Dans ma précipitation j’ai oublié, hier, de citer un extrait du sermon évolutionniste du père Picq, qui donne une idée assez exacte de cette religion à la mode. Fustigez l’obscurantisme (catholique ou islamique) aujourd’hui, et vous aurez le droit ensuite de vous vautrer dans l’idéologie pure, brute de poésie qui plus est, sous les applaudissements du public.
Chargé de critiquer le bouquin de Picq, Lucy et l’obscurantisme, dans le dernier numéro de la Quinzaine littéraire, le critique Jean-Paul Deléage ne songe pas une seconde faire son boulot simplement et relever les insuffisances et les contradictions du bouquin de Picq. Avec fanatisme, il reprend l’argument de Picq à son compte :
« L’évolutionnisme est aussi une science historique. Retraçant l’origine de l’arborescence du vivant profondément enraciné de la passé de la Terre, l’évolution est représentée avec bonheur par la métaphore de l’arbre. Ses racines constituent le passé, ses branches l’avenir (…) »
C’est creux comme un sermon post-conciliaire !
Et maintenant, l’envolée lyrique, qui vaut son pesant de… cacahuètes :
« Pour les évolutionnistes, par contre, une certitude : il n’y a que co-évolution, car ce sont les communautés écologiques, et non les espèces isolées, qui évoluent [vachement scientifique, le mec]. C’est donc la responsabilité humaine qui s’avère scientifiquement impliquée dans les drames écologiques de notre temps.
La mondialisation inclut des femmes et des hommes de différentes cultures ou croyances qui devront, en tout état de cause, construire le monde à venir. Or si aucune culture ne peut prétendre imposer ses valeurs propres à toute autre dans ce processus, force sera cependant de construire un socle commun de valeurs aussi universelles que fondamentales.
Ainsi devrons-nous agir pour que continue l’évolution. Cette situation inédite confère un sens profond à la grande idée de laïcité, seule garante de la diversité culturelle dans le désir que survive l’humanité dans une communauté de destin avec la planète Terre et sa biosphère.
La laïcité est donc bien le nouvel enjeu de l’évolution : [citant Picq] “L’évolution nous dit d’où nous venons, l’enseignement de l’évolution nous dit comment nous pouvons aller (sic). De Lucy à la laïcité, il n’y a qu’un long récit universel entre notre passé à tous et notre avenir à tous.” »
Si j’ai bien compris ça pose un problème MORAL à l’Église évolutionniste démocratique si le singe ou Lucy, devenu homme, évolue ensuite en gros connard barbare au lieu de circuler sur les vélos écolos de Bertrand Delanoë ??
Au point où la théorie évolutionniste est rendue - la métaphore de l’arbre cache une forêt d’énigmes pour les généticiens, les paléontologues, les zoologues -, les évolutionnistes ont colmaté la brèche en invoquant l’opération du saint Hasard pour expliquer les mutations. Le saint Hasard est peu compatible avec le programme écolo-laïc du père Picq, les nazis inspirés par le struggle for life de Malthus et Darwin étaient plus cohérents ; mais ce n’est pas la rigueur scientifique qui étouffe les fidèles de l’Église évolutionniste.
picq
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Picq de la Roccambole
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Créationnisme (4)
Parlons un peu de la manière révélatrice dont les évolutionnistes font passer les créationnistes pour une menace grandissante pour la science, et par conséquent pour l’humanité tout entière - car pour ce qui est d’extrapoler les évolutionnistes sont fortiches.
La sortie d’un bouquin de Pascal Picq, Lucy et l’obscurantisme, me fournit l’occasion. Pascal Picq est, disons, un vulgarisateur scientifique médiatique à l’audience assez large, quelques millions d’auditeurs.
Dans ce bouquin, l’artillerie lourde est de sortie contre les blasphémateurs créationnistes, pêle-mêle les islamistes, les électeurs de George Bush et de Le Pen, en gros tout ce qui inspire des cauchemars au lecteur lambda de Libé, avide comme on sait de progrès, de justice et de liberté.
Moi j’entends Picq un peu partout exprimer ses vues ; jusqu’à preuve du contraire je ne suis pas fou. En revanche, je prétends que ceux qui entendent des islamistes prêcher un credo créationniste dans les médias ont “des voix”, et qu’ils feraient bien de se faire ausculter. À commencer par Picq.
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Le “danger créationniste”, ça fait doucement marrer… Alors que les évolutionnistes ont été en mesure d’obliger le pape, en dehors bien sûr de ses fonctions, de son rôle et de sa spécialité habituels, à admettre officiellement que la théorie évolutionniste est une théorie plausible. Un tel geste aurait eu du sens pour protéger un art ou une science menacée, mais nul ne peut prétendre que le darwinisme n’a pas un très large écho, y compris chez les catholiques eux-mêmes, qui l’admettent souvent comme une vérité immanente.
Les évolutionnistes ont ainsi remporté une victoire, puisque les médias se sont empressés de traduire la déclaration du pape comme une caution, un peu ringarde, certes, à leurs yeux, mais une caution quand même, fournie à la théorie de Darwin. Un comble de la part d’évolutionnistes qui se réclament de la science, de la logique et d’une certaine forme d’athéisme !
C’est exactement comme si on avait forcé le pape à se convertir à l’esprit du temps.
Car il ne s’agit pas vraiment d’un complot évolutionniste, mais plutôt d’une manifestation de la force de l’esprit du temps, des préjugés contemporains, qui n’ont jamais été aussi univoques et indiscutables que depuis que les moyens de propagande moderne, télévision, cinéma, journaux “gratuits”, se sont imposés en Occident, au point de contraindre un pape à légiférer “in nihilo”.
Il faudrait être un scientifique bien naïf pour prétendre que l’esprit du temps, les croyances communes, qui forment en définitive une religion nouvelle, n’ont pas une influence déterminante sur la recherche scientifique. Il faut avoir une cervelle bien kantienne pour isoler Copernic, Newton, Darwin ou Poincaré du socle de leurs croyances ou de leurs convictions.