L’abnégation des dames du temps jadis était certes remarquable ! Ainsi, lorsque Simone de Beauvoir s’enticha d’un cow-boy de Chicago, brûlant comme une saucisse happée sur le barbecue, elle troqua sans pudeur excessive sa garde-robe féministe et ses grands airs de baronne protestante contre une panoplie et un vocabulaire de midinette pour s’accorder à son nouveau boy-friend…
Idem pour Jane Fonda et son cow-boy de CNN plein aux as, enrichi par ses "films de guerre" : après l’avoir rencontré, Barbarella se mit à avoir des rêves de grand-mère au foyer.
Il me revient un cas contraire. La revue Europe consacra il y a peu un dossier à la Comtesse de Ségur, auquel Michel Tournier prêta sa plume un peu grinçante. Mais est-ce Tournier qui raconte l’étonnant prosélytisme de la mère de la Comtesse de Ségur, je ne me souviens plus.
Elle avait épousé le Gouverneur Théodore Rostopchine qui servit accessoirement de modèle à sa fille pour camper le sympathique Général Dourakine, comme on sait. Mais surtout, le Général Rostopchine bouta le feu à Moscou pour enrayer l’avance des troupes nazies… euh, je veux dire napoléoniennes, bien sûr, c'était en 1812.
Convertie par un des nombreux Jésuites expulsés de France, Catherine Rostopchine entreprit de faire passer la frontière entre l’orthodoxie et le catholicisme à ses filles, une à une, secrètement, avec une habileté quasiment diabolique. Au grand dam de son époux, qui adorait sa progéniture et pour qui abjurer la foi orthodoxe revenait à trahir la Sainte Russie. Il dut en piquer, des colères mémorables et pittoresques, le pauvre général. Son épouse n’en continua pas moins de le trahir avec constance.
Commentaires
Du point de vue du dogme, la frontière entre l’orthodoxie et le catholicisme n’est pas très difficile à franchir, de la largeur d’à peine un filioque. Pour le reste, quelques différences dans la liturgie et la reconnaissance de l’autorité du pape. Sans doute les filles de Catherine Rostoptchine ne comprenaient pas ces questions, qui leur passaient largement au-dessus de la chapka.
Vous rigolez, les Jésuites furent priés de déguerpir, pour finir, et les Russes couraient des risques à assister aux offices catholiques, mais Catherine Rostopchine n'était pas du genre à avoir froid aux yeux.
Voyez récemment l'accueil qui fut réservé au pape par les orthodoxes russes ou grecs ; Ben Laden lui-même aurait été plus affable.
Comment Freud appelait-il cela ? Ah oui, "narcissisme de la petite différence", qui signe notre appartenance à une communauté et exclut en même temps ceux qui nous sont les plus proches. Les haines fratricides sont les plus tenaces.
On peut facilement se dispenser d'une explication psychologique, beaucoup moins d'une explication historique, politique si vous préférez. Bien des grands schismes peuvent s'expliquer par un soucis d'indépendance vis-à-vis de Rome, les disputes théologiques passent vite au second plan. Parlerait-on encore de la Réforme de Luther sans le Prince de Saxe pour dissimuler ses manœuvres et ses crimes derrière ? Pas sûr.
Cette lecture théologique des guerres, les dialecticiens la promeuvent parce qu'elle les arrange ; en réalité, le massacre de la Saint-Barthélémy, quand on y regarde de près, est le résultat d'une lutte pour le pouvoir, d'une purge. Aussi la démonstration de Dantec n'est-elle pas convaincante, il faut être idéaliste pour croire que les musulmans peuvent s'allier alors que leurs intérêts stratégiques divergent. D'ailleurs ils se détestent et la Palestine n'est concrètement soutenue par aucun État musulman. Je suis sûr que la Communauté européenne, les États-Unis, voire Israël, ont fait plus financièrement pour aider la Palestine à se construire que n'importe quel autre État dit "frère" musulman.
La semence de l'esprit dialectique a été tellement répandue en Occident qu'il pousse sur les terrains les plus inattendus, catholiques y compris. Ainsi voit-on tel ou tel tirer en l'air des coups de feu avec une arme qu'il a trouvée près de son berceau et dont il ne connaît pas la destination.