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  • Apocalypse now?

    « Des bonus, pardon, des boni exceptionnels ont été accordés par la compagnie à ses clients… » : plus bourgeois-gentilhomme que jamais, ce matin, Jean-Pierre Elkabbach…

    Bien que je sois requis par de nombreuses tâches ménagères et extra-ménagères urgentes, je suis envahi ce matin par un sentiment général d'impuissance, une sorte de mélancolie qui me conduit tout droit au Jardin des Plantes afin de m'y aérer les méninges et me dégourdir les pinces dans l'allée Cuvier ou Buffon.

    À l'entrée, de jeunes militants distribuent des tracts contre Nicolas Sarkozy et prédisent à la piétaille en brâmant tout un tas de catastrophes si d'aventure le nabot de Neuilly est élu. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne font pas dans la dentelle : il ne manque que la peste et le phylloxéra dans leur liste. Je hausse les épaules, mais après tout c'est la règle du jeu démocratique. Lors du dernier référendum sur la constitution européenne, je me rappelle que certains n'hésitaient pas à annoncer que l’Europe, si elle était adoptée, ferait perdre leur goût aux fromages français. La démagogie est à peu près illimitée.

    En attendant l'apocalypse sarkozienne, européenne, ou une autre, je dévore un morceau de Petit Fiancé des Pyrénées sur du pain dans les arènes de Lutèce - si je ne m'abuse, c'est bien le nom de ce fromage que j'ai acheté près de Saint-Nicolas. Il a plus de goût que le Bayrou !

  • Le Grand Débat

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    « Qui c'est qui va gagner ? »

    Quelques éléments de réponse à l'attention des turfistes les plus passionnés. Il ne fait guère de doute que les philosophes voteront pour Sarkozy et les poètes pour Ségolène, je pense particulièrement aux peintres…

    Pourquoi les philosophes ? Eh bien, mais parce que c'est une longue tradition chez les philosophes de toujours se fourvoyer, Platon dans le communisme, Diderot dans l'athéisme, Rousseau dans l'égalitarisme, Maurras dans la germanophobie, Fourier dans le fouriérisme, Malraux dans le primitivisme, Heidegger dans le nazisme, Finkielkraut dans le mendésisme-sarkozysme, Nicolas Hulot dans l'écologisme, etc., la liste est interminable.

    On m'objectera Sollers et BHL, qui se sont prononcés en faveur de Ségolène. Mais Sollers et BHL ne sont ni des poètes ni des philosophes, ce sont des petits malins, des caméléons ; il est évident que sous n'importe quel régime, théocratique, fachiste, communiste, byzantin, serbo-croate, la réussite sociale de BHL ou de Sollers serait la même.

    Vu comme ça, les philosophes d'un côté, les poètes et les peintres de l'autre, ont pourrait penser que la partie est jouée d'avance, même en n'incluant pas Guy Roux, Francis Lalanne et Philippe Candeloro dans la catégorie des philosophes - mes chouchous, mais sans doute parce que je ne suis pas philosophe moi-même - : ça serait sans compter le vote des chômeurs, des retraités et des étudiants.

  • God Save The Queen

    Il est de bon ton dans la France républicaine de railler le carrosse de la Reine d’Angleterre, le faste désuet de sa cour, et de fustiger avec véhémence le gaspillage de son indécente “liste civile”, qui lui permet de se payer sur le dos de ses sujets les tailleurs les plus stricts dans les tissus les plus chair (chair fraîche, chair décomposée, chair ressuscitée, chair bronzée, chair à motifs).
    Cette liste civile, elle ferait presque frémir de rage les descendants des illustres “Sans-culottes” qui ont refait la France de comble en fond et réclament aujourd’hui un Smic à mille cinq cents euros (minimum) : « Alors quoi, on aurait aboli la monarchie et le droit de cuissage en France pour des prunes !? Pour se faire narguer par les salaires des Anglais et les logements sociaux en pierre de taille du Prince Charles ? ».
    (En réalité, la famille royale est l’atout touristique majeur d’un royaume sans attraits, plongé sous la pluie et captivé par des matchs de football d’un ennui mortel quand on les regarde à jeun.)

    Si on prend un peu de recul, l’élection au suffrage universel direct du Président de la République française n’est pas moins futile ni coûteuse que la flotte de carrosses de la Reine d’Angleterre, franchement. Prendre ce scrutin au sérieux ça serait, mettons, comme prendre un type de la trempe de Jean-Pierre Elkabbach au sérieux : une grossière erreur d’appréciation. On aurait donc tort de se priver de rigoler un peu. « Je suis un féru d’Histoire comme vous. », disait ce matin Julien Dray à Jean-Pierre Elkabbach : vous connaissez des façons de commencer la journée de façon plus divertissante ?

    *


    Lorsqu’on se penche sur les statistiques de la Sofres après le premier tour pour faire un peu de sociologie amusante, on peut tirer les conclusions suivantes :
    • L’électeur-type de Sarkozy est une vieille mamie, celui de Ségolène une jeune étudiante. Sarkozy n’est donc pas exactement “le gendre idéal”, mais plutôt “le petit-fils idéal” ; et Ségolène, elle, “la prof idéale” - une prof de maths, vu qu’en littérature elle ne semble guère connaître autre chose qu’Olympe de Gouges et Victor Hugo. Elle conseillait Mitterrand, mais sûrement pas sur le choix de ses lectures.
    On peut trouver ironique que le troisième âge soit tenté par les économies drastiques promises par Sarkozy, étant donné que les vieillards sont la principale source d’endettement en France à tel point que seul un réchauffement climatique brutal permettrait d’assainir vraiment nos finances publiques. Il est logique en revanche que l’incitation de Sarkozy à travailler plus n’effraie guère les mamies ;

    • L’électeur-type de Le Pen est un ouvrier trentenaire au chômedu. Le Pen fait donc figure de leader syndical idéal. De mon point de vue, c’est une évidence que si Le Pen avait choisi le syndicalisme ouvrier plutôt que la politique, il aurait fait une carrière encore plus tonitruante et les ministres et les médias lui auraient mangé dans la main ;

    • Je peux dire que jusque-là ces observations ne me surprennent pas, elles correspondent à mes propres observations empiriques, même si je connais aussi quelques jeunes types candides qui pensent que Sarkozy aura un effet courant d’air et qu’on respirera mieux. Mais le cas Bayrou me surprend plus ; l’électeur-type de Bayrou est un homme, assez nettement, plutôt jeune, au chômage lui aussi, mais plutôt un cadre au chômage, ou un travailleur indépendant, en second lieu ? Difficile de savoir si Bayrou lui-même est à la retraite ou au chômage… disons que si Ségolène l’emporte il conserve une chance d’être ministre de l’Agriculture (biologique) vers 2009-2010 ; on constate que les retraités et les chômeurs jouent un rôle décisif dans cette élection ; probablement parce qu’ils n’ont rien d’autre à foutre que d’aller voter ;

    • Schivardi, lui, alors qu’il n’est plutôt pas mal bâti et qu’il a l’air sympathique, n’a quasiment recueilli aucune voix féminine ; forcément, ce sont les tapettes qui ont le vent en poupe et font la loi, en ce moment ;

    • Parmi les bizarreries, il y a le score de P. de Villiers chez les ouvriers, 5 %, un peu moins ridicule par conséquent que dans les autres catégories socio-professionnelles ; à moins que les palefreniers du Puy-du-Fou soient classés dans la catégorie “ouvriers agricoles” et que leur patron leur ait promis une augmentation ?

    • Pour ceux qui ont parié une bouteille de champagne sur tel ou telle candidat au second tour, un chiffre intéressant : Bayrou a fait un score plus important parmi les électeurs qui avaient voté à gauche en 2002 que parmi ceux qui avaient voté à droite ;

    • Significatif, enfin, le nombre d’abstentionnistes que Bayrou et Ségolène ont réussi à convaincre d’aller voter ce coup-ci ; un des “grands enseignements” de ce scrutin, comme dirait PPDA ou Pujadas, c’est que le casting était beaucoup plus séduisant que la dernière fois, comme quoi entre la Star Academy et les élections présidentielles, il n’y a que les paroliers qui changent.

    Enfin j’ai scruté les graphiques pour tâcher de voir où le lapin mâle dans la force de l’âge déterminé par son aversion pour les médias se situait… en vain !
    J’avoue que lorsque Ségolène me regarde dans les yeux et qu’elle bat doucement des paupières en disant : « Je vous promets une presse et des médias pluralistes », j’ai beau savoir que tout ça n’est qu’une plaisanterie, ça me fait quand même un petit quelque chose… Le politiquement correct de Philippe Val ou de Siné, moi je commence à en avoir plein le râble !

  • Branches et filiales

    En somme les théoriciens évolutionnistes font penser à ces généalogistes amateurs, peu rigoureux, qui n’hésitent pas, malgré les lacunes, les trous dans les archives, à se prévaloir d’un haut lignage et à se fabriquer des arbres généalogiques hauts comme des séquoïas. C’est une manie fréquente, notamment dans le Nord-Ouest de la France, d’où l’expression bretonne : « Fouillez un buisson, vous trouverez un Kersauzon ; fouillez un bosquet, vous trouverez un Poulpiquet… », “Kersauzon” et “Poulpiquet” étant deux patronymes “aristocratiques” répandus en Bretagne.
    Mais, autant cette prétention à “avoir de la branche”, fréquente aussi chez les grands poètes du XIXe, est un sentiment humain bien compréhensible, autant se réclamer avec force du bonobo ou de l’amibe peut paraître incongru. Sans doute est-ce parce que les évolutionnistes se croient plus malins ou plus originaux que le quidam moyen.

    *


    L’idée que l’idéologie, la religion démocratique, a de nombreux points communs avec le nazisme, peut sembler choquante ; mais quelle idée n’est pas choquante en démocratie ? Après, c’est une question de goût : on peut préférer le sobre costard-cravate anthracite ou bleu-roi au kitschissime uniforme nazi ; on peut préférer les discours de Goebbels à ceux de Nicolas Sarkozy, ou vice versa. Je ne prétends pas trancher entre les deux décorums, même si je ne cache pas mon dégoût pour l’art démocratique et le musée Pompidou. Mieux valent encore les arts primitifs célébrés par Picasso ou Chirac aux derniers gadgets à base de philosophie existentialiste ou de foutage de gueule collectionnés avec soin par Pinault & Arnault.

    L’idéologie démocratique comporte certainement une dose d’hypocrisie supplémentaire par rapport à l’idéologie nazie, ce qui explique l’adhésion du plus grand nombre à ses valeurs bidons qui ne mangent pas de pain et n’empêchent pas de regarder Tracks sur Arte en sirotant un coca light ; liberté mon cul, égalité mon cul, en vérité - et la fraternité, je n’en parle même pas, il faut être un jeune démocrate-crétin électeur de Bayrou en tee-shirt orange pour faire semblant d’y croire. La propriété, c’est encore ce qu’il y avait de plus sincère, mais on l’a effacée.
    Et le féminisme, mon cul aussi ; je veux pour preuve de la parfaite hypocrisie de cette valeur démocratique chère aux grandes bourgeoises, de Simone de Beauvoir en passant par Simone Veil jusqu’à Christine Ockrent, ce petit dossier sur le “business du sexe” paru dans Économie matin, un hebdo distribué gratuitement dans les quartiers d’affaire parisiens (23-29 avril).
    Comme, l’affaire est entendue, en dehors des défenseurs aveugles ou intéressés des grands principes démocratiques, nul ne feint d’ignorer que la bonne vieille pute qui faisait le trottoir a été remplacée par des holdings esclavagistes ayant pignon sur rue, je me contente de citer quelques extraits de ce dossier, présenté de façon racoleuse, comme il se doit, à la sagacité des jeunes cadres dynamiques et de leurs secrétaires par Économie Matin :
    - « Le titre “DreamNex” - premier site français de charme sur Internet - a gagné jusqu’à 40 % en séance ! Introduit à 35,02 euros, le titre s’échangeait à 46,40 euros en fin de journée. La preuve que le sexe n’est plus un tabou. »
    Ce crétin de journaliste libéral-libertaire confond argent et sexe. Non seulement l’argent n’est plus un tabou, mais le taux de croissance est devenu le saint Graal. L’ennemi des poètes, Guizot, a dit : « Enrichissez-vous ! », et Sarkozy, l’ennemi des nostalgiques des poètes ajoute : « Vous êtes nés pour ça ! ».

    - « Ces géants du sexe affichent des résultats à faire rougir les plus pudiques. Le groupe allemand “Beate Uhse”, coté en bourse, affichait fièrement un chiffre d’affaires de 270 millions d’euros en 2006 et un bénéfice de 12 millions d’euros. En deuxième position, l’américain “Vivid”, aux rentrées estimées à 75 millions d’euros. (…) La démocratisation du sexe s’est ouverte grâce à l’anonymat offert par Internet. »
    Les “géants du sexe”, ça ne veut pas dire qu’ils ont une grosse bite, on peut même penser que c’est justement parce que la nature ne les a dotés que d’une toute petite queue que la vocation du voyeurisme leur est venue ; plus généralement, on observe que les pornocrates ont des physiques particulièrement ingrats, tandis qu’il y avait des maquereaux bien gaulés.

    - « (…) Il faut à tout prix se positionner sur les nouveaux médias émergents (téléphonie, web 2.0…) dont on sait déjà que le X est leur [sic] premier vecteur de développement et la principale source de marge. Et la demande est forte. »
    Dixit G. Dorcel, capitaine d’industrie veinard qui a bénéficié de la propagande massive, des entreprises privées et de l’État, en faveur de l’équipement en matériel informatique d’un maximum de citoyens.

    - « 70 % des sommes dépensées sur le net sont liées au sexe. »
    On sait que le puritanisme yanki est inversement proportionnel à la prospérité du trafic de la moule filmée et de la frite survitaminée. Cette tendance au “faux cul” se répand aussi de plus en plus dans la patrie de Rabelais et de Céline. « Pourvu que l’islam ne tue pas la poule aux œufs d’or. », pensent les philosophes à la mode, Finkielkraut, BHL, Luc Ferry, Yann Moix…

    - « La concurrence des nouveaux rayons sex toy au Printemps et aux Galeries Lafayette ? “Au contraire, ça fait connaître nos produits.” »
    Dixit Karen Von Glück, cette fois, aristo de mes deux, tenancière d’une boutique de godemichets en plastique ou en or pour tuer le temps perdu retrouvé. À part ça le groupe PPR ne se contente pas de vendre des vibromasseurs à six vitesses aux bourgeoises féministes, on sait qu’il diversifie ses activités en finançant des campagnes électorales.

    Le jeune cadre dynamique et sa secrétaire, nourris de l’idée néo-darwinienne primaire que, de toutes façons ils descendent du singe et qu’ils sont voués à la bactérie rongeuse… Et en outre on n’échappe pas aux “lois du marché”, ma bonne dame ! D’ailleurs, quoi qu’on fasse ou qu’on ne fasse pas, on sera toujours moins salauds que ces salauds de nazis !… le jeune cadre et sa secrétaire attrapent Économie matin qu’une jeune “beurette” leur tend à la sortie du métro, et ils vont le feuilleter en mâchonnant un muffin aux normes sanitaires et en sirotant un café “américain” au Starbuck Café de l’avenue de l’Opéra en attendant que leur patron leur donne des ordres d’achat ou de vente.
    On n’échappe pas aux lois de l’évolution sociale ; le confort matériel entraîne le confort intellectuel et l’abrutisssement fait du citoyen démocratique une proie facile pour les prédateurs.

  • La planète des songes

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    Je ne connais pas Cécile Montmirail. C'est un joli prénom et un joli nom, Cécile Montmirail, qui évoque la "bonne foi" : aussi aimerais-je la convaincre de ne pas se laisser séduire trop vite par les arguments "évolutionnistes" du Dr Dor - après tout la science "néo-darwinienne" n'est pas moins lacunaire que la science des noms de famille.
    Mais je ne suis pas sûr d'y arriver, vu que le Dr X. Dor est un sacré charmeur, capable de convaincre à la dernière minute une jeune femme de renoncer à avorter, par exemple.

    L'"évolution", si elle était un peu plus nettement élucidée dans ses causes, et donc un peu plus probable, n'empêcherait pas qu'il y ait "création". Soit, le préambule du Dr X. Dor est intelligible, mais la création PRIME sur l'évolution ! La moindre des choses, si on veut rester chronologique, c'est d'être "créationniste" D'ABORD.
    Dans la jungle des slogans "évolutionnistes", le principe créationniste doit survivre. Il ne faut pas laisser les musulmans ou les sectes protestantes yankies le défendre seuls.

    Car le créationnisme est, avant tout, une réaction humaniste à la propagande néo-darwinienne. Il y a chez beaucoup de créationnistes - pourquoi le cacher ? -, l'idée que les schémas darwiniens, après avoir inspiré la propagande nazie, servent aujourd'hui à la propagande démocratique. Pour être plus clair, il y a entre la propagande nazie et la propagande démocratique des liens de parenté assez étroits, nonobstant les grands principes que les démocrates ne cessent de mettre en avant.
    Pour un créationniste de mon espèce, le fait qu'on puisse supprimer, en invoquant l'argument du progès social et individuel, deux-cent cinquante mille vies humaines par an en France, sans que quasiment un seul biologiste ou médecin ne réagisse publiquement - les protestations sont surtout le fait de personnalités politiques ou d'historiens -, ce fait n'est pas un hasard. On peut l'interpréter comme la soumission totale des biologistes ou des médecins à l'ordre juridique établi, bien que ces "spécialistes" soient particulièrement bien placés pour savoir en quoi consiste l'avortement d'un embryon, derrière les artifices de langage.
    En gardant le silence, ces biologistes et ces médecins acceptent de n'être que des techniciens, des mécaniciens. Par-delà les "animaux-machines" de Descartes, c'est l'idée d'"homme-machine" qui sous-tend les sciences naturelles modernes, et ce n'est pas quelque vague "comité d'éthique" qui y change grand-chose. On est même en droit de soupçonner ce comité d'éthique de servir de bonne conscience à une science inféodée à l'industrie.

    *


    Si on admet la bonne foi de certains "évolutionnistes", et j'admets celle de X. Dor ou de Stephen Gould, quels sont par ailleurs les arguments scientifiques invoqués par les évolutionnistes pour dénier aux créationnistes toute possibilité de s'exprimer ? L'évolutionniste Ernest Mayr s'est particulièrement attaché à en détailler les principaux (2001) :
    - Mayr argue en premier lieu de la succession chronologique des fossiles découverts dans des strates différentes, qui, selon lui, indique une généalogie avec des mutations. Or, si les indices des mutations sont bien là, on peut craindre que l'idée d'une succession dans un sens précis ne soit "téléologique" ; les fossiles ne sont en effet pas assez nombreux pour indiquer avec précision le sens des mutations, ni une véritable généalogie globale. Mayr est obligé d'opérer une reconstitution, et, exactement comme un scientifique créationniste chercherait "la main de Dieu" à toute force dans les indices qu'il collectionne, Mayr se focalise sur l'idée d'évolution à partir d'indices… très insuffisants.

    - L'idée d'ascendance commune des vivants, à laquelle Mayr s'accroche farouchement, n'est pas typiquement "évolutionniste" ; n'importe, cet argument de la ressemblance des espèces, et qui indiquerait leur parenté, est encore téléologique ; on est très loin d'avoir démontré que tous les êtres vivants ont une ascendance commune, même si l'hypothèse, anthropomorphique, est séduisante ; même le cousinage avec le singe, présenté par certains comme une vérité, n'est qu'une hypothèse sérieuse. Les évolutionnistes prennent leur désir pour la réalité alors qu'ils sont dans la situation d'attendre une confirmation de la théorie.
    Il est évident que l'épistémologie évolutionniste n'est pas pure d'arrière-pensées, contrairement à ce que les démocrates-crétins qui la soutiennent voudraient faire croire. Ainsi, S. Gould s'autosuggestionne comme cet imbécile de Kant à propos de son libre-arbitre - ce qui est quand même le comble pour un évolutionniste darwinien !

    - L'argument embryologique est sans doute le moins efficace ; il consiste à invoquer, à l'appui de l'idée de forme ancestrale commune, certaines anomalies comme l'appendice caudal, répérées parfois chez l'embryon. Et les enfants qui naissent avec six doigts ou trois jambes ? C'est la preuve qu'ils descendent du poulpe, c'est ça ? Ou alors le réflexe d'aggripement de l'enfant, comme si les petits d'homme ne s'aggripaient pas eux aussi à leur mère…
    À l'instar des évolutionnistes qui reprochent aux créationnistes leur anthropomorphisme, les créationnistes peuvent pointer du doigt le "simiomorphisme" de ces arguments embryologiques évolutionnistes.

    - Quant à l'argument tiré de l'observation de la dispersion géographique des espèces, même s'il permet en effet de déceler des chronologies dans certaines espèces, en admettant les datations effectuées, ces observations ne permettent évidemment pas de tracer une chronologie globale ; il faut relever en outre que ce "système d'indices" parcellaire repose lui-même sur la théorie de la tectonite des plaques, une théorie incomplète.

    - Les ressemblances observées entre les génotypes humains et animaux vient aussi renforcer la conjonction d'hypothèses en faveur d'une ascendance commune. Encore une fois cette hypothèse n'est pas typiquement darwinienne. En effet, ce que la pression des évolutionnistes pour imposer le nom de Darwin plutôt que celui de Mendel, aussi décisif, ou celui de Lamarck, antérieur, pour imposer aussi leur théorie scientifique comme une vérité scientifique, ce que cette pression cache, c'est que la recherche scientifique néo-darwinienne patauge. La sélection naturelle des espèces reste un phénomène largement mystérieux. Différentes hypothèses s'affrontent. Même en admettant que ces hypothèses pour expliquer la manière dont les espèces mutent ne sont pas contradictoires, mais complémentaires, chacune d'elle est incomplète et il manque ne serait-ce qu'un schéma pour expliquer comment elles s'articulent entre elles.

    Les évolutionnistes ne savent pas "comment", mais ils prétendent nous dire pourquoi. Qu'est-ce qui peut bien justifier cet empressement ?

  • Le printemps de la démocratie

    Je me sens un peu "orphelin" ce matin ; dans une France binaire, Le Pen introduisait une note de perversité et d'extravagance qui va me manquer, pour sûr. Et puis quel acteur, Le Pen ! Moins coquet qu'Alain Delon, certes, moins débonnaire que Depardieu, quoi que ça reste à prouver, mais ô combien plus drôle - et se passant de prompteur pour dire son texte ; un acteur de théâtre, en somme, plutôt que de cinéma, comme Chirac. C'est l'image de lui qui restera.
    J'attends avec impatience qu'il publie ses mémoires, maintenant, qu'on rigole encore un peu, si possible au détriment des journalistes et du gratin du show biz.

    Marine, elle, mènera sans doute le Front national antibobo à des scores plus élevés que son père, une fois que l'allégresse démocratique sera retombée ; la volonté des femmes de gagner n'est-elle pas terrible en ce moment ? Mais, bah, les "scores" en eux-mêmes n'ont pas beaucoup d'importance…

    *

    Pour revenir à la réalité, même si j'ai ma petite idée sur qui va l'emporter en finale, il faut reconnaître qu'il est difficile de deviner lequel des deux, de Sarkozy ou Ségolène, est le plus doué pour se colleter avec le remboursement de la dette, l'impuissance de l'Europe, l'impolitesse croissante des gens dans la rue, sans compter la hargne syndicale des fonctionnaires et la médiocrité des grands patrons du CAC 40… Je serais tenté de voter pour le plus habile, le plus rusé des deux. Pour sortir le pays du marasme, c'est au moins un Talleyrand qu'il faudrait ! Sarkozy me paraît le plus candide, même si Villepin et Chirac, en définitive, n'ont pas réussi à le faire trébucher ; mais bon, j'hésite… Je crois que le critère de choix le plus fiable, c'est le critère esthétique. Je vois mal la France représentée à l'étranger par un nabot excité tel que Sarkozy ; et puis je trouve Cécilia excessivement vulgaire, alors…

  • Cul-de-sac

    Hier soir, entre deux ouvrages scientifiques - c'est dingue comme le besoin d'un discours rationnel se fait sentir chez moi en ce moment -, j'allume la télé et appuie par inadvertance sur le bouton "Arte". Pas tout à fait par inadvertance en réalité, car je mène en ce moment une petite étude sociologique sur Arte, la chaîne du bien et du mal ; dans le cadre de cette étude, je calcule combien de fois, si l'on appuie cent fois sur le bouton Arte par inadvertance, combien de fois on tombe sur une émission mettant en scène des nazis, des vrais ou des faux. J'en suis à onze sur vingt-huit, pour le moment. Michel Polac a bien raison de dire que la télé fait régner un climat d'insécurité quasi-permanent dans ce pays.

    Mais, hier soir, pas un nazi sur Arte ou presque, ils fêtent l'anniversaire, les dix ans de leur émission néo-culturelle TRACKS. Sous couvert de nouveauté, d'anticonformisme, d'art, de rockn'roll, d'humour, de tolérance, de recréation, d'underground, TRACKS est l'émission de télé la plus ringarde, la plus conformiste, la plus préfabriquée, la plus "marketing", la plus plate, la moins drôle, la moins populaire, la moins élitiste, la plus bobo, la plus prévisible, la plus chiante, la plus officielle des émissions que j'ai jamais vue.

    Dans cette "autocélébration", ils n'ont rien trouvé de mieux, ces primates d'Arte, que d'enregistrer les félicitations du ministre Renaud Donnedieu de Vabres et de les diffuser… Donnedieu de Vabres ? Il n'y a jamais eu de ministre de la Culture plus ridicule que Donnedieu de Vabres, pas même Toubon ! Jack Lang, encore, il est capable d'endosser le rôle d'un mec cultivé devant les caméras avec un minimum de crédibilité, mais Donnedieu de Vabres, il est complètement… "out".

  • Petit bond en arrière

    AVANT-PROPOS

    Je souhaiterais dissiper le soupçon comme qui dirait qu'un antiphilosophe comme moi, "quelque part", ne serait rien d'autre qu'un philosophe qui se cache, voire s'ignore ! Qu'il me soit permis d'évoquer pour ça un souvenir, tant qu'il est encore frais.
    Voici : j'étais jeune alors, plutôt oisif, j'étais étudiant et j'habitais une jolie ville de province en grande partie peuplée de gens qui me ressemblaient.
    Un ensemble de matières aussi dissemblables que l'allemand et l'anglais figuraient au programme de mes études. Je me préparais ainsi un cervelle "baroque" ; en revanche, j'estimai à vue d'œil, dès la "rentrée", que la variété des types humains et féminins qui composaient ma classe était un peu réduite ; je résistai aussi longtemps que je pus aux avances d'une grande blonde aux yeux bleus, très musclée, prénommée Gwendoline, avec des tresses bien sûr, par pur respect humain de ma part ; qu'est-ce qu'on peut être con quand on a dix-sept ans !… mais c'est une autre histoire.

    Mon esprit, disons "positif", et mon humour, plutôt épais, je dois l'admettre, me valaient d'écoper de sales notes en philosophie. Il faut dire aussi que l'exercice de la dissertation est un exercice assez schématique en soi, alors si vous l'appliquez à une matière aussi subtile que la philosophie, c'est à tomber la tête la première dans le néant ! Conçoit-on l'ennui que serait une dissertation de mathématiques !? Oui ? eh bien cette approximation permet à ceux qui n'ont jamais composé de dissertation de philosophie de s'en faire une idée assez exacte. Pour ceux qui ne seraient pas convaincus, même en mathématiques on ne se gêne pas pour faire des approximations.

    CHAPITRE I

    Dans une telle impasse, qu'auriez-vous fait, à ma place ? Moi, j'ai nié la philosophie en bloc ; face à un prof de philo, ça m'a paru la meilleure tactique. Dès l'introduction, j'écrivis que, les plus grands philosophes, dès qu'ils furent assez grands et vaccinés, s'empressèrent de se débarrasser du costume ridicule et démodé de philosophe, pour en revêtir un autre ; qui celui d'historien, d'économiste, de poète ou de prophète - tout sauf philosophe ! Ensuite, puisqu'il faut bien meubler, je racontai mes dernières vacances d'été, assaisonnées de galipettes un peu fictives, imitant J.-J. Rousseau - ou Voltaire, en tâchant de les présenter comme étant "universelles". C'était déjà un lieu commun dépassé à l'époque de voir en Voltaire un philosophe confortablement assis ; ses ennemis le dépeignaient plutôt comme un habile négrier, ses amis comme un poète, un artiste véritable ; on s'accordait seulement sur son intelligence ; si Voltaire revenait aujourd'hui, il présenterait plutôt le "Journal de 20 heures", un job dans ce genre, car "philosophe" ça n'a plus tout à fait le même cachet ; les philosophes sont sur des sièges éjectables. Ça serait le seul présentateur du JT à écrire lui-même le texte de son prompteur, sans fautes de français, et tout le monde attendrait avec impatience l'heure du JT.

    En vain. Mon professeur lissa ses moustaches en me rendant ma copie ; elles avaient poussé de la même manière que Nitche à cacher sa bouche et attraper toutes les miettes au passage de chaque morceau, ce qui trahit un esprit peu pragmatique ; il hocha la tête en signe de réflexion, mais s'entêta à me prescrire la lecture de tout un tas de penseurs polonais, danois ou allemands, « o-bli-ga-toires ».
    Ma bête noire, ma tête de Turc, je me rappelle que c'était Kant, Emmanuel Kant. Un esprit positif, au sens de réfractaire, voit vite à quel point la notoriété de Kant est largement usurpée, un signe des temps.
    Dans une époque où les demi-savants font la loi, Kant peut passer pour un esprit fort, et encore, il y a beaucoup de conformisme dans l'attitude de ceux qui éprouvent de la commisération vis-à-vis des "raisons" de Kant. Devant des savants entiers, Kant passerait pour un demi-habile, au mieux, le genre qui admet sans trop se poser de questions que l'homme descend du singe - est-ce que vous me suivez ? En France, au XVIIIe siècle, à peu de distance de Molière, nul doute qu'on eût jeté des tomates à la figure de Kant ! Un gugusse qui prétend éliminer Dieu de ses calculs, sous prétexte qu'on ne peut pas prouver son existence, si ce gugusse ne croit pas en Dieu lui-même, qu'Il n'a pas de réalité assez concrète pour lui, passe encore, on peut l'admettre, aussi étrange et bestiale que cette incrédulité puisse paraître. Mais, car il y a un mais, si ce gugusse croit lui-même en Dieu, comme c'est le cas de Kant, son raisonnement ressemble à un gag, au petit film des frères Lumière, l'"Arroseur arrosé".
    On est en devoir d'émettre un sérieux doute sur la santé mentale de Kant si l'on est véritablement athée ou véritablement chrétien ; il n'y a que des crétins pour se sentir "obligés" vis-à-vis de Kant - les crétins, une espèce que l'évolution sociale semble nettement favoriser en ce moment.

    Je sentis que mon professeur n'était pas loin d'éprouver les mêmes sentiments, mais je ne les formulai pas assez poliment pour qu'il me donnât la moyenne.

    CHAPITRE II

    Donc, si je n'avais pas grignoté, ici ou là, dans le droit fiscal ou dans les déclinaisons allemandes, quelques notions utiles, je crois que je serais mort d'anémie intellectuelle avant la fin de l'année scolaire. Par chance, vers le mois d'avril, un événement se produisit qui allait changer le cours de mes études. Mon prof de philo, à mesure qu'il voyait que jamais je ne saurais jongler avec des concepts, des chiffres, des valeurs, des bilans, etc., me prédisait un avenir de plus en plus sombre, une absence de réussite sociale totale. C'est alors qu'ému par mon cas, il fit quelque chose que sa morale de professeur de philosophie réprouvait vivement : il m'autorisa à étudier le philosophe de MON choix et à le lui présenter dans un exposé AUSSI PEU didactique que possible. Par patriotisme, et vu que je suis Normand, j'élus d'emblée le plus grand philosophe normand, celui qu'on surnomme communément par chez moi le "viking", ou encore le "menhir" de la pensée", j'ai nommé le fort, le doux Alphonse Allais. Je n'eus ensuite pas beaucoup d'efforts à faire : Allais a tant de souffle, il est si saillant, si ponctué, voire croustillant, acide ou amer en fonction de l'horaire des marées, en un mot il a un tel don d'ubiquité, que mon professeur fut bouleversé à la lecture de mon compte-rendu synthétique. Je n'avais pas fait autre chose que recopier deux pages du "maître", en fait, afin de ne pas trahir sa pensée, désireux qu'elle parût au regard de mon professeur dans toute sa complexité.
    De ce choc, il résulta un changement immédiat pour moi : mon professeur me dispensa pour le reste de l'année d'assister à son cours de philosophie. Ainsi j'eus le loisir de m'initier à la natation dans une piscine olympique, natation dont je suis toujours adepte, et qui me procure sagesse et humidité.

    CHUTE

    Je n'ai pas de nouvelles depuis, de mon professeur de philosophie, vous savez ce que c'est, la vie désunit parfois ce qu'elle a unit mystérieusement, les desseins du Très-Haut sont impénétrables, etc. Je l'ai perdu de vue mais reste persuadé d'un truc, c'est que s'il vit encore aujourd'hui, s'il n'a pas sombré dans la folie, et cette moustache en forme de râteau était une signe avant-coureur, c'est que chaque semaine, au moins, il lit, deux pages d'Alphonse Allais.

  • Les couilles de Charles, etc.

    Qu'on comprenne bien, ce que je reproche à Benoît XVI et à son prédécesseur, sur la théorie de l'évolution, c'est de s'avancer un peu trop, d'apporter leur caution à une hypothèse encore trop peu étayée… Chaque nouvelle théorie pour expliquer la mutation des êtres vivants depuis Lamarck est battue en brèche par la suivante ! Et lorsqu'on cause de déterminisme "épigénétique", c'est vachement classieux, mais en s'avançant dans cette direction on n'a encore fait qu'enfiler ses chaussures de marche avant de commencer une longue randonnée…

    La théorie de l'évolution n'en est encore qu'à ses premiers pas, elle marche encore à quatre ou cinq pattes et il faut faire la part de l'enthousiasme, bien naturel, des paléontologues, des zoologues, des sociologues-éthologues et autres spécialistes de la biologie moléculaire…
    Le pape cède ainsi à ce qu'il faut bien appeler "le politiquement correct" scientifique. Étant donné mon expérience, je ne doute pas un seul instant qu'il puisse se trouver des athées d'assez mauvaise foi pour reprocher le cas un jour à l'Église son excès de conformisme dans ces circonstances…
    Aux pharisiens évolutionnistes, il n'y a qu'une seule réponse à faire : « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à Darwin ce qui est à Darwin ! »

    *

    La mauvaise foi des athées est si solide que si les chrétiens faisaient preuve de la même rage de conviction qu'eux, on peut penser qu'il s'en suivrait une chute brutale du cours de la haine dans le monde. Que ceux qui doutent de la profondeur de la mauvaise foi des athées entendent cette parabole jusqu'au bout ! (Les autres devront s'en contenter car je n'ai rien d'autre à raconter aujourd'hui.)
    Cette parabole, c'est la parabole des couilles de singe de Charles Maurras…

    En préliminaire, je tiens à préciser que je ne partage pas les idées de Maurras ; en effet, Maurras est contre les idées de la Révolution, beaucoup trop contre à mon humble avis, au point que ces idées révolutionnaires ont imprimé leur marque sur ses propres sentiments. Or, la science moderne révèle que la Révolution de 1789 ne fut pas tant la cristallisation de certaines idées qu'un conflit d'intérêts privés avant tout. Il y a donc un malentendu de la part de Maurras, qui accorde une importance exagérée à des idées rudimentaires.

    Mais, pour l'approximatif Michel Onfray, grand manitou de l'athéisme, peu importe Maurras et ses idées ; Maurras n'est qu'une cible ; tout est bon pour faire parler de lui et accéder à une reconnaissance médiatique supérieure. Pour cela, il n'a pas hésité à répandre l'information saugrenue selon laquelle Charles Maurras s'était fait greffer des couilles de singe par un savant russe nommé Voronoff. C'est gros, mais auprès du public de l'université populaire d'Onfray, ou auprès des auditeurs de France-Culture, ça passe comme une lettre à la poste. Ce genre de singeries, ils en redemandent ! D'ailleurs, lorsqu'on sait l'hégémonie de Charles Maurras et de ses disciples sur la pensée en France aujourd'hui, le public d'Onfray ne pourra qu'applaudir le courage de ce croisé antifachiste.

    Mais le plus important n'est pas là. Ce qui me paraît grave, c'est qu'un historien sérieux et honnête, Y. Chiron, ait jugé bon de réfuter point par point ce ragot selon lequel Maurras se serait fait greffer des couilles de singe… Où va-t-on si on prend au sérieux les philosophes de France-Culture ? Où va-t-on si le discours politique et religieux d'un gugusse comme Onfray oriente la recherche scientifique ?

  • Intelligent design?

    Pas plus tard qu'hier soir j'ai croisé Agnès Jaoui près de chez moi ; une semaine plus tôt c'était Fabrice Luchini : on ne se sent plus en sécurité nulle part !

    *

    Toutes cette poudre au yeux, cette réclame, ce fétichisme, ce gaspillage, cette superstition, ces effets d'annonce, toute cette campagne présidentielle, je croyais que c'était ça qui me déterminait à me passionner en ce moment pour des sujets sérieux comme la poésie, les sciences - l'évolution des êtres vivants et des sociétés, par exemple ; et puis tout à coup une autre cause évidente m'a sauté aux yeux… le 11 avril 2007, la veille de consulter un ouvrage de référence sur la théorie de la sélection de parentèle d'Hamilton (quand on pense qu'il y a des crétins qui lisent Luc Ferry, BHL ou Finkielkraut…), j'ai emprunté à contresens la rue Darwin pour déboucher dans la rue Lamarck afin de me rendre chez un ami. Je m'en suis aperçu seulement en essayant ensuite de retrouver dans les pages jaunes de l'annuaire l'adresse de mon pote afin de le remercier de m'avoir prêté pour me remonter le moral un recueil d'excellentes nouvelles d'Alphonse Allais (quand on pense qu'il y a des crétins qui lisent Kant, Nitche ou Heidegger…).

    *

    Le déterminisme de notre "Candide à la présidentielle", Nicolas Sarkozy, lui, s'apparente fort à la "méthode Coué" ; on pourrait parler aussi d'"autodétermination" ; Sarkozy en son for prie pour qu'il existe une recette pour être élu et pour n'avoir oublié aucun des ingrédients de la recette-miracle. Il doute peu en revanche d'être né pour finir à l'Élysée.
    Oh, j'espère qu'il a songé à mettre un cierge à Notre-Dame ! Ça ne coûte rien… Vu son éducation, Ségolène, elle, l'a sûrement fait (on peut faire faire ça par un commissionnaire discret.)
    « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Nicolas, que ta philosophie ne peut en rêver ! »

    *

    Ah, humain, je reste trop humain pour ne pas verser malgré tout dans la futilité et les ragots ! En feuilletant un bouquin d'Anne Wiazemski, j'apprends que Robert Bresson n'était qu'un vieux pervers libidineux ; ce n'est pas un vrai "scoop" vu qu'on ne saurait être un grand cinéaste à moins.

  • Un singe au Vatican

    Beaucoup de bruit autour de Charles Darwin ces derniers temps à l’intérieur de publications assez sérieuses pour demeurer "confidentielles". Les nombreux bouquins de Stephen J. Gould (1941-2002) - le chaînon manquant pouvait dormir peinard pendant qu'il les écrivait -, continuent de faire débat ; Claude Allègre trouve le temps, en plus de nous prévenir contre les gesticulations de ce grand chimpanzé de Nicolas Hulot, de donner des cours d’histoire et de dégraisser la théorie de Darwin des préjugés que l’Éducation nationale a laissé croître autour négligemment ; et il y a même le pape qui vient de délivrer quelques phrases-clefs sur l’évolutionnisme et la Genèse à l’attention des dernières bigotes qui le lisent - environ cinquante personnes en France, dont votre serviteur.
    Et je viens de lire dans un mensuel plein d’ambition intitulé Reconquête un long entretien entre le Dr Xavier Dor et Cécile Montmirail - un patronyme plutôt "girond", mais c’est surtout le titre de l’article qui a capturé mon attention : Évolutionnistes contre créationnistes, la fausse opposition.

    Cette opposition est exploitée par des journaux à scandale comme Le Monde ou Présent ; mais il est si vrai que cette querelle est complètement artificielle, fabriquée, que l'"évolutionniste" S. Gould, dont personne n’oserait nier les titres et les compétences en paléontologie et en zoologie, notamment, accorde du crédit au discours créationniste. Car la conviction que certains mettent parfois à croire au singe est inquiétante ; si on leur dit un jour que nous serions plutôt issus de la moule ou de l'oursin que du bonobo, ne se sentiront-ils pas d'un seul coup orphelins ?
    Tous les discours raisonnables sont les bienvenus, et certains "créationnistes" sont raisonnables, dit en substance S. Gould ; ajoutons que Gould est très proche dans la démarche épistémologique de Benoît XVI ou de Claude Allègre ; lorsque Claude Allègre explique le danger que le consensus démocratique peut représenter pour le progrès, il se fait l’écho de Baudelaire (pas le Baudelaire au programme du baccalauréat, évidemment), esprit moderne et d’avant-garde s’il en est, honni pour ses jugements sociaux sévères et ses critères intellectuels cinglants.

    *

    Quant au Dr X. Dor, dont il m’est arrivé d’éprouver la grande capacité d’écoute, d’être surpris qu’il ne s’irrite pas de mes boutades quelquefois impertinentes, je trouve son propos à la fois trop scientifique… et trop peu. Un peu "décalé", en fait.
    Pour synthétiser l’opinion du Dr Dor, il reprend en gros à son compte l’idée développée par Bergson d'évolution consciente ; "la conscience est consubstantielle à la vie" dit l’humaniste Bergson, pour qui la plus petite pâquerette est dotée d’une conscience ; ça paraît idiot comme ça, mais ça ne l’est pas plus que les "animaux-machines" de Descartes, auquel Bergson s’oppose ouvertement ; c’est amusant de le signaler vu que Descartes est un parangon de la raison, dont on a un peu tendance à nous rebattre les oreilles en démocratie.

    Le Dr Dor n'hésite donc pas de se dire catholique et "évolutionniste". Dans le détail, le premier de ses arguments à l’appui de ce credo, c’est l'"unité du monde vivant" - le fait que tous les êtres vivants ont un point commun, une signature commune, l'ADN. Je ne sais pas si X. Dor le fait exprès, mais cet argument est plutôt un argument "créationniste", car la ressemblance n’implique pas forcément l’évolution, le dynamisme. Dire, en présence d’êtres complexes et d’êtres plus simples qui ont des ressemblances, que les uns descendent des autres, c’est justement ce que les savants s’efforcent de démontrer à partir d’indices qui PARAISSENT significatifs, mais sans être parvenus encore à un taux d’indices suffisant. Il ne faut pas se hâter de conclure, surtout lorsque la réponse n’a pas un caractère urgent. Toute l’ambiguïté de la démarche scientifique, qui échappe au saucissonnage kantien, c’est que le chercheur fait simultanément un raisonnement intuitif complet, à cet égard l’imagination, le goût, l’éducation, le savoir historique sont utiles, et un raisonnement déductif, progressif et qui exige confirmation.
    Ne sont-ce pas l'évidence et la hâte qui ont entraîné Lamarck à cette erreur que le cou des girafes avait poussé pour leur permettre d’atteindre les feuilles des arbres et de paître plus à leur aise ? Une déduction trop rapide que Darwin n’hésita pas à reprendre à son compte, tant le désir de Darwin d'arriver était grand. L’erreur n’est pas seulement humaine, elle est scientifique, mais il ne faut pas en abuser. Ce n’est pas un hasard si tous ces gobemouches des médias, ces journalistes arrogants et vaniteux, ont emboîté le pas à Nicolas Hulot, comme les gamins de Hamelin se ruèrent à la suite d’un joueur de pipeau, tandis que des têtes un peu plus froides, scientifiques, au contraire, se montrent réfractaires à glisser sur la peau de banane écologiste.

    *

    D’ailleurs, si cela était prouvé, que tous les êtres vivants sont issus successivement d’une même "matrice", en quelque sorte, il faut bien voir qu’il serait alors beaucoup plus difficile de faire un classement chronologique que, par exemple, de classer rétrospectivement dans l'ordre les cinquantes tableaux miraculeusement retrouvés, de la main d’un même peintre décédé sans laisser de testament.

    Xavier Dor comme Benoît XVI entendent démontrer que le créationnisme et l’évolutionnisme sont deux idées que l’on peut conjuguer fructueusement, ou, si l’on préfère, qui ne se nuisent pas l’une l’autre. C’est un discours d'apaisement. Le Dr Dor est pur, TROP pur ; ce n’est pas la première fois que je me fais cette réflexion à son sujet. En vérité, aucun des grands savants qui collectionnent les indices permettant de prouver un jour quelque chose n’est gêné en quoi que ce soit par le discours "créationniste". Ceux qui accusent les "créationnistes" de manipuler l’opinion ne sont pas de bonne foi. Il n’y a pas QU’UN SEUL discours de propagande, un seul mysticisme, celui des musulmans ou des sectes protestantes yankies - cqfd. Il y a d’autre part et d’abord la propagande de Darwin lui-même, son mysticisme, sa foi aveugle dans le singe. « La religion est l’un des plus grands fléaux du monde, comparable à la variole mais plus difficile à éradiquer. » : ce propos est de Richard Dawkins, un autre grand savant évolutionniste en pointe. Si ça ce n’est pas aussi un discours mystico-religieux, je ne sais pas ce que c’est…

    Se pencher sur la genèse ne doit pas faire oublier la Chute. Il n’y a plus d’homme qui s’avance avec des intentions complètement pures depuis cet événement. On n’est pas forcé de croire à cette histoire, mais dès lors qu’on y consent, la présomption d’innocence est contrebalancée par la présomption de culpabilité, surtout vis-à-vis des innocents aux mains pleines, des vertueux citoyens, toujours prompts à dénoncer les ténèbres de l’islam ou du Moyen-âge. Mieux encore que de cette vague "raison" dont personne ne peut dire exactement en quoi elle consiste, c’est de méfiance que le chrétien doit s’armer contre la prétendue neutralité laïque, que je n'ai pour ma part jamais rencontrée hors de pompeux traités de droit ou dans la bouche de braves crétins qui en étaient eux-mêmes les victimes inconscientes.

    Si les chrétiens persistent à tenir des discours de pandas naïfs, ils seront parqués dans des zoos et éliminés lentement mais sûrement par ceux qui les traquent. Je préfère être un chrétien méfiant, libre et sauvage !

  • Déchéance électorale

    À mesure que l'échéance du 22 avril se rapproche, l'amertume grandit. Tous ces électeurs qui s'agitent, dans les talk-shows, les forums de discussion, les blogues, bien sûr, plus que jamais, ils font pitié comme ces petits papillons blancs qui se précipitent dans les phares d'une voiture : quel gâchis ! quelle sotte dévotion !

    Je ne dis pas qu'il n'y a pas, malgré l'impressionnante lourdeur de toute cette propagande, l'instinct diffus, chez certains, que tout ce cirque, les petits bonds de Sarkozy dans le poste, les battements de cils de Ségolène, les rodomontades de Bayrou, n'est que de la poudre aux yeux, des illusions promues. C'est comme ça que je m'explique le succès du petit livre d'entretien d'Éric Besson, ce cacique du parti socialiste quasiment inconnu avant qu'il ne décide en pleine campagne, après avoir été déçu par Ségolène, de faire les yeux doux à Sarkozy et d'ouvrir les coulisses du petit théâtre de variétés de la campagne électorale du parti socialiste.

    *

    Comment ne pas faire le rapprochement entre Éric Besson et Jean-Jacques Rousseau - ou Candide ? hors le style, bien entendu, quoi qu'en dise Philippe Tesson, qui n'a que l'apparente robustesse d'un critique du XIXe, c'est un pantomime bavard plutôt.
    Car l'interviou de ce Besson-là, facile à lire, y compris entre les lignes, cache mal l'hypocrisie qui sous-tendent ses propos et la bêtise de ses idées politiques, alors que c'est justement les manœuvres de la campagne électorale qu'il dénonce et se pose en chevalier blanc de la démocratie.
    Ainsi E. Besson fustige le bidonnage complet du "chiffrage" des promesses électorales des candidats par de pseudo-économistes, alors qu'il a été pour le PS un des principaux artisans de ce faux-semblant. Mieux que cela, il admet à demi-mot que l'idée même d'un chiffrage n'est pas sérieuse. Les promesses électorales ont perdu de leur crédit sous Chirac, il fallait leur en redonner un minimum ; la comptabilité, ça impressionne toujours les esprits faibles. Comme on comprend François Hollande d'avoir confié cette mission à un tel Jean-Jacques ! D'ailleurs Besson conteste à Bruno Rebelle, de "Greenpeace", conseiller de Ségolène, une quelconque compétence dans le domaine de l'écologie ; mais dans le même temps il fait semblant d'accorder du crédit à… Nicolas Hulot ! Il est évident que "Greenpeace" n'a jamais été le champion de l'écologie mais du marketing et que c'est pour ses compétences dans ce domaine que le faux Rebelle a été recruté.

    Les véritables mobiles littéraires d'Éric Besson sont personnels. Sentimentalement, il a été déçu d'être snobé par son ami François Hollande et son mentor François Rebsamen, d'abord. Surtout, sa carrière a souffert du choix qu'il a fait de miser dans un premier temps sur le mauvais cheval, Lionel Jospin, au lieu de cette pouliche de compétition qu'est, il l'admet lui-même, Ségolène Royal ; Jean-Jacques était mû lui aussi par le dépit changé en haine contre son ex-ami Diderot (un gros gourmant, comme Hollande.)
    J'ajoute que les métaphores "foutebolistiques" de Besson produisent sur moi un "effet navrant" supplémentaire. Les politiciens qui s'intéressent sincèrement au foot, Philippe Séguin, Lionel Jospin, Philippe de Villiers, Bernard Tapie, ce ne sont certes pas les plus brillants de nos édiles…

  • Provocateur-né

    Un de mes potes, génétiquement programmé pour être un provocateur, au milieu d’une conversation (sur Maurice Dantec - beaucoup trop vacharde pour être reproduite ici) lance que mes idées politiques ne sont pas finalement très différentes de celles de… José Bové !? Saligaud ! José Bové, ce mec poilu et décérébré qui donne des frissons aux pucelles démocrates-chrétiennes… c'est tout ce que je déteste ! Je sais que je ne devrais pas, mais j’éprouve le besoin de me justifier, Henri.

    L'“antilibéralisme” de Bové est complètement idiot. Bové croit dur comme fer au libéralisme, comme Madelin ou Bernard Arnault, alors que le libéralisme ça n’existe pas, ni spectre ni bon génie de la lampe ; il n’y a MÊME PAS une doctrine libérale cohérente, juste quelques éclairages micro-économiques plus ou moins pertinents et n’importe quel macro-économiste, pas besoin d’avoir fait l’école des Chartes, n'importe quel économiste sait qu’il n’y a pas de système économique idéal. « Il est interdit d'interdire », dans le domaine de l'économie comme des mœurs, ce n'est qu'un slogan hypocrite et ringard.
    Que reste-t-il, dans ce cas, des invectives de Bové ? Si le libéralisme n'existe pas, qui sont les "libéraux" ? Un conglomérat de grands patrons qui se regroupe autour de quelques intérêts sonnants et trébuchants communs, qui arrosent les médias et les hommes politiques avec leur pognon et n'hésitent pas à se poignarder dans le dos lorsque c'est nécessaire ; je n’ai jamais entendu Bové dire ça clairement. Ça supposerait un jugement historique et moral dont il est incapable.

    Il n’y a qu’à observer d'ailleurs l’anticléricalisme inné de Bové : il ferait presque croire à la théorie de l’hérédité des caractères acquis de Darwin, lorsqu’on le voit aboyer de rage dès qu’il aperçoit la bobine d’évêque antéconciliaire de Philippe de Villiers, alors que les “cléricaux” ont perdu pratiquement tout pouvoir d’influence en France depuis longtemps ! Encore une fois il met à côté de la plaque, cette enclume de Bové.

    La vérité c’est que José Bové est une caricature. Il sert d’épouvantail à tous ces enculés de patron en costume-cravate qui collectionnent des œuvres d’art contemporain. Il est parfait pour faire peur au troupeau des démocrates-chrétiens, des centristes et autres bobos bêlants. Aucun risque qu'il fasse un score important comme Le Pen.
    Le mariage de Bové avec une sainte-nitouche démocrate-chrétienne n’est donc pas si improbable lorsqu’on sait le nombre d’industriels que la bourgeoisie démocrate-chrétienne a engendré, dans la grande distribution ou dans le pneu, et comment elle protège ses roulements à billes avec soin.

    De nos trois théoriciens fumeux : Madelin, Bové et Arnault, difficile de dire à vue de nez qui est le plus con, mais celui qui a certainemement le plus de pouvoir des trois, vu le pognon qu’il brasse, c’est B. Arnault.

  • Un pionnier

    Il serait un peu naïf, sous prétexte que Christine Angot ou Amélie Nothomb sont des écrivaines rabougries et ennuyeuses, de dénigrer l'"autofiction" en général. Car c'est presque toute la littérature moderne qui ressortit en fait au genre "autofictionnesque" ; sous le manteau du "roman", il n'y a guère que des autofictions cryptées ou parcellaires - même les romans sans chair de Robbe-Grillet en disent long sur ce cas de monomanie étrange -, autant s'abstenir complètement d'en lire, dans ce cas.

    Après, la question de savoir si telle ou telle autofiction dépasse les bornes et verse dans l'obscénité gratuite ou pas, cette question-là est plus délicate. Chacun sera tenté de juger Rousseau, Balzac, Céline, Proust, Waugh, Mauriac, Bernanos, etc., en fonction de ses propres mœurs ou de son propre tempérament. On peut très bien imaginer que tel ou tel chrétien, surtout si c'est une chrétienne, se sente offusquée à la lecture de tel ou tel épisode des Confessions d'Augustin, un pionnier du genre, notamment un épisode d'avant qu'il ne se soit assagi.

    Personnellement, j'aime que l'autofiction soit aussi dépourvue de grandes déclarations idéalistes que possible. Comme la tendance de chacun à "généraliser" est inscrite dans le génome humain, disons qu'il est préférable que la "philosophie" de l'auteur ne soit pas trop apparente, qu'elle soit "retenue". Ainsi, L.-F. Céline a deux ou trois idées bien arrêtées sur la vie et le monde qui l'entoure, mais il évite de nous assommer à chaque page du Voyage ou de Mort à crédit avec des sermons. C'est aussi ce qui fait qu'on lit plus volontiers les Confessions de saint Augustin qu'une encyclique de Benoît XVI ; même si saint Augustin ne peut s'empêcher de prononcer des sermons de temps en temps, on sent le chrétien palpiter encore à près de seize siècles de distance, tandis que Benoît XVI, ce n'est qu'un rappel à un ordre plus juste, une tentative de restaurer de vieilles règles. Du coup la portée n'est pas la même. La pilule passe moins bien lorsqu'elle n'est pas dissoute dans la potion.

    *

    Ce qui est amusant, c'est que l'autofiction n'implique pas plus d'exactitude que le roman. L'exemple de Rousseau est significatif, lui qui s'aventure souvent dans des domaines, l'éducation, la politique, la musique, dont il n'a à peu près aucune expérience, et puis qui travestit allègrement la réalité de son existence, de son éducation, de ses amitiés ; il y a l'exemple de Chateaubriand aussi, qui peut passer pour un fieffé menteur, si on le confronte à une bonne biographie. C'est le jeu de compléter Bloy, Céline, Rousseau, par une bonne biographie, et de voir ce qu'il y a dans l'interstice (ou le grand écart).

    Ce qui m'a poussé à lire le petit essai que L. Jerphagnon consacre à saint Augustin, c'est une interviou où il déclarait son antipathie pour sainte Monique, la mère d'Augustin. Je me montrai curieux de savoir pourquoi ? Alors même que saint Augustin fait l'éloge de sa mère, de sa soumission à son mari païen… Mais l'argument de Jerphagnon contre Monique n'est guère étoffé, c'est quasi un préjugé. Principalement il lui fait grief d'avoir chassé la maîtresse d'Augustin et son fils, afin de permettre à Augustin, dont la carrière venait de décoller, de faire un mariage plus brillant. Et puis il reproche à Monique d'être un peu trop "dévote". Qui plus est Jerpahgnon est de confession protestante, c'est étonnant lorsqu'on sait l'importance de la "carrière professionnelle" dans les milieux protestants, leur empressement à rejoindre les rangs de la laïcité et de la démocratie la plus bigote !
    En outre, Jerphagnon essaie d'imiter le franc-parler d'Augustin, mais il consacre trop de temps à faire le catalogue de vieilles idées philosophiques gréco-latines qui, extraites de leur fondements historiques, n'ont pas beaucoup d'intérêt.

    *

    Des exemples contemporains comme ceux de Modiano, Angot ou Beigbeder, montrent bien que le roman est un peu pris au piège dans "une grande démocratie comme la nôtre". Ce piège, on peut d'ailleurs dire qu'il n'entrave pas seulement le roman, mais toutes les formes de création, ce piège se présente comme un paradoxe : chacun d'entre nous ou presque est encouragé à devenir un artiste - transformé en génie par la grâce de quelque slogan le moindre patouilleur capable de justifier ses patouilles ou son bout de pellicule avec deux ou trois phrases habiles -, dans le même temps que la société de consommation prive les individus de toutes les conditions favorables à l'épanouissement de l'art, voire de l'artisanat.

  • Repentance

    Une repentance, au sens ancien, c'est-à-dire un mea culpa : dans ma hâte à vouloir exécuter Jean d'Ormesson, tantôt, je l'ai accusé à tort d'avoir fait une publicité abusive, dans Les 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie, à une jeune écrivaine indienne, Abha Dawesar, publiée par Héloïse (sic) d'Ormesson, sa fille. J'ai confondu la donzelle avec l'une de ses concurrentes, Jhumpa Lahiri. Elles n'ont pourtant pas toutes les deux exactement le même genre de physique (Jhumpa est un peu plus racée.)
    J'avoue aussi ma méconnaissance de la littérature indienne dans son ensemble, tant que j'y suis, et que Kipling reste pour moi LE grand écrivain indien indépassé (Sur ce point V.S. Naipaul ou S. Rushdie, au moins, ne risquent pas de me contredire.)

    Jean d'Ormesson est donc seulement coupable d'avoir apporté sa caution académique à une anthologie qui n'est pas assez large pour faire place à un seul livre de Psichari, Von Salomon, Loti, ou encore Villiers de l'Isle-Adam, mais en revanche assez laxiste pour accorder un chapitre à des œuvrettes signées Amélie Nothomb, Julian Barnes, Thomas Pynchon ou Patrick Modiano.

    Oh, et puis pour être tout à fait franc, il y a pire que ce bouquin puisqu'il est en réalité presque entièrement rédigé par des profs britanniques et que les Français, de toute façon, ne lisent presque pas. Avec les Espagnols, nous sommes les plus mauvais élèves de la classe européenne dans ce domaine.

    *

    M'étant rendu dans un grand centre commercial entièrement consacré au sport afin d'y acquérir un nouveau "moule-bite", comme on dit dans le langage des piscines, j'en ressors bredouille. Lorsque j'avais acheté le précédent dans la même boutique, on y trouvait en rayon environ trois-quarts d'articles de sport pour un quart d'articles de mode ; la proportion s'est inversée dans l'intervalle ! Les ethnologues qui s'attachent à définir l'identité française auront noté ces faits, je suppose, à la fois la médiocrité des Français dans le domaine de la lecture et dans celui du sport, médiocrité qui s'incarne si bien dans le journal L'Équipe.
    À quoi sommes-nous donc bons, alors ? Dans le domaine des performances sexuelles, on peut penser que les statistiques ne sont pas fiables et que la nouvelle hypocrisie sociale qui consiste à faire état de performances sexuelles hors du commun, si possible en utilisant un vocabulaire anglais pompé sur internet, cache en fait plutôt une certaine misère sexuelle, ainsi que l'a assez bien démontré Michel Houellebecq.

    Que reste-t-il à part un premier prix de cuisine à se disputer avec nos voisins italiens ?

  • Détours en France

    Excursion en province. Deux ou trois fois l'an environ, je me sens obligé d'honorer mes "vieux" d'une visite de courtoisie. Je dis "vieux" par réflexe, car depuis un an ou deux j'ai l'impression de vieillir plus qu'eux. Du coup, ça les rajeunirait même à mes yeux.
    Mon paternel, je m'entends assez bien avec lui, mais il ne tient pas en place : il y a sa nervosité naturelle, et la frustration sexuelle qui n'arrange rien, j'imagine. Comme il ne boit pas et ne fume pas, je lui suggèrerais bien de prendre une jeune maîtresse habile, comme on n'en rencontre guère que dans les bouquins de G. Matzneff, n'exigeant que des sentiments et un bijou de temps en temps : il se calmerait un peu ! Mais je n'ose pas ; je suis sûr qu'il est déjà arrivé à la même conclusion que moi depuis longtemps : les femmes sont un poids, la bagatelle a son revers… et Matzneff "brode" beaucoup trop.

    *

    La mer est bleue, le ciel est bleu, les rochers dessinent des formes bizarres, tout ça est magnifique sous le soleil, certes, mais je ne m'attarde pas trop ; la province, c'est bon pour les peintres impressionnistes.

    Léger désagrément au retour en pénétrant dans mon wagon lorsque je constate en me penchant sur mon "titre de transport" que je n'ai pas de place réservée et que je voyagerai assis "selon la disponibilité" des sièges. L'appât du gain est tel à la SNCF désormais qu'ils n'hésitent pas à vendre plus de places qu'ils n'en disposent, les salauds. Stoïque, je passe deux plombes à bouquiner debout dans la coursive, ce qui me vaut un regard admiratif de chacune des gonzesses, six en tout, qui défilent devant moi sur le chemin du bar. Mais aucune n'est vraiment jolie ou bien sapée.

    Les contrôleurs ne me réclament pas mon billet. Est-ce parce que je lis quelques morceaux choisis d'Engels dans un bouquin à couverture rouge ? J'en suis presque sûr… Merde, on devrait pouvoir lire Engels ou Marx sans s'attirer forcément la sympathie des syndiqués en uniforme de la SNCF ! Engels, lui, parcourt la province française à pieds et en dit beaucoup de bien, surtout de la Bourgogne, dont il aime l'accent, où le bon vin coule à flots et les filles sont bien mises et peu farouches… C'était avant la révolution petite-bourgeoise et les TGV qui roulent à cinq cent soixante-dix kilomètres par heure et des brouettes.

  • Largesse d'esprit

    Jean d'Ormesson se "mouille" toujours autant ; il signe une anthologie illustrée : Les 1001 livres que vous devez avoir lus dans votre vie. Après tout pour qui est bien décidé à vivre aussi longtemps que Jean d'Ormesson, 1001 livres ça ne fait jamais qu'un peu plus d'un bouquin par mois environ, c'est raisonnable…

    Aux côtés des classiques de toutes les époques et de toutes les langues - on retrouve même Waugh dans cette anthologie, aussi prisé des lecteurs britanniques que Mauriac l'est des lecteurs français, mais dont l'ironie politiquement incorrecte est assez malvenue de ce côté-ci de la Manche -, en cette brillante compagnie, donc, on est quelque peu surpris de voir figurer la jeune écrivaine contemporaine indienne Abha Dawesar, quasiment une inconnue… on est moins étonné lorsqu'on s'aperçoit que l'éditeur d'Abha Dawesar en France n'est autre que la propre fille de Jean d'Ormesson.
    Rompu à l'art de déblatérer sur un plateau de télévision et d'y jouer le rôle du "charmant vieil homme" comme pas deux, d'Ormesson répondrait sûrement que c'est parce qu'Abha Dawesar fait partie des mille et un auteurs indispensables, justement, que sa fille a décidé de la publier, et non l'inverse. Je n'ai vu d'Ormesson perdre ses moyens à la télé qu'une seule fois, le jour où Laurent Ruquier à révélé en sa présence que le vénérable académicien se torchait avec du papier-cul imprimé de fleurs de lys bleues. Malgré toute son expérience, le charmant vieil homme ne s'attendait pas à cette attaque par-derrière ET en dessous de la ceinture.

  • La mascotte anarchiste

    La mascotte de Charlie-Hebdo, le petit père Siné, répétant en boucle à la télé qu'"un bon gendarme est un gendarme mort", qu'est-ce que c'est si c'est pas du "marketing" anar ? Faut dire que le soutien de Sarkozy et de tout le gratin de Saint-Germain-des-Prés, lors du vrai-faux scandale des caricatures de Mahomet, ça n'a pas dû leur faire que du bien à Charlie-Hebdo. Et avec ça Philippe Val qui se prend pour Bertrand Poireau-Delpech ou bien Jean Daniel, Cabu dessinateur officiel de la Ville de Paris… D'ici que le prochain président propose le transfert des cendres de Cavanna au Panthéon… Les lecteurs de Charlie vont finir par se douter de quelque-chose. Pas si cons que les lecteurs du Canard enchaîné, quand même !
    (Plusieurs années de suite, j'ai eu un voisin instituteur communiste qui faisait la lecture à voix haute des titres du Canard à sa régulière tous les mercredis : « Écoute ça un peu, Claude : c'est un véritable scandaaaaale !!! ahaale… » Pas de doute, cet enfoiré jouissait dans son froc ; il lui fallait sa dose hebdomadaire de dénonciations pour vivre ; sans ça il se serait étiolé. Je parie tout ce qu'on veut que le standard du Canard enchaîné doit crouler sous les appels des délateurs, pire que le standard de la Gestapo pendant l'Occupation.)

    Siné fait donc son sketche à la télé. Faut dire qu'il s'y connaît en promo, Siné, puisque c'est dans la réclame qu'il a débuté, comme Beigbeder, Dantec ou Ardisson. Mais il n'a réussi à choquer personne sur le plateau de "France 3", ni l'historien Michel Winock, ni le porte-plume Georges-Marc Benhamou, pas même Frédéric Taddéi ; si une jeune sociologue un peu moins conne que tous ces vieux schnocks n'avait pas traité Siné de fils à papa bourgeois, le consensus aurait été total.

    D'être anarchiste, c'est pas ça qui a empêché Siné d'appeler les flics à la rescousse lorsque sa villa en Corse a été cambriolée, ni de voter Chirac en 2002. Si même les anarchistes n'ont plus aucun principe, où va-t-on ?

  • Les vacances de M. Chirac

    Publicité contre un kiosque pour une nouvelle gazette écolo intitulée Néo-Sapiens ; c’est du "marketing" élémentaire quand on s’adresse à des archéo-cons.

    Une des manchettes annonce : « L’art de la douche : le plaisir de la douche avec un minimum d’eau. » Je comprends pas ce besoin que les bobos ont de prendre des douches régulièrement, qu’est-ce qu’ils font de si salissant ?

    « Qui sera le prochain ministre du Développement durable ? » : sûrement pas moi, pourtant j’aurais des tas d’idées pour économiser le papier, l’encre et la salive, un nouveau genre de tri sélectif.

    Dans une librairie, je découvre avec étonnement qu’une maison d’édition vient de publier rien moins que deux épais volumes des discours de Chirac ?! On me dit parfois que je suis pessimiste, mais pas au point de croire qu’il y a des gens qui peuvent lire de vieux discours de Chirac.

  • Explorations

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    Depuis Mort à Crédit, il y a quelques mois, je n’ai pas lu un seul roman : la peur d’être déçu, de trouver tous les plats un peu fade en comparaison.
    Dans la réédition en "poche" du Gilles de Drieu La Rochelle, je n’ai pas dépassé la préface. Contre le reproche qui lui est fait de trop se préoccuper de politique, Drieu se défend en mettant au défi de trouver un grand auteur qui se désintéresse de la chose politique.

    Cet avis aussi - je le partage -, que la France est un pays de peintres, d’observateurs attentifs ; pas étonnant qu’elle attire autant les iconoclastes (Mais d’être d’accord avec Drieu ne me donne pas envie de lire un des ses romans pour autant.)

    Je vois qu’on publie un volume du journal intime de Matzneff. J’ignore tout ou presque de la production de Matzneff, comme de celle de Drieu. Je lis quelques pages. La pédophilie ne m’intéresse pas, c’est une fiction juridique, comment peut-on fonder une littérature là-dessus ? Il faut être bien persuadé de la permanence des conventions humaines… C’est le désir sexuel pour les personnes âgées qui est plus rare et susciterait plutôt ma curiosité.
    À plusieurs reprises Matzneff décrit ses rapports sexuels avec ses lycénnes chéries de cette façon à peu près : “Nous avons fait l’amour, c’était fantastique !” Une telle idéalisation du coït, ça fait un peu sourire, quand même. On dirait que Matzneff a quinze ans lorsqu’il écrit des choses pareilles. Est-ce qu’il le fait exprès ? Est-ce qu’il n’a pas peur tout d’un coup de se transformer en adulte ?
    Ce n’est pas là-dedans non plus que je ferai mon miel ; probablement faut-il être soi-même lycéenne pour goûter cette littérature pleinement et je ne me sens pas l’âme d’une lycéenne aujourd’hui… Je prends donc finalement la résolution d’achever la petite biographie de saint Augustin par Lucien Jerphagnon.