Pffuiou ! Fait chaud… Et cette chaleur excessive ne favorise pas la réflexion… Mon projet de Club des Misogynes s’en ressent ; j’ai même pas encore rédigé le premier article de la charte. Un club des misogynes, il y en a déjà eu un à Oxford, dans les années vingt, à Balliol ou Hertford, je crois, vraisemblablement pas à Corpus Christi.
Un club d’esthètes raffinés qui cultivaient l’homosexualité, à une époque où ça faisait encore partie de l’attirail d’un jeune étudiant snob de préférer les garçons. Ils ne pouvaient pas prévoir, les pauvres mignons, qu’un jour Noël Mamère se mettrait en tête de les marier entre eux. Si on le leur avait dit, ils se seraient tapés sur les cuisses comme des folles, car ces gens-là avaient de l’humour, beaucoup plus que leurs descendants.
Notre misogynie à nous -les quelques membres de ce club forcément restreint- serait différente, plus exigeante, volontaire !
Pitié pour les femmes : je vous le demande, quel est le mérite de Montherlant ? Il a ça dans le sang, il ne les aime pas. D’autant moins qu’il est obligé de faire semblant de les apprécier.
Tandis que moi, pour peu qu’une femme ait de belles jambes, de beaux pieds, de beaux genoux et de belles fesses, je suis à sa merci, désarmé. Or, je dois me prémunir contre cette nouvelle espèce de femmes redoutables qui voudraient les transformer en animaux de compagnie dociles. En se prévalant de supposés sévices que leurs aïeules auraient subis de la part de mâles assoiffés de coïts brutaux. Sans se demander une seconde si elles ne sont pas les dindes de cette fable, si, au contraire, leurs aïeules n’étaient pas plus heureuses qu’elles, à ne pas faire caissières chez Franprix.
Ma cousine Sophie, qui ne sait jamais si je plaisante ou pas, mais qui reconnaît qu’au fond c’est justement ce qui lui plaît en moi, bien que légèrement choquée par mon projet, m’a néanmoins fourni une belle pensée de Marie Bashkirsteff à calligraphier en belles anglaises au fronton du Club :
«Il y a quelque chose de vraiment bien, d’antique : cet anéantissement de la femme devant la supériorité de l’homme aimé doit être la plus grande jouissance d’amour-propre que puisse éprouver une femme suérieure.»
Ou bien j’aurais vexé Sophie en ne lui proposant pas de faire partie de mon club ? Certes, il est des femmes conséquentes, beaucoup plus misogynes que certains hommes hypocrites qui ne savent pas quoi inventer de plus original pour attirer les femmes dans leur lit (des brutes qui ne pensent qu’à niquer, si on leur ôtait le masque, c’est ça qu’on verrait).
Mais nous ne pouvons admettre la moindre présence féminine au Club des Misogynes, aussi féminine soit-elle, question de principe, faute de passer pour des rigolos. Je serai très ferme sur ce point quoi qu'il m'en coûte.
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Une bombe
Le Luxembourg n’a rien perdu de son charme, ni le Sénat de sa flicaille. Mais lorsqu’il y fait frais comme ça, en plein été, on se croirait un peu à Dinard l’hiver. Une fine pluie ne tombe pas, elle pétille plutôt entre les rares badauds. Sûrement c’est meilleur pour la peau que les ultraviolets. Le bassin aux canards paraît plus profond. Les abeilles se sont envolées.
Quelque chose pourtant bourdonne en moi que le froid ne parvient pas à anesthésier ; des sentiments contradictoires dont la friction m’électrise.
Et si une bombe explosait aujourd’hui, en plein Paris, fauchant, mettons, trente bobos, ou quinze députés, secouerait-elle cette torpeur spirituelle qui semble devoir durer mille ans ? Ou, au contraire, raserait-elle complètement notre ruine soigneusement entretenue ?
Je ne suis pas à la recherche du temps perdu, mais de Sunsiaré. Je trouve le bouquin de Lucien d’Azay chez Gibert. Depuis le temps que j’entends parler d’elle, je ne l’ai jamais vue en photo, rien sur internet. Ces enquêtes sur Nimier, puis sur Sunsiaré, est-ce que la jeunesse et l’élégance sont devenus des fossiles ?
Mais, à sonder l’éphémère messagère et son non moins éphémère message, d’Azay touche vite le fond. Reste cette observation, parmi d’autres, que les belles étrangères, pas les ASTON MARTIN, Triumph et autres Jaguar, non, les femmes, ont une démarche différente de celle de nos belles indigènes. Elles lancent la cuisse d’abord, comme des panthères, contrairement aux Françaises qui jettent le pied en avant, comme “des petits soldats”.
En repassant par le Luxembourg, je m’efforce de vérifier ce trait qui m’avait échappé, et, forcément, je repense à Véronika, ma chatte. -
Le choc des barbaries
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs de la Résistance islamique,
C’est humblement que nous vous demandons de ne pas frapper à l’aveuglette. Humblement, car vous n’avez pas le privilège de la barbarie. En effet, nous avons fait pleuvoir la mort sur vos frères au petit malheur la chance, du haut de nos bombardiers inaccessibles, pilotés par de jeunes aviateurs bac+5 en blousons de cuir fourrés, bien au chaud. À peine un petit vent glacé a-t-il soufflé sur leurs consciences, et encore, ce n’est même pas sûr. Vous n’avez pas le monopole du fanatisme non plus.
Nous ne nous livrerons pas à un calcul mesquin pour savoir de quel côté les cadavres sont les plus nombreux, qui a tué le plus d’enfants innocents. Il nous en reste si peu à nous, des enfants, que ça nous choque beaucoup d’en voir périr, ne serait-ce qu’un seul, dans un attentat.
Les autres, nous les avons supprimés par millions depuis trente ans dans le ventre de leurs mères, au nom du bien-être et de la libération de la femme… Comment respecteriez-vous notre abject matérialisme démocratique ?
Donc, si vous venez à Paris après Londres, écœurés, inspirés par votre dieu vengeur, tâchez de faire preuve de discernement. Ne frappez pas les vestiges de notre civilisation, mais les symboles de notre barbarie. Visez l’usine à gaz de Beaubourg, par exemple, ou la petite pyramide vitrifiée du Louvre (dans ce cas, faites gaffe quand même de pas bousiller en même temps la Madeleine de la salle des sculptures médiévales que j'aime tant), ou la Tour Eiffel, dénoncée par Léon Bloy, ou l’étron géant de Montparnasse, ou les Champs-Élysées, enfers de la consommation… -
Inde primum veritas retro abiit
Jusqu’au moment où la vérité a cessé de pouvoir être dite (Sénèque)
L’ignorance et la propagande ont pu ériger une statue d’airain orgueilleuse à la mémoire de Pablo Picasso, que les bobos astiquent soigneusement en crachant dans leurs petits torchons poisseux.
Mais ne perdons pas trop de temps à réfuter leur dialectique sommaire. D’ailleurs, comment leur donner tort puisqu’au fond ils ne disent RIEN. Écoutons plutôt les explications du Maître :
«(…) Dans un mètre carré des “Noces de Cana”, il y a beaucoup plus d’abstraction que dans tous les cubistes et les abstraits réunis !
«(…) Ce que je veux dire, c’est que toute cette époque a péché d’abord par la base, par l’ignorance. Si les cubistes avaient vraiment étudié, et modestement, tous ces Maîtres d’autrefois, ils auraient compris que c’étaient ces grands Anciens qui avaient le secret des abstractions, qu’ils ont eux, cubistes, recherché sans le trouver. Il suffit de les renvoyer aux œuvres des très grands maîtres, que ce soit “Les femmes d’Alger" de Delacroix, “Les Noces de Cana" de Véronèse, “La mort de saint Bonaventure” de Zurbaran. Je vous parle de ces toiles, je vous parlerai aussi bien d’un Rubens dont l’exemple serait trop facile. J’irai plutôt prendre une toile d’un Maître qui est un praticien étonnant, qui n’est pas susceptible d’être pris facilement pour une tête métaphysique ou abstraite, et qui pourra cependant, admirablement, me servir d’exemple : il s’agit de “La fécondité” de Jordaens.
«Ce portrait de femme, je crois que beaucoup de critiques, même complaisants, même trouvant dans la grande époque flamande quelque chose d’admirable, de très beau, un tempérament étonnant, je crois qu’il ne viendrait pas à l’idée de beaucoup de ces gens-là de penser qu’une telle œuvre, un portrait pareil représente au point de vue de la puissance d’abstraction quelque chose d’étonnant. Pour moi, il y a beaucoup plus d’abstraction dans ce simple portrait que dans tout Fernand Léger. Car Jordaens se propose là quelque chose qui est tout de même très difficile : arriver à donner à une image d’une puissance d’expression qui touche à l’éternel avec un personnage qui est bien de chair, bien limité dans l’espace et dans le temps, qui est là avec son fauteuil ; et y arriver avec une pareille donnée qui est très près des choses matérielles en somme, c’est une gageure.
Or, à l’analyse, je parle là du regard d’analyse d’un dessinateur, de quelqu’un qui est dans l’élément depuis très longtemps et qui sait ce que c’est que la forme et le dessin ; eh bien, en regardant la tête de cette femme j’ai été étonné, stupéfait des audaces extraordinaires dans la déformation du masque, dans les asymétries extrêmes et multiples de tout le visage, dans les changements d’axes (…)
«(…) Voilà pour moi ce qu’est la peinture, moi qui suis du bâtiment, qui ne pense pas que la peinture est un assemblage heureux et équilibré, et, ma foi, parfois très bien accordé, qui peut faire naître un certain sentiment d’harmonie, ce n’est pas cela la peinture ; c’est, étant donné la la sensation totale du monde extérieur qu’a un véritable artiste, cette sensation-là, de la réduire à une grande économie qui est dans une tradition du langage et, quand il sent qu’il a une personnalité, de respecter ce qui a été fait avant lui, mais de sentir qu’il a quelque chose de tout à fait à part à dire (…).
«(…) En regard de cela, notre triste époque n’a fait depuis des années que s’enfoncer dans les ténèbres, par facilité, par ignorance, par orgueil, et je laisse de côté la question “galette”, la corruption, bien entendu, c’est terrible. C’est trop gros, ce sont des choses qui, dès qu’on les remue, puent.»
M. Mazo, “La leçon des maîtres et la rupture cubiste” In : “L’art face à sa destruction”, e/dite, 2005. -
Éthologie (2)
Et la réaction du mari, du concubin, du mec ? On peut s’en inquiéter aussi. Ça me rappelle une anecdote. Lors de la fête de la musique à Nantes, un gros balèze de nègre de près de deux mètres, genre basketteur à la retraite, je dis ça à cause des kilos en trop, accompagné d’un pote du même tonnage, barre la route à une jolie fille et son jules. Et là, il fait plus que la dévisager, il lui décerne un compliment du genre : « Tu sais que t’es rudement bonne, toi, poulette ! Tourne-toi un peu que je voie ton cul, etc. », comme si le pauvre jules n'était pas là, n'existait pas. Vu ses babines tremblantes, vu qu'il tient une canette de bière à la main, et vu qu’il leur barre la route avec son pote, on peut même facilement en déduire qu’il y goûterait bien sur le champ.
Les occasions étant assez rares à Nantes de se distraire, je m’arrêtai net de baguenauder. Quelle allait être la réaction du jules à cette offense ? Allait-il obliger le blasphémateur à rendre gorge ? Ou lui pardonner sans chipoter ? Freluquet comme il était, c’était même pas évident qu’en prenant son élan il puisse parvenir à atteindre la gorge.
Suspense… Viser les couilles était sans doute la meilleure stratégie, elles étaient presque à la hauteur de ses yeux, il ne pouvait pas les rater ; et puis rien de tel pour prévenir une récidive ultérieure.
Mais le bonhomme avait à peine eu le temps de protester courageusement qu’une main noire, démesurée, s’abattait sur lui et le soulevait dans les airs par le cou. Il ne restait plus qu’au nègre à serrer, puis à s’emparer de la veuve du héros. Le freluquet devait voir toute sa vie et toutes ses femmes défiler dans sa tête, comme il se doit dans ces circonstances…
Mais on n’entendit pas le “couic” caractéristique, grâce au pote aussi balèze du balèze qui s’interposa pour ramener l’excité, non sans mal, à des sentiments plus doux. Il était le seul de toute la ville probablement à pouvoir le faire efficacement… -
Éthologie
Il faut s’attendre à trois sortes de réactions lorsqu’on dévisage une femme escortée de son mari ou de son concubin. Les deux cas, mariage et concubinage, étant de moins en moins distincts, d’ailleurs ; à peine les concubins sont-ils plus fidèles sexuellement de crainte de briser un lien plus fragile.
Cette femme que vous dévisagez ainsi et qui pense que c’est forcément parce que vous l’envisagez dans une autre position, même si votre regard ne renferme que de la curiosité pour son couple, l'assortiment de celui-ci, etc., peut vous signifier que son cœur est complet en se pendant subitement au cou de son homme, par exemple, ou en le gratifiant ostensiblement d’un baiser, d’une quelconque marque d’attachement dans ce goût-là, inattendue de lui. Voire inexplicable, si l’homme en place est naïf et ne sait comment interpréter ce flot de tendresse - d’autant moins qu’elle a ses règles !?
L’affectation d’un tel mouvement d’affection est criante ; c’est un code féminin pour vous avertir qu’il est inutile d’espérer momentanément. Repassez dans quelques jours, quelques mois ou quelques années.
Vous pouvez tout aussi bien déclencher le réflexe inverse, surtout chez de jeunes spécimens, tant il est vrai que les femmes sont généralement fidèles jusqu’à ce qu’elles trouvent mieux, grâce à leur sixième sens.
Alors, son compagnon d’infortune ne comprendra pas davantage pourquoi l’objet de tous ses désirs, qui se tenait jusque-là collé à lui pour le surveiller ou bénéficier de ses conseils avisés en matière de muséographie (si la scène se déroule dans un musée), s’écarte de lui comme d’un pestiféré, voire pourquoi il se fait tancer soudain sous un prétexte bidon. Ou, s’il se croit malin, il attribuera ça à ses règles.
La troisième réaction est plus rare, même si c’est celle que je rencontrai la dernière fois en pleine lumière de Paris : le sourire radieux et triomphant de celle qui a l’habitude de recueillir constamment des hommages à sa beauté éclatante. Il faut dire que cette créature avait un châssis qui enfoncait celui de toute la chair à photographe de métropole et des colonies. Peu importe la manière dont de tels dons étaient mis en valeur, j’ai seulement retenu qu’elle portait une mini-jupe, sinon comment aurais-je pu voir aussi haut ses cuisses ?
L’impression fut forte au point que pendant l’heure qui suivit je ne parvins à décoller de ma rétine son image en relief, malgré mes efforts, car ma concentration était requise par une autre tâche.
Mais jamais, vous m’entendez bien, jamais une femme ne vous fera, de ce côté-ci de l’Atlantique, cette sommation : « Voulez-vous bien, Monsieur, cesser immédiatement de me désirer ! » -
Les habits neufs
Maurice Mazo en peintre expérimenté entend faire connaître son opinion sur la production picturale de son époque. C’est vrai, dit-il en substance, et ce bon sens est d’une effronterie “hénaurme”, qui mieux qu’un peintre peut causer peinture ?
Parce qu’ils ont le verbe haut, le caquet bloqué en position ouverte, les littérateurs et les journalistes de tous poils ne peuvent s’empêcher de déblatérer, y compris sur des sujets qu’ils ne possèdent que bien peu intimement.
Mazo, lui, parle rouge, tranchant sur le bistre des critiques officiels, qui cachent dans les circonvolutions de leur prose obscure -plus c’est abscon plus c’est profond-, l’absence d’éclat de leurs lumières.
Mais je laisse la parole au maître :
«(…) Tous nos fabriquants d’arabesques irresponsables, de petits décors, courts bien qu’ambitieux, se refusant à représenter ce que, par leurs yeux, tout leur être pourrait voir, tous ces peintres fort à plaindre en somme, car ils se privent de la joie de communion avec le monde, et, joints à eux, leurs éxégètes myopes qu’ont engendré tous les milieux, des moines aux grands fonctionnaires des Beaux-arts, avec comme base, les stipendiés de toutes les grandes “galeries” d’Europe et d’Outre-Mer…, tous ces gens qui servent et chantent l’art non-figuratif n’ont pas compris cette vérité profonde et qui d’un coup anéantirait leur position, s’ils pouvaient la percevoir : il n’est de véritable “abstraction” plastique que dans la grande représentation.(…)
«(…) Celui qui se prétend créateur, mais qui, impuissant à ajouter un mot nouveau au langage de libération de l’homme, à monter d’un degré vers l’esprit pur, refuse comme vaines les données du monde extérieur, fonde sur le mensonge et s’oppose au devenir humain.
Ces stériles raillent ceux qui ont engendré hier, et nient d’avance celui qui a la force de créer, et créera demain. Haine horrible de tout ce qui est vie ! »
Extrait d’une longue lettre à Malraux réfutant ses thèses, en date du 9 avril 1951.
(In : “L’art face à sa destruction” Édition e/dite 2005)