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Le jeu des ressemblances

Quand on s'intéresse à la figure de Léon Bloy, on ne peut manquer d'être frappé par quelques ressemblances entre Bloy (1846-1917) et Marx (1818-1883).

Même si Bloy ne va pas jusqu'à porter une barbe de prophète comme Marx, il a tout de même une belle paire de moustaches. Avec ces moustaches, il évite le reproche qu'on pourrait lui faire de se prendre pour Job ou Élie, accusation que Marx ne craint pas.

L'un comme l'autre a mis "sa peau au bout de ses idées", révolutionnaires, chacun dans son genre, et a bouffé de la vache enragée. Ils ont vécu longtemps en famille dans une relative pauvreté et perdu des enfants très jeunes. C'est peut-être plus net dans le cas de Marx, compte tenu que ses études brillantes de philosophie lui ouvraient les portes d'une carrière de professeur à laquelle il a renoncé. Tandis que Bloy, et c'est une différence, ne fut pas un élève brillant, au contraire. Plutôt un journaliste au style étincelant, un vrai hussard, incapable de se plier à une ligne politique modérée. En ce qui concerne Bloy, on peut objecter que son tempérament passionné lui fermait la voie du journalisme, de toute façon.

Marx et Bloy ont tous deux fini par épouser des femmes d'un milieu, sinon aristocratique dans le cas de Bloy, du moins très supérieur au milieu dont eux-mêmes étaient issus. Et ils sont restés très "amoureux" de leurs moitiés jusqu'à la fin de leur vie.

Évidemment Bloy et Marx fustigent le rôle accru que l'argent joue dans la société bourgeoise, l'absence de morale des bourgeois qui ne sont mûs que par leurs intérêts sonnants et trébuchants. D'ailleurs certaines satires "antisémites" de Marx, Bloy aurait pu les signer.

Mais le plus frappant, c'est la fascination commune pour l'Histoire. Aucun des deux n'a étudié l'Histoire et ils portent même parfois des jugements historiques erronés, Bloy n'a pas sur Napoléon le recul historique nécessaire, par exemple, mais Marx et Bloy se rejoignent dans la vénération de l'Histoire – très humbles bafouilles de Bloy aux historiens qu'il lit et admire.
Ils ont d'abord étudié la philosophie dans leur jeunesse, Bloy en autodidacte, mais n'empêche, et si la philo les a séduits plutôt au départ, parvenus à l'âge mûr ils s'en sont détachés. Marx va plus loin, il la condamne comme un mode de pensée obsolète. Pour utiliser un langage pédant de prof, il remplace la prospective philosophique par la rétrospective historique.
La perspective mystique de Bloy, reprenant celle Donoso Cortès, n'est pas celle de Marx. Pour Bloy, il fustige le clergé démocrate-chrétien et ses sermons lénifiants, car la religion ne DOIT PAS être seulement l'opium du peuple. Marx n'attend rien de bon de la religion. Mais il y a chez ces deux penseurs modernes l'observation lucide et désintéressée que la vérité est masquée par l'idéologie, d'origine philosophique.

Aussi longtemps que les bourgeois capitalistes gouverneront le monde au gré de leurs intérêts, on peut penser que Bloy et Marx seront méprisés ou travestis, occultés au profit de philosophes sourds et muets.

Commentaires

  • Tabernacle ! Tu viens d'inventer le marxo-léonbloyisme !


    Signé le commissaire Bourel.

  • Tu veux dire que la religion doit être également un ordre social, ça me rappelle les propos du savant Marocain El Hajoui...quand il parle de l'Islam

  • La religion est, entre autre, un facteur d'ordre social, Gretel. Il n'y a pas d'ordre social sans religion. La France d'aujourd'hui, pour s'être détachée du catholicisme, n'en baigne pas moins dans une sorte de religion philosophique qui emprunte à plusieurs systèmes, qui a ses grands-prêtres, ses dogmes, sa moralité, sa morale sexuelle, et pour laquelle la télévision mène une propagande active, combattant notamment avec violence l'islam, le catholicisme "intégriste", les sectes, bref toutes les idées politiques et les religions qui paraissent représenter une menace pour l'ordre "spirituel" établi.

  • Bloy, un "journaliste" "d'une relative pauvreté" !...
    Comme vous y allez, Lapinos.

  • Je voulais dire que Bloy a été plus ou moins pauvre tout au long de sa vie. Il n'y a qu'à la fin, vers 1905, que ses travaux ont commencé à lui procurer des revenus suffisants et réguliers.

  • Un pauvre qui possédait un piano :

    http://www.sdv.fr/pages/adamantine/bloy.html

  • Ah oui, le haschisch de Baudelaire, et maintenant le piano de Bloy !
    La pauvreté ne signifie pas la misère, Sébastien, ni qu'un pauvre soit tenu de vendre jusqu'à ses biens spirituels, ses livres, le piano de sa femme, pour pouvoir être "déclaré" pauvre. Aujourd'hui la plupart des Français qui vivent au-dessous du "seuil de pauvreté" possèdent néanmoins une voiture et la télévision, qui me paraissent être des biens moins nécessaires qu'un piano.

    En quoi consiste la pauvreté de Bloy, qui ne bénéficie pas de l'assistance publique et peut ainsi tirer une certaine fierté de sa pauvreté ? Bloy est pauvre parce qu'il ne sait pas de quoi sera fait le lendemain, il est harcelé par les créanciers.

    À l'angoisse de la mort que partage même le bourgeois vient se substituer une autre angoisse, plus lancinante, celle de n'être pas certain de pouvoir nourrir les siens demain. D'ailleurs Bloy a perdu deux garçons très jeunes en grande partie à cause de l'insalubrité de la maison où les Bloy vivaient, humide, mal chauffée, et de l'insuffisance du manger.

    Marx aussi a dépendu du bon vouloir des parents de sa femme et de ses amis et vécu aussi de façon précaire.

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