L’art contemporain vient de perdre sa marraine, Claude Pompidou. Comme quoi tout passe, même les idées les plus sottes.
Sarkozy l’a décrite grossièrement (avant lui, le déluge) comme une “brave femme”. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions, en particulier, ces derniers temps, de bonnes intentions démocratiques.
Pour moi, n’ayant de goût ni pour la géométrie, ni pour la philosophie, ni pour la photographie ou la vidéo d'art, ce sera un deuil en blanc.
Ici ou là on ose se dire scandalisé par des expos de photographies vulgaires subventionnées par telle ou telle municipalité branchée, on ose protester parce que Mgr Barbarin, l’évêque de Lyon, est attaqué en justice pour avoir osé critiquer les “conceptions artistiques” de tel margoulin lyonnais de l’art contemporain ; je dis que c’est bien fait pour sa pogne au sieur Barbarin : ça lui apprendra à composer des odelettes à la démocratie ! Ça lui donnera aussi l’occasion de répéter, à la face de ses censeurs, que ces procédés sont cyniques. S’il ose. Car si le clergé français a bien une chose en commun avec les artistes contemporains, c’est le manque d’audace. Combien de catholiques ont protesté contre l’expo. de Christian Lacroix dans une chapelle versaillaise, blasphématoire ET mercantile de ses dernières productions ? Une poignée, et, à ma connaissance, aucun ecclésiastique. Quand on ne chasse pas les marchands du temple à coups de pieds au cul, ils s'incrustent.
Face à ces barbares qui vendraient père, mère ou enfants pour faire de l’argent - la seule preuve concrète de l’existence de l’art contemporain -, on ne peut pas se contenter d’un discours philosophique comme quoi le Beau, le Bon et la Vérité seraient en perdition. Ce genre d’incantation approximative est débile et lénifiant. On est bien obligé de passer par une analyse marxiste plus lumineuse. Si on est tombé aussi bas, ce n’est pas en raison d’un quelconque faillite des idées platoniciennes ; c’est bien la société civile qui a évolué dans le sens de la vulgarité. Toute la société civile qui est touchée par le mercantilisme et les raisonnements philosophiques bénins qui vont avec.
N’est-il pas hautement significatif que des catholiques n’aient pas été capables de reconnaître, dans le roman de Johnatan Littell, un recueil de fantasmes pornographiques ? Pire que ça, certains catholiques ont même osé, les macaques, encenser ce machin officiel ! C’est dire l’épaisseur du brouillard philosophique.
Je relisais récemment des discours de Pie XII et de Paul VI sur l’art ou adressés à des artistes, leurs réflexions destinées à alimenter les débats du concile v2. C’est d’une banalité, d’une généralité affligeante, il n’y a aucun critère d’action là-dedans ! Du moins on veut agir, mais on ne sait pas bien quoi faire. On a oublié comment la papauté fut grande et belle avec Jules II pour débiter des sermons de préfet laïc.
Au moins quand Claudel parle d’art, même s’il dit souvent, sur le fond, n’importe quoi, que Jordaens est un mauvais peintre, tout et son contraire à quelques semaines d’intervalle (il n’est pas diplomate pour rien)… au moins il le dit… avec art ! Chez Pie XII et Paul VI, platitude du fond et de la forme ! Aucun feu sacré. Ça aussi c’est significatif.
Sans compter le rôle actif que jouent certains grands patrons démocrates-chrétiens dans l’économie capitaliste.
Cette montée en puissance, irrésistible, des élites bancaires et du mercantilisme, Marx l’avait prédite. Élevé à Trêves, une ville catholique, apparemment il n’a pas remarqué que les bourgeois catholiques étaient différents des autres. En revanche il est vrai que cléricaux “noirs” et “rouges” communistes se sont retrouvés unis dans l’opposition au régime de Bismarck. La protestation contre les élites bourgeoises nées de l’industrialisation est à la fois dans Bloy et dans Marx. Juste coïncidence.
Pour ceux qui préfèrent laisser Marx enfermé dans un mausolée soviétique, il y a Baudelaire. Il avait déjà, auparavant, parfaitement discerné le cynisme de ce qu’il est convenu d’appeler "Les Temps modernes".
Commentaires
Tu me fais penser aux marchand ambulants sur les plages populaires l'été qui poussent leur cri : "glaces à la pistache, beignets, chaussssons aux pommes ..."
Enfin toi ce serait plutôt "confiseries marxistes, croix glacées, esquimaux catholiques ..."
Ah ! le temps de Claude Pompidou, Agam Vasarely Boulez que de grands artistes et l'héritier Jack Lang qui a reçu une mission pour démocratiser la vie publique de la part du petit Nicolas ... tout pour te plaire !
Et moi je vous imagine bien au Cap d'Agde en vacances, à essayer de coincer Houellebecq entre deux dunes.
Car n'espérez pas me croiser en vacances, je n'en prends pas, je trouve ça d'un ringard. C'est bon pour les démocrates-chrétiens ou les bobos, les congés payés.
(Ça serait plutôt le catholicisme la confiserie et le marxisme qui est un peu gelé.)
Vous en êtes encore à attendre quelque chose des "évêques de France"?!
Mais le deuil en blanc, c'est toujours monochrome...
Ce furent les reines de France qui prirent le deuil en blanc.