Poursuivant l'ouvrage de Simone Weil ("La Science et nous", 1941) je mets ici en relation la démocratie et les "trous noirs", invention de la physique quantique dernier cri (trois techniciens de laboratoire américains viennent de se voir décerner le prix Nobel de physique, récompensant leur méthode de détection des ondes gravitationnelles produites par la fusion de deux "trous noirs").
La mise en relation d'un système de valeurs politique et d'une théorie scientifique peut surprendre. Pourtant cette coïncidence est frappante, non seulement en ce qui concerne l'Egypte antique et sa formule politico-géométrique, mais aussi en ce qui concerne la démocratie moderne. De nombreux apôtres du régime démocratique prêchent simultanément sur les deux terrains, "scientifique" et "politique".
Mes observations prolongent celles de Simone Weil puisque cette essayiste chrétienne a remis doublement en cause le fondement rationnel de la démocratie moderne et de ladite "physique quantique", élaboré en marge du développement de centrales nucléaires civiles et de bombes atomiques (censées garantir paix et démocratie).
- Première observation : la démocratie se présente comme une "politique-fiction", de même que la physique quantique est une "science-fiction". Autrement dit, la démocratie est une politique en devenir, hypothétique, ce qui n'est pas le cas de toutes les doctrines politiques. La démocratie n'est pas l'égalité, mais elle tend vers l'égalité - du moins est-ce son objectif déclaré et officiel.
De même la part de l'hypothèse dans la physique quantique est très grande. La place des modèles mathématiques permet de mesurer l'importance de l'hypothèse, étant donné la variabilité de ces modèles (le modèle de Copernic en partie périmé par le modèle suivant, etc.).
Au demeurant la géométrie algébrique repose sur des postulats hypothétiques (infini, zéro), et non des preuves expérimentales. Autrement dit : le calcul mathématique EST antimatière. Il est donc logique que les savants qui recommandent une méthode scientifique fondée sur l'expérimentation recommandent de se méfier de l'abus de lois et de calculs algébriques.
Le mathématicien Henri Poincaré fait ainsi la juste remarque qu'il est impossible de déduire des calculs de distances interstellaires effectués par Copernic la forme matérielle de l'univers. On pourrait en effet, sur la base d'une démonstration algébrique, postuler que la terre est plate : c'est ce que font les géographes lorsqu'ils dessinent des planisphères.
En résumé : de même que la démocratie tend vers l'égalité, la physique quantique tend vers le trou noir (ou vers un point, en cas de modélisation bidimensionnelle).
- Seconde observation : l'égalité (plus ou moins stricte) est un point de départ de la réflexion démocratique, en même temps qu'il est représentatif de son accomplissement. L'antimatière se retrouve de même aux deux bouts de l'enchaînement des démonstrations algébriques. On trouve déjà l'ébauche de "trous noirs" dans la mécanique de Descartes.
La physique quantique ne tient pas compte des tentatives de réformer la science au début du XVIIe siècle en ménageant une part plus grande à l'expérimentation, afin de réduire la part de l'hypothèse et de la fiction, caractéristiques de la science médiévale. Cette dernière était fondée sur une méthode stérile, excessivement spéculative.
Dans le domaine de la physique quantique, les hypothèses sont formulées AVANT que ne soit procédé à des essais de vérification expérimentale, ce qui contredit le conseil de la méthode expérimentale inductive qui consiste, à l'aide d'expériences, à interpréter et classer tel ou tel phénomène apparent, aspect de la matière, transformations de celle-ci, etc.
Ainsi on cherche à vérifier l'existence de trous noirs APRES en avoir formulé l'hypothèse. On va chercher dans l'espace apparemment infini, le moins adapté à l'expérimentation et à la confirmation de celle-ci, à des dizaines de millions d'années-lumière, la preuve de ce que l'on avance sur le papier.
Pourquoi ne pas chercher à établir l'existence du rien dans la matière ici-bas ? On objectera que c'est le cas ; mais, là encore, c'est d'une façon la plus sujette à caution, compte tenu de la vitesse théorique accordée à la lumière. Alors qu'il reste tant à découvrir et à explorer, pourquoi se focaliser ainsi sur ce que la matière a de plus insaisissable ?
De même on peut faire la réflexion de l'absence presque radicale de pragmatisme dans la démocratie moderne, où les problèmes économiques élémentaires sont délaissés au profit de discours abstraits sur le progrès.
- Troisième observation : le cadre de la physique quantique semble moins irrationnel dès lors que l'on se situe dans le domaine technique ; sur le plan technique, on peut bien en effet se fixer pour objectif raisonnable d'améliorer les conditions de vie sur terre. Le progrès le plus probable sur le plan politique est, au demeurant, le progrès technique, non le progrès "démocratique" au sens idéal strict. Beaucoup ne réclament plus, en matière d'égalité, que l'accès au confort et au progrès technique pour tous.
Déraisonnable serait de concevoir l'amélioration du monde "à l'infini" par le moyen du progrès technique. Un proverbe antique met à mal le perfectionnisme technique moderne : "Le mieux est l'ennemi du bien."
Que la technique soit "un art en devenir", susceptible d'évoluer, ne doit pas pour autant conduire à une conception mécaniste de l'univers, dont le "trou noir" serait en quelque sorte l'âme fascinante.
En conclusion : le darwinisme a accoutumé l'opinion publique à penser la science en termes de profit politique, dans la mesure où le darwinisme a inspiré pléthores de "doctrines sociales", que ce soit le nazisme, le capitalisme/démocratie-chrétienne, ou encore certaines variétés de socialisme. Néanmoins, d'un point de vue scientifique, l'usage politique de la science doit faire suspecter un biais anthropologique dans la science.