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  • Pommes normandes

    Je ne sais pas pourquoi je repense à Drieu La Rochelle, nitchéen normand en proie au doute (le contraire de M. Onfray) ?

    Peut-être parce que je connais deux ou trois types comme Drieu, au bord du "suicide spirituel", c'est-à-dire à qui un monde où on balance des bombes sur des civils "au nom des droits de l'homme et de la paix", donne envie de se tuer, de s'anéantir, pour ne pas connaître ça. C'est la raison pour laquelle Drieu donne dans le panneau nazi aussi facilement : il a besoin de croire dans un ordre qui ne soit pas purement mercantile. Même assimilation que Céline de la City, New York, les juifs, à la zizanie ; Drieu n'oublie pas ses compatriotes, ses amis, lui-même ; un vrai bonze masochiste, le genre qui plaît aux femmes.

    Exactement comme les jeunes filles maquillent la plupart du temps le coït en romance, Drieu a besoin d'une image pure de la politique. Les jeunes filles rêvent d'autant plus aujourd'hui que le coït est "safe", et que la pub lui donne un goût de bonbon et de savonnette.

    On ne dira jamais assez de mal des apôtres du romantisme, la petite crapule Chateaubriand, le bouffi Stendhal, camelote de bourgeoises en mal de frissons.

    Dans l'ordre humain, comme l'animal, c'est le parasite qui le plus résistant. D'où la métamorphose de Kafka en blatte, ou en cafard, je ne sais plus : c'est pour mieux résister, ou parce que la société fait de toi cafard ou blatte, quand elle ne te tue pas. La médiocrité sociale est le produit de l'évolution.

    Le bouddhisme de Drieu est déconnant. Molière ou Shakespeare n'ont eu aucun effet sur Drieu. C'est un bouddhisme de boy-scout, celui de Nicolas Hulot. Pas capable de voir que la chiennerie humaine n'est qu'un reflet de la nature. Idéale la politique, la nature doit l'être aussi. Le bouddhisme renseigne sur le fait que la cause première du puritanisme est politique ; l'hédonisme et le rêve, la "morale pure" de Nitche, la religion de la caste supérieure. La "décroissance" est un voeu pie fachiste ou bouddhiste, démocrate-chrétien quand le démocrate-chrétien est sincère, c'est-à-dire une fois sur mille. Désérotiser la politique ? Quelle blague. 

    La chiennerie humaine, il faut le dire, découle d'abord du droit, la matière infâme, le truc qui rend les hommes femelles. A laisser au singe. Regardez les dessins de Daumier, et vous comprendrez pourquoi "l'homme de loi" est porté à croire dans le darwinisme : il place le magistrat au sommet. Ecoutez le conte de Brassens, et vous comprendrez pourquoi le juge finit à son tour par être la victime du gorille. Le droit favorise l'instinct et la rapacité humaines. Il n'y a pas d'humanisme en Occident, sans effort pour désacraliser le droit. L'architecture, une obsession de la Renaissance ? Un réalisme ? Aucun art n'est aussi près, comme le droit, de la rêverie ; il n'y a aucune artiste réaliste sérieux qui ne cherche à s'abstraire du contexte anthropologique. L'esthétique républicaine moderne, autant dire nazie car ce sont les moralistes allemands qui ont tiré la bobine le plus loin, a un motif exclusivement stylistique, c'est-à-dire décoratif. La canette de soupe, le quart d'heure de gloire, Warhol a bien résumé le propos. La morale existentialiste qui en découle, imperméable à l'histoire comme la doxa politique, revient à la décoration d'intérieur. Schopenhauer voit en ses caniches chéris des égaux, parce qu'il pense comme eux. La plupart des "leçons d'Occident" nous sont données par des loukoums turcs. Quand elles viennent des Etats-Unis, où il n'y a que de l'art égyptien, toutes proportions ramenées à la canette de soupe, c'est à mourir - ou pleurer - de rire. Il n'y a pas de "choc des cultures", il n'y a que des querelles de voisinage entre Turcs.

    Le païen des villes est donc le plus con. Au stade du village mondial, c'est une menace vivante pour lui-même et pour autrui.

    - Deux surprises chez Drieu, et une erreur. La première surprise, c'est la rapidité avec laquelle d'apparemment bonnasses pères de famille, dévoués à leur régulière, les plus patenôtres du monde, le genre qui dégoûte Drieu, peut se muer en brute avide de sang dès que le coup d'envoi de la guerre est donné, obéissant au droit comme le robot à une impulsion électrique. Ne pas se fier, donc, à l'apparente mollesse du pachyderme yankee. Le porc cinéphile se mue rapidement en sanglier.

    La deuxième surprise, c'est que le soldat nazi est de cette espèce sentimentale. Déception de Drieu, qui rêvait de Vikings purs et durs. Où a-t-il pris que les soldats sont autre chose que des moutons ? Drieu aurait rêvé d'être Watteau (encore un rêve inutile) : ça demande certainement beaucoup plus de courage d'être Watteau que d'être trouffion. C'est l'atmosphère puérile et familiale qui attire et maintient dans l'armée. Sûr que Watteau a dû connaître des moments de solitude bien plus difficiles. Le soldat, c'est le type qui n'a même pas le courage de se suicider tout seul.

    Et l'erreur, c'est de ne pas cracher dans la soupe bourgeoise. "Je suis un bourgeois, je dois tout à la bourgeoisie, et donc cracher sur ce merdier comme Molière, ça serait pas "réglo"". Voilà en gros ce que se dit Drieu.

    Quelles sornettes ! Encore le même truc que le dévotion idiote dans une nature immonde. Là ça doit passer par sa mère, car ce sont toujours les mères qui procurent aux gosses cette idée idiote d'une nature bienveillante. Baudelaire se méfie de la nature, exactement comme il se méfie de sa mère, au millimètre près. On pourrait tracer le tableau Excel des poètes néo-païens romantiques, dégoulinant de sentiments incestueux, répartis en fonction du rapport qu'ils entretiennent avec leur mère. Le culte du tyran Oedipe - Napoléon, Staline, Hitler, Pétain, de Gaulle, en fonction du tempérament, vient de là : c'est papa.

    Ce sont les mères qui réduisent les hommes à la mentalité du soldat. "Marche ou crève", c'est la doctrine des mères ou de la nature, et il n'y aucune dette ou honneur à avoir vis-à-vis de ça. C'est au niveau de la termite, moralement, et même inférieur, car elle se débrouille mieux : "Y'a de la joie" dans les termitières, beaucoup plus que dans le village mondial, où la réjouissance n'est vraiment visible que dans le crime collectif.