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Lettre ouverte à une jeune idéologue tradi

Mademoiselle,

Dans les chapelles "tradi", l'idéologie sévit aussi ; surtout dans les chapelles tradi, suis-je même tenté de dire, car l'idéologie s'épanouit dans les milieux où, faute de disposer de moyens d'action, de pouvoir imprimer un mouvement à l'extérieur, il ne reste plus que les discours, théologiques ou idéologiques.

De même, si dans l'Église pro-conciliaire, on se défend par principe de tenir un discours politique, c'est par hypocrisie : en réalité, l'Église n'a plus les moyens de tenir un discours politique distinct et original. La société civile le lui interdit. La preuve, tous les discours politiques ou presque que j'ai pu entendre, tenus par des curés conciliaires (l'homme ne peut pas s'empêcher de faire de la politique), tous ces discours étaient des discours à la mode : "À bas la pauvreté !", "Accueillons les immigrés", "À bas Le Pen !", "Vive Sarkozy !"…
Ces discours politiques, qu'on a pu entendre dans la bouche de curés ou d'évêques conciliaires français, ce sont des discours à la mode. Plutôt que "conciliaire", il vaudrait mieux dire "conciliant". N'importe quelle concierge inspirée par le journal de 20 heures peut faire le même genre de sermon à ses locataires.

*

Prenez le supérieur de la Fraternité saint Pie X, maintenant, Mgr Fellay : la position qu'il défend, pour la résumer, c'est que l'abandon de la liturgie latine ancienne est la cause de la déroute du catholicisme en Europe. La rétablir, cette liturgie, si possible partout, serait par conséquent la meilleure façon de restaurer le catholicisme dans ses territoires…
C'est le point de vue inverse de la majorité des "conciliaires", du moins des "conciliaires" au début, car il est plus difficile pour eux de nier la déroute désormais ; ceux-ci pensaient que la réforme liturgique, immédiatement catastrophique au plan artistique, attirerait une foule plus nombreuse dans les églises (L'art est l'ennemi du peuple, c'est ça que les conciliaires ont défendu, consciemment ou pas.)
La position de Mgr Fellay est donc l'exact pendant, mais même si les faits semblent lui donner raison, ça reste une position idéologique qui ne rend pas compte, ou très faiblement, de la réalité.

La réalité est que le régime politique et social en place, de type oligarchique et capitaliste, inspiré du modèle américain, est fondamentalement hostile au développement de la spiritualité chrétienne, probablement même de toute forme de spiritualité, excepté la spiritualité "zen" peut-être, et le tantrisme.
Le capitalisme poursuit aveuglément un autre but et est amené à combattre tout ce qui va à l'encontre des "mécanismes" capitalistes que sont la croissance, le gaspillage, l'amoralité, la consommation de gadgets fabriqués par des esclaves dans des pays "émergents", etc.
Prenez la critique violente du colonialisme. Elle n'a pour but que de légitimer les brutalités du néo-colonialisme capitaliste. Prenez la critique violente du nazisme. Elle n'a pour but que de donner un vernis moral au régime démocratique.

L'art, la belle liturgie, ne sont "que" le produit d'une organisation sociale et politique donnée. Ce n'est pas Michel-Ange qui a fait le rayonnement de la papauté, c'est le pouvoir temporel de la papauté qui a permis à Michel-Ange de donner la pleine mesure de son talent et de rejaillir ensuite sur la papauté.

Pour vous donner une preuve supplémentaire que vous voyez les choses à l'envers, Mlle : ce ne sont pas, quoi qu'ils disent, des raisons d'ordre théologiques qui retiennent les traditionnalistes de Mgr Fellay (les autres comptent pour du beurre, ils sont une poignée qui ne savent pas bien ce qu'ils veulent), qui les retiennent hors de l'Église romaine, ce sont des raisons concrètes, politiques, économiques, beaucoup plus fortes que les raisons théologiques invoquées. D'ailleurs le fondateur de la Fraternité saint Pie X, Mgr Lefebvre, ancien évêque de Dakar, n'était pas un théologien mais un meneur d'hommes, un organisateur.

En espérant, mais sans trop y croire, vous avoir débarrassé un peu de votre voile idéologique, je vous prie d'agréer Mlle l'expression de mes sentiments dévoués à votre conversion au catholicisme.

Lapinos

PS : il me semble que les femmes ont un penchant plus net que les hommes pour l'idéologie - c'est net surtout chez les femmes célibataires. « L'homme est un animal politique. » a dit le penseur ; on est tenté d'ajouter « Et la femme un animal idéologique/théologique. ») ; si vous le souhaitez, je développerai ultérieurement quelques arguments sur ce thème et celui de la féminisation progressive et excessive de l'Église, depuis le XIXe siècle.

Commentaires

  • Magistrale analyse ! Merci de si bien tordre le cou aux idées toutes faites des représentants du prêt-à-penser publicitaire, médiatique, politique, pédagogique.

    Néanmoins, vous entendant parler de "critique violente du nazisme", je me suis demandé s'il était décent de laisser entendre qu'une "critique modérée" du nazisme était concevable...

    Remarquettes :
    - "Pour vous donner une preuve supplémentaire que vous voyez les choses à l'envers, Mlle" : lorsque le mot Monsieur, Madame ou Mademoiselle ne précède pas un nom propre, il faut l'écrire en toutes lettres ("Mademoiselle").
    - "des raisons d'ordre théologiques" : d'ordre théologique.
    - "« L'homme est un animal politique. » a dit le penseur". Pas de point dans les guillemets mais une virgule entre les guillemets fermants et la proposition incise.
    Cela soit dit sans vouloir vous vexer.
    Veuillez croire à mes plus cordiales salutations.

  • Je connaissais le tenseur de Ricci, maintenant je pourrais parler de l'e-correcteur de Ricci.

  • En tant que tradi, je suis d'accord avec vous, et beaucoup de mes comparses avec moi, que la crise que connait l'Eglise n'est pas seulement à chercher dans Vatican II et les réformes liturgiques, mais aussi et surtout dans l'évolution matérialiste de notre société.

    On le sait bien que le rit de St Pie V ne va pas repeupler les églises. Mais donner envie d'en savoir plus aux fidèles curieux, de les fasciner, de leur donner un aperçu de la beauté de la liturgie, c'est ce qu'il est aujourd'hui possible de faire sans restriction de qui que ce soit et surtout pas de l'épiscopat.

    Au moins, si les églises ne se repeuplent pas, les tradis ne seront plus entravés dans leur développement, ce qui est déjà un progrès.

    Enfin, laissez-leur du temps. Les paroisses tradies fournissent un nombre considérable de prêtres au regard du nombre total de fidèles dans l'Eglise. Le temps fera son oeuvre progressivement.

    Pour conclure, pour bien connaître la fraternité St Pie X, je sais aussi qu'ils n'oublient pas la doctrine sociale de l'Eglise. Mais pour le moment, parons au plus pressé, le rôle de l'Eglise dans notre monde viendra en temps et en heure.

  • "Quand le fils de l'home reviendra, y aura-t-il encore de la foi sur terre" - non, il y aura des marxiste sauce Borgia, des hauts parleurs théléologiques, des frissonnants du narcissique. Mais des chrétiens consumés par la charité, non.

  • Ricci : testez votre virtuosité sur ce post tératographique et ne taquinez pas Lapinos. quand vous calvacaderez du clavier pattes hautes et jamais en berne, on vous écoutera mieux

  • Je voulais dire "au regard de la proportion de tradis sur le nombre total de fidèles" dans mon quatrième paragraphe.

  • L'Homme de tout sexe et de tout âge étant un animal grégaire, il est naturellement un sujet (ou un objet) politique.
    Je suis d'accords avec Ricci sur tous les points, sauf la virgule placée après les guillemets : On ne met jamais (il n'est pas utile de mettre) à la suite deux signes de ponctuation et c'est pourquoi le point, avant, comme la virgule, après, sont superfétatoires.
    Je dis ça comme ça hein !

  • Amen, Lapinos! (Quand vous vous y mettez, vous êtes presque aussi bon que.........mon mari!)
    Lisez et lisez bien , Mademoiselle! C'est bô! C'est vrai! Et vous savez que vous avez tord!

  • Je dis un non-événement, Polydamas, parce que la fraternité saint Pie X avait déjà ses messes en latin. Qui va aller affronter les curés dans les diocèses hostiles pour en réclamer d'autres ? Il y aura quelques personnes, ici ou là, mais ça restera marginal. Le risque est qu'on entende en revanche beaucoup parler des conflits plus durs que ce décret va probablement ranimer, ne serait-ce que parce que les médias ne demandent pas mieux. On dit les curés conciliaires "mous", parfois, mais ils savent défendre leurs privilèges rudement quand il faut.

  • Veuillez bien excuser l'incursion d'un mouton noir égaré, néanmoins attiré par la lueur et la chaleur d'un foyer d'intelligence collective...

    L'idéologisme est donc devenu, tel que le théologisme, un acquis social accessible à tout-e un-e chacun-e pour peu qu'il-le ait les capacités suffisantes pour s'en dépêtrer...

    La vieille histoire du catholicisme dans notre pays donne à ses ouailles une sensibilité suffisamment aiguisée pour saisir, malgré la morgue autant affichée qu'elle n'est désespérée des "idéologues patentés" du matérialisme, la vacuité de toutes nos chères références...

    Cette vacuité est une chance, il nous faudra bien l'assumer, la porter pour qu'elle revitalise le contenu de nos vies pour en terminer avec cette schizophrénie du quotidien, où nous devrions nous situer comme "consommateur-rice-s éthiques", "citoyen-ne-s responsables" ou je ne sais quelles autres bêtises...

    Les dégâts constatés au quotidien imputables à ce mode de pensée et système d'organisation sociale que l'on nomme capitalisme, autant dans notre chair que dans notre relation aux autres (sans parler bien évidemment de son impact sur notre environnement...), éveilleront-ils notre conscience avant le grand chambardement que son troisième âge (celui du pétrole et de la finance...) ne manquera pas de susciter à toutes les niveaux de notre existence ?

    Le zen nous ramène à l'utilité du vide, de la perception des flux en tant que tel plutôt qu'aux chants des sirènes qui captent sans discontinuer notre attention : il immunise ou rend cynique...

    J'ai deux questions à vous poser : à quand du bon gros rap engagé en Latin (non, vraiment, sérieusement...) ? Et à quand la spirit catho trance techno ?

    Si on doit en passer par là...

    Cordialement,

    elmer

  • La vieille histoire du catholicisme ? Je ne crois pas. Quelques penseurs ou romanciers comme Baudelaire, Marx, Simone Weil, Bloy, Waugh, qui sont des moralistes avec des notions sérieuses d'histoire, notions qui leurs permettent d'établir des comparaisons, ces penseurs permettent de percer le brouillard des idéologies, libérale, évolutionniste, existentialiste, freudiste, relativiste, démocratique.

    Mais pour être débarrassé de toute cette idéologie, que l'idéal commun imbécile ne soit plus "Travailler plus pour gagner plus", il ne suffit pas d'être plus lucide, il faut que les conditions sociales et politiques qui ont permis la prolifération de cette idéologie, que l'art contemporain résume bien, il faut que les conditions politiques et sociales changent. Tant que les États-Unis n'auront pas fait faillite, perdu la guerre économique qu'ils mènent, et nous à leurs côtés, il faudra vivre dans ce climat idéologique délétère.

    On note qu'avec le "Travailler moins pour gagner plus", les socialistes post-soixante huitards et cyniques étaient plus proches de la réalité capitaliste que Sarkozy, du mode de production qui consiste à se décharger des travaux manuels difficiles sur le Tiers-monde d'une part, d'autre part à favoriser la production de biens de consommation de mauvaise qualité, nécessitant d'être renouvelés souvent, et donc ne nécessitant pas un travail trop acharné mais plutôt un travail machinal et facile.

    (Ah, pour ce qui est de votre question, Elmer, vous vous trompez de paroisse. Le rap ou la techno en latin, c'est précisément le genre d'art primitif que l'Église post-conciliaire tente naïvement de promouvoir, avec peu de succès apparemment puisque vous n'en avez même pas entendu parler. L'Église post-conciliaire est à la remorque : on lui dit que tel ou tel machin c'est bien, c'est de l'art, et elle le gobe sans discuter, TANT ELLE A PEUR DE PARAÎTRE RINGARDE ; elle se dit juste : ça serait bien que j'appose mon label sur ce truc.)

  • Si je savais que j'avais tort, Mother Gouse, j'essaierai de changer d'opinion, mais vous savez bien que je ne partage pas votre analyse.

    Je ne suis même pas sûre de mériter un post entier de M. Lapin. Si je suis aussi idéoloque que lui, il va avoir du mal à me faire changer d'avis. Morher Gouse vous dirait que je suis cynique et désbusée, je ne pense pas que cela porte à l'idéologie.


    Pour être franc, Lapin, je vous trouve moins léger - dans l'expression - qu'il y a quelques mois. Je continuerai à vous lire, mais je n'interviendrai plus.

    Je persiste à croire que vous ne fréquentez pas les chapelles tradis ... et c'est un tort.


    Je vous salue et vous souhaite bonne continuation.

  • Ô tu sais dans l'église officielle ils en sont à confondre les croisades avec les croisières Paquet alors tout est possible !

  • Oh tu sais, quand on parle de "vieille histoire", ça ne veut pas dire qu'on cesse de produire de l'analyse dès lors qu'on a été classé comme "vieux"... Voilà une autre belle idée foireuse de notre époque contemporaine... ;-)

    Le propre d'une spiritualité n'est-il pas de garder la spontanéité de son message et de son souffle à travers les âges, quitte à se servir chez d'autres pour la revivifier ? Les divers syncrétismes chrétiens (et autres, d'ailleurs...) qui ont pu éclore et mourir en témoignent jusque dans leurs productions "artistiques" ou autres, d'ailleurs...

    Le rapport de la religion aux formes contemporaines d'expression artistique est pourtant une question intéressante...

    Peut-être que cette pudeur un peu gênée de l'Eglise catholique est une manière un peu courte de régler la question ? La question qui se cache derrière ce fait n'est-il pas de retrouver le chemin du "vibrer ensemble" qui a sûrement été brouillé à l'occasion de Vatican II, au-delà du simple fait de remplir des églises ?

    Sous cette angle de vue, les réponses sembleront moins évidentes qu'une simple décision d'ordre liturgique prise d'en haut...

  • Pour ce qui concerne les idéologies, j'ai toujours pensé que leur souffle, pour riche et inspiré qu'il soit, ne se contente que de l'enracinement dans une époque, une civilisation, mais qu'il était plus difficile d'en tirer un fil qui nous ferait passer de l'une à l'autre sans discontinuer...

    Les ruptures entre idéologies sont plus communes et socialement productives qu'entre formes de spiritualités, qui peuvent successivement cohabiter et s'affronter au gré des fluctuations des idées et de leurs influences dans leur champ social respectif.

    La plus grosse supercherie que ces derniers siècles de "Progrès" nous ont fait gober a consisté à nous faire croire qu'il était indifférent pour toute société "dite démocratique" de vivre selon telle spiritualité ou une autre (ou aucune), alors que le christianisme a abrité en son sein l'embryon de notre mode de vie capitaliste jusqu'à l'anémie spirituelle de notre époque insensible et hors-sol.

    Le principe de séparation (: sacré/profane, privé/public, etc...) qui structure l'essentiel de comportement social s'est bâti sur une double confrontation politique (idéologique) et conceptuelle (liturgique/hérétique) qui a certainement apaisé une société européenne épuisée par ses guerres, mais qui l'a rendu insensible, mécanique au point de finir par croire que l'humanité serait l'instrument matériel d'une finalité divine...

    Ce que notre époque a fourni de penseur-euse-s, chrétien-ne-s et autres, devraient nous suffire à situer la source de notre désarroi collectif... Pour autant, le monde continue de tourner sans jamais que les choses ne se reproduisent malgré les divers cycles apparents qui nous servent à nous repérer...

    Les Grecs pré-socratiques pouvaient être matérialistes et spirituels : à quand la fin de la séparation pour notre époque ?

    ;-D

    Cordialement,

    elmer

  • « La loi de la chute est d’aller en s’accélérant » (Bloy). La vision marxiste de l’écroulement final du capitalisme ne fait que transposer une apocalypse, mais sans la parousie, la venue du Paraclet. Bien au contraire ! après, paix terminale sur le monde expurgé du chiendent étatique. Il me semble (me semble ! je bouchdorise pas sur le mont Ararat) qu’entre les deux, il y a comme un hiatus.

  • - Que le christianisme ait abrité l'embryon du capitalisme, ça ne veut pas dire grand-chose, c'est de l'idéologie, ça, Elmer, justement.
    Historiquement, ce sont des catholiques qui se sont opposés le plus fermement à la nouvelle organisation sociale capitaliste née de la révolution industrielle, en Allemagne par exemple, les députés catholiques bavarois s'opposèrent au régime de Bismarck (ainsi que les députés "rouges"), régime de Bismarck fondé lui-même sur la grande industrie (Lire à ce sujet F. Furet qui explique bien en quoi les "progrès" de l'industrie ne sont pas liés à ceux de la science.)

    - Marx, justement, mélange matérialisme et spiritualité. La paix sur le monde expurgé du chiendent étatique et capitaliste, c'est un peu la parousie marxiste. Vous remarquerez d'ailleurs, Restif, qu'elle est nimbée de mystère, comme la parousie chrétienne, je veux dire que Marx, qui tend à la plus grande précision dans son analyse des mécanismes sociaux et économiques, sur le point de ce qui va se passer après la chute du capitalisme, reste très flou.
    Bien sûr que Bloy et Marx sont différents, mais il y a de nombreux points de convergence : tous les deux s'interrogent particulièrement sur la signification profonde de l'argent, sont "antisémites" (Marx sur le plan social, Bloy sur le plan historique), passionnés d'Histoire (l'étude sociale de Marx se veut la plus froide possible, tandis que celle de Bloy est très chaleureuse), détestent l'ordre social bourgeois et démocratique (ils en perçoivent nettement l'hypocrisie raffinée, l'idéologie).
    Je veux pour preuve de cette convergence que Simone Weil opère en quelque sorte la synthèse cohérente de ces deux pensées.
    Les communistes, en situation de monopole sur le marxisme et la pensée en général en France, avec l'appui de la bourgeoisie capitaliste dès lors que celle-ci a compris que les staliniens et les trotskistes n'étaient plus révolutionnaires (Cf. Marchais, Buffet, Jospin, Plenel, Bové, etc.), les communistes ont beaucoup insisté sur l'athéisme de Marx. En réalité l'athéisme est secondaire dans la pensée marxiste. Il se contente de décalquer en vitesse celui de Feuerbach. Il n'est pas essentiellement athée comme Nitche. Sa vision solidaire du destin de l'humanité, tirée d'Aristote, se concilie beaucoup mieux avec la doctrine catholique que la philosophie existentialiste, par exemple, qui recèle en général un repli sur soi très "démocrate-chrétien", la domestication de la religion qui s'est accélérée depuis le concile Vatican II.

    (Pas "bonne continuation" mais "adieu", Mlle.)

  • Parfois, je regarde le spectacle du catholicisme avec un peu de pitié, ce spectacle étant aussi celui, beaucoup plus égaré, des églises et sectes chrétiennes (le mot étant prononcé dans son sens classique et non dans son sens méprisant actuel). L'ouverture au matérialisme s'est fait dans les rangs même de l'Eglise catholique, le relativisme aussi. Il y aurait pu y avoir des communautés spirituelles fortes, ramenant l'homme à sa relation personnelle à Dieu, mais la "liturgie" a pris le pas sur le sens, comme Guénon (que par ailleurs je n'apprécie pas franchement) l'avait bien identifié.

    L'islam a cela de différent que les communautés soufies ont toujours joué ce rôle d'équilibre, de rattrapage des dérives, au prix de s'exposer à la vindicte de l'"establishment" sunnite comme chiite. Toléré par les deux communautés, tantôt diabolisé par l'une ou par l'autre au fil des âges et des immams, le message divin relayé par Muhammad a perduré malgré les modes et les tentatives d'innovations.

    La problème du catholicisme actuel est ce manque de spiritualité, mais si cela est vrai pour le catholicisme, il est aussi souvent encore plus vrai pour les gens qui, chrétiens, critiquent le catholicisme. Car cette critique peut les égarer de la manière la plus grave (et les écrits publiés sur le site du Vatican sont parfois d'une remarquable pertinence sur ces sujets).

    Si on lit certains des textes de Jean-Paul II, on y constate une vaie conscience du monothéisme, profonde, analytique, spirituelle, ce que l'on a du mal à retrouver chez Benoît XVI. La papauté a souvent dénigré cette dimension spirituelle et ce n'est que cette dimension qui peut "revivifier" (comme disait Ghâzali) la religion ; ce n'est que la partie spirituelle qui peut donner un sens aux rites, quels qu'ils soient, dans l'ensemble des religions. De-spiritualiser une religion, c'est la réduire à une doctrine, à une idéologie, comme l'ont si bien analysé des saints soufis comme al-Alawi.

    Car, le chemin spirituel est empli de dangers, mais pour connaître ces dangers, il faut déjà l'emprunter. Or, je ne vois pas beaucoup de chrétiens qui l'empruntent, même si je ne remets pas en cause leur foi. Etriqués dans des considérations idéologiques, ils deviennent aveugles et ne suivent pas le chemin que leur dicterait leur foi. J'ai souvent beaucoup de peine à les voir se débattre dans les méandres du dogme.

    Beaucoup de chrétiens ne se sentent plus responsables de leur propre cheminement vers Dieu. Ils en viennent donc à critiquer leurs autorités et donc entrent dans le terrain de la raison relative. Cette démarche égare de Dieu, déresponsabilise et tue une religion qui recelle des joyaux merveilleux (et c'est un musulman qui parle).

    C'est ce que je regrette dans votre billet, c'est la minimisation de cette vue spirituelle, alors qu'elle ne peut être que la seule façon de garder une tradition vivante. Entre le christianisme évangélique pro-américain, de chritianisme austère et moraliste façon Europe du Nord et le christianisme catholique, retranché du monde et de ses réalités, que voulez-vous que les gens pensent ? Les arguments de destruction du sens de la foi chrétienne viennent de ses propres rangs et cela depuis des lustres. Mais nous pourrions aussi parler du judaïsme qui est aussi une merveilleuse religion détournée de ses buts initiaux par une approche idéologique.

    L'islam possède en elle la possibilité de ce renouveau fréquent au travers de la conservation initiatique de la tradition spirituelle. Bien qu'en marge, le soufisme vit sous de multiples formes qui corrigent les dérives que l'on constate dans toute religion. Ainsi, l'orthodoxie religieuse de l'islam est la spiritualité. C'est un garde fou, et pas seulement moral, intellectuel. Tout "retour aux sources" devient donc un retour à la spiritualité des temps prophétiques (par exemple au travers des prophètes Abraham, Moïse, Salomon, Jésus, Muhammad). C'est une force considérable.

    Je prie pour que les chrétiens éveillent ce trésor qui est en eux, même si nos voies ne sont pas toujours les mêmes. "Si Dieu avait voulu. certes il aurait fait de vous tous une seule communauté." (Coran. Sourate V Al-Ma’idah, verset 48)

    AZ

  • Tout cela est bel et bien dit...

    elmer

  • En somme, si je vous comprends bien Al Zeituni, le soufisme c'est un peu le jansénisme des catholiques ?

    Parce que je suis catholique et marxiste, je ne peux pas être d'accord avec vous.
    D'abord, une remarque : le dogme ne s'oppose pas à la spiritualité, au contraire. Léon Bloy, écrivain catholique spirituel et mystique a suggéré de nouveaux dogmes à son Église, comme l'immaculée conception de saint Jean-Baptiste.

    Mais ce qui manque, ce n'est pas la spiritualité d'abord, c'est le pouvoir. Les catholiques l'ont perdu chez eux. Et ils ne veulent pas le reprendre. Les démocrates-chrétiens font semblant de croire que les laïcs athées leur en accorderont une portion, ils font les naïfs parce que ça les arrange bien, au fond le modèle yanki matérialiste leur convient, le rôle folklorique du pape aussi. Une petite encyclique théorique de temps en temps, un petit concile pour s'adapter aux circonstances, voilà le type de catholique qu'on rencontre fréquemment.
    Les musulmans, eux, même s'ils sont sans doute plus nombreux à désirer s'affranchir de la tutelle occidentale, vu la façon dont elle s'exerce désormais, moi qui suis nostalgique de Lyautey, je peux les comprendre, même s'ils le désirent ils n'ont pas ce pouvoir. Ils ne sont même pas unis, ils ont des intérêts politiques divergents. L'internationale islamique, ça n'existe que dans la propagande américaine ou laïcarde.
    La spiritualité, elle ne pousse pas sous un tel climat capitaliste, Al Zeituni, vous pouvez toujours la planter, elle crèvera ou elle sera arrachée.

  • La spiritualité pousse à l'intérieur! Mais ça je commence à me demander si vous comprenez!

    "entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra." (cf. Matthieu 6-6).

  • La prière n'est pas la spiritualité (on peut prier "avec les pieds") ; la prière est un outil pour les êtres peu spirituels que nous sommes (je ne suis pas très "ignacien").
    La spiritualité peut même se dispenser de la prière, voyez L'"Idéologie allemande", de Marx et Engels.

    Logique qu'une catholique femelle comme vous, La Charbinière, ait une vision domestiquée de la religion.

  • C'est étrange ce que vous dites Lapinos, car cela ne me parle pas du tout.

    Il y a en islam une complémentarité entre l'islam (la loi, le dogme si vous voulez), l'ihman(la foi) et l'ishan (l'excellence personnelle, la spiritualité, le souvenir de Dieu, le contact). L'un n'est pas supposé aller sans l'autre. Ce dont vous parlez ne se situe jamais qu'au niveau premier de la sharia (la loi). Bien sûr, ce n'est pas suffisant.

    Suggérer de nouveaux dogmes, je ne suis pas certain de vous comprendre. Le dogme islamique n'a pas changé en 13 siècles ; ce sont les cinq piliers de l'islam. La sharia a elle beaucoup évolué avec le temps en des versions plus ou moins contestables. Mais le droit français actuel n'est-il pas plus ou moins contestable aussi ?

    Ce que je ne comprends pas, c'est cette idée que l'immaculée conception de St-Jean Baptiste serait un nouveau dogme. Les saints dans l'islam ont leurs écrits, leurs histoires, mais ils ne changent pas le dogme. Ils sont des modèles, tout comme les prophètes. Ce n'est pas une question de dogme. Mais peut-être ai-je mal saisi ce qu'était pour vous un mystique chrétien.

    Dans les encycliques papales, je suis désolé de constater que vous les prenez comme un petit papier théorique, car certaines d'entre elles sont d'une grande profondeur. Certes, vous pouvez les méditer, les comprendre, les utiliser comme guide intérieur ou vous pouvez les voir comme des imprécations intellectuelles et politiques auquel cas vous ne verrez pas la spiritualité en elles.

    En tant que responsable de votre relation à Dieu, ces actions sont vos choix : soit vous restez dans la lecture politique, la lecture de pouvoir, soit vous trouvez votre place en vous guidant au travers d'écrits qui guident (et de personnes qui incarnent cette guidance). Qu'importe que les catholiques aient "perdu le pouvoir" chez eux, du moins à votre sens ; par contre, qu'ils aient perdu le pouvoir chez eux au sens soufi, c'est beaucoup plus grave. Mais tous les yankees, tous les démocrates chrétiens, tous les capitalistes ne changeront pas la foi chrétienne d'une personne spirituelle. Avant de vouloir sauver le monde, il faut déjà se connaître assez pour se sauver soi-même. Si vous passez votre énergie à vous battre contre des concepts et des illusions, vous vous distanciez de Dieu alors que vous devriez être proche de lui et qui sait, accomplir une vraie mission spirituelle de libération des autres au travers de la libération de vous-même. Certes, vous ne changerez peut-être pas le monde mais si vous faites le bien autour de vous, vous pouvez représenter cette guidance divine. Tandis que si vous luttez intellectuellement seulement contre des concepts et critiquez les rares écrits spirituels de notre époque comme nuls et non avenus, vous ne faites que collaborer à la destruction de la spiritualité qui quelque part semble vous chagriner. C'est pourquoi j'ai du mal à comprendre votre démarche.

    "Ils ne sont même pas unis, ils ont des intérêts politiques divergents. L'internationale islamique, ça n'existe que dans la propagande américaine ou laïcarde."

    Vous avez raison, mais vous analysez les choses par le petit bout de la lorgnette. Ces concepts dont vous parlez sont des vues de l'esprit créés par "la propagande américaine ou laïcarde" comme vous dites. Pour moi ces concepts n'ont aucune valeur ni réalité que dans la tête des médias. Les états ont des politiques divergentes (et encore nous pourrions débattre vraiment de ce point, car je n'en suis pas certain). Mais les soufis poursuivent le même but : Dieu. Il y a donc une lame de fond qui a traversé les âges dans l'islam. Le chiisme lui-même, si diabolisé aujourd'hui, est producteur d'une littérature spirituelle d'une très grande qualité. Lisez Corbin, lisez même certains ayatollah connus dont les écrits peuvent être trouvés sur le net. Les points d'accord entre la umma sont bien plus importants que les points de désaccord.

    Quel est donc votre but ? Que la démocratie prenne le bon chemin ? Que le pouvoir revienne aux peuples ? C'est mal se souvenir des difficultés des premiers chrétiens ou des premiers musulmans. Il n'en a jamais été comme cela. La religion ne peut modifier le monde que par l'exemple, que par la spiritualité. Et il faut des autorités structurées ou pas pour ne pas s'égarer sur les voies pseudo-spirituelles comme celles de New Age par exemple, il faut des guides. Le monde est le monde des hommes et si vous passez votre temps à critiquer les hommes, peut-être n'aurez vous plus de temps pour vous parfaire intérieurement.

    "La spiritualité, elle ne pousse pas sous un tel climat capitaliste, Al Zeituni, vous pouvez toujours la planter, elle crèvera ou elle sera arrachée."

    La spiritualité pousse sous tous les climats et à toutes les époques. Et Dieu sait mieux. Ce n'est pas une doctrine capitaliste qui nous fera capituler, nous les hommes religieux sur la voie. Il y eut d'autres doctrines avant et il en passera encore de nombreuses autres. Autant se concentrer sur le Permanent plutôt que de détailler les manifestations matérielles et provisoires.

    Certes, les défis qui sont les nôtres aujourd'hui ont des formes différentes de ceux d'hier. Nous devons nous détacher un peu plus peut-être de ce monde matériel qu'auparavant parce que la pression matérielle est plus grande, mais nous sommes en même temps plus éduqués. Nous devons aussi résister comme le firent nos ancètres, mais non résister sur le même terrain que nos agresseurs, mais résister avec notre foi. Je suis navré de votre conclusion : à voir le monde tout politique, on tue la spiritualité en soi-même. En cela je suis d'accord avec Isabelle.

    AZ

  • Ce n'est pas "étrange", que vous rencontriez La Charbinière, car son point de vue est quasiment janséniste. Grosso modo, elle fait de la grâce et des prières pour l'obtenir le démiurge du monde.
    Pour moi qui ne suis pas janséniste, l'artisan qui fait son travail en y apportant le plus de soin possible sous le regard de Dieu fait plus pour le Royaume que la bourgeoise qui fait une retraite de saint Ignace ou ce genre de "démarche spirituelle".
    Quelle peut être l'action pour le Royaume, par exemple, d'un type qui bosse dans la publicité pour des produits industriels, dont le principe est, par conséquent, le mensonge, d'une façon ou d'une autre ? Si on devait réellement condamner la "publicité mensongère", concept qui n'a d'autre but que de faire croire que la publicité peut dire la vérité, 95 % des publicités devraient être condamnées pour abus de confiance.
    Et un obstétricien, dont le métier est d'assassiner des enfants dans le ventre de leur mère ? Il peut s'inscrire parallèlement à des cours de yoga, mais l'accès à la spiritualité lui est interdit.
    Voilà des questions qui préoccupent un catholique marxiste, et, je pense, pas mal de musulmans. Un démocrate-chrétien évite, lui, soigneusement ces questions, même s'il cite Péguy de temps en temps pour faire "chic".

    À propos des dogmes, vous devez savoir, Al Zeituni, que beaucoup de dogmes catholiques, comme celui de l'Immaculée conception de la Vierge Marie, sont récents. Bloy est un mystique qui sonde la Bible comme une mer sans fond, comme un astronome sonde le ciel, pour tenter de l'éclaircir. Pour Bloy le dogme est un moyen d'accroître la Foi, pas une règle temporelle. Les dogmes sont comme des étoiles au ciel de la chrétienté.

    Les encycliques, Al Zeituni, peut-être les connaissez-vous mieux que moi, ce n'est pas exclu… Connaissez-vous le Syllabus caché de Pie IX (caché par les démocrates-chrétiens) ?
    Dans ces encycliques que vous louez, je ne vois que scolastique démodée. La dernière de Benoît XVI, sur la charité, ne dit rien ou presque de la charité capitaliste, la charité sans charité de Bernard Kouchner, elle reprend même des vieux slogans politiques des années soixante-dix sur la démocratie qui va faire venir la paix et l'amour dans le monde !!?
    Pour moi le dépôt de l'art et de la pensée chrétienne, il n'est pas dans ces encycliques, je doute que vous désiriez entrer dans l'Église catholique et romaine après les avoir lues, Al Zeituni, même si, après tout, les voies du Seigneur sont impénétrables, le dépôt il est bien plutôt dans tous ces auteurs catholiques modernes, Balzac, Baudelaire, Bloy, Barbey d'Aurevilly, Péguy, Claudel, Ezra Pound, Simone Weil, Evelyn Waugh… il y en a pour tous les goûts dans cet "enfer de bibliothèque démocratique", Al Zeituni.

    À l'opposé de votre conclusion, c'est au contraire lorsqu'on se refuse à faire de la politique, comme les libéraux, comme Sarkozy ou le clan d'en face, et donc de la morale, qu'on enterre la spiritualité.

  • Sachez mon cher qu’il y a pas moins domestiquée en matière de religion qu’une "femelle" comme moi ! ! C’est peu dire ! !



    Pour TOUT le reste, après mûre réflexion, j’ai pensé à ceci:

    "Il en faut revenir toujours à son destin,
    C'est-à-dire, à la loi par le Ciel établie.
    Parlez au diable, employez la magie,
    Vous ne détournerez nul être de sa fin."



    Pour conclure, sachez que votre grossièreté envers moi ne vous honore pas!

  • J'ai du mal à saisir ce que vous dites. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que la position sociale d'une personne, ou le métier qu'elle exerce, peut l'isoler de la spiritualité - par principe. Mais c'est une des grandes défenses du monde.

    Si vous regardez la logique des personnes que vous critiquez, c'est elle qui pêche. Elle est toujours la même : si je ne le fais pas, quelqu'un le fera à ma place. C'est un parasitage de l'être par des considérations purement sociales qui, je le pense dépassent le cadre de la politique. L'être devrait penser : est-ce que, moi, je peux faire ça ? Est-ce en accord avec moi-même ? Ai-je le droit de travailler en mentant sructurellement, en tuant structurellement, etc. ? Ce que vous dites est alors la conséquence de cela : quand on refuse de se poser la question dans ces termes, alors on est loin de tout chemin spirituel, c'est certain, qu'il soit islamique ou chrétien ou judaïque ou autre.

    Pourtant, le monde n'est pas si simple, et même si ces personnes nient ces questions fondamentales en elles-mêmes, elles peuvent être attirées par des voies spirituelles, même si leur chemin sera à un moment bloqué par le niveau de questionnement qu'elles doivent avoir sur elles-mêmes. Cette attirance peut être de plusieurs natures : sociale, avec une tendance à renforcer ses illusions pour alléger sa culpabilité, mais aussi intérieure. Il ne faut donc pas jeter toute attirance pour une voie spirituelle sous prétexte d'appartenance à une classe sociale aisée. Certes, je vous comprends, si vous parlez statistiques, vous avez sans doute un peu raison, mais si nous parlons des individus, il suffit que l'un d'entre eux soit franc, qu'il réalise qu'il est sur le mauvais chemin pour que cette voie lui soit bénéfique.

    C'est pourquoi, dans tous les cas, ayons la plus grande prudence pour les chemins spirituels qui sont tous très dangereux quand on les parcourt seul. Car, à vouloir faire une chose, on se retrouve à renforcer notre ego et à tendre vers le côté inverse de celui vers lequel nous avions été attirés initialement. Il en est de même pour la critique qui part souvent d'un constat pertinent mais qui dérive vite dans les mêmes travers que ce que l'on critique.

    Je ne connais pas Bloy et je n'ai pas cette notion du dogme. J'avoue ne pas bien comprendre ce que vous entendez derrière l'usage de ce mot.

    Pour la connaissance des encycliques, je n'ai jamais eu cette prétention. Disons que j'ai cherché parfois des choses et les hasards du net m'ont mené à en lire quelques unes. J'ai été globalement surpris du niveau d'érudition de certains papes et de leur profondeur d'analyse. Mais cela n'est pas vrai pour toutes les encycliques, et d'autres, purement dogmatiques chrétiennes ne me parlent pas, je l'avoue bien humblement.

    Pourquoi sinon parler de Kouchner ? Il est atlantiste comme le gouvernement auquel il appartient. Ces gens sont des idéologues avec une morale très médiatique, très premier niveau. Ils sont les premiers manipulés par leurs bonnes intentions. Mais une classe dirigeante sans spiritualité ne peut être autrement.

    Pour ce qui est de la littérature à consonnance chrétienne, j'avoue qu'elle me barbe un peu (sans jeu de mots ;-)) car elle est trop pleine d'ego. Le mot "je" y est un peu trop présent. J'avoue ne lire depuis un temps que principalement des livres soufis ou islamiques. Comme ces livres sont denses et que je tente de les digérer à ma modeste vitesse, on pourra dire que je ne suis pas un consommateur de livres, mais qu'à une soirée peut suffire quelques versets du Coran.

    Par contre, je rebondis sur votre notion de "goût littéraire". Pour ma part, je n'en ai pas. Les romans ne m'intéressent pas, la poésie m'intéresse si elle spirituelle et que l'auteur ne cherche pas à s'écouter faire des vers, et les essais ne m'intéressent que s'ils fournissent des faits bruts sans idéologie. Voyez que, quand je vais dans une librairie, j'ai l'embarras du choix des rayons dans lesquels je n'ai pas envie d'aller. La vie est bien légère dans cet état, vous savez.

    Pour reprendre votre conclusion, je dirais que sans spiritualité, les gouvernants sont des idéologues. Cela me suffit. N'étant pas un idéologue, je n'ai rien à voir avec ces gens de quelque bord qu'ils soient. Qu'ils s'agitent, fassent bien ou mal selon leurs intérêts immédiats, que m'importe. Je ne peux me placer sur leur terrain car si j'avais décidé de faire de la politique, il aurait fallu que je m'abaisse à leur niveau. Or, si je respecte la compétence emprunte de spiritualité, je ne la respecte pas quand elle est emprunte d'idéologie. L'idéologie, c'est de l'idolâtrie des idées : c'est une forme d'association. C'est donc fondamentalement anti-musulman. D'où le fait que quoique je puisse en penser, je ne m'occupe pas trop l'esprit avec ce genre de considérations.

    Le chemin vers Dieu est siffisamment long comme cela et j'ai déjà perdu beaucoup de temps à ces billevesées. Plaise à Dieu que les années qui viennent m'en détachent un peu plus encore.

    AZ

  • Que vous le vouliez ou non, le capitalisme a un impact sur vous, Al Zeituni. Il en a un sur les moines bénédictins retranchés dans leurs monastères. Quand bien même vous seriez parfaitement "autosoufisant", vous, il en aurait sur les plus faibles, et la charité impose de se soucier des plus faibles, c'est même là-dessus que les plus forts seront jugés, pas sur leur aptitude à décoder pour leur propre satisfaction les mystères de la sainte Bible ou du Coran.

    Vous croyez qu'il y a le choix de ne pas exercer ces métiers dégradants de publicitaire, d'animateur télé, de spéculateur, de médecin-avorteur ?
    Le choix, c'est un grand mot. Je prends un exemple. Une amie, élève-infirmière en province se voit imposer un stage de quelques mois dans un avortoir en deuxième année d'école ; elle va voir le directeur, pour lui faire part de son objection de conscience, elle ajoute qu'elle ne s'en remettrait pas, moralement. Et là, c'est le plus intéressant sur cette liberté dont vous parlez, le directeur lui dit qu'il la comprend parfaitement, il partage même au plan de la conscience lucide sa réticence ; mais il ajoute que si elle n'effectue pas ce stage, elle peut faire une croix, le mot convient, sur sa carrière d'infirmière… Bien sûr vous allez me dire que si mon amie avait réfléchi davantage, elle aurait pu prévoir, lorsqu'elle a entamé des études d'infirmière, que ce "choix" imposé risquerait de lui être "soumis" ; elle aurait pu s'abstenir de faire des études d'infirmières.
    Combien choisissent délibérément d'exercer un des nombreux métiers dégradants, je ne parle même pas des petits trafiquants de haschisch dans les banlieues, un des nombreux métiers dégradants que la société capitaliste encourage, Al Zeituni ?

    Si vous lisiez Bloy ou Pound, qui ne sont pas des romanciers, vous seriez peut-être le premier musulman dans ce cas, et après ? Ah, et puis la particularité des romanciers catholiques que j'ai cité, c'est justement de ne pas être existentialistes, de s'abstenir du monologue intérieur et de peindre, comme des moralistes, la société.

  • Je pense que vous prenez les choses trop à coeur, et probablement d'une manière trop intellectuelle, du moins pour moi. Certes, je baigne dans le capitalisme, mais les règles marchandes ont, elles, toujours existé. Je choisis simplement, quand je le peux de dépenser mes deniers intelligemment, sachant que mon intelligence est limitée et non représentative. Je ne suis pas un pourfendeur du monde matériel, mais un pourfendeur de sa divinisation. C'est différent.

    Pour ce qui est des plus faibles, j'avoue que je ne vois que cela. Car la pauvreté de nos jours (du moins dans les pays occidentaux), n'est pas seulement matérielle ; elle est surtout spirituelle. Je fais ce que je peux. Peut-être un jour ferai-je plus mais je crains mon ego plus que tout. C'est pourquoi je progresse à mon rythme.

    Pour ce qui est de percer les mystères de la Bible et du Coran, sachez que le travail est en soi et que tous, nous ne partagerons pas le même destin. Tout le monde n'est pas voué à devenir un maître soufi. Le fait de progresser sur la voie de Dieu implique d'agir avec une certaine prudence, surtout par rapport à soi. Je vois tant de faux maîtres qui égarent, je préfère à tout prendre vivre dans l'isolement du monde plutôt que d'égarer les autres en prétendant les aider. Cela ne m'empèche pas de vouloir aider, surtout quand les gens sont en demande. Vouloir aider les gens qui ne le demandent pas est signe de bêtise (et je peux vous dire que je sais de quoi je parle).

    Concernant votre amie infirmière, je ne pense pas comme vous le dites. Les conditions nous font vivre des choses que nous ne pouvons contrôler. Peut-être était-ce là une épreuve de Dieu envers elle ? De toutes les façons, si elle s'est soumise à un homme, elle devra s'amender dans le futur et se repentir. Sans doute sur ce dur chemin apprendra-t-elle des choses sur elle-même.

    Nous vivons tous de pareilles expériences qui nous ébranlent dans nos fondements. Il faut parfois les vivre même si elles sont très mauvaises pour développer cette conscience qui est en nous. Les épreuves de la vie sont pleines d'enseignements. Je pense que la foi de votre amie devrait la sauver pourvu qu'elle ait appris des choses sur elle-même. Si ce n'est que le premier pas vers d'autres avilissements envers d'autres humains, c'est un problème. Le mot islam signifie "soumission à Dieu" (dans un de ses nombreux sens). On doit se soumettre à Dieu en islam mais certainement pas au mal. Cela ne veut pas dire qu'on ne le fasse pas, mais cela veut dire qu'il faut s'en repentir. Un conseil pour votre ami : lire le "livre du repentir" de Ghazâlî.

    Pour ceux qui choisissent délibérément un métier dégradant, ma foi, il en faut. C'est sans doute parce que ce métier est conforme à leur nature. Néanmoins, il faut parfois soulever un peu les voiles de la morale au premier degré. Certaines personnes ont un métier très sain et ce sont des mauvais. L'intention est primordiale dans tous les cas. Nous avons tous des voies différentes, mais en un sens, nous faisons tous face aux mêmes choix du coeur. C'est pour cette raison que nous sommes frères devant le Bien-Aimé.

    Je note vos références, n'ayez crainte, la littérature religieuse de tous horizons m'intéressant.

    D'une façon générale, il est agréable de s'entretenir avec vous même si vous êtes un peu intellectuel pour moi. Je vous remercie pour cela.

    AZ

  • La pauvreté dans les pays capitalistes n'est QUE spirituelle et morale. C'est la propagande socialiste et capitaliste de Kouchner et Cie de faire croire qu'il y a une pauvreté matérielle en France. En réalité, ceux qu'on place sous les caméras pour les besoins de la propagande bobo souffrent de solitude, d'isolement, d'un divorce, d'alcoolisme, d'être drogués, méprisés ; un immigré africain qui gagne 700 euros par mois en travaillant dans le BTP pour faire vivre dix personnes dans trente mètres carrés est moins "pauvre".

    Il me semble, ne le prenez pas mal Al Zeituni, que vous n'avez pas le sens des proportions, et que c'est sans doute en cela que vous êtes tributaire, au plan intellectuel, de la démocratie capitaliste qui se lave plus blanc que blanc tous les jours. Ce que des moralistes comme Baudelaire ou Simone Weil ont perçu, c'est la transformation des rapports marchands. Il n'y a pas un type unique de rapport marchand.

    « Le renversement du rapport entre moyens et fins, renversement qui est dans une certaine mesure la loi de toute société oppressive, devient ici total ou presque, et s'étend à presque tout.
    Le savant ne fait pas appel à la science afin d'arriver à voir plus clair dans sa propre pensée, mais aspire à trouver des résultats qui puissent venir s'ajouter à la science constituée. Les machines ne fonctionnent pas pour permettre aux hommes de vivre, mais on se résigne à nourrir les hommes afin qu'ils servent les machines. L'argent ne fournit pas un procédé commode pour échanger les produits, c'est l'écoulement des marchandises qui est un moyen pour faire circuler l'argent (…) »

    Simone Weil, en 1934. Bien sûr Simone Weil schématise, nul plus qu'un penseur marxiste n'est conscient des limites de la pensée humaine, mais schématiser c'est le propre de l'homme (de l'homme occidental, surtout). Je ne comprends pas le reproche de prendre les choses trop à cœur ? Comment voulez-vous que je les prenne autrement ? Décidément je vous trouve bien janséniste, Al Zeituni…

  • Et si c'était vous le janséniste, Lapinos ?! votre echange avec AZ est passionnant mais les propos de ce dernier me semblent plus riches que les vôtres que j'ai l'impression de connaître déjà ! En effet, vous voulez vous-même laver plus blanc que blanc, vous souhaitez un monde débarrassé du capitalisme marchand et vos références à S. Weil en la matière sont intéressantes mais datées : on sens l'influence de Thibon ou de Marcel Malcor ("Au delà du machinisme")

    Finalement, vous semblez exclure toute vie spirituelle dans ce monde marchand comme si Dieu ne pouvait pas être tout à tous en toute époque... C'est là que vous rejoignez Maurras et cette vision où la politique doit être remise dans le bon sens pour que la religion puisse s'exercer en pleine tranquillité. Mais St Thomas demandait juste un peu de confort pour être vertueux, il ne demandait pas un régime politique idoine ! Et de Maurras au jansénisme, le chemin est court, je trouve... On se donne en définitive bonne conscience de n'être pas un saint mais, "que voulez-vous, dans ce monde, c'est pas possible"... Est-ce la société qui nous corrompt ? Votre vision de la grâce est plus proche de Rousseau ou de Sartre que de la théologie classique, non ?!

    Et vous savez, au Moyen-Age, il y avait des putains entre autres métiers peu glorieux que le caractère positif du régime politique en place ne parvenait pas à supprimer...

    Enfin, je vous trouve bien dur pour la bourgeoise qui fait les exercices de St Ignace : pourquoi aurait-elle a priori moins de mérites que l'artisan qui fait ses fromages pour le bon Dieu ?

    Décidément, l'analyse d'AZ sur vos propos me passionne (comme souvent vos billets d'ailleurs) et je trouve qu'il décortique finement. Au passage, vos cruautés machistes pour la pauvre I. de la C. valident son analyse, même si elles sont (partiellement) méritées ;-)

  • Vous connaissez le gag à propos de Thibon ? On a découvert posthumement qu'il était pire qu'un janséniste, un incroyant. Alors que dans certains milieux, disons maurrassiens, Simone Weil était un peu regardée de haut, sûr qu'elle a dû casser les couilles à Thibon, mais bon, ça c'est une autre histoire, on se rend compte maintenant que Thibon n'était qu'un existentialiste de plus, tandis que Simone, elle, elle est vraiment grecque, et ce n'est pas juste comme Benoît XVI, une pétition de principe.

    Je n'ai pas parlé de ma vision de la grâce, mais de celle de La Charbinière, qui se plaint curieusement de ma misogynie, alors que je n'en fais pas mystère. En revanche vous avez raison de citer Rousseau, pour qui tout se ramène finalement à la politique, chose que les femmes ne peuvent pas comprendre - sauf Simone.

    Je termine par les putains. Vous savez ce que j'en pense, des putains ? Que c'est un progrès moral par rapport à cette prostitution industrielle qui génère des millions de dollars et qui joue un rôle décisif dans l'économie yankie, surtout cette prostitution industrielle qui se fait au nom des droits de l'homme et du féminisme, c'est-à-dire au nom de la morale.
    On chasse quelques putes bruyantes du Bois de Boulogne, dans le même temps qu'on inscrit dans les registres de commerce des SARL de prostitution légale qui embauchent des lycénnes.

    Les dogmes sont intangibles, mais la théologie du bas Moyen-âge ne l'est pas, Antoine.

  • Ce que je trouve intéressant dans votre échange avec AZ c'est sans doute une forme de confrontation de l'optimisme (le sien) et du cynisme (le vôtre !). D'une certaine façon, vous donnez l'impression d'affirmer que la vie spirituelle n'est pas possible dans notre "civilisation" mercantile où n'a de valeur que ce qui a été déclaré tel et en général, par paradoxe, n'a de valeur que ce qui est dématérialisé en définitive : même dans mon milieu agricole, il devient plus intéressant de "vendre de la génétique" (les caractéristiques supposées avantageuses d'un animal) que l'animal en lui-même... Même s'il faudra toujours un animal pour être le support de ces caractéristiques. On vend aussi le blé en marché à terme en échangeant des certificats et non plus des quintaux. Et demain, les brevets sur les semences vaudront plus cher que le pain...

    Je suis d'accord avec vous sur cette analyse et la partage aussi, sans doute, avec S. Weil (que vous me donnez envie de lire de façon plus sérieuse).

    Pour autant, l'homme n'est esclave de la machine que dans la mesure où il n'en a pas conscience. Et c'est certainement ce que veut dire AZ : nous restons en dehors des tribulations du cours du temps tant que nous sommes capable de relativiser notre époque et ses contraintes. Est-ce en ce sens que vous souhaitez être grec ? Et le plus important, c'est que Dieu peut remplir nos vies, même si le cours des choses se prête peu à la théologie.

    Pourrat a raison de dire (avec vous, si je comprends bien ou plutôt vous le dites avec lui) que le quatrième Règne, celui du Christ dans nos vie, vient aisément lorsque le fonctionnement des trois règnes, minéral, végétal et animal, s'articulent et se servent successivement. Mais ce n'est pas parce que c'est plus facile dans certains contextes que cela devient impossible dans d'autres à mon sens. Nous pouvons aimer Dieu en toutes circonstances et plus sûrement nous sommes aimés de Lui qq soit la situation dans laquelle nous vivons. Nier cela, c'est tomber dans un certain jansénisme désespérant qui laisse à croire que notre épanouissement spirituel ne deviendra possible que lorsque la politique aura repris un sens autre que marchand...

    N'est-ce pas une façon confortable de se laisser aller au matérialisme en estimant que le spirituel est, dans les circonstances présentes, de toutes façons inatteignable... voilà : je vous trouve résigné (et S. Weil ou Thibon avec vous) et je trouve AZ combatif, actif avec Pourrat ! Et vos imprécations ne sont pas tellement différentes de celles de Bloy ou de Bernanos. C'est brillant, intéressant, synthétique... mais ça ne mène que vers le passé. Personnellement, je ne peux m'en satisfaire car construire l'avenir, ce n'est pas faire de l'archéologie.

  • Bonjour à tous (j'ai failli dire Salam),

    Tout d'abord, la qualité de cet échange est bien rare sur le net et je vous remercie pour cela. Je vais tenter de répondre à Lapinos d'abord.

    Le soufisme est affectivement proche du jansénisme quelque part même si j'avoue ne pas être un spécialiste de cette doctrine. Mais en un sens, le soufisme n'est pas fataliste au sens strict du terme comme je perçois le jansénisme, peut-être un peu hâtivement. Si vous voulez le débat entre libre arbitre et destin anime aussi divers courants de l'islam. Je dirais pour ma part que je ne suis pas certain que ce débat ne soit pas qu'un débat idéologique et intellectuel. Je pense qu'il y a une "certaine" prédestination à Dieu, car c'est mon expérience. Néanmoins, je pense qu'il y a un "certain" libre arbitre qui nous fait choisir le bien ou le mal suivant les cas. Seul le Jour de la Rétribution pourra nous dire si nous avons choisi ou si nous avons fait ce que nous étions supposés faire. Le reste est conjectures (souvent stériles), dans une doctrine comme dans une autre.

    Le soufisme est plus proche du coeur que de la doctrine. Ainsi, il se positionne comme le développement d'un ressenti de Dieu qui guide au travers des enseignements du maître. Nous pourrions dire que plus nous sommes guidés, plus nous sommes proches de Dieu, plus nous lui sommes soumis (cela va dans le soufisme jusqu'au fanâ - l'extinction de soi dans Dieu). En ce sens, le maître soufi ne fait que la volonté de Dieu ; il tend vers la sainteté ou il "est" un saint. Il est si proche de Lui qu'il peut guider les autres vers Lui. Est-il encore un libre arbitre dans le maître ? Je ne sais pas si cette question a un sens... Je la vois plutôt comme une représentation intellectuelle inadéquate ; un "voile" sur la réalité comme on dit dans le soufisme.

    Pour les autres, les derviches comme moi, la foi guide et elle permet de se parfaire intérieurement pour se dégager des illusions de choix ou de non choix. Rétrospectivement, quand j'ai fait des choix conscients dans ma vie, je me suis souvent égaré par la force de mon ego. J'avais donc un libre arbitre indéniable mais "diabolique" si vous voulez. Dans la voie de Dieu, il n'y a pas de libre arbitre, mais c'est là le vrai sens de toute action.

    Nous entrons là en théologie soufie, et les mots sont peu adaptés à ce genre de considérations, mais je vais m'y risquer quand même, même si je ne suis pas certain d'être très compétent dans ces domaines. Le libre arbitre est la possibilité de choisir. Si je choisis avec comme but la satisfaction de mon ego, je renforce ma tendance naturelle égoïste ; j'utilise donc mal cette opportunité de choix. Si je suis soumis à Dieu, j'offre mes actes à Dieu : ainsi, je me détache des fruits de l'action. Je suis libre car je ne suis plus "enchaîné" par les conséquences de mes actions ; je dirais même que "je suis en paix", plus que je suis "libre", car les fruits de mes actions ne me reviennent pas ; ils reviennent à Dieu. En ce sens, le concept même de "liberté" est une illusion matérielle.

    Ainsi, le "libre arbitre" n'est pas selon les soufis d'avoir "la liberté de conscience", mais la liberté d'offrir ses actes à Dieu et de ne rien en attendre en retour. C'est la loi du détachement du monde matériel, loi qui ne veut pas dire "ne pas agir" mais qui signifie "ne pas agir pour soi mais pour Dieu".

    Vous voyez qu'il est complexe de parler de destin ou de libre arbitre dans ce cadre, et que ces deux concepts très intellectuels "voilent" en quelque sorte la réalité des actes.

    Quand je dis "je" dans ces conditions, je ne suis pas sûr de parler de moi, je parle des actes de Dieu au travers moi. Ainsi, libre arbitre et destin sont pour moi deux "concepts" qui sont au début du chemin spirituel, au tout début, mais qui s'avèrent être des voiles dès lors que l'on progresse sur la voie. Car pour avoir un destin ou être libre d'agir à sa guise ou selon ses convictions, il faut déjà "exister" en tant que soi-même. Or, je n'existe qu'en Dieu ; seul Dieu existe ; il n'y a qu'un seul Dieu c'est Lui. C'est un péché de dire que j'existe car mon corps existe indépemment (et encore, il faudrait définir les limites du corps) mais mon âme n'existe que par le reflet de Dieu dans mon coeur. Voilà un bref exposé de la vision soufie.

    Si je reviens un peu dans le monde matériel, l'inversion de la fin et des moyens, c'est une optique intellectuelle. Qui plus est, cette optique part du principe que celui qui la défend voit "tout" ; or ce n'est pas le cas, comme l'avez bien noté. On voit à de plus grandes échelles aujourd'hui ce qui a toujours existé dans le monde : des gens qui commercent pour l'argent au lieu de commercer par amour du commerce. Sans morale ni conscience, sans spiritualité, les logiques les plus absurdes déferlent sur le monde à grande échelle. Mais que penser d'autres époques où la tyrannie était plus proche, plus physique ? Pensez-vous que les gens étaient plus libres avant ? Leur esprit n'était pas saturé par la masse des informations alarmistes mais par une pression proche très réelle. Pensez-vous que cela ait vraiment changé fondamentalement ?

    Si la logique de l'argent a pris des dimensions immenses, c'est parce que l'homme ne sait pas user des moyens qui sont les siens, moyens considérables aujourd'hui alors qu'ils n'étaient que minuscules voilà quelques siècles. Mais en retour, nous sommes affectivement bien plus libres. Coupez la télévision, la radio et ne lisez plus les journaux ou les livres à la mode, vous verrez combien vous êtes "libre".

    Il y a néanmoins un point sur lequel il faut revenir. Les défenseurs de la démocratie pensent implicitement qu'ils pourront "sauver" tout le monde. Mais leur pensée est déformée par leur idéaux (et l'on est proche d'une prétention toute égotique). Dans le monde actuel, tout ce que l'on peut faire si l'on est plus clairvoyant que les autres est donner des pistes pour la réflexion, pour l'ouverture de la pensée. Nous ne sommes pas Dieu. Nous ne pouvons sauver tout le monde.

    C'est le rôle qu'a pris le penseur quand il s'est éloigné de Dieu : il s'est auto-investi d'une mission de type divin, sans se parfaire lui-même. Il brasse donc souvent de l'air de façon purement inutile. Derrière cette inutilité il y a pire : il y a le fait de prodiguer des mauvaises nouvelles, de s'intéresser à la structure du mal et donc de commenter toujours ce qui ne va pas, au lieu de voir le bien et de commenter ce qui est bon. Or, "ce qui ne va pas" ou "ce qui va" sont les deux facettes de la même réalité : celle de Dieu. Pour ma part, j'ai fait des choix dont certains m'apportent la paix et me permettent de vivre dans des contextes très "difficiles" vus des autres personnes. Je sais que si je m'abreuve aux sources du mal, je me sentirai mal. Je choisis donc, autant que je le peux, de m'abreuver aux sources du bien pour voir la face du monde que les gens refusent de voir. Si je le peux, je tente d'éclairer cette face du bien au sein des gens avec qui je vis pour qu'ils la voient un peu mieux, et pour que l'espoir renaisse en eux. Mais là encore, est-ce vraiment "moi" qui fait cela ? Je ne le pense pas, fondamentalement.

    Il y a dans l'âme une notion d'utilité de l'homme sur la Terre. Croyez-vous que vous soyez condamné à vous abreuver à ces sources que vous critiquez ? Croyez-vous même avoir les moyens de critiquer ces "informations" sans en avoir le tableau complet ? Croyez-vous qu'il soit utile que vous les décortiquiez ? Croyez-vous que ce décorticage ne vous ensemense pas avec des racines du mal ? Croyez-vous qu'il n'y a pas d'autre rôle que vous pourriez accomplir ? Croyez-vous que cette agitation soit fertile ? Croyez-vous que l'utilité que vous pourriez avoir dans cette vie n'est pas à votre modeste niveau de donner l'exemple de la "paix" ? Croyez-vous que quand je vous lis, je ne vois pas un immense "gaspillage" d'une grande culture et d'un intellect qui sait douter ?

    "Mon" utilité est là, dans des réponses à ces modestes questions. Certes, pour arriver à la paix, il faut se détacher progressivement des leurres matériels, dont les concepts, dont les idéologies, dont les écrits athées... mais c'est aussi se rapprocher de l'amour, de la compassion, de la vérité, et de l'acceptation des choses telles qu'elles sont, dans toute leur spendeur et leurs mervielleuse diversité dans l'Un.

    Etre un homme de Dieu aujourd'hui comme hier, c'est le summum de la "rébellion". Par contre, c'est une rébellion pacifique et fertile, limitée dans sa portée et dans ses objectifs, limitée par la petitesse de l'"individu" qui la porte. Le reste appartient à Dieu (qu'Il soit exalté !).

    Pour reprendre les propos d'Antoine, je vis la spiritualité aujourd'hui. Les temps du Prophète Muhammad (que la paix et le salut soient sur lui) ne furent pas des temps de tout repos ; il fut aussi obligé d'être un fin politicien et un fin stratège. Mais Dieu était avec lui. Dans la Bible, tous les prophètes furent mal accueillis car les gens étaient bloqués dans leurs illusions négatives, illusions incroyables vues d'une perspective mystique. C'est pourquoi le Coran nomme ces gens "les ignorants" : non parce qu'ils ne savent pas raisonner, mais parce qu'ils ne "voient" pas. Ces mêmes gens ont tenté au nom de la préservation de leurs illusions de détruire les prophéties, alors que manifestement, ils n'étaient pas en paix avec eux-mêmes. Mais leurs affects avaient été investi dans le monde matériel. Les enseignements polymorphes de l'ensemble de la prophétie sont, à ce titre, une mine inépuisable pour l'homme de Dieu.

    Une fois encore, je rejoins Antoine sur le fait qu'il n'y a pas de société "facile" dans laquelle pouvoir vivre sa spiritualité. Mais quelles facilités dans notre époque pour pouvoir la vivre ! Et qui sait, peut-être seront-nous un jour à des postes importants et auront-nous l'occasion de répandre un peu de la Miséricorde Divine sur nos concitoyens ? Dieu sait mieux.

    AZ

  • Ce que je reproche à votre mysoginie Lapinos c'est qu'elle est stupide, plate, vide, sans envergure, sans panache...de la "lavasse tiède" !

    En un sens, elle manque d'intelligence et de fierté! Tout ce que je déteste chez un homme!

  • J'entends mieux vos nouvelles remarques, Antoine.
    D'abord lorsque Simone Weil dit que désormais "même les paysans ont le regard tourné vers la ville", vous devez comprendre qu'elle dépasse le problème du machinisme, de la technicité, qui n'est pas le problème en soi, qui ne caractérise pas le problème.

    Simone Weil est plus proche de poètes comme Baudelaire, Bloy, Balzac (le romancier préféré de Marx), Barbey, que de Thibon.
    Prenez l'exemple de la photographie. Baudelaire n'est pas contre cette technique en soi, il est contre l'usage que la foule démocratique en fait, ce n'est pas la même chose, et il proteste contre le fait qu'on fasse passer une technique pour un art. Pour lui c'est une escroquerie morale caractérisée. Si on rétorque a Baudelaire que la technique s'impose nécessairement à l'homme, ça revient à prendre l'homme pour une bête. C'est dans ce cas qu'on est immoral et nihiliste.

    Un historien comme François Furet a bien démontré que le capitalisme n'a pas introduit le perfectionnement mécanique, l'amélioration du rendement, ils existaient avant lui. Toute la propagande des libéraux est de faire croire le contraire, en s'appuyant qui plus est sur Malthus, ce qui est gonflé quand on sait que Malthus a fait fausse route, pas sur tout, mais précisément sur ce que les libéraux ont repris de ses théories.

    Simone Weil, justement parce qu'elle est marxiste, dépasse largement Pourrat ; sa réflexion est morale ET historique, et l'histoire ne peut être comprise sans le ressort économique. Et, je crois que c'est important de voir ça aussi, son explication n'est pas totale, ce n'est qu'un schéma, une mouture. Souvent ses détracteurs relèvent telle ou telle erreur d'analyse chez Marx, alors que c'est précisément la marque d'une pensée qui s'élève au-dessus des gadgets philosophiques existentialistes.

    Votre conclusion ne tient pas debout. Bloy n'est pas résigné, il est apparemment impuissant, ce n'est pas la même chose ! Ce sont les démocrates-chrétiens qui sont emportés par le courant, on dirait une race menacée d'extinction qui ne désire qu'une chose : prolonger son existence le plus longtemps possible. Aussi voient-ils le renouveau partout, même dans Sarkozy au bout de quinze jours, tant les prétextes pour ne rien tenter par eux-mêmes leurs paraissent tentants.
    La prière est devenue un prétexte pour ne pas combattre, on s'accroche à de vieilles institutions déjà vidées de leur sens comme à de vieilles maisons de famille.

    Cependant vous n'avez peut-être pas complètement tort sur un point, à propos de Simone Weil, cela concerne sa conclusion et le troisième volet de mon tryptique qui n'est pas encore fini.

  • Cette question de la liberté, Al Zeituni, notre société est-elle plus ou moins libre que la société médiévale ou qu'une société primitive, c'est précisément à cette question que Simone Weil a la prétention d'apporter une réponse.
    Vous noterez que dans un esprit capitaliste, libéral, cette question ne se pose même pas, "cela va de soi".

    S. Weil ne prétend pas donner une réponse parfaite. C'est tout l'intérêt de Marx d'expliquer en quoi les réponses ne sont pas parfaites, par la force des choses naturelles, mais qu'elles ne doivent pas être rejetées pour autant. C'est une caractéristique de l'esprit occidental de préférer les réponses imparfaites aux équations séduisantes mais mensongères. Un esprit en "escaliers", en quelque sorte.

    L'autre différence avec la pensée catholique, car avec le jansénisme vous opérez presque la jonction (les jansénistes sont plus nuancés que vous ne le croyez sur le destin, et il y a toutes sortes de jansénistes, même des jansénistes… catholiques.), c'est que la pensée catholique ne peut pas penser les choses autrement que "solidairement", et donc politiquement. La politique n'est pas seulement chez Platon, elle est dans les Évangiles. Jésus est un homme d'action. Il ne prie pas les marchands du Temple d'en sortir.
    Prier pour mieux agir. Prier faute de pouvoir agir. Prier pour demander du secours. Prier pendant que d'autres agissent. Même les moines sont des religieux. Certainement pas prier pour se dispenser d'agir, penchant assez naturel, certes, mais pas recommandable.

  • Je vais vous étonner, La Charbinière, je ne sais même pas à quel endroit je vous ai piquée. Tout me paraissait même plutôt assez "harmonieux" entre nous, autant que ça pouvait l'être, mais pas de volonté de votre part apparemment de me faire tomber dans une chausse-trappe ?? Bref tout baignait.
    Je ne savais pas qu'une fanatique d'Heidegger pouvait être aussi "sensible", vous comprenez que dans la réalité j'évite de croiser ce genre de monstre.

    Je fais un effort de mémoire… C'est "femelle", c'est ça ? Vous préférez "citoyenne", peut-être ? (On n'est pas au Club des Girondines !)
    Il fallait le comprendre au sens baudelairien, presque comme un hommage, non pas à vos vertus, mais à votre féminité.

    Mais je déteste me justifier auprès des femmes, c'est là l'essentiel de ma misogynie, alors je vous envoie sur les roses, Madame La Marquise.

  • "Vous noterez que dans un esprit capitaliste, libéral, cette question ne se pose même pas, "cela va de soi"."

    Peut-être, mais est-ce vraiment important ? Dans un esprit stalinien, la question ne se pose pas ; dans un esprit moyen âgeux soumis à la brutalité d'un seigneur alcoolique, la question ne se pose peut-être pas non plus. Le problème pour moi n'est donc pas que la question se pose ou pas chez certains, mais qu'elle se pose pour nous-mêmes. Je ne suis pas Dieu. Je n'ai pas de pouvoir sur les ignorants.

    "la pensée catholique ne peut pas penser les choses autrement que "solidairement", et donc politiquement"

    Il en va de même pour l'islam de Muhammad (la paix et la grâce de Dieu soient sur lui). C'est d'ailleurs le sens de la "umma", communauté islamique. Je ne nie pas que la politique soit nécessaire ; je dis qu'elle est secondaire, qu'elle passe après la spiritualité, et non avant. Or il me semble que vous la faites passer avant. Si le jour de la Rétribution, Dieu accepte que je fusse un piètre politicien, Il ne pourra accepter que je le fisse passer après les avatars de la "gestion du monde matériel".

    Je reconnais aussi en Jésus un homme d'action. Mais nous en revenons à la valeur de l'acte. Qu'est-ce qu'un acte légitime ? Qu'est-ce qu'agir ? Qu'est-ce que prétendre agir conformément à la morale ? Quelle morale ? Est-elle bien comprise ?

    "Prier pour mieux agir. Prier faute de pouvoir agir. Prier pour demander du secours. Prier pendant que d'autres agissent. Même les moines sont des religieux. Certainement pas prier pour se dispenser d'agir, penchant assez naturel, certes, mais pas recommandable."

    Nous en venons là au sens réel de la pière. Si je prie Dieu pour qu'il m'accorde des grâces matérielles, je n'ai rien compris à la religion. Si je le prie par défaut de ne pouvoir agir, je n'ai pas réalisé que le problème était en moi, que je me sens impuissant probablement parce que je n'ai pas compris ma part de mission divine et que je suis égaré par mon ego ou par la pression de certaines représentations de la société qui sont fausses.

    C'est pourquoi, à mon humble avis, les hommes ont aujourd'hui besoin de la psychanalyse : non pour remplacer la religion, mais pour se dégager des influences psychologiques de la société, premier pas pour aller vers Dieu. Car, la société les as éloigné d'eux-mêmes en les dressant par des jeux complexes de conditionnements. Etant plus conditionnés que dans les siècles passés, ils se sont éloignés de leur nature. Il faut donc souvent à l'homme une étape supplémentaire pour la découverte de Dieu aujourd'hui. Le monde actuel éloigne les gens de Dieu, je vous l'accorde, les gens sont loins de cela, en grande partie en raison de ces pressions psychologiques dont on nous abreuve, de ces représentations matérialistes du monde que l'on inculque aux enfants. Ces verrous de l'âme peuvent être partiellement démontés par la psychanalyse. Mais elle n'est qu'un premier pas pour rendre l'homme plus proche de lui-même et le faire entrer dans une des voies de Dieu.

    Cela explique pourquoi je ne critique pas les psychologues et psychanalystes même si leurs ambitions me paraissent souvent trop grandes. Je les vois comme un mal nécessaire et non comme un substitut à la religion. Ils cassent la logique du conditionnement avec des représentations athées et intellectuelles, ce qui est très amusant, il faut le dire.

    En ce sens, je n'adhère pas à certaines visions catholiques de la menace des psychologies diverses. Je n'adhère pas non plus à la vision de Freud de ses propres "outils". D'un autre côté, je trouve que des gens comme Guénon sont un peu simplistes dans leur approche. Le monde moderne est-il en crise ? Pas plus qu'avant. Le chemin est peut être d'autant plus long que la pression matérielle est grande, voilà tout. Mais, ne vivant pas aux temps anciens, qui sait si le chemin du derviche vers Dieu ne comportait des étapes oubliées aujourd'hui ? Il faut se garder des analyses alarmistes. J'existe, vous existez, le monde matériel pourvoit à nos besoins matériels et spirituels, je ne vois pas ce qu'il faudrait de plus.

    Pour en revenir à la prière, "Prier pour mieux agir" et "Prier faute de pouvoir agir", ce n'est pas du tout la même chose. D'un côté, j'invoque ma relation à l'Unique pour qu'il m'aide à me parfaire, dans l'autre, j'invoque un secours de ce que je suis (et que je n'ai pas l'intention de changer). Dans le premier cas, si mon intention est de me corriger, je suis dans le bon chemin ; de l'autre, si mon intention n'est pas de me remettre en question, je manque ma cible et renforce mon ego. Ainsi, "prier pour demander du secours", je suis d'accord, mais un secours sur ma perception des choses, sur le fait que je sois touché par des choses sans importance aucune, et non un secours pour me débattre dans les méandres intellectuels de représentations bâties par des non croyants ou des polythéistes.

    Si j'accepte votre formulation (et que j'en culpabilise) "prier pendant que les autres agissent", c'est que je prends leurs actions comme légitimes, or ce n'est peut être pas le cas. Combien de fois avons-nous vu les autres et nous-mêmes agir en pure perte, comme des insensés ?

    Le sage ne juge pas l'action inutile des autres, il la considère juste comme de la "non action", malgré les apparences. Il voit les autres s'égarer, donner un poids à leurs actions alors que ces dernières n'en ont pas. Il les voit agir pour eux-mêmes, parfois agir juste pour éviter de ne pas agir, ou poussés par une urgence interne personnelle, par une culpabilité qui vient de quelque part même si elle est inappropriée. Le sage sourit dans ces conditions car il sait que sa non action est une action bien plus immense que toutes les actes faits dans l'ignorance. Il a dépassé l'illusion de l'action et de la non action.

    Bien sûr, dans un monde scientifique et matérialiste, ce que je viens de dire n'a aucun sens, car les gens peuvent "se prouver" qu'ils ont agi, ils ont des arguments. Mais ils restent dans une illusion très lointaine de la spiritualité.

    Car si un homme est convaincu que son action en est une, il faut qu'il parvienne à soulever le voile sur la réalité pour s'apercevoir du contraire, et pour cela, il faut qu'il voit en lui-même un problème. L'action cache la non action et la non action cache l'action. Tout dépend uniquement des intentions que nous mettons derrière les choses.

    Evidemment, si l'on prie pour se disculper d'agir, dans l'absolu, la morale peut le condamner. Mais agir dans la bonne voie n'est pas si facile. Il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions, d'avoir des arguments pour agir, pour agir de manière moralement légitime ; il faut agir pour Dieu, offrir ses actes et leurs fruits à Dieu. Cela peut porter effectivement, d'un point de vue social, à une illusion de "non action", mais on ne peut agir justement toujours que si l'on est proche de la sainteté. Il faut être ouvert au dépit immense que peut provoquer l'action. Ces questions ne sont pas simples.

    L'acte en lui-même ne vaut rien si nous en recueillons les fruits. Vous me citez des auteurs chez qui je ne vois que des intellectuels païens quoiqu'ils puissent se défendre d'être. Je ne "crois" pas en Dieu comme eux pensent qu'ils croient. Ce sont pour moi des polythéistes qui associent à Dieu diverses idéologies ou compréhensions personnelles d'idéologies et qui vivent de l'exploitation de ces débats mondains. Ils pensent "créer", par exemple alors que seul Dieu crée.

    La prière, comme le jeûne, ou comme l'aumône, ont un sens qui ne vaut que si nous nous considérons nous-même comme source de nos problèmes. Si, vous, Lapinos, vous étiez moins sensibles à ces écrits qui vous torturent l'âme, à ces courants politiques qui vous divisent intérieurement, qui suscitent un certain cynisme chez vous, vous seriez plus serein, vous seriez plus en paix. Si vous priez un jour, priez pour le Tout Misécordieux vous apporte son soutien dans la démarche d'aller vers plus de détachement. Je ne nie pas votre pertinence d'analyse, je trouve que vous gaspillez un don de Dieu pour des illusions et que cela semble vous mettre mal. Bien entendu, je n'ai pas dit que c'était facile de faire autrement ;-)

    Pour moi, il n'y a pas aujourd'hui de situation "pire" que celle d'avant, elle est comparable, mais ses manifestations matérielles sont différentes. La pression est peut-être plus "psychologique" aujourd'hui (encore que cela dépend de la "classe sociale" dans laquelle on se situe dans le passé) mais les moyens matériels mettent à notre disposition des joyaux qu'il aurait été très complexe de trouver auparavant, je parle des livres et même des hommes vivants qui sont derrière. N'est-ce pas au final merveilleux ?

    Il y a toujours un chemin pour l'homme de Dieu (qu'Il soit exalté !).

    Je suis un peu désolé que la catholicisme semble avoir oublié certaines des racines de sa tradition, encore que je sois mal placé pour avoir un avis là-dessus. Car les notions spirituelles sont tout sauf simples à comprendre. L'acte, la prière, la substance, les noms de Dieu, le jeûne, le repentir, le péché, la morale, etc., combien d'années de travail intérieur sont nécessaires pour comprendre toutes ces notions et les vivre avec le coeur ! Et c'est un derviche débutant qui vous parle.

    AZ

  • Al Zeituni, c'est brillant, ce que vous dites, passionnant et cela donne même envie à un catholique convaincu comme je le suis de se pencher sur l'Islam dont je ne pensais pas que la spiritualité pouvait être aussi proche de ce que de nombreux Papes et de grands saints ont dit et fait...

    En définitive, ce que je trouve intéressant, c'est ce paradoxe d'une société où tout est dématérialisé mais qui reste composée de matérialistes ! Ce qui prouve ex absurdo que la spiritualité n'est pas rendue possible ou non par notre environnement. D'où, effectivement le rôle des psys et de la philosophie bouddhiste que beaucoup vivent comme une façon de se retrouver... Bref, je suis trop crevé pour débattre mais rarement j'ai lu un échange aussi intensif !

    Bref, Lapinos, ne soyez pas résigné ni dépendant : envoyez paître le monde marchand comme la (pauvre) Charbinières !

  • Vous voulez vous pencher sur l'islam parce qu'il vous paraît proche du catholicisme ? C'est étrange, Antoine, d'habitude on a de la curiosité pour ce qu'on ne connaît pas.

    Moi je retrouve chez Al Zeituni tout ce qui est à la mode aujourd'hui. Un curé contemporain ne dirait pas mieux. Même la psychanalyse, authentique superstition, reconnue comme telle dans le monde entier, sauf en France. Personnellement toutes les personnes que j'ai croisées, qui s'étaient fait psychanalyser, et qui croyaient dur comme fer à la psychanalyse étaient manifestement névrosées.

    Pourquoi tout commence par la politique, les Grecs avaient raison sur ce point, parce l'enfant qui naît tombe dedans. Imaginez-vous le jour de votre naissance, Al Zeituni, dans les mains de votre mère, et songez à toutes vos belles formules sur la vie intérieure et le dialogue avec Dieu. Quelle était votre spiritualité, votre liberté ce jour-là ? Si elle avait été une mauvaise mère, ou le gouvernement un mauvais gouvernement, vous auriez pu être jeté parmi les déchets.
    La Genèse, qu'est-ce que c'est ? Beaucoup d'action, un peu de repos. Quand est-ce que Jésus prie ? A la veille de mourir ; tout le reste du temps il n'a fait qu'agir, prêcher, entraîner.
    Je ne donne pas cher du soufisme face aux branches plus politiques de la religion, Al Zeituni.
    Curieusement votre discours n'est pas très éloigné du discours libéral qui consiste à isoler l'homme de la société dans des théories économiques ou existentialistes plus que fumeuses.

    Deux mots à Antoine pour terminer :
    Si vous dites à un paysan d'envoyer le monde marchand paître, il vous rira au nez. Et moi j'habite en ville ! Vous ne pouvez pas vous imaginer les pressions, y compris amicales, pour que j'achète le dernier gadget à la mode ; la consommation est devenue une véritable religion ! Peut-on imaginer ne serait-ce qu'une revue chrétienne qui n'incite pas à la consommation ? Difficilement.
    Sur le "matérialisme" marxiste de Simone Weil, bien entendu il est hautement spirituel. Le reproche que vous faites me fait penser aux jansénistes, mais surtout aux protestants qui reprochaient aux catholiques de ne pas être assez spirituels ; où sont-ils les protestants aujourd'hui ? Ils font du shopping, les temples sont vides ! Pour être spirituels, ils ont été spirituels. Ah, si, ils sont nombreux en Amérique, mais ce ne sont pas là des protestants apparemment très spirituels, justement.
    Ca ne les empêche pas, ces quelques protestants qui reste, d'avoir des tas de conseils à donner aux catholiques sur la manière de gouverner leur Eglise et leurs pays.
    Je crois qu'à l'époque des drapeaux, j'aurais bien mérité le grade de caporal dans l'armée des Jésuites, vous ne trouvez pas ?

  • Bonjour Lapinos,

    Votre dernier commentaire me navre un peu, mais je m'en vais une dernière fois tenter de vous expliquer pourquoi, même si je vois que vous semblez préférer définitivement vos conditionnements auxquels vous êtes très attachés parce que je suppose que vous avez investi trop de temps sur eux dans votre vie.

    "Moi je retrouve chez Al Zeituni tout ce qui est à la mode aujourd'hui. Un curé contemporain ne dirait pas mieux."

    Dieu est toujours "à la mode" si vous le voulez, car tant que les hommes seront mortels et conditionnés par leurs expériences et par le monde matériel dans lequel ils vivent, il y a aura toujours une seule vraie actualité : celle de Dieu.

    Pour ce qui est de la psychanalyse, je pense que vous devriez vous renseigner un peu plus. Certes, la France est un des seuls pays du monde à diviniser Freud, mais dans les pays anglo-saxons, on divinise plus Jung et ses adeptes. Bien que Jung et Freud aient été "en conflit", il faut avouer que les courants qu'ils proposent sont très voisins et seuls les doctrinaires peuvent les différencier. Si on parle d'inconscient collectif par exemple, "création de Jung", c'est parce que l'on malconnaît les écrits de Freud sur la société.

    Les autres pays occidentaux sont tentés par toutes les autres branches de la psychologie non freudienne (y compris par les neuro-sciences qui, je l'avoue, me laissent assez froid). Mais, il ne fait pas de doute, du moins pour moi, que l'inconscient nous pilote tous et vous le premier.

    Si vous vouliez une représentation intellectuelle de l'esprit, le terme "inconscient" serait en effet mal adapté : nous devrions probablement de "subconscient" pour la partie psychanalytique de nos expériences passées et de nos conditionnements sociaux et sur-conscient pour la partie spirituelle. Mais ce ne sont là que des mots qui au final n'expliquent pas mais décrivent seulement, étiquettent des choses qui n'ont peut-être pas de sens.

    La névrose existe : elle est dissociation de l'esprit (sans sens religieux ou spirituel), souvent simplement sur deux dimensions. L'esprit possède en lui deux grandes familles de "signaux" : les signaux du ressenti et les signaux de l'intellect. La névrose existe quand le ressenti contredit l'intellect et que l'intellect dominateur trouve des arguments intellectuels pour refouler le ressenti.

    Par exemple, une personne peut ressentir la pression sociale pour acheter un iPod car ses amis en ont un. Cette pression la rend mal à l'aise (ressenti) mais oh combien de bonnes raisons intellectuelles y a-t-il pour en acheter un ? La personne en achète un, a violé son ressenti interne sous des torrents d'intellect (piloté par les fragilités de l'esprit) et s'est placé dans une position "socialement correcte" (même si cette position est relative à un sous-groupe de la société). Cela lui donne une étiquette qui lui permet de se fondre parmi ses amis et de relayer cette pression sociale à son tour.

    Dans cette démarche très prosaïque, nous voyons un refoulement du ressenti, par peur du rejet ou du jugement des autres, par conformisme, par acceptation depuis tout petit de la prégnance du monde matériel sur soi-même. Cela implique un renforcement de l'ego (nafs) car, avec un iPod, la personne fait partie de la caste de ceux qui ont les moyens d'avoir un iPod. Elle a obtenu le pouvoir de relayer la pression sociale en échange de son abdication de son ressenti. Cela s'appelle un conditionnement. C'est ce que la psychanlyse peut découvrir en vue d'une mise en conformité de son ressenti avec son intellect.

    Il y a bien sûr d'autres exemples moins basiques comme le fait d'être obligé de travailler avec une personne vraiment mauvaise. Intellectuellement, socialement, cette personne peut avoir tous les diplômes convenus, toutes les compétences attendues, il n'y donc aucune raison sociale ou intellectuelle d'être mal à l'aise. Cependant, le ressenti parle et ne pas l'écouter, c'est refouler. Au bout de plusieurs années de refoulement, on commence à se sentir structurellement mal, à chercher des compensations pour exprimer un ressenti qui n'est devenu qu'une expression négative.

    Que dire quand cette personne est un conjoint avec qui l'on vit ? Que dire quand cette pression vient de la famille que l'on est obligé (socialement) de voir, qui nous juge ou qui nous traite comme des enfants alors que nous avons un âge raisonnable ?

    On cherche alors des points de détestation dans le monde, dans ses théories, dans les personnes que l'on voit dans les journaux ou à la télévision. Mais tout cela n'est que compensation. Il nous faut exprimer ce ressenti négatif que nous n'acceptons pas naturellement dû à la prédominance de cet ego intellectuel qui nous "castre", comme dirait Freud. Nous vivons alors dans notre "enfer personnel". On fait tourner l'intellectuel à un plus haut rendement sur les appâts que la société nous donne plutôt que de le retourner sur ce qui ne va pas en nous, sur ce que nous avons manqué.

    Comment, dès lors, critiquer ceux qui ont fait leur métier de retourner une partie de cette énergie intellectuelle vers l'analyse de soi ? Il ne faut pas être curé ou soufi pour cela, il faut simplement un peu de bon sens.

    Certes, pour entamer cette démarche, il faut se débarrasser de son cynisme (qui rend supérieur) et faire face aux peurs des comportements alternatifs. Si je n'achète pas un iPod, vais-je me facher avec mes "amis" ? Si oui, sont-ce vraiment des "amis" ? Si je réalise que ma femme ou mon mari sont des personnes mauvaises, vais-je avoir le courage d'entamer une séparation qui risque d'être un facteur de trouble matériel durable ? Si ma famille ne peut comprendre que je suis quelqu'un, vais-je avoir le courage de me passer d'eux, au moins pendant un temps, quitte à prendre à leurs yeux (et aux yeux de la société) le rôle de l'ingrat ?

    Voilà où sont les vrais problèmes : la peur est derrière tout cela, la peur d'agir conformément à ce que l'on est, la peur d'agir avec son coeur. Les leurres sont bien plus efficaces pour s'occuper l'esprit et pour cristalliser les affects. Les idoles sont bien plus tentantes...

    "Et ils assignent une partie [des biens] que Nous leur avons attribués à (des idoles) qu'ils ne connaissent pas. Par Allah ! Vous serez certes interrogés sur ce que vous inventiez." (Coran 16:56)

    Ma mère fut une mauvaise mère, et j'ai mis des années à le réaliser et à l'accepter. Qu'en est-il de la vôtre ? ;-)

    Avant de lire le modèle de Jésus, il faut avoir sa dimension. Prenez par exemple le fait de tendre l'autre joue. C'est un point qui intéresse le soufisme car il est très facile de mécomprendre ce point en le lisant de manière littérale. Qui comprend le sens de "tendre l'autre joue" ? J'avoue n'avoir pas rencontré beaucoup de gens dans ma vie capables d'en donner le vrai sens spirituel. Dans le soufisme, Jésus est en dikhr permanent, il vis dans le souvenir de Dieu, il vit en Dieu, ce qui signifie qu'il n'a pas besoin de montrer qu'il prie car son être lui-même est prière. Attention à ne pas lire l'Evangile trop littéralement justement pour obtenir des arguments, arguments servant à juger les autres, bien entendu. Dans ce jugement des autres, on projette nos affects négatifs refoulés. Voyez que la névrose n'est pas loin et qu'elle n'est pas limitée à ceux chez qui "elle se voit".

    Jésus, comme Moïse ou Muhammad (la paix soient sur eux) sont si exceptionnels qu'avant de comprendre leurs actes, il faut déjà comprendre leur message. D'où les années de travail sur soi que je mentionnais dans mon précédent commentaire.

    Votre commentaire à Antoine est tout intellectuel. Vous ne parlez que des autres. Mais il me semble que comme la majorité des occidentaux, vous oubliez "votre" besoin de spiritualité et vous le comblez avec des arguments pour satisfaire votre ego.

    Peut-être faudrait-il que vous tombiez réellement amoureux d'une femme bonne et miséricordieuse qui pourrait vous montrer ce que vous êtes et rire de vous avec amour lorsque vous rentrez dans vos travers, travers que vous exprimez sur ce blog. Peut-être cherchez-vous mal, et peut-être êtes vous attiré par des femmes qui ne vous conviennent pas ? Il doit y avoir dans vos connaissances une femme qui ne vous attire pas, et pourtant, c'est peut-être elle qui tient une partie de votre destin. Mais si vous ne la voyez pas, peut-être est-ce à cause de votre passé, de votre mère ?

    "Le combat vous a été prescrit alors qu'il vous est désagréable. Or, il se peut que vous ayez de l'aversion pour une chose alors qu'elle vous est un bien. Et il se peut que vous aimiez une chose alors qu'elle vous est mauvaise. C'est Allah qui sait, alors que vous ne savez pas." (Coran 2:216)

    AZ

    AZ

  • Bah! A tout prendre je préfère être envoyée dans les roses par le Lapin que dans vos fromages Antoine!

  • On n'est pas plus aimable, Isabelle ! Vous montrez bien par là que les préjugés vous guident et que vous faites passer la réglementation avant l'organoleptique... finalement, le Lapin semble avoir totalement raison à votre endroit : ce n'est pas de la mysoginie, ce serait de la lucidité !

  • Oui, Lapinos, j'adhère à votre conclusion et vous êtes aussi désagréable avec les hommes qu'avec les femmes ;-) vous n'êtes pas misogyne mais misanthrope...!

    Il me semble que le Christ a commencé sa vie publique par un jeûne de jours dans le desert qui fut aussi un temps de prière... Pour compléter AZ, vous ne lisez pas littéralement l'Evangile, vous l'avez oublié...

    Vous m'avez lu littéralement aussi... car je ne renie pas le monde marchand en ce qui me concerne, il faut bien que je trouve des acheteurs pour mes fromages et je suis content d'en avoir rencontrés ce jour sur un lieu touristique pour écouler ma production ! Mais peut-être pourrier-vous tenter de min imiser cet aspect marchand et de rendre son intérêt à l'échange. Dans mon cas, j'ai l'impression de donner un peu de montagne, de grand air et de vie et l'argent que je reçois me permet de continuer à promouvoir une région, un produit et une culture...

    Ce qui m'intéresse dans l'Islam présenté par AZ, ce n'est certes pas sa proximité avec le catholicisme, ce qui ne me surprend pas de la part d'une des religions du Livre, mais de découvrir une facette que j'ignorais totalement et qui me semble très différente de ce que l'on m'avait présenté...

    Quant aux protestants, ce sont les créateurs du capitalisme. on leur doit cette décomplexion par rapport à l'argent et, en définitive, le monde mercantile tel qu'il est organisé à ce jour...

    Bon, je ne sais plus très bien de quoi nous sommes partis, et vers quoi nous allons...! Merci en tous cas d'avoir lancé ce débat qui fait une victime désormais collatérale : cette pauvre Isabelle ! Et tâchez de rester aimable sinon, je fais comme AZ, je vous parle de votre mère ;-)) Pour moi, je vais lire vos posts sur S. Weil ! A bientôt

  • "cette pauvre isabelle"; cette condescendance m'étonne de vous Antoine. Isabelle à des talents qui devraient vous inciter à plus de modestie. Si vous appréciez les leçons sur l'ego d'A Z, essayez des les appliquer, surtout que la petite phrase d'Isabelle n'avait rien de bien méchant. Vous qui ne cessez de vous demander en fin de post ce qu'on a pu bien dire 12 lignes plus haut, une calme concentration hors de l'affect vous servira.

  • Mais c'est justement l'échange qui est vicié dans le capitalisme, Antoine ! Toute l'originalité de Marx par rapport à Aristote est là. Et Simone Weil en déduit les conséquences morales et politiques. Cela ne signifie pas que tous les échanges soient viciés, cela ne veut pas dire qu'il ne subsiste pas des marchands honnêtes (Baudelaire nie qu'on puisse être marchand et honnête, parce qu'il pousse le raisonnement). Le matérialisme historique de Simone Weil est là.

    Al Zeituni, Freud n'a jamais soigné personne, son système est complètement subjectif, la subjectivité d'un puritain viennois, obsédé par les questions sexuelles, comme on l'est aux États-Unis, où la pornographie et le puritanisme font bon ménage.
    Vous avez tort de négliger la neuroscience, car ce sont notamment ses progrès qui ont permis de dénoncer toutes les spéculations de Freud, qui, à partir de l'observation de quelques phénomènes par Charcot, a bâti un tout un système qu'on peut qualifier de "délirant" ou de "monomaniaque", pour renvoyer la balle à la psychanalyse.

    Que l'on soit déterminé par la culture ou par les gènes est indéniable, mais cela n'ôte pas la liberté ; résumer nos mobiles à l'inconscient ou au subconscient est une simplification improductive, un simplisme : le freudisme est une pensée qui s'enferme sur elle-même, le marxisme une pensée tournée vers l'extérieur, qui ne prétend pas être exhaustive mais s'appuyer étape par étape sur des prises solides.
    Pour un Occidental, freudisme, kantisme, libéralisme, tout ça rime forcément avec obscurantisme.

  • L’allusion aux rapports à la mère me semble parfaitement déplacée. Le débat se place sur le plan des idées. En tentant de déstabiliser l’ «adversaire » en passant au plan personnel, on dévie le débat. Je ne crois pas Lapinos cynique, bien au contraire. Mais la vraie pudeur, celle qui se refuse aux effets faciles du compassionnel, qui préfère montrer les dents que le coeur, passe trop souvent pour du cynisme.

  • Situer la dialectique au plan de mon subconscient permet surtout d'enterrer complètement le débat puisque même à moi, surtout à moi, dans ce système, ce subconscient est inaccessible. C'est exactement Freud ou Kant : ils ont une vision du monde systématique réduite à leur échelle de pensée. Marx ou Simone Weil, aristotéliciens, tentent d'appréhender le monde à partir de données aussi objectives que possible. L'opposition radicale entre le catholicisme et le libéralisme - en tant que philosophie - ou le kantisme, se situe là.

  • Mon cher Lapinos,

    Je vois que vous vous emportez dans une tirade d'"ismes" qui m'est bien étrangère. Objectif, dites-vous ? Mais quelle est cette objectivité dont vous me parlez ? Depuis quand l'homme est-il "objectif" ? Depuis Aristote et sa logique très primitive du tout ou rien ? Le fait même que je ne reconnaisse cette objectivité dont vous me parlez que comme une série de croyances prouve qu'elle est du ressort de votre "subjectivité" et de ceux à qui vous vous associez.

    Voyez-vous, l'objectivité au sens occidental du terme est un leurre, un voile, un culte, une idole. Car tout le monde est "objectif" dans la sociét française, et personne n'a le même avis ! Cessons-là ces discussion sans aucun sens. L'objectivité, vous y croyez, soit. Moi, j'ai accepté de n'être jamais objectif, car l'être humain ne l'est jamais, quiconque ayant un tant soi peu travaillé sur lui étant au courant de cette vérité.

    L'Objectivité, c'est Dieu, mais on Le perçoit de manière subjective ;-) Mais je ne vais pas recommencer une longue tirade qui ne servirait à rien.

    Vous avez tort de critiquer Freud, car il serait pour vous un pont vers la subjectivité, vers le fait d'accepter que vos auteurs favoris auxquels vous rattachez votre pensée ont une subjectivité que vous partagez (en partie). Peut-être un jour comprendrez-vous qu'avec la raison seule, la "raison objective", on peut prétendre montrer tout et son contraire. C'est ce que l'Occident s'évertue à faire en pure perte. Car qu'a gagné l'Occident avec l'objectivité ? La technique peut-être, et encore... "Seigneur, pardonne-les, ils ne savent pas ce qu'ils font"... C'est toujours d'une brûlante actualité.

    Ce qui m'a fait sourire, c'est la critique très bas de gamme de Freud (indigne de vous Lapinos, vous devriez le lire) et de son "obsession pour la sexualité". Il aurait probablement rétorqué à votre tirade que votre mysoginie avait un caractère sexuel en relation avec la mère (je dis cela aussi pour M. Leverdier qui ne semble pas comprendre que je ne fais pas dans l'attaque "personnelle", ni dans l'attaque tout court).

    Je vous laisse à vos certitudes intellectuelles en "isme", à vos ennemis en "isme" et je retourne dans ma Caverne, en espérant parler avec l'Unique.

    AZ

  • Adversaire était entre guillemets, le mot "attaque" n'apparaît pas. En revanche, pointer les rapports à la mère, c'est ipso facto se placer sur le plan personnel. Mais à quoi bon parler. Qui ne voit que cette toute cette belle spiritualité vient de s'écrouler, minée par l'agacement. Ah, les affects,les pièges de l'ego!

  • C'est singulier tout de même, Al Psytuni, ne savez-vous pas qu'on ne réveille pas un lapin qui n'a pas soif pour lui donner à boire!!

    Allez ouste! Un peu d'air dans nos cavernes!!

    LA CHARBINIÈRES, LORSQU'ON VOIT DANS QUELS PANNEAUX VOUS TOMBEZ AVEC TOUTE VOTRE SPIRITUALITÉ, ON SE RÉJOUIT DE N'ÊTRE QU'UN ANIMAL.
    VOUS ÊTES DU GENRE À VOUS PRÉCIPITER SUR LE PREMIER OBJET BIZARRE QUI PASSE, ET JE SUIS PRÊT À PARIER QUE VOTRE INTÉRIEUR RESSEMBLE… À UN BAZAR BYZANTIN.

  • Ah ne dramatisons pas nos échanges ! gardons leur la mesure qu'ils méritent : celle de l'ironie affectueuse d'intellectuels en quête...!

    Cher Leverdier, qui semblez être très attaché à Isabelle (avec une majuscule, SVP !) vous avez sûrement raison et mes sarcasmes ne se voulaient pas méchants ! mais j'ai la réaction vive quand on attaque mes produits d'autant plus que je ne suis pas persuadé moi-même de leur qualités gustatives... tout le monde dit qu'ils sont bons, mais n'est-ce pas pour me faire plaisir ?! Comme votre salut aux talents de Mademoiselle des C... n'êtes vous point mu par d'autres sentiments que la simple admiration ?!

    Pour Mademoiselle des C. permettez-moi de déposer à vos pieds mes humbles excuses si je vous ai manqué. Je ne suis pas fanatique de votre art pictural ni de vos commentaires sur la FSSPX mais ce n'est point là le sujet.

    Pour le Lapin : si c'est le capitalisme qui vicie l'échange, je dois avouer que cette vision simpliste de la société me déçoit de votre part ! Effectivement, vous vous affirmez marxiste, avec toute la naïveté que comporte ce type de doctrine. Elle fait tout simplement l'impasse sur la nature de l'homme que tente de vous rappeler AZ ! Ainsi, l'homme serait naturellement bon, ses échanges seraient sains en eux-mêmes, mais la société, surtout lorsqu'elle est organisée de façon capitalistique, corrompt tout, capitalistiquement, pour reprendre le mot de Saint Just !

    Pardonnez-moi, mais c'est bien ce que je craignais : une vision qui fait l'impasse sur le caractère totalement irrationnel de l'homme (sans parler de la femme ;-)), sur l'objectivation de sa subjectivité, qui lui sert de ligne de conduite, en oubliant absolument la loi naturelle (c'est sans doute cela, le point central de nos sociétés post modernes, non pas le capitalisme, mais la référence de chaque homme à son code de valeurs créé ex nihilo, comme références morales et de conduite, avec toutes les variations que cela peut acquérir au fur et à mesure que l'écoulement du temps impose sa relativisation des choses...! Chirac tombait totalement dans ce travers quand il affirmait que la Religion devait s'organiser dans le cadre légal ! et qu'il n'y avait en qq sorte de morale que définie par la loi ! quelle horreur : si c'était, ce serait le summum du totalitarisme démocratique !)

    En réalité, et c'est bien en cela que vous me paraîssez proche de l'Action Française dans votre raisonnement intellectuel, vous imaginez que la société peut poser en dehors de Dieu un fonctionnement et des valeurs pour s'organiser... et que ces valeurs doivent d'ailleurs ramener à Dieu... C'est mettre la charrue avant les boeufs ! C'est inverser l'articulation du monde qui part de Dieu et va vers Dieu, en réalité...

    Dans cet échange, vous semblez, avec Marx, faire l'impasse sur le péché originel. Mais si la société, les sociétés, ont toujours mal fonctionné, que ce soit le Moyen-Age qui s'est terminé par la "Renaissance" ou l'Ancien régime effondré en 1789, ce n''est pas parce que des "forces" aussi occultes que malfaisantes étaient à l'oeuvre pour contrer ces sociétés "parfaites", c'est parce que l'homme est pécheur, qu'il a tendance au mal et qu'il y est puissamment aidé par les Diable et ses séides... Voilà aussi pourquoi la société capitaliste fonctionne mal et si les choses semblent s'accélérer c'est parce que le temps présent va plus vite que les temps passé ! (la loi de la relativité n'est pas de moi !...)

    J'imagine que c'est un peu ce que vous dit AZ lorsqu'il parle de la subjectivité des humains. On voudrait tous que la société, parfaitement organisée, nous contraigne au bien... eh ben c'est raté, car non seulement nous sommes libres, mais en plus nous sommes pécheurs... Et pour répondre à Leverdier, je ne suis pas persuadé que les péchés des parents soient sans conséquences sur les enfants "car les parents ont mangé des raisins verts et les dents des enfants en sont agacées" (c'est dans la Bible, sans doute dans le Livre des Proverbes)

    Bref, à mon sens, c'est aussi parce qu'il fait l'impasse sur le péché originel que le marxisme n'est pas compatible avec le catholicisme et que le communisme qui en découle a été jugé "intrinséquement pervers"...

    Mais bon, quoi qu'il en soit, Cher Lapin, je ne juge pas, je tente de comprendre, et cela n'enlève rien aux débats que vous lancez, aux analyses que vous donnez qui sont approfondies, originales et percutantes ! Peut-être suis-je trop dans la polémique maintenant, c'est ce que AZ avait réussi à éviter jusqu'à présent ! Cordialement à tous, je pars fabriquer mes fourmes !

  • Mon cher Antoine, vous entrez dans les attaques personnelles envers M. Leverdier ;-)

    J'adhère à vos propos sur la nature de l'homme. L'homme est faible, c'est certain, à commencer par votre serviteur, mais il n'est certainement pas né "bon" dans une société que le corrompt. Ces histoires sont des mythes qui fondent aussi bien le capitalisme que le marxisme et qui justifient l'esclavage de l'homme par l'homme.

    C'est pourquoi les vues doctrinaires s'affrontent toujours et que l'on peut se positionner aussi stérilement dans une "objectivité" en isme d'un côté comme de l'autre, "avec les meilleurs arguments du monde".

    Pour compléter votre propos sur l'homme pécheur, je dirais que l'homme est égoïste, injuste, prétentieux, egocentrique, vil, mesquin, etc. et aucun "système" ne peut le mettre au pas. C'est pourquoi, ces discussions mondaines n'ont que l'intérêt d'être un pont pour parler du Bien-Aimé, comme dirait Rûmî.

    Car, ce qui amusant avec les systèmes, c'est leur vertu à être définis par une "élite" et à être applicables à tous les autres. Dès que l'on ne fait pas partie de cette "élite", on doit les subir "pour notre bien". Nous en revenons au problème de la morale. Quelle morale dans un monde sans spiritualité ? Quelle est cette élite ? Qui sont ces théoriciens des sociétés ? Des gens que je ne reconnais pas comme légitimes. Sont-ils capables de donner un exemple personnel ou ne donnent'ils qu'un exemple de leur égarement ? Quand on commence à postuler que l'homme n'est pas ce qu'il est, on est en plein dans les "Lumières", zone d'une obscurité parfois dangereuse. Relisez un écrivain marxiste, Furet, qui décrit bien la génèse du mouvement marxiste depuis l'idéologie révolutionnaire de 1789. On y voit que marxisme, démocratie et capitalisme sont issus des mêmes souches et exploitent les mêmes travers des hommes.

    Ainsi, Lapinos, vos critiques pourraient être symétrisées d'une manière parfaitement légitime en vue de défendre le système que vous critiquez. Si un tel exercice de logique est tout à fait simple et accessible, c'est donc que vos arguments sont relatifs (et je ne défends aucune de ces idéologies). Si vous faites l'exercice, vous verrez que vous êtes rattachés à une sensibilité, à un groupe de subjectivités plus ou moins partagées, que vous êtes attaché à vos arguments de manière personnelle, et non suite à un pur raisonnement intellectuel et objectif. Vous qui critiquez Kant, je vous vois là en plein Kantisme, en plein rêve de l'existence de la "raison pure", de la démonstration par des arguments "objectifs" que votre analyse est la bonne. Appuyé par n'importe quelle bibliographie, je peux vous prouver n'importe quoi. Car la question n'est pas de savoir qui a raison (les gens étant - trop - intelligents donc intellectuels), mais de savoir pourquoi les gens pensent ce qu'ils pensent.

    En réponse à Isabelle, c'est un travers que je connais bien chez moi et que je soigne avec le temps. Mais, en faisant mine de parler à l'un, on peut aussi parler aux autres ;-) C'est aussi pour cela que ma participation aux forums est exceptionnelle.

    Je laisserai le fin mot sur les pièges de l'ego à M. Leverdier qui semble très bien savoir de quoi il parle.

    AZ

  • 1/ Si vous n'avez pas de prétention à un minimum d'objectivité, Al Zeituni, restons-en là, notre débat n'est alors que palabres. Je cause de préférence avec quelqu'un qui pense détenir une part de vérité.

    2/ Mon souci d'objectivité exclut que je débatte longuement autour de Freud, dont l'inanité scientifique a déjà été démontrée. Les falsifications qu'il a en outre opéré des résultats de ses "expériences" conduisent à ranger Freud dans la catégorie des escrocs et des charlatans (de haut vol, si vous voulez).
    Que ma misogynie soit en partie déterminée par ma mère, j'en suis parfaitement conscient, je n'ai pas besoin de Freud pour souligner cette évidence. Ma misogynie a sûrement aussi une origine génétique.

    Au tour d'Antoine :
    1/ Si vous confondez Marx et Rousseau, je me suis mal exprimé ; Simone Weil n'ôte pas à l'échange sa valeur morale, au contraire. Et sa morale n'est pas manichéenne. Ce qu'elle dit, ce n'est pas du manichéisme, c'est schématique, c'est que l'échange capitaliste est détaché du choix moral. Vous ne pouvez plus vraiment choisir d'être un arnaqueur ou un type honnête.
    Un exemple : le produit de votre épargne en banque, la manière, peut-être immorale, certainement amorale, dont votre banque capitaliste l'investit, vous ne la contrôlez pas du tout, Antoine. Simone Weil ne pense pas qu'un contrôle absolu de ses actes soit possible ou ait été possible, idée contraire au matérialisme marxiste, elle pense que l'économie capitaliste abolit presque complètement le choix, la liberté morale. Ça n'est pas du tout la même chose !
    Si vous voulez, pour résumer cette vision politique, assez éloignée de l'idée (rousseauiste ou maurrassienne) de loi dite naturelle (ça ne veut pas dire grand-chose), Simone Weil estime que l'économie capitaliste ne laisse quasiment pas le choix de leurs mœurs aux individus qui vivent dans ce régime, ni de leurs politiques aux dirigeants politiques. Simone Weil ne défend pas l'idée de liberté absolue.

    2/ Le marxisme me paraît au contraire très compatible avec le péché originel, beaucoup plus que la loi dite "naturelle", qui occulte au nom de la nature toutes les tares dont la nature est aussi faite. De quelle nature parle-t-on dans la loi naturelle ? D'une nature idéalisée, du jardin d'Eden.
    D'ailleurs cette loi naturelle est mise à toutes les sauces, on l'utilise y compris pour faire la promotion dans l'Église de moyens de contraception très sophistiqués, qui supposent des siècles de recherche scientifique. Un catholique marxiste ne reconnaît pour loi que le décalogue, loi surnaturelle.

  • Non, non, Lapinos, vous vous égarez totalement, vous confondez la loi de la nature ou les lois de la nature avec la loi naturelle au sens aristotélicien et thomiste du terme !... On vous a connu meilleur ! baisse de forme ?...

  • J'avoue que le thomisme, c'est pas ma tasse de thé.

  • Mais Aristote !? C'est un grec !
    de toutes façons, ça n'est pas grave, je ne sais plus d'où on est parti et où l'on va (donc a priori on ne peut pas se tromper !) mais il faut bien clôre un débat, quelque passionnant qu'il fût ! Merci pour celui-ci en attendant les suivants !

  • Il me semblait que le combat mené par les femmes pendant la 2ème guerre mondiale avait plus fait avancé la condition sociale et politique des femmes que les grèves de 1936 ou de 1948... De la même manière que les luttes qu'elles ont mené dans les années 70 ont amené plus d'avancées que sous n'importe quel gouvernement de gauche (du moins en France...).

    De la même manière, à moins de prétendre que le salariat n'a rien à voir avec l'influence des syndicats dits "de gauche" ou "marxistes", il faudrait au moins donner une vision juste, ou "objective", des luttes féministes...

    Elles ont bien été mené à la fois contre les tenants du pouvoir institutionnel (dans toutes ses facettes...) et contre cell-eux qui voulaient noyer le féminisme, jugé comme lutte d'une catégorie particulière, dans l'océan du salariat ou, comme on disait encore à l'époque, du prolétariat, "qui ne saurait être divisé que dans l'intention de lui nuire". Le patriarcat se réfugie encore dans maintes organisations et institutions, surtout celles qui font assaut dans leurs discours d'égalitarisme salarial... Suivez mon regard...

    Comme si le marxisme demeurait pur (la pureté d'une idéologie, une idée qui fait encore froid dans le dos...) et que ses idéologues et sectateurs successifs n'en étaient pas à la hauteur... Vous-mêmes, M. le Lapin, avez d'ailleurs du mal à nous convaincre... ;-)

  • Le combat mené par les femmes pendant la 2nde guerre mondiale ? Késaco ? Vous voulez dire leur travail dans les usines d'armement ? C'est justement du salariat et de la production capitaliste.
    Le droit de vote a été accordé aux femmes par De Gaulle, pensant qu'elles voteraient plus à droite qu'à gauche.
    Vous partez du principe, Elmer, que la condition de la femme s'est améliorée. A quel point de vue ?
    La dialectique marxiste, c'est d'éviter de tomber dans des idées reçues comme celle-ci.
    L'histoire de l'émancipation de la femme est bien évidemment indissociable de l'histoire du salariat capitaliste. Qu'est-ce qui retient de payer les femmes aussi bien que les hommes aujourd'hui ? Aucun des beaux principes féministes et démocratiques, mais bien plus sûrement le risque économique d'inflation, de déséquilibre de la structure du salariat.

    Je ne considère pas, Marx ne le fait pas lui-même, que la théorie de Marx soit "pure", sinon je n'aurais pas éprouvé le besoin de lire Simone Weil.

  • "Deux augures ne peuvent se regarder sans rire"

  • [Pour revenir sur l'égalité femmes et hommes en usine, mon cher Lapinos, pour un libéral, l'égalité n'existe pas, seule existe la liberté. Si un industriel veut plus de mecs que de femmes dans son usine, c'est son usine, cela peut être pour un "le risque économique d'inflation, de déséquilibre de la structure du salariat" peut importe (et d'ailleurs c'est complètement con), le fait que une usine est la propriété de quelqu'un. Encore une fois, c'est vous le démocrate dans tout ça: Vous utilisez l'idée de vengeance (une vengeance qui n'a aucune raison d'exister) (la femme doit avoir le même salaire que l'homme dans toutes les usines - pourquoi? "Eh bien pour rien, car c'est comme ça". Le salaire change avec les individus, Lapinos, pas avec d'autres choses, par entre "les femmes" et "les hommes", entre les individus, point.) propre à la Démocratie, vous faites du "les plus faibles doivent gagner" (remarquez que le discours que vous tenez est le même que tous les bobos parisiens...), vous êtes exactement comme tout les ados, vous êtes...à la mode.

  • "vous serez moins stressé dans votre Paris bourgeois à vous préoccuper du sort des esclaves chinois dont vous n'avez, en réalité, rien à foutre."

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