasso, de rajouter des arêtes, des angles et des saillies dans sa peinture ? N'y en a-t-il pas assez dans la nature ? Et puis, surtout, on ne peut pas jouer sur la spéculation et en même temps vouloir la stopper lorsqu'on le désire.

    À la réflexion, il y a quand même ce point commun entre Nimier et Picasso qu'ils sont tous les deux des génies précoces, gâtés par leurs mères. La spéculation non plus n'est pas étrangère à Nimier, elle est même sans doute plus spontanée chez lui. Et la vitesse, bien sûr, qui n'aura pas été fatale qu'à Nimier. Comme quoi on n'échappe jamais complètement à son époque.

  • Campagne profonde (2)

    Le piment de Le Pen, c'est qu'il chahute l'"establishment". La partie de tennis démocratique qui se joue, si Le Pen n'était pas là pour ruer dans les plates-bandes et chiper la balle de temps en temps, serait d'un ennui mortel ! Ou alors il faudrait deux femmes, et non pas une seule, qui se crêperaient le chignon sans retenue sous nos yeux.

    L'ennui mortel, en revanche, est typique de la littérature démocrate-chrétienne, de Paul Bourget (qu'on réédite !) à Éric-Emmanuel Schmitt ; en toute logique les démocrates-chrétiens haïssent donc Le Pen - du bout des lèvres, comme tout ce qu'ils font. S'ils n'avaient pas enterré le diable, ils penseraient : « Ce Le Pen est diabolique ! ».

    Aussi le spectacle de la métamorphose de Bayrou - qui essaie de "s'hybrider" pour les besoins de son élection -, est-il assez étrange. Il peine à trouver son style. Appliquer la recette de Le Pen ne suffit pas, encore faut-il avoir le tournemain… On dirait que Bayrou drague un type d'électeur qui n'existe pas, un électeur théorique (En dehors de fournir un nouveau sujet de conversation aux journalistes, je lui vois un autre point commun avec Chevènement, à Bayrou : un orgueil disproportionné.)
    Bon, mais j'ai du mal à rester concentré plus de deux minutes sur ce que dit Bayrou ; qu'il soit dans son costard de démocrate-chrétien ou dans son nouveau déguisement de Zorro, il me fait bâiller.

    Retour, donc, à Le Pen, tangent à l'hémicycle, pour reprendre une des ces comparaisons géométriques que les philosophes affectionnent tant. Il m'a fait sursauter l'autre jour lorsqu'il a avoué qu'il avait perdu sa foi dans l'Europe après être allé reconstruire des digues effondrées sur la côte hollandaise, lorsqu'il était encore étudiant. Il aurait de ce jour-là compris que le désir d'un destin commun n'existait pas dans la tête des citoyens des différentes nations européennes… En voilà une triste idée ! Aller chercher le sentiment européen en Hollande, primo, ça n'a pas de sens, les Bataves ont toujours combattu tout ce qui est latin, à l'exception de la monnaie latine.
    Deuxio, Le Pen a une curieuse conception de l'Histoire s'il croit qu'elle ne peut pas se passer des desideratas du peuple. Qui peut dire ce que désire le peuple ? Lui-même ne le sait pas.
    S'il avait fallu attendre le désir des Bretons d'être Français, les Bretons en seraient encore à échanger des fables dans leur dialecte et Le Pen ne saurait pas se servir de La Fontaine pour railler ses adversaires. Finalement il n'y a pas que Bayrou qui soit hybride.

    Je crains que ce sentiment de Le Pen, qui existait aussi chez Mitterrand et chez Chirac, ne trahisse en fait le vieux préjugé persistant des Français vis-à-vis des Allemands, entretenu par la République française depuis plus d'un siècle. Qui sait si dans quelques lustres, à cause de notre orgueil et de notre philosophie, nous ne serons pas obligés d'accepter de nouveau sans discuter toutes les conditions que l'Allemagne, réformée, nous dictera ?

  • Kirche, Küche und… Kapital !

    Ce coup-ci, ça y est, avec la célébration de la Saint-Valentin cette semaine dans les églises du diocèse de Paris, je crois qu'on a touché le fond. Pas le fond du mauvais goût, non, ça ça ne date pas d'aujourd'hui, et l'Église peut sans doute survivre longtemps au ridicule. Là c'est plutôt le summum du MARKETING qui est atteint. Et c'est sans doute plus grave.

    Il ne faut pas se raconter de blagues mystiques, de tout temps les évêques se sont majoritairement soumis aux diktats contraires des autorités politiques, y compris dans le domaine de la morale. Les martyrs, les Thomas More, sont plutôt rares. Je ne nie pas leur courage, mais même les prêtres réfractaires, pour beaucoup d'entre eux ont été soutenus par tout un corps social, un corps social menacé, certes, mais un corps social quand même.

    Mais la soumission empêche-t-elle le rappel des principes catholiques aux ouailles catholiques ?
    À propos du mariage, qu'en est-il, quel est le modèle que l'Église propose désormais, en quoi est-il différent du modèle laïc ? J'écoutais l'abbé de La Morandais l'autre jour, invité à la télé pour y défendre le mariage chrétien, et pourtant La Morandais n'est pas le plus soumis des prêtres, eh bien pas une seule fois en une heure de plateau il n'a parlé de la famille, des enfants ! Pas une fois : « Le couple, le couple, le couple… »
    Le Père La Morandais s'est contenté d'une morale, disons… stoïcienne, ce qui est toujours mieux que la morale petite-bourgeoise, dans un régime démago-capitaliste, je ne dis pas, mais que restera-t-il du catholicisme en Europe lorsque le clergé l'aura converti entièrement en une morale stoïcienne ?

    Contre la philosophie contemporaine de la morale sexuelle catholique, un peu d'Histoire : la question de la limitation des naissances obsède les féministes depuis au moins un siècle aux États-Unis, dans cette grande nation entièrement dévouée à l'accumulation des richesses. Y compris les féministes catholiques, suffisamment organisées pour faire pression sur les cardinaux réunis au Concile de Vatican II et les obliger à théoriser sur la limitation des naissances, ce qu'ils n'étaient pas disposés à faire a priori (Pour plus de détails sur les circonstances de ces pressions féministes, on se référera au théologien J.-M. Paupert.)
    Ces pressions féministes ont abouti à forger de toutes pièces ce que certains démocrates-chrétiens appellent sans rire "la contraception naturelle" ; et tout un un blabla proprement écœurant sur le fonctionnement des ovaires que l'homme catholique moderne serait censé connaître par cœur. Pincez-vous, vous ne rêvez pas, vous êtes dans un presbytère et Monsieur le Curé vous donne un cours de morale sexuelle. Ah, ah, comme d'habitude, j'exagère, les prêtres ont tous désormais au moins bac+5, ça ne veut pas dire pour autant qu'ils parlent latin ni même hébreu couramment, mais ils sont capables de discerner en quoi cette prétendue méthode "naturelle" est en réalité la plus technique et la plus sophistiquée des méthodes de contraception disponible sur le marché occidental.

    Donc ce cours de morale sexuelle est confié dans les faits à quelque bigote de la paroisse, aussi fanatique que dévouée. Attention : si vous lui faites remarquer qu'elle débloque complètement, elle vous coupera les couilles, avec une demande d'excommunication envoyée à Rome subito presto.

    J'ai l'air de plaisanter comme ça, mais d'ici quelques années les catholiques n'auront presque plus affaire qu'à des gargouilles de ce genre. Et les bonnes sœurs ? il y aurait beaucoup à dire sur les bonnes sœurs, le nombre de martyrs parmi les prêtres qu'elles ont pu faire dans les années quatre-vingt, les obligeant à voter pour Georges Marchais, les poussant véritablement à l'alcoolisme ou à la démence. Je n'étais qu'un petit lapereau à l'époque, mais j'ai bonne mémoire.

    Au-delà des principes, qu'est-ce que ça change ? Un dialecticien futé pourrait me rétorquer : pas grand-chose. Les statistiques montrent que les familles chrétiennes ont plus d'enfants que les autres, et donc que la méthode Billings, ils l'appliquent par-dessus la jambe, ils ne connaissent pas le fonctionnement des ovaires par cœur, ils ne font que simuler. Heureusement d'ailleurs, ça serait quand même un comble que la plupart des catholiques ne connaissent plus leur catéchisme par cœur mais qu'ils possèdent la mécanique des ovaires sur le bout des doigts !

    Non, c'est plutôt la chasteté qui se trouve modifiée par ces laïus improbables, la chasteté si pénible à saint Louis (selon Jacques Le Goff).
    Dans la morale traditionnelle catholique, qu'on peut qualifier d'augustinienne, la chasteté est entre les mains du clergé. C'est le clergé qui décide des périodes d'abstinences, de les réduire pour faire plaisir aux hommes, de les étendre pour faire plaisir aux femmes. Dans cette morale sexuelle contemporaine de bigotes fanatiques, la chasteté, on l'a compris, est entre les mains des femmes elles-mêmes, désormais. Au fond, tout ces pouvoirs qu'elles n'avaient pas auparavant, d'où le tirent-elles ? Eh bien mais de la division du travail dans le mode de production capitaliste, pardi !

  • Deux clowns

    Deux clowns médiatiques : je ne sais pas par lequel commencer, le clown triste ou le gai clown ? Dantec ou Sollers ?

    Prenons-les dans l'ordre alphabétique. Faut être honnête, d'abord, et avouer que Dantec me fait beaucoup plus marrer que Véronique Olmi, Laurent Gaudé ou Éric-Emmanuel Schmitt (Si toutes les gonzesses qui lisent Éric-Emmanuel Schmitt votent pour Bayrou, il va être en tête au premier tour…).

    Sur un "forum de discussion catholique", parce qu'aujourd'hui tout est possible, j'apprends que Dantec est en train de lire un essai récent de Madiran (Une civilisation blessée au cœur), pour parfaire sa foi. Ben mince. C'est assez cocasse. Avec un peu de chance, il va peut-être enfin laisser tomber son refrain à la gloire de la démocratie en Amérique et arrêter de jouer au cow-boy et aux indiens virtuels avec les terroristes musulmans ? Ah, pardon, c'est pas des six-coups mais des carabines superbioniques, j'ai confondu. Si je l'ai bien lu, Madiran n'est pas spécialement un admirateur de Benjamin Franklin, Thomas Jefferson ou Abraham Lincoln. Si je l'ai bien lu, Madiran n'est pas un anticommuniste primaire, c'est pas parce que Le Monde a défendu la cause soviétique qu'il s'est jeté sur Le Figaro pour autant.

    Bref, on va enfin savoir si Maurice Dantec comprend les bouquins qu'il lit. L'étape suivante sera pour lui de piger les bouquins qu'il écrit.

    Du côté de Sollers, rien de nouveau, il continue de jeter de vagues rayons de culture nitchéenne par-ci, par-là. Il refuse d'abdiquer : « Non, l'époque où les écrivains tentent de faire oublier l'ennui mortel qui s'exhale de leurs romans en faisant les mariolles sur des plateaux de télé n'est pas terminée !! Pas tant que je vivrai ! »

  • Le pétrole et les idées

    Il y a un autre aspect de la civilisation yankie dont j'ai oublié de parler. Non pas la question de la politique étrangère néocolonialiste des États-Unis : je crois que quiconque compare avec honnêteté les méthodes coloniales françaises en Algérie aux méthodes néo-coloniales yankies en Irak est capable de tirer les conclusions qui s'imposent dans ce domaine.

    La question du melting pot yanki me revient en feuilletant un magazine pro-américain, papier de luxe, maquette soignée, avec beaucoup de photographies en quadrichromie ; Le Spectacle du Monde, ça s'appelle ; on nous promet du recul.
    On pourrait dire aussi de ce canard que c'est un canard "libéral de droite". Comment peut-on être libéral et de droite ? Mystère. C'est comme comment peut-on être démocrate et chrétien ? Remystère… La partition démocratique de la société en clans rivaux a produit des formules idéologiques assez bizarres, il faut bien dire.
    Peut-être Patrice de Plunkette - avec sa bonne tête de GI yanki -, a-t-il la réponse, lui qui incarne toutes ces contradictions ?

    Donc d'après un article dans le Spectacle du Monde, le melting pot est en voie de réussir aux États-Unis où les populations de races différentes se mélangent de plus en plus. Et de souligner le bénéfice de la politique de discrimination positive dans ce domaine, dont Sarkozy entend s'inspirer. Les gros sabots, quoi…
    La société yankie est à peu près stable, malgré les ghettos - ghetto homosexuel, ghetto noir, ghetto latino, ghetto chinois -, c'est vrai. Mais ce que l'auteur de cet article flatteur pour le melting pot oublie de dire, c'est que les bons sentiments, la morale démocratique ne sont pour rien dans cette stabilité. En fait d'amitié entre les races, c'est de manne en dollars dont il s'agit. Ce qui entretient la bonne humeur au États-Unis, c'est la croissance, la fameuse bulle spéculative. Qu'elle éclate et on verra ce qu'il reste des bons sentiments. Que les GI, en majorité des "blacks", contrairement à Patrice de Plunkette, se fassent massacrer en Irak, en Iran ou ailleurs, et on verra ce qu'il en est de la cohésion yankie. Il y a un autre pays métissé, plus au sud, et beaucoup moins riche, c'est le Brésil, et c'est un des pays les plus racistes au monde.

  • Campagne profonde

    Je ne sais pas si vous avez observé comme moi, c'est un phénomène typiquement démocratique, dès lors qu'un candidat est condamné à obtenir un score dérisoire, à partir de ce moment-là seulement on peut s'attendre à ce qu'il dise des choses sensées et qu'il s'élève ainsi au-dessus de la démagogie la plus grossière.

    C'est le cas de Dominique Voynet, qui se condamne elle-même à obtenir un score dérisoire, de peur de faire perdre Ségolène Royal. L'autre jour D. Voynet - beaucoup plus jolie à la télévision qu'en vrai, c'est la réflexion que je me faisais après avoir failli la percuter au sortir d'une bouche de métro avant-hier -, D. Voynet disait publiquement que la France est dirigée par les cinquante plus grosses sociétés capitalistes, et que c'est un obstacle politique majeur.
    Dominique Voynet nous fait partager ainsi le fruit de son expérience gouvernementale.
    J'ajoute tout de suite que je me tamponne du programme de Mme Voynet comme de ma première layette, les programmes politiques, c'est comme les constitutions, c'est fait pour les cons, les "blogueurs-citoyens", mais son diagnostic a le mérite d'être juste.
    Bien sûr que ça pose un problème d'être gouverné par Pinault, Arnault, Lagardère & Cie ! Il suffit de voir leurs goûts de chiotte !
    Je sais bien que cet argument-là n'est pas de nature à pénétrer ceux qui n'entravent que dalle à l'art, eh bien dans ce cas qu'ils fassent l'effort de se pencher sur la structure de l'économie yankie, qui nous sert de modèle de civilisation, c'est pas moi qui vais dissuader quiconque d'une analyse marxiste, évidemment…

    Je mets de côté l'industrie automobile, qui a fait la fortune de l'Empire américain et qui est en cours de délocalisation désormais. Non pas qu'il n'y a rien à dire là-dessus, ce phénomène de délocalisation est passionnant, comment un Empire peut abandonner pour des raisons économiques son industrie aux mains d'une puissance étrangère, ça n'est pas anodin ! On ne peut s'empêcher ici de penser encore à Marx pour qui le principal ennemi du capital, c'est le capital lui-même ; mais il faudrait analyser le phénomène de délocalisation de l'industrie américaine dans le détail, car le fait que cette industrie soit délocalisée en Chine ou en Amérique du Sud, par exemple, n'a pas la même incidence du tout.
    Je préfère prendre deux exemples plus simples et emblématiques. D'abord celui de la production de pilules. Comme chacun sait (il suffit d'avoir lu les premiers tomes de Lucky Luke), c'est un commerce florissant aux États-Unis, où on peut se procurer à peu près n'importe quelle poudre de perlimpinpin au drugstore d'à-côté, des cinq variétés de Viagra jusqu'à la créatine, les emphétamines, bref tous les produits dopants dont les papys et les mamies yankis adorent se gaver en regardant la télé. Sans les retraités yankis, on carburerait encore au Pernod-Ricard sur le Tour de France et Blondin continuerait de rédiger ses chroniques sportives…
    Lors du dernier banc d'essai de la revue Prescrire, la seule revue médicale indépendante de l'industrie, sur cent nouvelles spécialités médicales introduites sur le marché français, Prescrire concluait que trois d'entre elles, pas plus, représentaient une amélioration par rapport aux formules plus anciennes.

    Caractéristiques aussi de la structure de la fameuse "croissance des États-Unis" sont les bénéfices générés par internet et les services informatiques. Il est utile de rappeler comment s'est développé l'internet. Au cours des premières années, c'est la pornographie qui a généré l'essentiel des bénéfices. Sans la pornographie, internet n'aurait pas connu un développement aussi rapide. Je me rappelle cette étude il y a dix ans sur un campus français qui venait d'être connecté à internet : 80 % des connexions se faisaient vers des sites pronographiques.
    Le vernis moral dont internet essaie de se recouvrir aujourd'hui, avec des entreprises comme Google ou Wikipédia, a de quoi déclencher le sourire sarcastique de quiconque se situe au-dessus du niveau moral et intellectuel d'un gugusse comme Loïc Le Meur. Tout l'esprit de l'américanisme est là : une entreprise crapuleuse recouverte de bons sentiments à l'usage des gogos.
    La propagande consommatrice a pris le relais. On voit bien ici le cynisme d'un Guy Sorman, qui essaie de nous faire croire que le capitalisme est inévitable, alors que les gouvernements soutiennent la croissance en offrant des ordinateurs à un euro aux étudiants, et qu'on remplace l'apprentissage du latin par l'apprentissage de l'informatique avec la bénédiction des syndicats enseignants qui ne tiennent qu'à une seule chose : être augmentés - alors que la publicité matraque du matin au soir la nécessité de passer au haut débit lorsqu'on est un ringard qui n'a que de tout petits bits… Pour Sorman, la publicité est un truc naturel, probablement, qui sourd des murs et des caméras… Il faut dire qu'il en vit, du capitalisme, alors pourquoi le dénoncerait-il ? Là où Sorman a raison, c'est que les parasites dans son genre ne sont pas faciles à déloger.

    Mais le terme de "bulle spéculative" pour caractériser la tendance de l'économie yankie est très bien choisi, rien n'est plus gonflé de vent, plus brillant, ni en même temps plus fragile, qu'une bulle. Au fait, quelle mouche a piqué les Yankis de rompre avec leur politique de non-ingérence ? Après la catastrophe évitée de justesse du débarquement en Normandie, après le Vietnam, qu'est-ce qui leur a pris d'aller s'aventurer en Irak ?

  • La putain bourgeoise

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    On s'est longtemps figuré le capitalisme d'après les caricatures de Forain ou d'Hermann-Paul, comme un gros industriel qui fume le cigare en se frottant le ventre dans l'antichambre d'une grisette. Hélas, cette caricature est périmée ! Ainsi, dans le cas de BHL et de sa moitié, par exemple - je choisis exprès un exemple de capitaliste-philosophe -, dans ce cas on est bien obligé de constater les effets des régimes minceur, les efforts du capitalisme pour soigner sa télégénie. Même, pour éviter le cliché de la bourgeoise replète, Arielle Dombasle n'hésite pas à se déguiser en pute. En pute virtuelle, ça va de soi. Arielle nous fait le coup de la Goulue ; et BHL est son Lautrec, toutes proportions gardées.

    On mesure mieux le rôle précurseur de BHL maintenant que les petits sophistes de son espèce, toujours prêts à plaider la cause du système, se sont multipliés au point qu'il faut élargir les plateaux de télé pour leur faire de la place à tous et qu'ils se bouffent le verbiage philosophique sur le dos. Sans conteste, BHL, forcément un peu usé après toutes ces années de bons et loyaux services, BHL les dominait tous de la tête et des épaulettes !

    De tous les avatars de BHL, Guy Sorman est sans doute celui qui m'évoque le plus Pangloss, avec son faciès de saumon d'élevage surgelé et son petit sourire content. Il a trouvé la formule philosophique magique ; à qui ose critiquer le capitalisme américain, invariablement il réplique, et c'est comme une explosion de raison raisonnante : « Certes, mais qu'est-ce que vous proposez d'autre que le capitalisme ? »
    L'oligarchie capitaliste nous a poussés au bord d'un déficit profond ; économique, bien sûr, en orientant délibérément l'économie vers la production de gadgets et de services superflus de mauvaise qualité ; moral ensuite, en morcellant l'intérêt européen, notamment, en une multitude de petites revendications de consommateurs mesquins ; politique ensuite, en substituant au colonialisme brutal un néo-colonialisme beaucoup plus vicieux, dont il est difficile de distinguer les responsables, dissimulés derrière des raisons sociales abstraites, quand ce n'est pas derrière un discours humanitaire cynique ; au bord d'un déficit artistique enfin : où sont passés les poètes ? où sont passés les peintres ? Il ne reste plus que des philosophes binaires ou existentialistes… Alors, à question idiote réponse idiote : « À quoi bon vouloir changer un système qui a si bien réussi à Guy Sorman ? »

    D'ailleurs Guy Sorman revient d'un séjour d'un an en Chine. Il y a constaté la sévérité du régime communiste, malgré la conversion des dirigeants chinois au libéralisme économique. « Certes, mais que proposer d'autre que la Chine ? », voilà la conclusion de Guy Sorman.

    Les Yankis ont mis le poète Ezra Pound en cage, comme un singe. Tout un symbole… Puisque Sorman réclame des contre-propositions, je suggère qu'on flanque Guy Sorman et ses congénères, non pas dans des cages, il n'est pas question de s'abaisser au niveau des principes qu'ils défendent, mais dans un grand couvent vide, aux murs épais, afin que leurs points de vue philosophiques n'en sortent plus et que l'horizon soit ainsi un peu dégagé.

  • Con comme un blogueur

    La dernière mode dans les médias, c'est de flatter les blogueurs. Ils seraient plus attentifs, plus lucides que la moyenne. Moi je trouve au contraire les blogueurs très représentatifs de la connerie des Français, connerie qui les a poussés récemment à voter en majorité contre la constitution européenne, connerie qui les pousse à voir majoritairement dans le racisme et l'antisémitisme la cause de tous les maux, à se faire peur avec le cléricalisme catholique ou musulman, avec le réchauffement climatique, connerie encore qui les pousse à approuver deux cent ou trois cent mille avortements par an au nom de la liberté et des droits de la femme, afin que notre pays soit transformé le plus vite possible en asile de vieillards, etc., etc.

    Les journalistes officiels n'ont pas un discours plus relevé en moyenne que le discours officieux des blogueurs, mais au moins les journalistes se font payer, eux, poour écrire leurs bafouilles. Ils seraient donc plutôt moins cons, même si au plan moral tout ça n'est pas très reluisant. Quoi de plus logique de leur part, à partir de l'exemple de quelques blogueurs insignifiants dans le genre de Loïc Le Meur, que de flatter la "blogosphère" ? La flatterie n'est pas une ruse réservée aux politiciens…

    Certains de ces "blogueurs-citoyens" de mes deux se plaignent, paraît-il, du "niveau de la campagne présidentielle". Ils le trouvent bien bas. C'est un comble ! Il faut en tenir une sacrée couche pour ne pas voir que ce concours de démagogie auquel on assiste de la part des hommes politiques est exactement proportionnel à l'appétit des Français pour les promesses électorales bidons, les discours ronflants sur la laïcité, le drapeau français, le mariage homosexuel ou la sauvegarde des pandas.
    Si les politiciens sont démagogues, c'est parce qu'ils briguent les suffrages des gogos - gogos en ligne ou gogos déconnectés.

    La démagogie n'est pas un phénomène nouveau, mais elle se renforce de plus en plus, elle s'institutionnalise, au point qu'il devient presque impossible de régler le moindre problème concret désormais, même un problème simple comme celui de l'insécurité dans les banlieues.
    Un homme politique qui veut entreprendre une réforme aujourd'hui doit s'efforcer de le faire à l'abri du regard des citoyens, faute de quoi il est condamné à échouer. Le marketing d'une réforme demande plus d'efforts que la réforme elle-même.

    Prenons l'exemple des accidents de la route. C'est le seul domaine où Chirac, lors de son dernier mandat, a obtenu un résultat net, abaissant sensiblement le nombre de morts, malgré la pression du lobby de l'industrie automobile.
    Bien sûr, s'il avait fallu demander leur avis aux Français, ils auraient été contre les nouvelles limitations de vitesse, puisque ce que les Français réclament ESSENTIELLEMENT, du PDG sarkozyste au facteur trotskiste, les cochons, c'est l'augmentation du pouvoir d'achat pour pouvoir rouler plus vite !
    Depuis que la campagne présidentielle a commencé, pour ne pas mécontenter les automobilistes, qui, non content de conduire votent aussi, on a levé le pied sur les contredanses, diminué le nombre des patrouilles, et le nombre des accidents de la route a augmenté de nouveau.

  • Help !

    J'ai perdu une expression. Cette perte remonte bien à deux semaines déjà. Depuis l'automne dernier aux Puces de Saint-Ouen, elle ne m'avait pas servi une seule fois, et je me réjouissais à l'idée d'en faire de nouveau usage au sens figuré dans un courriel, quand ma mémoire m'a trahi.
    J'ai pris la chose calmement au début, pensant qu'après un petit verre et un clope ça irait mieux. Rien à faire, j'ai dû expédier mon courriel sans, après avoir gâché presque toute une bouteille de Côtes-de-Bourg. Forcément, c'est un peu vexant… Sur ces entrefaites je me suis pieuté, mais ça n'a rien changé vu qu'au petit matin, toujours rien.

    Quelques recherches sur internet ensuite n'ont fait que me mettre en rage et me conforter un peu plus dans l'idée que, décidément, internet est un outil conçu en priorité pour les jean-foutres !
    Que faire ? Je pourrais aussi bien poser la question à un antiquaire, vu que c'est une expression d'artisan, mais il n'y en a pas dans mon quartier, juste des brocanteurs.
    Téléphoner à ma mère, j'y ai pensé aussi, c'est le genre de personne qui a la réponse à coup sûr, mais elle risquerait d'en profiter pour me poser quelque question indiscrète, alors je préfère éviter de l'appeler.

    Il ne me reste plus, après un dernier effort de concentration infructueux, qu'à jeter cette bouteille à la mer. Quelqu'un sait-il quelle expression simple on emploie dans le métier de sculpteur, de menuisier ou de fondeur, pour désigner une pièce taillée dans un seul morceau, fondue d'un seul bloc, qui n'est pas le résultat d'un assemblage quelconque ?

  • Idylle contemporaine

    C'était à la Poste de la Rue des Saints-Pères, mardi, vers onze heures ; j'examinais avec attention une jeune femme - à peine, une fillette ! -, dans la queue : une brune un peu joufflue, l’air sensuel d'une gourmande au régime qui se retient de toutes ses forces de grossir et ses yeux brillent ; avec ça une paire de jambes bien droites, sculpturales, de loin le meilleur morceau.
    Et je faisais complètement abstraction du fait que cette fillette était dotée de la capacité de raisonner et de s'exprimer, quand elle a rompu la file, s'est approchée de moi et m'a dit en face :
    « - Hey, ça fait bien dix minutes que tu me dévisages, toi… T'as qu'à m’épouser maintenant ! »

    Malgré tout le sang-froid qu'on m'a inculqué (chez les boy-scouts, notamment), je crois que j'ai quand même eu l'air surpris. Ces derniers temps, la presse n'a pas manqué de se faire l'écho d'un regain d'enthousiasme pour le mariage, mais comme je prends tout ce que disent les journalistes pour du bluff, j'avais négligé cette information.
    L'effet de surprise passé, j'ai donné mon consentement, sans même m'enquérir du pedigree de cette demoiselle, putain ou pucelle ?, grande noblesse ou petite bourgeoisie ?, rien, pas même son prénom.
    Je n'ai pas voulu passer pour une mauviette à la Poste. Pour reprendre l'initiative, j'ai même suggéré qu'on passe à l'acte sans plus tarder ; le temps de poster ma lettre, trouver un hôtel, et je serais à elle !

    Tout se passait bien suivant ce plan dont la simplicité me séduisait de plus en plus, hormis l'intervention d'un nain grincheux derrière moi, le sosie de Pascal Sevran, qui, trouvant que je ne me précipitais pas assez vite vers le guichet qui venait de se libérer, m'a houspillé en zozotant. Je m'apprêtais donc à entamer ma lune de miel, pas la toute première mais presque, lorsque j'ai commis une gaffe… La guichetière était une jolie blonde un peu frisée. Elles ne sont pas toutes comme ça. Je lui ai rendu son sourire un peu triste (On le serait à moins, affronter de vieux luths comme Pascal Sevran toute la journée, ça ne doit pas être une sinécure !).

    J'en ai trop fait, peut-être ? Difficile à dire… Toujours est-il que lorque j'ai voulu tirer ma nouvelle fiancée par la manche en direction de l'Hôtel du Pas-de-Calais, elle s'est dégagée vivement :
    « Tu crois que j'ai pas vu le clin-d'œil que tu viens de lancer à cette pétasse ? Puique c'est comme ça, je préfère casser tout de suite ! »

    En la regardant s'éloigner, d'un pas qui mettait en valeur ses jambes que je n'ai pas oubliées, j'étais déçu, bien sûr. Mais pour me réconforter je me disais qu'avec ces jeunes filles modernes, c'est fou ce qu'on économise comme argent et comme temps, quand même…

    NDLA : Cette demi-nouvelle est une sorte d'hommage maladroit à au moins quatre écrivains à la fois, si vous n'avez que ça à faire, retrouvez lesquels. Un indice : ils sont tous morts.

  • Aristogiton

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    En principe je préfère m'abstenir de rompre le pain avec un libéral ; cette espèce de gauchisme-là n'est pas moins rasoir que l'autre.
    Pour le Vicomte de V., cependant, je fais une exception car c'est un marginal charmant. C'est sa façon de se croire intégré dans la société française qui est touchante ; en réalité il y est juste toléré.
    Il fait partie de ces pédés raffinés qui fréquentent assidûment les musées, les livres d'histoire, arpentent le centre de Paris la fleur au fusil, et, est-ce l'effet de son intelligence ou de son raffinement, je ne sais, mais la vulgarité du milieu homosexuel est devenue telle qu'il préfère ne pas entendre du tout parler des "gays", et pousse même le "vice" jusqu'à ne pas avoir d'amant.

    J'accepte de me faire payer à dîner, quitte à passer pour une jeune personne entretenue aux yeux des serveurs, mais pas question de me laisser marcher sur les pieds. Aussi quand mon ami le vicomte commença à m'entreprendre sur les mérites de Sarkozy, je l'arrête net. Qu'il vote pour Sarkozy parce qu'il a en commun avec lui d'être d'assez vieille noblesse, fort bien, mais je ne vais pas me laisser enfumer comme ça par des arguments plus irrationnels.
    Immanquablement, on en vient ensuite à parler de la politique des États-Unis, que Sarkozy est bel et bien censé représenter en France dans l'esprit de certains, même si tout ça ne rime à rien. Elle est idiote, cette foi aveugle dans l'Empire américain !
    Pour le débouter définitivement, je lui demande de me citer un nom, ne serait-ce qu'un nom, d'écrivain nord-américain qui a un tant soit peu de hauteur… Sa réponse : Truman Capote !?

    Ça me rappelle une citation d'Edgard Poe, à ce propos, sur une jaquette, pour élever un peu le niveau :
    « Dans les lettres comme dans la politique, nous avons besoin d'une Déclaration d'Indépendance, et surtout - ce qui serait mieux - d'une déclaration de guerre ! »

    Cette guerre il semblerait que les Yankis l'aient perdue bien avant celle d'Irak.

  • Petit traité d'art contemporain (4)

    Dans la vulgate ou le jargon sur l'art contemporain, Jean-Philippe Domecq croit nettement distinguer l'influence d'une tournure d'esprit marxiste. C'est marrant, moi j'aurais plutôt vu l'influence de toute cette philosophie importée de Pologne, de Prusse ou du Danemark, les Kant, Kierkegaard, Heidegger, tous ces "boulets" que la pensée occidentale charrie - jusqu'à quand ?

    La preuve de notre désaccord sur ce point, c'est que Domecq cite Finkielkraut dans son essai, alors que selon moi on ne peut pas prétendre au sérieux ET citer Finkielkraut, c'est incompatible ! La pensée de Finkielkraut est en effet l'exemple typique d'une pensée qui s'adapte en permanence aux circonstances. Ou bien ce sont les circonstances qui sont adaptées à Finkielkraut ? J'hésite…

    Bon, mais sans doute Domecq n'a-t-il pas lu attentivement Finkielkraut… Peu importe. Qui de nous deux a raison ? Marxisme-hégélianisme ou existentialisme ? Un mélange des deux ? Le fait est qu'il n'y a aucune cohérence dans la vulgate de la critique d'art contemporaine. Qu'il s'agisse de Jean Clair, de Jacques Thuillier, de Catherine Millet, d'Yves Michaud ou d'Apollinaire (« Si la peinture de Matisse devait ressembler à un fruit, ça serait à une orange. »), chacun a ses petits trucs, joue sa petite partition personnelle. C'est un sabir en plus d'être une vulgate.

    Que faut-il en déduire ? Que Domecq se trompe ? Que je me trompe ? Ou que la critique d'art n'a pas beaucoup d'importance ? Dans ce cas-là je ferais mieux de me taire et d'aller nager un peu…

  • Climat démocratique

    Le réchauffement du pôle, la grippe aviaire, la bombe atomique iranienne, Le Pen au second tour, tous ces périls finissent par s'annuler les uns les autres et les bons citoyens continuent stoïquement de faire leurs courses et d'arrêter de fumer.
    Ce qui ne s'annule pas en revanche, et ça m'inquiète beaucoup plus que la disparition des ours blancs et l'immersion des plaines bataves, c'est tous ces débats démocratiques, toute cette sous-littérature de circonstance, en très très nette inflation.

    Affiches géantes dans le métro pour des films désolants, pour le dernier bouquin de Jean-Christophe Ruffin… Les publicitaires feront-ils faillite, au moins, si la grippe aviaire contraint les Français à rester cloîtrés chez eux pendant un mois ? Dans ce cas, vite, une prière pour la grippe aviaire !
    Ce Ruffin, c'est une vraie catastrophe culturelle à lui tout seul. Je peux pas supporter sa tronche de furet. À partir de maintenant, le premier qui me parle du désintéressement des French doctors, je le mords.

    Pourtant l'autre jour Ruffin râlait contre les écolos qui ont remis à la mode les théories malthusiennes, j'aurais dû être content… mais c'est complètement dément, Ruffin lui-même est un des représentants les plus médiatiques de la politique malthusienne menée en Afrique par les ONG et les organisations internationales… avec le résultat qu'on sait.
    De Malthus, Ruffin est passé à Darwin ; « Touche pas à mon Darwin ! », c'est tout ce qu'il a su dire sur ce sujet. Étonnante, la fortune médiatique de Malthus et de Darwin, contre le cours de la science ? Non, rien de plus logique ; c'est quand même plus facile d'expliquer la théorie de Darwin à la télé que celle de Gould, celle de Dawkins, ou même celle de Mendel.

    Si on m'avait dit quand j'avais quinze ans et que je pestais contre ma prof de sciences nat. qui m'obligeait à torturer tout un tas de pauvres bestioles qu'un jour je défendrais les scientifiques contre les barbares, je ne l'aurais pas cru.