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La valse des étiquettes

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L'éditorialiste de Charlie Hebdo, Philippe Val, fait un distinguo entre l'"homme de droite" d'une part, gouverné par ses instincts naturels, l’appât du gain, la violence, etc., porté par conséquent à dominer et à opprimer son prochain, et d’autre part l'"homme de gauche", poli par la culture, patiné par les "Lumières", enclin du coup à la générosité et à la solidarité. Manière sophistiquée de traiter son adversaire de droite d'imbécile.

Au-delà de cette boutade destinée à divertir les happy few du show-biz, dont Val fait un peu partie désormais, ce que Val cherche à prouver, c’est qu'il mérite bien une place de philosophe, non pas au soleil comme Diogène, mais à la télé ou à la radio. C’est pas moi qui vais dire le contraire, après tout Val n’est pas plus inapte que Finkielkraut ou Onfray à manier des syllogismes propres à épater l’auditoire clairsemé de France-Culture. Et comme P. Val est aussi chansonnier, il peut même fredonner ses idées reçues, c’est encore mieux.

N’empêche qu’il y a un fond de vérité ; depuis une cinquantaine d’année, c'est bien la "gauche" qui se charge de définir la "droite", et cette définition a quasi force de loi. Et le pauvre imbécile de droite de s’efforcer tant bien que mal d’échapper à ces humiliantes stigmates, en se démarquant de Le Pen, par exemple, ou encore en essayant d'avoir l'air aussi branché et cultivé qu'un "homme de gauche"…
Voyez BHL ou Finkielkraut, ils adhèrent grosso modo à la politique libérale et vaguement conservatrice de Sarkozy, mais ils tiennent à préciser dans le champ de la caméra qu'ils sont restés des hommes de gauche, attention, ne vous méprenez surtout pas !… au cas où Sarkozy perdrait, et parce que dans le milieu des profs de philo on ne peut pas vraiment se permettre d’être un "homme de droite", ça fait désordre.

Cette valse des étiquettes, dans le grand supermarché des idées reçues que la France est devenue, elle est assez logique. On compare juste les prix. Si on gratte un peu, on voit bien qu'en réalité il n’y a que des libéraux. Sur les trente-cinq heures par exemple, sujet qui passionne - ô combien -, ces pauvres tartes de gauche comme de droite, il n’est question que de la quantité de travail et de sa rémunération. Les libéraux de gauche ont foi dans la division (?), les libéraux de droite, eux, dans la multiplication (?). Insoutenable légèreté de ces êtres… Nul ne s’intéresse à la qualité du travail. Vaut-il mieux vendre des téléphones portables ou du pain Poîlane ? Vaut-il mieux être réassortisseur à la Fnac ou bouquiniste ? Le problème c'est qu'on ne peut pas répondre à ces questions de façon binaire.

Pas difficile de deviner pourquoi, de Philippe Val à Nicolas Sarkozy, on est incapable d’un quelconque jugement moral. Une "éthique de langage", à la rigueur, mais des jugements moraux, surtout pas, c’est bon pour les curés intégristes ou les musulmans, la morale.

Commentaires

  • Effectivement ils pourraient faire un groupe - un boy's band - les compagnons-philosophes comme il y avait les compagnons de la chanson !

  • En écrivant tout cela Lapinos, vous allez gravement décontenancer les égarés persuadés qu'un libéral est de droite et réciproquement !

    (Je vous trouve malgré tout trop gentil avec Val)

  • Ça existe déjà depuis longtemps les chanteurs-philosophes, Driout, Val n'est pas un précurseur : de John Lennon ("Imagine there is no Heaven") à Polnareff ("On ira tous au paradis"), en passant par Jean Ferrat ("La femme est l'avenir de l'homme") ou J.-J. Goldman ("Si j'étais né en 17") - la question de savoir si Bénabar ou Delerm sont des chanteurs est pendante.
    Non, Driout, ce qu'il faudrait c'est des chanteurs tout court, comme Brassens, Trenet ou Guy Marchand.

  • Si je suis gentil avec Val, c'est peut-être parce qu'il est pote avec Cabu. En cherchant bien autour de Val on trouve quand même un peu de talent, c'est pas le cas quand on creuse autour d'Onfray ou de Finkielkraut, où tout n'est qu'ennui, gadgets et tics.
    Je ne suis pas chargé des programmes de "France-Culture", Maubreuil, mais sinon il y a longtemps que j'aurais tranché en faveur du premier chansonniais venu.

  • Moi je vote pour la variété-philosophique, surtout si c'est un créneau porteur, Michel Drucker n'a qu'à s'y mettre entre deux tours de vélo !

  • Vous m'aurez par deux fois déçu en très peu de temps, Lapinos. Je vous explique.

    Au sujet de l'avortement, tout d'abord, je trouvais votre analyse des positions pro-/anti- tout à fait intéressante, jusqu'à ce que vous ne laissiez plus de doute sur votre avis personnel. Prôner le retour à la pénalisation de l'avortement pour favoriser le rajeunissement de la population (dont l'intérêt n'est qu'économique), voilà bien une position libérale, démocrate, chrétienne et sotte, qui me désola une première fois. Tenez, moi, par exemple. Je pense que l'avortement, à quelque stade que ce soit, constitue un assassinat, mais je suis quand même favorable à sa dépénalisation. Bizarrement, c'est avec une spontanéité presqu'instinctive que j'y suis favorable, pas par pragmatisme ni par soucis de promouvoir un droit pour la femme (j'estime d'ailleurs que cette question concerne aussi viscéralement l'homme que la femme, mais soit;)

    Il m'eût plu, sinon que vous soyez de mon camp, que vous vous penchâtes au moins sur "mon" option qui est certes bourrée de contradictions (sans compter que je suis par ailleurs opposé à la peine de mort), mais peut-être moins convenue (moins politique) dans sa logique que les deux camps antagonistes que vous décrivez. Car en gros, dans les deux camps, la mécanique est la même :
    - Je vois l'avortement comme un dommage (éthique, moral, biologique, social, démographique, etc.) DONC je suis contre.
    - Je vois l'avortement comme une promotion (du droit des femmes, du droit de l'enfant à ne pas naître dans mauvaises conditions, d'un idéal d'autogestion, etc.) DONC je suis contre.

    Tandis que je ressens de manière prédominante un appel "naturel" (instinctif ?) à autoriser cette pratique quand tout de ma raison ou de mon sens politique m'invite à la proscrire. Il y aurait eu de bien belles choses à fouiller dans ce domaine et je vous espérais suffisamment peu formaté pour ne pas donner inutilement dans la polarisation.

    D'autre part, et c'est le second point de ma déception, lorsque, quand je lis que vous mettez hors-jeu les querelles gauche/droite sur la "juste" quantité du travail à effectuer pour vivre ensemble, j'applaudis des deux mains. Mais si c'est pour recommencer le même charabia sur la qualité du travail, je me dis que, décidément, en bon marxiste libéral chrétien que vous êtes, vous n'échappez pas au fantasme du travail libérateur, voire rédempteur. Car, mon brave Lapinos, le problème de la quantité ET de la qualité du travail réside au coeur d'un même mensonge : le travail ne nous rend ni meilleur ni pire, il nous asservit.

  • Je ne vois pas très bien ce qu'il y a de libéral chez Sarkozy. Le PS espagnol est libéral, Blair est libéral; Sarko est étatiste à outrance. On creusant bien, on trouvera un peu de libéralisme chez Bayrou, ou chez Strauss-Kahn.

    Mais quelqu'un qui propose de punir fiscalement les entreprises qui délocalisent, ou de surtaxer les "superprofits" n'est pas un libéral. Le libéral part du principe que le marché s'occupera mieux de répartir le pognon que l'Etat.

    Pour la plupart des candidats en lice, tout problème peut être résolu par un dispositif adapté élaboré dans un bureau parisien. Si le problème n'est pas résolu, c'est que le dispositif n'était pas assez bon. Les autres pays, qui n'élisent pas un roi mais un technicien, n'ont pas ce travers. Ou moins.

  • Je ne sais pas si le travail nous asservit, mais il est sûr qu'il fait bien chier.

    En même temps, je suis assez "brave new world" sur ce sujet. Je me dis que si on m'avais appris à aimer et respecter le travail, je serais moins malheureux. Je ne vois pas l'intérêt de faire miroiter aux gens une libération qui n'aura jamais lieu. Ou qui ne se fera qu'aux dépens des autres. Je méprise le travail, mais j'aimerais bien le respecter.

    Sur l'avortement, je suis sur la position Philo, mais je l'ai déjà dit. Peut-être qu'en adoptant ses opinions je finirai par avoir une vie sexuelle aussi.

  • Marrant la couverture de Hara Kiri. Surtout ce paradoxe: les deux modèles de la photo incitent à voter à gauche, alors que leur intérêt est que la droite passe, dans le contexte. C'est beau le désintéressement.

  • Mon propos, Philograph, est un peu différent. Ce sont les capitalistes au pouvoir qui estiment que les enfants n'ont qu'une valeur économique, qu'ils représentent de futurs travailleurs et de futurs consommateurs - la preuve c'est qu'ils sont prêts à "compenser" cette perte par une importation d'immigrés en provenance d'Asie, d'Afrique ou d'Europe de l'Est, peu importe, pour eux tout ça c'est kif-kif. Traduire : "la couleur de la peau n'a pas d'importance" par : "l'argent n'a pas d'odeur". On ne peut pas s'empêcher de relever que même sur le plan strictement économique ce raisonnement est assez idiot. À ce sujet, on note que la pensée économique libérale est imprégnée d'un malthusianisme caduc qui a fait des dégâts considérables dans les pays du tiers-monde et les pays en voie de développement. Mais ils ne sont pas près d'y renoncer. On ne fait pas d'omelettes sans casser des œufs, ce demeuré profond de Sevran peut continuer à dire n'importe quoi tant qu'il le dit poliment.

    Pour moi, 200.000 enfants en moins par an, c'est une perte incompensable, pas seulement au plan économique, au plan humain aussi, qu'on ne peut pas dissocier comme les libéraux font.

    La libéralisation en France de l'avortement - on invoque la liberté de la femme opportunément -, a été telle que lorsqu'on interpelle des femmes qui se sont débarrassé de leur enfant en très bas âge dans une poubelle, elles ne comprennent pas bien ce qu'il y a d'immoral là-dedans - quelques semaines d'écart, ça leur semble un drôle de critère moral.
    Ou vous me prenez pour un idiot, Philograph, ou vous connaissez bien mal la France. Si un gouvernement proposait non pas de revenir sur la loi Veil (environ 30.000 avortements contre 200.000 aujourd'hui) mais de développer les aides aux femmes en difficulté, ce gouvernement serait "censuré" par les médias.
    Les fanatiques de la libéralisation des mœurs ont partie liée avec les libéraux dans le domaine économique. L'année dernière un lobby pro-avortement a réclamé la construction en Ile-de-France de nouvelles cliniques afin que les femmes désirant avorter ne fréquentent pas les mêmes salles d'attente que celles qui s'apprêtent à accoucher, car ces dernières incitent les premières à renoncer à leur projet et préfèrent finalement garder leur bébé !?

  • Ce qui a de pratique, Gloups, c'est que la liberté on peut l'invoquer à propos de tout et de n'importe quoi. Sur les 35 heures, ça sera d'un côté la liberté d'avoir plus de loisirs pour aller regarder des navets français au cinoche, et de l'autre la liberté de gagner plus d'argent défendue par Sarkozy.
    Vous voulez un exemple de décision morale et antilibérale, Gloups ? Par exemple la mesure d'interdiction faite à la télévision de nous abreuver 24 h/24 h de publicités mensongères (elles le sont à 95 % - tous les produits alimentaires sont présentés comme excellents alors qu'ils sont invariablement dégueulasses.), ça ça serait une mesure ayant un sens moral.

  • ds un sens, c'est vrai que je m'en fiche un peu de laicité...D'ailleurs, les intellectuels musulmans laiques m'exaspèrent au plus haut point!! même pas capables de bien expliquer un passage ds l coran..pzzt

  • Pffff! De gauche à droite, extrêmes comprises, ils sont tous capitaliste soit par choix, soit par opportunisme! Même Le Pen a parfois des relents...il faudrait qu'il se soigne! Puis il nous faudrait un axe Chavez, Ahmadinejad, Poutine, Le Pen...alors...peut être...bah! je divague!

  • C'est le côté "Club de l'Horloge" de Le Pen : Le Gallou, Blot, Mégret, Lesquen, tous ces gens qui ne jurent que par Thatcher et Reagan.
    Mais Le Pen ne leur a jamais accordé que le rôle d'organisateurs pour lequel ils étaient faits, pas beaucoup plus.

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