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bloy

  • Art et idolâtrie

    "Il est tout à fait curieux de remarquer que les "prophètes" et en général tous les sectaires chrétiens, en arrivent, fatalement, à mettre en question l'existence même de l'art dans leur zèle de prosélytisme, qu'ils se nomment Savonarole, Luther, Calvin ou... Bloy !!!

    Tous ont déblatéré contre l'art et travaillé à sa destruction, ou du moins à son asservissement, ce qui est pire encore."

    Henry de Groux (1903)

    Le peintre H. de Groux fut très lié au pamphlétaire catholique Léon Bloy, les deux hommes s'étant prêté assistance mutuellement. Leur divorce brutal n'est pas sans rapport avec la menace que de Groux évoque ici.

    La notion de "sectaires chrétiens" s'oppose à celle d'"Occident chrétien", ou encore de "civilisation judéo-chrétienne", ou au contraire le motif de l'art peut sembler omniprésent ; on emploie parfois le terme de "religion de l'art" pour définir la culture moderne, et sans conteste les musées sont aujourd'hui de véritables temples dédiés à l'art.

    On peut transcrire cette remarque de de Groux sur le mode ironique : "Il est tout à fait curieux que certains chrétiens en arrivent à écouter ce que disent leurs prophètes, quand ceux-ci exigent de s'abstenir de rendre un culte aux idoles."

    Le problème soulevé par la civilisation est le même. Comme les Juifs ne voulurent pas être mêlés à la civilisation, en quoi leur fuite hors d'Egypte est significative, les chrétiens fidèles se refusent à être assimilés au monde ou à la société. De Groux admirait Bloy largement à cause de son retranchement assez net de la société bourgeoise parisienne.

    Il est clair que la prohibition juive de l'art (Exode 20) vise à prémunir le peuple juif contre l'idolâtrie. Autrement dit, l'art est susceptible de détourner de Dieu ; comme il y a des "Juifs charnels" pour contredire l'enseignement de Moïse ou le vilipender, il y a des chrétiens charnels qui en font autant avec le message des apôtres, de façon plus ou moins subtile.

    Tout au plus peut-on reprocher à Savonarole sa méthode iconoclaste ; elle revient à brûler le jardin pour arracher une mauvaise herbe. Ce moine catholique pouvait-il espérer de la conversion forcée de la ville de Florence autre chose que la superstition, qui est le résultat de la conversion par la force ou la séduction ?

  • Aux captifs...

    ...la libération.

    Encore faut-il éprouver l'enfermement et le poids des chaînes sociales, tel Hamlet au Danemark. Eprouver que dire "le lien social", c'est blanchir l'argent ; éprouver que l'argent est la traduction concrète du "lien social".

    S'il y a un esprit français, divergent de ce que leurs élites ploutocratiques voudraient qu'il soit (allemand), il est bien là, dans le mécontentement de la vie. Les Français sont le peuple le moins existentialiste de la terre, c'est-à-dire le moins socialiste, le moins clérical, puisque la foi est toujours faite pour donner un sens à l'existence, qui en soi en est dépourvue.

    Tous les penseurs existentialistes ont trempé ou trempent dans le crime de l'humanité contre elle-même, et c'est un scandale qu'ils continuent d'être enseignés en France, comparable aux méthodes de séduction des pédophiles. L'Education nationale, humaniste ? C'est un repaire de pharisiens, occupés à araser le plus possible l'esprit de résistance humaniste, dissuasif du civisme, qui n'a jamais engendré que les pires catastrophes.

    Vous voulez des noms ? Rabelais, Molière, Balzac, Bloy, Allais, Céline, Bernanos, Simone Weil... la liste est longue des artistes français dissuasifs de caresser la monstrueuse mécanique sociale dans le sens du poil. Tous empruntent la voie ouverte au milieu des factieux par l'épée de Shakespeare, et le malheur des derniers cités de cette liste vient de ne pas avoir reconnu assez l'appui que Shakespeare fournit à la pensée. Sauver Shakespeare des griffes du Grand Siècle satanique est la meilleure action que les Lumières françaises ont accompli, mais l'effort du clergé n'a pas cessé depuis pour faire en sorte de priver Shakespeare de son sens véritable. 

    Entendu que l'esprit du paganisme le plus terre-à-terre est celui de la médecine, on comprend que les thaumaturges ou les utopistes réformateurs de la société ne comprennent rien à Hamlet ou le vilipendent. Hamlet a la pointe de son épée posée fermement sur le garrot du destin. Il ne reste plus qu'à appuyer.

  • Signes sataniques du Temps

    La "synagogue de Satan" de l'évangéliste Jean n'est pas seulement remplie de faux juifs mais aussi d'une foule de renégats démocrates-chrétiens qui circonscrivent Dieu au cercle des "affaires privées", d'abord, pour mieux le soumettre à la religion laïque ensuite, c'est-à-dire à César.
    Il ne convient pas de parler de "sphère" privée mais de cercles concentriques, car cette géométrie est dans les Temps modernes réservée au seul Dieu. Seul un imbécile pascalien peut commettre une telle erreur mathématique.

    Au premier rang des renégats, il y a bien sûr les journalistes démocrates-chrétiens du "Figaro" ou de "Valeurs actuelles", retranchés derrière Bernanos ou Bloy pour mieux dissimuler leur empressement à servir les robots et la balistique du système Dassault.

    Et que dire du bègue Bayrou ? C'est à croire qu'il le fait exprès avec sa bannière orange. Si l'azur est la couleur de Dieu le Père, le sang celle du Fils martyrisé par les soldats et les prêtres, l'or celle de l'Esprit descendu parmi nous, alors l'écarlate est la couleur du diable. D'où la défiance du Moyen âge rompu au déchiffrage des symboles à l'égard des roux, des renards, et même des citrouilles oranges, ce légume quantique sans saveur qui se résorbe à rien sur le feu.
    Plus récemment c'est le pyralène, l'agent orange répandu par les Rhodaniens dans leur propre fleuve ; beau symbole, puisque chimiquement il ne se mêle pas à l'eau bleue.
    La bête de l'ancien Testament est de couleur pourpre ; elle revêt dans les Temps modernes la couleur écarlate qui s'insinue entre le sang et l'or.

  • Relecture

    D’une poubelle du métro, je sors La Voix, l’organe de liaison des communautés catholiques de Neuilly ; un vieux numéro remontant à la semaine sainte. “Il est plus difficile à un habitant de Neuilly d’entrer au Royaume des Cieux qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille…”
    Je plaisante… En couverture, le programme : “De racines communes, deux branches sont nées.” et en-dessous, pour illustrer ce propos novateur, un arbre (un figuier ?) cerné par les deux lettres “C” pour christianisme et “J” pour judaïsme. Voilà une lecture des Évangiles propre à rassurer le bourgeois ! Déjà Flaubert s’inquiétait du caractère révolutionnaire de Jésus.

    J’imagine la tête des vieux clercs jansénistes que Simone Weil consultait lorsqu’elle leur suggérait qu’il fallait purger le christianisme de ses racines juives ! Y aura-t-il un jour de nouveau des gonzesses comme Simone Weil ? Je l’espère. Ça nous changerait de toutes ces grenouilles de bénitier laïques ou démocrates-chrétiennes.

    Force est de constater, primo, que l’amalgame entre le christianisme et le judaïsme passe par le luthéranisme ou le jansénisme, “l’augustinisme” en général. Le verbiage anthropologique et pseudo-scientifique de Freud ne vient-il pas en grande partie de saint Augustin ? Sainte Monique n’est-elle pas la parfaite “mère juive”, toujours soucieuse des intérêts de son fils, et rien que de son fils ?

    Deuxio, force est de constater que cet amalgame n’a pas débouché sur une meilleure entente entre juifs allemands et luthériens allemands, mais au contraire sur la concurrence la plus barbare entre eux.
    Simone Weil, plus voltairienne, plus française que Sartre, ne pouvait que conclure radicalement à l’opposé.

    Plutôt que d’écrire sur Bernanos, Bloy ou Claudel, on aimerait que les métèques à la solde du Figaro se mêlent de ce qui les regarde : informer des cours de la Bourse, du dernier navet cinématographique à regarder en couple ou en famille, ou de préparer la guerre contre l’Iran.

  • L'honneur bafoué de Georges Bernanos

    La meilleure façon de bafouer l'honneur de Georges Bernanos ? Il suffisait de le transformer en hypocrite penseur démocrate-chrétien gaulliste sur le modèle de François Mauriac.

    Le soixantième anniversaire de la mort de l'écrivain catholique est prétexte dans Le Figaro, Famille chrétienne ou Valeurs actuelles, à de petites notules niaises et consensuelles ne ménageant pas les "Bernanos éternel" par-ci, "Bernanos prophète des temps modernes" par-là, et patati et patata. Pour le fond les abonnés de ces gazettes sont aimablement renvoyés aux volumes de la Pléiade ou aux propres délayages de ces embaumeurs de première classe.

    Tant qu'à faire j'aime encore mieux, poursuivant le même but, l'exégèse délirante que Les Temps modernes ont donnée du célèbre "Hitler a déshonoré l'antisémitisme" de Bernanos. Interprétation des Temps modernes (sic), comme tout droit sorti d'un conte d'Alphonse Allais, de Villiers de l'Isle-Adam ou du Meilleur des mondes d'Huxley qui vise à faire de Bernanos un écrivain philosémite comme tout le monde : quia absurda est.

    La déception de Bernanos fut en vérité à la mesure de sa naïveté, lorsqu'il revint d'exil pour servir de caution à un régime gaulliste à peine sorti des règlements de compte sordides et des procès politiques qui n'en finissent pas. Il ne suffit pas que les ex-soixantuitards à bout de souffle chantent tout compte fait les louanges de De Gaulle, il faudrait de surcroît que des écrivains comme Brasillach, Céline, Drieu ou Aragon, du séjour des morts, joignent leurs voix à ce concert de faux-culs ! Néron n'en demandait pas tant.

    Aussi naïf fut-il, Bernanos ne mit pas longtemps à découvrir les véritables mobiles de la clique gaulliste. Même lucidité chez Simone Weil dont les critiques sont à peu près impubliables aujourd'hui tant elles écornent le mythe gaullien.

    "Il y a eu des collaborateurs mais la collaboration était un mensonge. Il y a eu des résistants mais la résistance était un autre mensonge. Il y a eu la victoire, qu'on a tout de même pas osé appeler Victoire, par un reste de pudeur, mais Libération.

    Et cette libération était aussi un mensonge, et le plus grand de tous...!" G. Bernanos

    *

    La franchise, le ton radical de Bernanos est son plus grand mérite, car pour ce qui est de l'anticipation, La France contre les robots, n'importe quel authentique lecteur ne peut manquer d'y voir une adaptation française de la critique marxiste du capitalisme. Sans qu'il fut nécessaire à Bernanos pour écrire son pamphlet d'avoir lu Marx. E. Waugh ne l'avait pas lu non plus ; il n'est pas certain qu'Ezra Pound s'y soit intéressé de très près. On sait que ce fut le cas de Céline, mais assez tardivement. Pourtant le lien de cœur entre ces écrivains est évident.

     Qu'un baveux du Figaro comme Sébastien Lapaque, employé par conséquent d'un fabriquant d'armes de destruction massives qu'on est occupé en ce moment à fourbir, que ce genre de pion puisse se prévaloir de La France contre les Robots, voilà qui illustre bien le principe démocrate-chrétien à la perfection. Lorsqu'on a une bille à servir de cible à un pamphlet comme Sébastien Lapaque, on ferait mieux de planquer ses bajoues dans une compagnie d'assurance, derrière le guichet d'une banque, où elles peuvent jouer leur rôle rassurant, plutôt que de s'en servir pour pipeauter de cantilènes gaullistes les vieillards paranoïaques qui lisent Le Figaro entre deux madeleines trempées dans la tisane.

  • Traduire le pape

    Pourquoi est-il est nécessaire que je décrypte les dernières déclarations du pape ? Trois raisons.
    La première, pour parler clair, c’est que les démocrates-chrétiens, ou les chrétiens-libéraux, sont des traîtres, des cathos-traîtres. Si Louis Veuillot a pu être abusé par la politique (concrète) de Napoléon III, Bernanos par les promesses de De Gaulle, aucun chrétien authentique ne peut être abusé par les propos de Nicolas Sarkozy, ses petites concessions au folklore chrétien, juif ou musulman, concessions insultantes. Si les musulmans sont plus “susceptibles”, c’est parce que leur foi est plus grande, de toute évidence (Ce qui explique l’indifférence, ou la conversion de certains démocrates-chrétiens à l’islam, ou même la jalousie à l’égard de la foi d’un musulman comme Tariq Ramadan, qui renvoie les démocrates-chrétiens à leurs lâchetés.)

    Les enquêtes à la sortie des urnes ont montré le poids qu’ont pesé le troisième et le quatrième âges dans l’élection de Sarkozy. Et ces générations, surtout en Alsace-Lorraine, sont plus que d’autres attachées au folklore. François Mitterrand naguère avait, à la veille des élections, des propos flatteurs pour le noyau dur de son électorat, les profs, de la même façon. Ce qui n’a n’a pas empêché la déchéance du corps professoral.

    Par conséquent, tout propos du pape qui ira à l’encontre des dogmes libéraux ou démocratiques sera immanquablement étouffé par les interprètes officiels du pape en France, dont la faiblesse à défendre la religion catholique est proportionnée à la force à soutenir les sacro-saintes “Valeurs actuelles”.
    Si, comme je le soupçonne, c’est le tartuffe Darcos qui a soufflé cette idée de cadeau à Benoît XVI - une édition originale de Bernanos -, Benoît XVI aurait dû répliquer par un coup de crosse en travers de la gueule de ces insolents, car il n’y a pas d’autre façon de traiter un tartuffe de l’envergure de Darcos, plus retors que François Bayrou encore.
    Mais le pape n’est pas libre. On entre désormais au Vatican comme dans une boutique de souvenir.
    La censure exercée par les médias occidentaux est telle que le pape ne peut pas, sur la place Saint-Pierre, sortir un billet de cent dollars de sa poche et l’enflammer, comme Gainsbourg, pour signifier clairement ce que le “sécularisme” veut dire, à quoi il se résume. Le scandale de cette image serait trop grand. Les médias capitalistes attendent Benoît XVI au tournant, et il le sait.
    Le pape est contraint de parler, non pas “en paraboles”, hélas, mais par euphémismes qu’il faut décoder.

    *

    Qu’est ce que le “sécularisme”, ce cryptogramme, au juste, signifie ? Lorsque le pape déclare que le “sécularisme” est pire que le communisme, que faut-il en déduire ? D’abord, dans le langage courant que Benoît XVI parle, il est convenu de considérer que le communisme n’est plus, qu’il a disparu avec le mur de Berlin, en 1989 ; seul demeure donc le “sécularisme”, que le pape condamne comme une idéologie, une philosophie dangereuse pour l’humanité.
    Le sécularisme, c’est-à-dire les “Valeurs actuelles” de l’Occident, autrement appelées “libéralisme”, ou encore “capitalisme”, “démocratie” - pour ce qui est de faire valser les étiquettes on peut faire confiance aux VRP, aux chefs de rayon qui nous gouvernent à l’aide de médias réduits à des emballages publicitaires. Goebbels fait désormais figure de pionnier naïf de la propagande électorale. Pour faire ce genre de comparaison, Joseph Ratzinger, enfant du siècle, est on ne peut mieux placé.

    Le pape, qui n’est pas marxiste, se contente d’y faire allusion, mais concrètement il faut insister pour dire que le sécularisme est une religion.
    Le principe de cette religion est de nier qu’elle en est une et de s’affirmer “au contraire” comme une philosophie, d’adopter ce point de vue censé être supérieur. Quelle religion ne se pense pas supérieure aux autres ? Feuerbach, qui a le mérite contrairement à des imbéciles comme Nitche u Heidegger d’être cohérent et rationnel, trahit naïvement l’essence de la nouvelle religion. C’est précisément de cette négation que vient le fanatisme particulier des Occidentaux néocolonialistes. Un fanatisme qu’on distingue déjà chez Feuerbach et qui éclate au grand jour lorsque des Savonaroles du capitalisme et de la démocratie tels que Jacques Attali, Robert Redeker ou BHL prennent la parole pour prêcher leurs valeurs.
    Un jésuite au Japon, que fait-il ? Il tente de convaincre ses hôtes de la supériorité de son point de vue. Tandis qu’il n’est pas question de discuter le bien-fondé des droits de l’homme, de la démocratie, de l’évolution, de l’athéisme ou du capitalisme, pas plus que la morale bourgeoise qui en découle.
    Marx a été pourchassé dans toute l’Europe pour l’avoir osé, et Bloy traité comme un proscrit à une époque plus libre que la nôtre.
    Malgré les millions de morts, de Verdun jusqu’au Rwanda, le sécularisme a raison, invinciblement raison.

    *

    En outre le pape a parlé de la nécessité pour l’Eglise de faire son autocritique. Est-ce à dire qu’on n’est pas assez loin dans la “repentance” dont Mgr Lustiger fit une véritable théologie ? Au contraire, le pape veut rompre avec l’hypocrisie qui consiste à charger des morts qui ne peuvent pas se défendre, privés d’avocats, à les charger de tous les péchés, pour faire le bilan vrai d’un siècle de démocratie-chrétienne, neutre, fière d’être neutre, concrêtement globalement inerte face aux crimes du siècle, ne leur opposant que de vagues discours ou de vagues théologies.

    Les démocrates-chrétiens peuvent bien embrasser Péguy, Bernanos, ou même Bloy et Veuillot, ce n’est que pour mieux les solder. Il est significatif d’ailleurs que de Mauriac, qui correspond pour le coup à leurs aspirations profondes, ils ne retiennent que les écrits politiques globalement ineptes, en définitive, occultant ce qu’il y a de vrai et de puissamment évocateur chez cet artiste, à savoir son portrait effrayant de la grande bourgeoisie chrétienne bordelaise, autoportrait en noir.

  • Créationnisme (10)

    Pas de Bloy, en dehors d’une anthologie qui non seulement “tronque” les textes, mais encore ne présente pas les meilleurs - une anthologie de Jésuites ? Bloy ne se déguste pas par petits tronçons de phrases comme les grands moralistes français, La Bruyère ou La Rochefoucauld.
    L’Âme de Napoléon, cité notamment dans cette anthologie, ça n’a pas très bien vieilli. Si un Allemand aujourd’hui osait écrire un bouquin sur “l’âme d’Hitler”, dans un sens positif, ce n’est pas maudit qu’il serait, mais carrément jeté en taule !
    À la décharge de Bloy, il ignorait le détail et le volume des exactions atroces commises par les troupes françaises d’invasion et d’occupation dans les populations civiles européennes. Plus encore qu’Hitler ou que les révolutionnaires français, Napoléon a saigné son propre pays, irrémédiablement.
    Après Napoléon, c’en est fini de la France en tant que puissance politique, même si l’empire colonial a pu donner l’illusion du contraire. Lorsqu’on est Espagnol, on peut en vouloir à Napoléon en tant que chef de guerre criminel ; lorsqu’on est Français, c’est à Napoléon assassin de la France qu’on peut en vouloir. Avec Louis XVI, c’est un des personnages politiques les plus détestables de notre histoire moderne - pour un catholique français, s’entend.

    *

    Je me rabats sur Claudel, dont la beauté - trop formelle ? - ne m’a pas encore touché jusque maintenant. J’acquiers pour trois fois rien un numéro spécial de la NRF de septembre 1955, en hommage à Claudel, décédé cette année-là.

    Ce numéro de la NRF, c’est un gag ! En fait d’hommage, c’est à qui des thuriféraires convoqués par Paulhan flinguera Claudel le mieux, à coups d’encensoir. Ça confirme la méfiance de Drieu, et les insultes de Céline : ce Paulhan est un sournois, un grand sournois. Cette méthode des tueurs à gages est imparable.
    Le plus doué de cette bande d’assassins post-mortem, c’est incontestablement Francis Ponge :
    « Et voici mon Claudel comme et où je l’entends :
    Comme et où je l’entends c’est entre
    clame et claudique
    Mais comme clame et claudique un de ces gros dolmens branlants.
    Non tout à fait pierre-qui-vire : pierre branlante. »


    Il n’y a pas très longtemps j’ai lu un petit livre neuf mais néanmoins instructif de Michel Mohrt, témoignage sur ses années de collaboration à la NRF. Il y souligne l’influence néfaste de Paulhan sur la littérature française, son goût pour le gadget littéraire, pompeusement baptisé “surréalisme”.
    Au vu de ces strophes calamiteuses en “à la gloire de Claudel” (sic), moi je jette le Ponge avant de l’avoir lu ! Saligaud, va !

    *

    Parmi les quelques textes inédits de Claudel publiés à la fin de la revue, je trouve un beau credo créationniste de Claudel, qu’on opposera à tous les credos évolutionnistes lourdingues qu’on peut entendre un peu partout dans les médias* :

    « 1/ Je ne crois qu’aux choses et aux êtres concrets : Dieu, la Vierge, les Anges, un homme, un chien, un arbre… et je refuse toute existence autre que la logique à ces idoles qu’on appelle la divinité, l’espace, le temps, l’élan vital, etc.
    Il ne faut pas réaliser les abstraits et leur attribuer un pouvoir quelconque.
    2/ Je suis absolument étranger à l’idée du devenir dans la nature. Je crois que les formes ont une importance typique, sacrée, inaltérable, inépuisable. Je crois que ce que Dieu a fait n’est pas imparfait, mais fini, et qu’il a eu raison de trouver ses œuvres
    bonnes et très bonnes. Logiquement, l’idée d’un devenir, c’es-à-dire d’un être qui peut sauter en dehors de sa forme, me semble un véritable monstre et le dernier degré de l’absurdité. Il faut la déchéance intellectuelle du XIXe siècle pour avoir accepté une telle ineptie. (…) »

    Venu du terroir champenois, Claudel est un grand esprit intuitif et désintéressé, le genre d’esprit dont la science manque cruellement désormais.

    *À transmettre à l’évolutionniste X. Dor, nonobstant courageux militant pro-vie français, véritable écologiste comme Claudel.

  • L'invitation

    L’été dernier, il avait fait très chaud et cela m’avait beaucoup gêné dans mon travail. Au bout de quelques minutes, je ruisselais de sueur et mes membres devenaient de plomb. Aussi ai-je prié cette année pour avoir le temps le plus froid possible.

    *

    Depuis trois semaines, je résiste à l’invitation d’un pote à venir me reposer auprès de lui dans la montagne. Ce matin, je cède à la tentation et je pars prendre un train Gare de Lyon avec un mince bagage.
    Il faut dire que mon pote s’est montré particulièrement persuasif ces derniers jours : « On ne saurait concevoir lieu de villégiature moins démocratique, en dehors de quelques troupeaux de moutons qui paissent çà et là, rien ne rappelle la bêtise de nos contemporains, (…) l’endroit est quasi-désertique et la Nature a conservé la plupart de ses droits, les sources sont pures. » ;
    ou encore : « Fin août, les bobos sont déjà las de l’Ile de Ré, du Lubéron, de la Corse, de la Baule ou de la Côte basque, et ils rentrent tous à Paris ; c’est la fin de l’exode : il est préférable pour ton équilibre mental que tu n’assistes pas à ce reflux écœurant, qui ne manquera pas de se prolonger par une débauche de “shopping” indécent, cris hystériques des femelles bobos faisant leurs courses en compagnie de leurs “partenaires” efféminés. »

    Enfin, et c’est ce qui m’a décidé : « Non loin de mon home est une institution jésuite en pleine décadence, les derniers membres de cette société spéciale ont un pied dans la tombe. Nul doute que Xavier de Jassu doit se retourner dans la sienne en voyant ce petit tas de vieux démocrates-chrétiens échanger des sophismes à l’ombre des conifères en fleur, dans l’air parfumé. (…) Mais, car il y a un mais, ces vieux barbons marmottants, vêtus de grisaille, tous les ans bradent leur bibliothèque, ayant perdu toute notion de la valeur des livres prophétiques, plus enclins à lire La Vie, Pèlerin magazine, Le Monde des religions ou Famille chrétienne, toute cette presse avec laquelle je ne me torcherais même pas le cul (…). Dans cette braderie, on peut tomber sur des pépites, des éditions originales non coupées de Péguy ou de Claudel pour un ou deux euros ! Imagine, si tu tombes sur le brûlot antisémite et paradoxal de Bloy, Lapinos - Salus ex judaeis est -, NON COUPÉ !… Quelle tête feras-tu ? »

    Enfer et damnation ! Mon sang ne fait qu’un tour et je me rue vers cet Eldorado. Vingt-cinq minutes porte à porte entre mon terrier et ma place dans le Tégévé !
    En espérant que l’air des montagnes me fera le même effet qu’à mon pote, car je me suis senti un peu émoussé, dernièrement.

  • Deuil blanc

    L’art contemporain vient de perdre sa marraine, Claude Pompidou. Comme quoi tout passe, même les idées les plus sottes.
    Sarkozy l’a décrite grossièrement (avant lui, le déluge) comme une “brave femme”. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions, en particulier, ces derniers temps, de bonnes intentions démocratiques.
    Pour moi, n’ayant de goût ni pour la géométrie, ni pour la philosophie, ni pour la photographie ou la vidéo d'art, ce sera un deuil en blanc.

    *


    Ici ou là on ose se dire scandalisé par des expos de photographies vulgaires subventionnées par telle ou telle municipalité branchée, on ose protester parce que Mgr Barbarin, l’évêque de Lyon, est attaqué en justice pour avoir osé critiquer les “conceptions artistiques” de tel margoulin lyonnais de l’art contemporain ; je dis que c’est bien fait pour sa pogne au sieur Barbarin : ça lui apprendra à composer des odelettes à la démocratie ! Ça lui donnera aussi l’occasion de répéter, à la face de ses censeurs, que ces procédés sont cyniques. S’il ose. Car si le clergé français a bien une chose en commun avec les artistes contemporains, c’est le manque d’audace. Combien de catholiques ont protesté contre l’expo. de Christian Lacroix dans une chapelle versaillaise, blasphématoire ET mercantile de ses dernières productions ? Une poignée, et, à ma connaissance, aucun ecclésiastique. Quand on ne chasse pas les marchands du temple à coups de pieds au cul, ils s'incrustent.

    *


    Face à ces barbares qui vendraient père, mère ou enfants pour faire de l’argent - la seule preuve concrète de l’existence de l’art contemporain -, on ne peut pas se contenter d’un discours philosophique comme quoi le Beau, le Bon et la Vérité seraient en perdition. Ce genre d’incantation approximative est débile et lénifiant. On est bien obligé de passer par une analyse marxiste plus lumineuse. Si on est tombé aussi bas, ce n’est pas en raison d’un quelconque faillite des idées platoniciennes ; c’est bien la société civile qui a évolué dans le sens de la vulgarité. Toute la société civile qui est touchée par le mercantilisme et les raisonnements philosophiques bénins qui vont avec.
    N’est-il pas hautement significatif que des catholiques n’aient pas été capables de reconnaître, dans le roman de Johnatan Littell, un recueil de fantasmes pornographiques ? Pire que ça, certains catholiques ont même osé, les macaques, encenser ce machin officiel ! C’est dire l’épaisseur du brouillard philosophique.

    *

    Je relisais récemment des discours de Pie XII et de Paul VI sur l’art ou adressés à des artistes, leurs réflexions destinées à alimenter les débats du concile v2. C’est d’une banalité, d’une généralité affligeante, il n’y a aucun critère d’action là-dedans ! Du moins on veut agir, mais on ne sait pas bien quoi faire. On a oublié comment la papauté fut grande et belle avec Jules II pour débiter des sermons de préfet laïc.
    Au moins quand Claudel parle d’art, même s’il dit souvent, sur le fond, n’importe quoi, que Jordaens est un mauvais peintre, tout et son contraire à quelques semaines d’intervalle (il n’est pas diplomate pour rien)… au moins il le dit… avec art ! Chez Pie XII et Paul VI, platitude du fond et de la forme ! Aucun feu sacré. Ça aussi c’est significatif.
    Sans compter le rôle actif que jouent certains grands patrons démocrates-chrétiens dans l’économie capitaliste.

    *

    Cette montée en puissance, irrésistible, des élites bancaires et du mercantilisme, Marx l’avait prédite. Élevé à Trêves, une ville catholique, apparemment il n’a pas remarqué que les bourgeois catholiques étaient différents des autres. En revanche il est vrai que cléricaux “noirs” et “rouges” communistes se sont retrouvés unis dans l’opposition au régime de Bismarck. La protestation contre les élites bourgeoises nées de l’industrialisation est à la fois dans Bloy et dans Marx. Juste coïncidence.
    Pour ceux qui préfèrent laisser Marx enfermé dans un mausolée soviétique, il y a Baudelaire. Il avait déjà, auparavant, parfaitement discerné le cynisme de ce qu’il est convenu d’appeler "Les Temps modernes".

  • Adaptation

    Une envie me prend soudain d'adapter une nouvelle en bande-dessinée. C'est sans doute d'avoir feuilleté cet album d'estampes de Rembrandt…

    Je cherche dans Sueur de Sang, le recueil de nouvelles sur la guerre de Bloy, mais je suis déçu. Sueur de Sang à cause du docu-fiction original d'Arte l'autre jour, sur la première guerre de la série contre les Prussiens, les Bavarois, les uhlans. Un film pas mal. Pour moi un film est "pas mal" lorsqu'il me donne envie d'ouvrir un bouquin ensuite. Et puis pour une fois qu'on ne cause pas de la guerre 39-45 sur Arte, ou du dernier groupe de peintres-qui-chient-sur-la-toile ou de musiciens-qui-pissent-dans-leurs-guitares-électroniques. C'est les trois sujets fondamentaux d'Arte : les nazis, les peintres inspirés et les musiciens itou, drôle de fonds de commerce !

    Dans ce docu-fiction un peu franchouillard, forcément, parmi des historiens à moitié sérieux, il y a un type extraordinaire, un philosophe français, une caricature ambulante. Au début j'ai cru qu'il s'agissait d'un sketche d'acteur, d'une imitation de philosophe, mais non, c'était un authentique métaphysicien de chaire. J'ai noté son nom à tout hasard, Frédéric Gros, comme le peintre. Il débitait absolument n'importe quoi sur la guerre, tendant à la généralisation la plus absolue et la plus idiote, mais avec les grimaces correspondantes et une emphase des mains délicieuse à regarder, une sorte de delirium tremens fascinant !

    Donc avec Bloy ça ne fonctionne pas. Bloy est son seul personnage convaincant, le seul qui n'incarne pas une vertu pure ou un vice pur. Dans ses œuvres de fiction, bien qu'elles soient très directement inspirées de la réalité, Bloy se laisse toujours emporter par la métaphysique, même ses paysages sont théologiques ; c'est pas pittoresque pour un sou, ça manque de détails vrais. Là où Bloy est vraiment bon, c'est dans le dialogue avec Dieu.

    Je crois que je vais chercher dans Poe ou dans Villiers de l'Isle-Adam maintenant…