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balza

  • Nombrilisme

    Tout le monde a au moins une bonne raison de détester Céline - moi par exemple, c’est son jansénisme et son hygiénisme qui me débecquetent. Et en même temps, tout le monde a aussi une bonne raison d’aimer Céline. Puis il n’y a pas loin du jansénisme de Céline à son esprit rabelaisien, ou de son hygiénisme à son esprit “bohême”. En fait, il est de deux siècles à la fois, un homme du XVIIIe et un homme du XIXe superposés. C’est le secret des plus grands romanciers : le dédoublement. Chez Voltaire, chez Rousseau, chez Balzac, il y a ça. Proust, lui, au contraire, est monolithique, un produit manufacturé de son époque dont il ne révèle rien mais qu’il se contente d’exprimer. Le vrai nihilisme est là. Une poésie pour les temps à venir, Proust ? Je n’en crois rien : une poignée de cendres.

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    Même les analphabètes ont une bonne raison d’aimer Céline, vu qu’il leur fait gagner un maximum de pognon. Le magazine Lire, par exemple, spécialisé dans la littérature pour analphabètes, ne peut pas s’empêcher de publier un hors-série sur Céline, histoire de compenser la nullité de ses chroniques habituelles. Ils ont raclé les fonds de tiroir, revomi une vieille interviou truquée de Madeleine Chapsal, vieille peau distendue, puis retendue, puis redistendue… Céline, les derniers secrets : on dirait un titre de Détective ou de Paris-Match. Ça sent le scoop de journaliste raclé dans une poubelle ou négocié au ministère de l’Intérieur. Quand il s’agit de se foutre de la gueule du populo, il y en a qui ne reculent devant aucun moyen. Faut voir aussi le ton moralisateur que prennent les baveux de Lire pour reprocher entre parenthèses à Céline son antisémitisme tous les deux paragraphes, pareil que si on reprochait à un gamin de cinquante ans d’avoir volé un pot de confiture sur une étagère quand il en avait dix. Ce n’est pas “le grand pardon” mais “la grande rancune”. C’est le premier écrivain français “en conditionnelle”. Et après ça il y en a qui osent dire que la démocratie n’est pas “moralisatrice” ! Même Céline, le plus immoral d’entre tous : surtout pas d’alcool, ni de cigarettes.