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maistre

  • Dieu mais pas Maistre

    Plutôt que de qualifier Baudelaire de poète "romantique", il paraît plus juste vu que cet épithète est un vaste fourre-tout, de qualifier Baudelaire de poète "renaissant". C'est pour ça qu'il est moderne et réactionnaire à la fois. C'est aussi pour ça qu'il est puissant, car la force d'un art, ou d'une science, se mesure au nombre de ses rejetons, et Dieu sait que Baudelaire n'a pas manqué de suiveurs de génie.

    Baudelaire, même s'il a pu commettre certaines erreurs d'appréciation, et son engouement pour C. Guys est sans doute exagéré, est un naturaliste éclairé, c'est-à-dire qu'il laisse dans l'art place, non seulement à la nature, mais aussi à Dieu et à l'homme. Les artistes renaissants comme Baudelaire font un travail de REcréation, c'est ce qui leur donne cette profondeur. L'idée, qu'on prend en pleine figure chez Picasso, ou la nature en pleine pomme chez Cézanne ou un peintre impressionniste, se combinent subtilement pour vous envahir par les cinq sens, sans oublier le sixième, dans l'art renaissant, caricaturé par les critiques dits "modernes", pour qui Baudelaire a des mots durs, qui prennent la Renaissance pour une époque de géomètres-experts puritains, de savants froids.

    L'idée de romantisme indique plutôt une idée de nostalgie, à la limite du pastiche, et donc de décadence. Le vrai poète romantique, pour moi, c'est Proust, petit-bourgeois incapable de comprendre, contrairement à Baudelaire, la modernité de Sainte-Beuve, mais cependant auteur de quelques pages émouvantes où sa détresse est palpable, l'effort de se rattacher à de petites choses concrètes mais tellement friables, un album de photos.

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    Je suis quand même obligé d'avouer que lorsque Baudelaire explique que Maistre lui a "appris à raisonner", je suis étonné. Bloy reconnaît d'ailleurs la même filiation avec Maistre, bien que Bloy prétende ne rien entendre à l'art de Baudelaire.

    Je vois mieux le rapport entre Maistre et Maurras. Car le parti-pris, le systématisme, chez Maistre, on le retrouve presque à chaque page. Comme lorsque Maistre déclare que les femmes ont autant de dispositions que les hommes pour l'exercice du pouvoir politique ; jusque-là, rien à dire, l'histoire du Moyen-âge où les femmes ont eu le pouvoir plus souvent qu'aujourd'hui permet en effet d'observer qu'elles se comportent à peu près comme des hommes politiques. Mais lorsque Maistre avance que les femmes ont même plus de dispositions que les hommes pour l'exercice du pouvoir, on ne peut s'empêcher de trouver ses raisons infondées et qu'il pousse le bouchon un peu loin.

    Baudelaire, parfois idéologue - qui ne l'est jamais ? -, a cependant une vision beaucoup plus concrète des choses que son cher Maistre. Ce qu'il a peut-être appris de Maistre, c'est à ne pas se soucier de l'opinion commune sur les choses, ce qui est peut-être une définition de l'esprit aristocratique. On voit bien d'ailleurs que plus le temps passe, plus l'opinion publique dans tous les domaines semble dictée par des imbéciles dangereux et qu'il est urgent de s'en écarter.