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L'armée des cadavres

Peu après avoir enfin atteint l’âge de raison, vers vingt ans, j’ai cessé de fréquenter l’homme au caniche (Schopenhauer). Mais j’ai gardé le souvenir de quelques tours désopilants. Ses conseils dialectiques, par exemple.

Michel Onfray aussi s’en est souvenu. Dans son Journal, Le Désir d’être un Volcan, éructant la bile, notre auteur de libelles à succès brûle les étapes, tous les petits "stratagèmes" de Schopenhauer un par un, pressé qu'il est d'arriver à l’“ultime stratagème”, l’attaque ad hominem - l’arme fatale de la dialectique.

« En plaçant son travail [Requiem pour une avant-garde] sous les auspices de l’Internationale situationniste (…), B. Duteurtre n’empêche pas qu’il se trouve servir la même cause qu’un certain Claude Autan-Lara, membre de l’Institut, ancien député du Front National au Parlement européen, accessoirement cinéaste. »

Le chapitre est intitulé Le révisionnisme esthétique. Ça, c'est l’arme fatale lourde - je veux parler de la shoah, bien sûr. Moi j'appelle ça du détournement de cadavres.

Schopenhauer tient à prévenir ses disciples contre les risques d’une attaque ad hominem : elle peut dégénérer en rixe, ou en procès en diffamation. Duteurtre n’a donc pas intérêt à répliquer à Onfray que ses méthodes sont celles de la Gestapo. En outre, l'époque où un homme pouvait philosopher innocemment en compagnie de son caniche est bien révolue, et en mettant de leur côté les flics et les magistrats, les nouveaux dialecticiens ont nettement perfectionné les recettes artisanales de Schopenhauer.

Commentaires

  • Onfray est le spécialiste de ce type d’attaques en-dessous de la ceinture. Dans son Traité d’athéologie, il a récidivé en qualifiant Hitler de disciple de saint Jean, sous le fallacieux prétexte que le Führer fait l’éloge de Jésus chassant les marchands du Temple dans l’Evangile du même nom. On ne saurait être plus caricatural et pratiquer le révisionnisme historique de manière plus éhontée. Onfray fait exploser le point Godwin d’une discussion en un rien de temps. Sa haine du christianisme est véritablement pathologique. Faut-il lui rappeler que les nazis étaient païens et que les crimes commis par ces criminels ne sauraient être imputés aux chrétiens ? Tout à son ressentiment antichrétien, il ne s’attarde pas sur les crimes des communistes, de peur de faire perdre de sa force à son éloge de l’athéisme. Nul besoin de détourner des cadavres parfois, il suffit de ne pas même les évoquer et les laisser à leur silence.

  • Et pendant ce temps à la Star'ac...

  • Lapin, vous confondez la confession d'origine et la conversion à une vision du monde (l'on vous épargne le terme allemand...) manifestement païenne. S'agissant de la confession d'origine, les protestants ? Les régions protestantes avant 1933 ont plus voté pour Hitler que les autres, c'est un fait. Cela s'explique (notamment) par le fait qu'elles étaient plus frappées par la crise parce que plus industrielles. Quant à la plus grande perméabilité des églises protestantes au nazisme, c'est une autre histoire... Les catholiques ? Beaucoup de dirigeants nazis étaient originaires de la Bavière et de l'Autriche, c'est un fait aussi. Le hiatus entre l'électorat et les dirigeants est d'ailleurs intéressant... Les musulmans ? Il y avait bien une division SS de musulmans bosniaques, et après ? Les "musulmans" étaient les déportés en fin de vie dans les camps. Ils étaient nazis, ceux-là... ? Les juifs enfin ? Que voulez-vous dire ? Que certains dirigeants nazis avaient des origines juives ? Il y a très peu de cas avérés. Il y a le cas de Heydrich... et quant à Hitler lui-même, il existe seulement des doutes s'agissant d'un grand-parent. Est-ce que cela vous autorise à dire qu'il y avait des juifs parmi les nazis ? C'est douteux...

  • Le néo-paganisme des nazis culturellement trouvait un terrain favorable dans un certain romantisme de mauvais aloi.

    Vous confondez la Wehrmacht et les nazis... Croyez-vous que tous les Allemands étaient nazis ? Les Russes étaient-ils donc tous communistes du temps de l'Union soviétique... ?

  • Hitler prenait très au sérieux ses idées car il les fit appliquer sans faiblesse, par exemple en éliminant physiquement les plus faibles : handicapés, malades mentaux. Sans compter l’horreur du génocide juif. Ce programme est considérablement éloigné du christianisme. En outre, l’idéologie nazie est fondée sur le concept de race et la croyance en l’existence de races supérieures et inférieures. Rien dans le christianisme ne permet de soutenir ces thèses. Beaucoup de nazis étaient ouvertement païens*, la svastika est un symbole indo-européen — donc païen — qu'ils ont récupéré. Une fois débarrassé des Juifs, Hitler se serait attaqué au christianisme à cause de ses racines juives. Franchement, je ne vois pas ce qu’il y a de chrétien chez les nazis.

    * Voir la Société secrète de Thulé : http://www.chronicus.com/sgm/dossgm/reichesot/reichesoterisme.htm


    Quelques citations du Führer extraites de "Hitler m’a dit d’Hermann" Rauschning :

    «Les religions ? Toutes se valent. Elles n'ont plus, l'une ou l'autre aucun avenir. Pour les Allemands tout au moins. Le fascisme peut, s'il le veut, faire sa paix avec l'Église. Je ferai de même. Pourquoi pas? Cela ne m'empêchera nullement d'extirper le christianisme de l'Allemagne. Les Italiens, gens naïfs, peuvent être en même temps des païens et des chrétiens. Les Italiens et les Français, ceux qu'on rencontre à la campagne, sont des païens. Leur christianisme est superficiel, reste à l'épiderme. Mais l'Allemand est différent. Il prend les choses au sérieux : il est chrétien ou païen, mais non l'un et l'autre. D'ailleurs, comme Mussolini n'arrivera jamais à faire de ses fascistes des héros, peu importe qu'ils soient païens ou chrétiens.»

    « Pour notre peuple, au contraire, la religion est affaire capitale. Tout dépend de savoir s'il restera fidèle à la religion judéo-chrétienne et à la morale servile de la pitié, ou s'il aura une foi nouvelle, forte, héroïque, en un Dieu immanent dans la nature, en un Dieu immanent dans la nation même, en un Dieu indiscernable de son destin et de son sang.»

    «Laissons de côté les subtilités. Qu'il s'agisse de l'Ancien Testament ou du Nouveau, ou des seules paroles du Christ, comme le voudrait Houston Stewart Chamberlain, tout cela n'est qu'un seul et même bluff judaïque. Une Église allemande ! Un christianisme allemand ? Quelle blague ! On est ou bien chrétien ou bien allemand, mais on ne peut pas être les deux à la fois. Vous pourrez rejeter Paul l'épileptique de la chrétienté. D'autres l'ont déjà fait. On peut faire de Jésus une noble figure et nier en même temps sa divinité. On l'a fait de tous temps. Je Crois même qu'il existe en Amérique et en Angleterre, encore aujourd'hui, des chrétiens de cet acabit, qu'on nomme des «unitaires» ou quelque chose dans ce goût-là». Toute cette exégèse ne sert exactement à rien. On n'arrivera pas ainsi à se délivrer de cet esprit chrétien que nous voulons détruire. Nous ne voulons plus d'hommes qui louchent vers «l'au-delà» Nous voulons des hommes libres, qui savent et qui sentent que Dieu est en eux ».

    http://www.anti-scientologie.ch/manipulation-hitler.htm

  • Je ne confonds pas la Wehrmacht et les nazis, Uhlan, vous pinaillez, c'est le stratagème N°5 de Schopenhauer, ou le N°6, je ne sais plus : Sébastien parlait de l'Allemagne nazie au sens large, comme on dit la France laïque, j'ai repris ce terme un peu flou, j'en conviens, mais le problème n'est pas là (d'ailleurs si le général Bayerlein n'adhérait pas au parti nazi, il ne faisait pas grand-chose pour se démarquer de sa politique ; de toute façon, demande-t-on aux militaires de réfléchir ?)

    Pour Hitler, la Normandie valait bien quelques certificats d'aryanisation, n'en faites pas un simplet ébahi par la geste Viking ou je ne sais quelle autre fadaise.

  • Je m'en fous, ce soir il y a la star'ac. J'aurai d'autres choses à penser. Il y a les nominations. Si j'étais Amelie Nothomb je ferais un rapprochement hasardeux entre télé-réalité et .... Mais bon je ne suis pas Amélie Nothomb.

  • Croyez-vous Sébastien que les politiciens aient foi dans leurs formules démagogiques, que Chirac ait cru à la "fracture sociale" dans ses pompes Berlutti ?
    Hitler n'était pas moins habile qu'un autre, pas moins capable de galvaniser ses électeurs avec des formules ronflantes, et comme sa politique intérieure convenait aux Allemands, ils se sont rangés derrière lui sans trop se poser de questions, chrétiens ou pas. Combien de catholiques français protestent aujourd'hui contre l'avortement ? 300 ? 400 ?

  • Il s’agit du cœur de l’idéologie nazie, pas d’un programme électoral qu’on s’empresse d’oublier une fois le pouvoir conquis. Hitler était déterminé à appliquer ce projet criminel car le racisme est central dans sa doctrine. La preuve se trouve dans l’extermination des Juifs d’Europe en pleine guerre, bien que ce programme mobilisait des forces qui auraient été nécessaires ailleurs, notamment sur le front de l’Est.

    Ce n’est pas parce que les Allemands se sont rangés derrière lui, chrétiens ou pas, que le nazisme était d’inspiration chrétienne. Les Allemands ont cru aux promesses de Hitler visant à redresser l’Allemagne, faire cesser le chaos social et réviser le traité de Versailles. Ils ont été nationalistes avant d’être chrétiens et ce fut une erreur. Les Allemands ont le sens de l’Etat, vous le savez bien.

    Effectivement, peu de chrétiens protestent contre l’avortement. Mais il n’empêche que l’avortement n’est pas chrétien d’esprit. Et le jour où il faudra l’abandonner, aucun chrétien ne défendra l’infanticide légalement autorisé.

  • Je n'ai pas dit que le nazisme était d'inspiration chrétienne. Je dis que c'est un discours politique beaucoup plus qu'une doctrine philosophique.

    Si on retrouve des propos antisémites dans "Mon Combat", assez classiques chez les politiciens de l'époque, socialistes surtout, influencés par certains penseurs scientistes du XIXe, ces propos antisémites n'étaient pas de nature à inquiéter les Juifs eux-mêmes, trop banals en quelque sorte.
    Et aucun programme d'extermination n'a été écrit. Les certificats d'aryanisation montrent assez que le mysticisme d'Hitler était tempéré par une bonne dose de pragmatisme.

    Quant aux Juifs envoyés dans des camps, ils ont contribué dans des conditions d'esclavage atroces à l'effort de guerre allemand. S'il faut des hommes pour tenir les soldats, il en faut aussi pour fabriquer des armes et des munitions. Les camps étaient couplés à des complexes militaro-industriels gigantesques. Ce n'est en rien une "preuve" de la folie doctrinaire d'Hitler.

  • Chez les nazis, il y avait un mélange de paganisme, de pragmatisme et de cynisme - le paganisme apparaissant par contraste comme la part naïve et/ou romantique du nazisme. La répartition entre ces trois éléments variait d'un dirigeant à l'autre. Ainsi la part du cynisme était-elle très grande chez Goebbels, qui pouvait dire : "C'est nous qui décidons qui est juif." D'autres en revanche tel Streicher croyaient dur comme fer à une vision purement racialiste du juif. Deux visions s'affrontaient ainsi, la culturaliste et la racialiste, qui au bout du compte poussaient mêmement à l'élimination. Et à cela en effet s'ajoutait une dimension pragmatique ou économique de la déportation qui remplissait une double fonction : le renforcement de l'économie de guerre et l'enrichissement de la SS - un Etat dans l'Etat.

  • Vous n'enlèverez pas la part de protestantisme, Uhlan, ou de catholicisme en ce qui concerne les Bavarois. On peut s'enflammer pour des idées nouvelles, les vieux sédiments continuent de servir de fondement. Le nazisme n'a été qu'un éclair, un feu de paille idéologique, et ce qui devait durer mille ans…
    Regardez, même chez Chirac (!!), sans foi ni loi, pur radical opportuniste, il y a un fond de christianisme qui se révèle parfois.

    Le communisme en Union soviétique, lui, en revanche, a pu changer la société russe en profondeur en s'installant pendant quelques générations.

  • Il n'y a pas à proprement parler de part protestante ou catholique dans le nazisme. Il y a peut-être -traîtreusement- une part chrétienne dans l'antisémitisme y compris des nazis. Mais alors il faut recourir à une manière de métaphysique de l'Histoire pour considérer, à l'instar de Steiner ou de Milner, que les nazis ont réalisé symboliquement le projet de l'antisémitisme chrétien de faire payer aux juifs leur "meurtre de Dieu".

  • Non, les spéculations symboliques de Steiner de m'intéressent pas, Uhlan, un peu de sérieux s'il-vous-plaît.
    Je reproche juste à votre raisonnement d'isoler les discours de ceux qui les tiennent. L'Allemagne de 1940 n'est guère pénétrée par les idéaux nazis.

    D'ailleurs le nazisme n'est pas une doctrine claire et précise, contrairement au marxisme, c'est un fatras kitsch, de la communication efficace. Les idéologues eurent peu d'influence sur Hitler qui ressemble beaucoup plus à Napoléon qu'à Robespierre. Ça ne l'empêche pas d'être mystique, il n'y a que les imbéciles positivistes qui ne sont pas mystiques de toute façon, et encore…

  • Des Juifs ont contribué à l’effort de guerre allemand, certes, mais la finalité était l’extermination. Exemple dans ce camp :

    « Des prisonniers incarcérés à Dora-Mittelbau travaillaient dans d'atroces conditions dans les fabriques souterraines pour la production de missiles. Les autorités centrales SS tentèrent d'influencer les commandants du camp pour qu'ils fassent l'effort de maintenir les prisonniers en vie, dans le seul but de servir l'effort de guerre. Cependant, peu de responsables prirent ces instructions au sérieux, et personne ne se souciait de changer la culture meurtrière qui sévissait dans les camps.»*

    A Dora-Mittelbau, « le taux de mortalité y était plus élevé que dans la plupart des autres camps de concentration. »**

    Les nazis se souciaient peu de maintenir en vie leurs prisonniers en vue de l’effort de guerre. C’est bien la preuve d’une certaine folie de leur part. Et combien de convois de trains, qui auraient pu servir à transporter des troupes à l’Est alors que la guerre prenait une tournure funeste, ont été déroutés uniquement pour transporter des Juifs ? Rien de rationnel là-dedans.

    Sur le fait qu’aucun programme d’extermination n’a été écrit formellement, c’est l’objet d’un débat historique entre les intentionnalistes et les fonctionnalistes***. Vous vous doutez bien que nous n’allons pas résoudre cette dispute sur votre blog.

    Pour moi, le nazisme est à la fois une doctrine philosophique (c’est un bien grand mot pour ce ramassis de détritus intellectuels) et un programme politique. Et dans tout parti politique comme le NSDAP, il y a les idéologues, les cyniques, les pragmatiques, etc. Hitler réunissait à lui seul toutes ces tendances à la fois.


    *http://memorial-wlc.recette.lbn.fr/wlc/article.php?lang=fr&ModuleId=222
    **http://memorial-wlc.recette.lbn.fr/wlc/article.php?lang=fr&ModuleId=116
    ***http://perso.wanadoo.fr/d-d.natanson/intentionnalistes.htm

  • La doctrine nazie, passablement hétéroclite, a tout à envier au marxisme pour sa cohérence. Et c'est un non-marxiste, voire un anti-marxiste qui dit cela... Mais en revanche, le système nazi et même sa vision de l'homme nouveau, ainsi que l'a bien montré Arendt, n'ont rien à envier au système et à la vision communistes.

  • Pouce ! Afin de préserver l'honnêté de cette conversation, je décide de supprimer dans la mesure du possible tous les messages anonymes.

  • Le problème n'est pas de savoir si les nazi, et leurs idées, étaient dans l'air du temps mais plutot de comprendre dans quelle mesure Hitler fut le fruit de son temps, retour au paganisme, rationalisme frénétique, culte de l'histoire etc...

  • Chacun sait que les premières victimes des camps furent les gardiens mêmes de ces camps! C'est Nolte même qui l'écrit. Mais nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. Nemo auditur turpitudinem allegans (comme disaient les latins, qui avaient le chic des formules roses...).

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